[Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 décembre i790.j 586 de la laisser faible ou incertaine de sa force : sa force ne pourra jamais être que celle de la loi et de la volonté publique, lorsque, les dépositaires particuliers de la volonté publique et de la loi auront la faculté et l’obligation de la tempérer dans ses excès, ou de l’arrêter dans ses écarts. Voici notre projet de décret; il renferme non seulement les dispositions nouvelles que nous croyons devoir vous proposer, mais encore quelques autres dispositions déjà décrétées, et qu’il nous a paru nécessaire de joindre ici, sou à raison de leur connexité avec ces première?, soit parce qu’elles n’ont pas encore été décrétées constitutionnellement. PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. Les législatures pourront seules régler le mode des contributions, en tixer la somme ou le taux, et répartir entre les déparlements celles dont le montant sera déterminé. Leurs décrets seront présentés à l’acceptation du roi. Art. 2. Les corps administratifs et les municipalités pourront seuls répartir et percevoir les contributions directes; la collecte Immédiate et les recettes particulières ans deniers qui en proviendront seront confiées à des receveurs ou trésoriers élus. Unè ou plusieurs régies seront chargées de la perception des contributions indirectes. Les régisseurs seront nommés par la législature à la lin de chaque session, sur la présentation des administrateurs de la Trésorerie, et ils nommeront leurs préposés. Art. 3. DeS administrateurs généraux, élus par chaque législature après sa dernière session et hors de son sein; un trésorier élu de même et sur la présentation des administrateurs, auront Seuls la garde des deniers provenant des recettes de l’Etat et en seront responsables. Art. 4. Les deniers publics ne sortiront de la trésorerie nationale, que pour être employés immédiatement et à mesure du besoin, aux diverses dépenses qui auront été décrétées par la législature. Art. 5. Un commissaire du roi assisfera aux assemblées des administrateurs de la trésorerie. Il proposera chaque semaine la distribution des fonds votés par l’Assemblée nationale, pour les dépen-es générales. 11 sera entendu dans toutes les délibérations, mais n’y aura que voix consultative; et conformément à ce qui aüra été déterminé dans ces délibérations, il correspondra avec les corps administratifs et régies, et surveillera la rentrée des deniers publics. Fait au comité de l’imposition, le 10 décembre 1790. Signé : Rœderer, la Rochefoucauld, Dauchy, Defermon, d’Allarde, Jarry. M. d’André. Voilà un troisième pouvoir qu’on vous présente, celui des finances. On l’a appuyé sur des motifs très séduisants, et que je ne puis eu ce moment ni adopter ni combattre, parce-qu’it faut le temps de la réflexion. Je demande l’impression du rapport de M. Rœderer, et l'ajournement de la discussion à vendredi prochain. (Celte motion est immédiatement adoptée.) M. Camus. Le comité de l’imposiûon vient de vous proposer une question importante, qui tient à l’organisation du ministère. Je désirerais que ce plan fût communiqué au comité de Constitution, en le chargeant de vous présenter en dix jours un plan sur cette organisation. M. Briois-Beanmetz. J’appuie cette motion d’autant plus fortement qu’il n’y a point d’organisation qui demande plus d’ensemble que celle du ministère. Je demande en outre que le rapport de M. Rœderer soit communiqué dans le jour au comité des finances. (Ces deux motions sont adoptées.) M. Dupont (de Nemours). Quoique je sois du comilé de l’imposition, je ne partage point l’opinion qu’il vient de manifester et j’espère que l’Assemblée ne l’adoptera point. M. Démeunier. Il est impossible au comité du Constitution de faire ce qu’on lui demande d’ici à vendredi, ainsi que cela résulterait de la motion de M. d’André. Je ne crois pas du reste que la partie des finances soit liée à l’organisation du ministère, de façon à ne pouvoir en être distraite. (L’Assemblée ajourne à dix jours le rapport du comité de Constitution sur l’organisation du ministère.) L'ordre du jour est ensuite un second rapport des comités réunis des finances , d'imposition et des domaines sur les apanages. M. Enjubault de La Roche, membre du comité des domaines et rapporteur, dit (1) : Messieurs, vous avez décrété, dans la séance du 13 août dernier, la suppression des apanages réels, mais la loi importante, dont vous avez posé les premières bases, n’a point encore reçu son dernier complément. Vous avez ajourné plusieurs articles essentiels du projet de décret qui vous a été présenté. Vos comités réunis vont les soumettre de nouveau à votre délibération, avec les modifications que des circonstances et des réflexions nouvelles leur ont suggérées; ils vous rappelleront aussi les divers amendements qui en ont été l’occasion; et ils classeront, dans utl ordre convenable, les dispositions additionnelles que vous avez voulu qui vous fassent présentées. La fixation de la rente apanagère, l’entretien de la maison des deux frères du roi, les secours que sollicitent les trois apanagistes, sont les premiers objets sur lesquels nous allons tixer conjointement vos regards. Ils ont entre eux une telle connexité, qu’il nous est impossible de les considérer séparément. Les apanages réels, que vous avez abolis, doivent être remplacés par une rente annuelle. Pour en déterminer la quolité, vos commissaires ont consulté les usages anciens et les titres modernes. Ils vous ont présenté un tableau comparatif de la valeur nominale des espèces avec leur valeur effective aux différentes époques où ils ont cru devoir s’arrêter; ils ont opposé nos mœurs actuelles avec les mœurs anciennes ; ils ont balancé le faste important des derniers siècles, avec le luxe plus délicat de nos temps modernes. C’est, d’après ces différents termes de comparaison que nous vous avons proposé d’élever, à un million de notre monnaie, la rente annuelle qui doit être substituée au produit réellement progressif des domaines concèdes. Des eousidé-(lj Le rapport de M. Enjubault de La Roche est incomplet au Moniteur. [Assemblée nationale. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 dôcembro 1790.] rations postérieures, fondées sur des faits qui nous étaient alors iheonnus, rioüs ont fait penser que cette proposition était susceptible de quelques modifications. VoS commissaires, dans leur premier rapport, n’avaient pas porté leurs vues plus loin ; ils avaient abandonné an comité de, finances le soin d’agiter les questions relathes à i’eütretieii des maisons des deux frères du roi. Vous nous avez imposé l'obligation de faire entrer la solution de ces questions accessoires dans le nouveau plan dont vous attendez le projet. Nous avons tâché de nous mettre en état d’exécuter vos ordres. Pour y procéderavec méthode et en écarter l’arbitraire, nou* avons fait des recherches sur l’origine, la nature et la quotité du traitement accordé aux princes au dessus de leurs apanages; nous avons cherché à nous assurer si ce traitement pécuniaire avait été jusqu’ici d’un usage constan t, s’il y avait entre lui et le produit de l’apanage quelque proportion déterminée, si enfin il existait une échelle qui en réglât la décroissance en raison de la distance qui se trouve entre le trône d’où il émane èt le prince nui l’obtient. Nos découvertes sur tous ces points n’ont pas été extrêmement satisfaisantes. Nous avons reconnu qu’à partir d’époqhes assez reculées, les enfants des rois avaient communément obtenu des traitements ahnüels destinés à soutenir l’éclat de leur rang et la splendeur de leur maison ; que ces traitements d’usage diminuaient successivement dans les degrés inférieurs et fi niFsaieo t par s’anéantir en s’éloignant de leur source ; mais nous n’avons trouvé sur tous ces points aucun Usage constant, aucune règle certaine ; nous avons cru remarquer, au contraire, que rien n’était si variable que l’é-tendile duces sortes de grâces; qu’elle dépendait delà générosité, de la faible;se, de la prodigalité du monarque qüi en était ledispensateur; des services réels ou supposés, de l’adresse ou de l’in— trigtle du prince qui se la faisait accorder, et surtout du grand art de Se faire valoir, qui fait le principal talent des cours; qu’en Un mut, ceS sortes de faveurs avaient toujours été parfaitement subordonnées aux Circonstances. Vos eom tés n’en citeront qu’un exemple choisi dans cette longue suite de princes, qui, depuis les frères de Charles IX jusqu’à nous, ont été plus ou moins largement stipendiés par le Trésor public. En 1626, Gaston de France, qüi jouissait d’ailleürs d’un immense apanage, fit porter son traitement à 660,000 livres : le. marc d’argent était alors à 20 livres 5 sols 4 deniers, et le setier de blé à 9 livrés : ces deux valeurs, rapprochées des valeurs actuelles, élèvent cette somme au-dessüs de 1,700,000 livres. Or, on sait combien, à cette époque, des malheurs de tout genre avaient appauvri l’Etat; mais ou sait aussi combien cette circonstance-là même, mettait ce prince inquiet et turbulent dans le cas de faire la loi. ( Voy . MS de Brienne, 243.) Quant aux deux apanagistes, frères du roi, nous n’avons pas porté nos recherches au delà de leurs mariages. Leurs contrats respectifs promettent, à chacune des deux épouse-, une somme convenable , proportionnée à leur naissance èt à leur rang, pour V entretien de leur état et maison ; et ces déclarations du roi, registréeâ dans P s cours, établissent séparément ces maisons et celles de leurs maris. Des états, qui y sont annexés, déterminent le litre et le nombre des olli-ciérs dont elles seront composées. Les maisons des üèUA princës étaient, pour nos finances, une charge d’éuviroa 2,200,000 livres ; celles des prih-587 cesses coûtaient chacune du moins 1,300,000 livres, c’était une dépense de 7 millions, an lofai : on y ajoutait les cassettes, les étrenu-s, la foire, ce qui s’élevait â plus de 300,000 livres, des événement* particuliers donnaient lieu à des gratifications extraordinaires ; on faisait les frais de l’éducation des enfants/, de sorte que, chaque' année, cesdépensés réunies excêdaien1 8 millions; le fmitéde l’administration des h'annees les porte à 8,300,000 livres, et l’état des dépenses fixes au mois île mai 1789, à 8,240,000 livres. Il est vrai qüe les princes étaient chargés de payer les appointements de leürs officiers domestiques, civils et militaires, et que ces gages représentaient l’intérêt de finances versées au Tré� sor oublie. Ces gages, dont 1* détail serait aussi inutile que fastidieux, étaient très considérables et diminuaient beaucoup les sommes dont les princes pouvaient disposer. An reste, dès le mois de mai de l’année dernière, Monsieur se détermina, de son propre mouvement, à une réduction le 500,000 livres; et bientôt après, VOUS avez réduit ce double traitement à 4,7 00,000 livres, au total, y compris 700,000 livres, pour l’éducation des enfants de M. d’Artois. D’ânrèsces indications on peut admettre, comme un fait certain, que, depuis très longtemps, les fils et les petits-fils de France ont habituellement obtenu des traitements pécuniaires et annuels, distingués de leurs apanages et bornés à la personne à qui ils étaient accordés. Le fils, le frère d’dn roi, placé tout près du trône, devait, d’après nos préjugés, t mir un état de maison qui répondît à ce rang süblime; et le traitement annuel était destiné à lui en fournir les moyens. Dans les générations suivantes, cette pompe d’étiquette diminuait, en s’éloignant de sa source, et elle finissait par être tout à fait retranchée. Le. trait e-ment, suivait la même marche, il s’affaiblissait et S’éteignait avec elle. Ici s’élèvent deux questions importantes : ac-cordera-t-on à l’avenir de nouveaux traitements aux enfants de nos rois? Gonservera-t-on aux frère* du roi réghant une portion au moins de ceux dont ils jouissent, et en faveur desquels ils peuvent alléguer des titres et une sorte de possession ? Sur la première de ces questions, Vus commissaires se sont unanimement déterminés pour la négative ; ils ont soulevé le voile qui couvre à nos yeux le sort des empires ; ils ont envisagé avec un vif transport, avec Un religieux enthousiasme, les suites heureuses de là Constitution que vous avez créée. Le luxe des cours s’est évanoui devant elle. Les enfants des rois seront à l’avenir des citoyens; ils se distingueront par leurs vertus, leur modération, le mépris du faste; un «ludique apanage suffira à leurs besoins; une noble économie préparera des établissements solides à leurs enfants. Le traite nent u’etait fait que pour fournir aux frais d’une vaine étiquette; et l’étiquette ne sera plus. Il ne leur faut point de traitement. Mois nous approchons de ce terme heureux : nous n’y sommes pas encore parvenus. Les deux petits-fils de Louis XV, élevés à la cour fastueuse et prodigue de leur aïeul, n’ont pas appris de bonne heure â mépriser ce luXe séduisant, dont l’éclat a fixé leurs premiers regards; une longue habitude leur a fait des besoins factices; un immense superflu leur est devenu nécessaire. Ils ont, pour réclamer un traitement, des titres revêtus de toutes les formes qui suffisaient alors pour les faire valider et pour les eriger eu loi ; [Assemblée nutiouuie.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [CO décembre 1790.] 588 ils peuvent invoquer des coutumes anciennes et une longue possession; or, la possession et les coutumes ont jusqu’ici consolidé tous nos droits. Deux princesses sont venues d’un pays étranger pour partager leur destinée. La promesse d’une maison brillante a pu les séduire et influer sur leur consentement. Il a donc semblé à votre comité qu’il serait bien rigoureux et même injuste de supprimer tout à fait ce traitement excessif ; mais comme il n’est point déterminé par le titre même, qu’au delà de certaines bornes, il devient une véritable profusion ; il doit être réduit, et vos commissaires vont vous proposer des tempéraments qu’ils ont cru propres à concilier les lois de l’équité , et des convenances avec les principes d’une juste économie. Des défenseurs outrés des intérêts des princes, se sont efforcés, dans un écrit sur les apanages, de les soustraire à cette inévitable réduction. Ils ont poussé le délire jusqu’à soutenir que les dons inconsidérés qu’on leur a faits sont devenus de véritables dettes plus sacrées encore que les dettes ordinaires. Les contrats de leurs mariages sont, si l’on veut les eu croire, des traité-de nation à nation. Ils nous imposent le devoir de continuer ces ruineuses libéralités : des pactes authentiques les ont, disent-ils, consacrés d’une manière irréductible. 11 serait inutile de réfuter devant vous, Messieurs, cet étrange et faible paradoxe ; l’histoire fournit des circonstances singulières où des contrats de mariage ont pu être considérés, sous ce point de vue respectable, et tenir une place di-tinguée dans le code diplomatique. C’est lorsque des alliances politiques, confondant des droits contestés, ont prévenu ou étouffé des guerres, ou bien lorsqu’elles ont facilité des réunions importantes. Le mariage d’Anne de Bretagne avec deux de nos monarqm s, celui de Claude de France avec François Ier, celui même de Marie-Thérèse d’Autriche avec Louis XIV, sont de ce nombre; mais, lorsque Louis XV a marié ses petits-fils avec des princesses de Savoie, les conventions qu’il a rédigées pour cimenter cette double alliance, n’ont été à nos yeux que des actes privés, de simples traités de famille a famille. Le faste qu’il a mis dans la formation de leurs maisons, n’offre à l’Assemblée nationale qu’un sujet de réforme à ajouter à tant d’autres. La même économie qui a atteint la maison du chff suprême de l’Etat ne doit pas épargner celle de simples citoyens. Lorsque, dans la séance du 13 août dernier, nous vous proposâmes de fixer à un million la rente annuelle destinée à remplacer l’apanage, un de vos membres vous proposa de prendre en considération l’embarras actuel des affaires de M. d’Orléans. Il fit valoir son attachement à vos lois nouvelles, sa soumission à vos réformes; il vous fit une peinture touchante et vraie des inquiétudes dont ses créanciers pourraient être agités (1) : il observa que, de tous les rejetons de (1) Il n’est pas inutile de rapporter quelques traits d’une lettre écrite le 22 août, à un membre distingué de cette Assemblée, M.Barrère, par un Anglais créancier d’un des apanagistes : « Croyant que la fortune de M. d’Orléans, dont ses « ancêtres ont joui pendant plusieurs générations, était oc héréditaire dans sa famille, j’ai placé chez lui, quel-« ques mois avant la Révolution, 58,000 livres à rente « viagère. Le décret de l’Assemblce nationale vient de « lui ôter son apanage, et le remplacer par une pension « qui le met dans l’impossibilité de remplir ses enga-« gemenls ; je lui ai prêté mon argent de bonne foi ... . « Il est bien malheureux pour moi qui ai été enthou-la maison royale, la branche d’Orléans était la seule qui ne figurât point sur la liste des grâces : il fit valoir la sagesse, l’intelligence, l’activité de son administration; il compara l’état actuel de ses possessions apanagères à celui des autres biens domaniaux, ses vastes forêts aux autres forêts nationales ; il s’attacha surtout à la forêt d’Orléans, dont le produit, nul en 1668, s’élève aujourd’hui à plus d’un million, progression que n’ont pas suivie les autres forêts ci-devant royales, et dont il a démontré depuis la réalité par des actes non suspects. D’après ces considérations, il conclut à ce que la nation se chargeât de ses dettes héréditaires, qui excèdent deux millions par an, dont 860,000 livres de rente perpétuelle; ou qu’elle prît sur elle la totalité de ses rentes viagères, sans en distinguer l’origine et qui s’élèvent en masse à 2,648,238 livres par an. Ce premier amendement fut suivi d’un autre amendement bien contraire, dont l’objet était de décréter que la rente apanagère, fixée à un million, serait exclusive de tout autre traitement. Sur ces deux amendements opposés, vous ajournâtes l’article, et vous chargeâtes vos comités réunis de vous présenter leurs vues sur ce sujet dans un bref délai. Vos comités se sont rassemblés à plusieurs reprises ; et pour se mettre en état de vous proposer une solution qui embrassât toutes les questions analogues, ils ont requis les administrations de trois apanagistes de fournir un état sommaire de leurs situations respectives. Ces états ont paru. Vos commissaires ont été véritablement effrayés des résultats. Celui de Monsieur présente, en biens propres, près d’un million de revenu ; mais il offre environ 1,200,000 livres de dettes, en comptant les intérêts au denier vingt de tous les capitaux, dont il es! grevé. M. d’Artois, avec un actif d’environ 500,000 iivres de rente, doit au même compte plus de 2 millions par au sans y comprendre les sommes, dont il prétend que l’Etat s’est chargé par l’arrangement de 1783; et M. d’Orléans, riche de près de trois millions de revenu en biens patrimoniaux, ou tenue en engagement, annonce un déficit de plus de 1,900,000 livres que la rente apanagère réduirait à peu près à un million (1), si la première proposition que nous avons faite était adoptée. « siaste de la nouvelle Constitution, et zélé pour la li-« bevté publique, d’êLre exposé à perdre ma fortune « par la Révolution, etc ..... » Signé: Olborne. (1) Un examen sévère a fait reconnaître au comité que, sur le déficit final de 983,452 livres, il y avait des déductions à faire qui le faisaient évanouir en grande partie; en voici l’aperçu : 1° Le produit de la dot de Madame d’Orléans ................................... 235,6431. 2° Les frais de justice dont la nation sera désormais chargée, et les déductions qu’on aura droit de faire sur plusieurs parties de rente, sont un objet d’environ ............ 120,000 3° On doit retrancher l’intcrêt des sommes exigibles, parce que M. d’Orléans a des recouvrements à faire qui sont plus considérables ............................ 148,343 4° Les acquisitions faites par retrait domanial dans l’étendue de l’apanage, et qui resteront à M. d’Orléans à titre d’engagement, produisent plus de .............. ... 200,000 Total à déduire sur le déficit annuel... 703,9861. Ce qui le réduit à environ.. .......... 280,0001. C’est de son administration elle-même qu’on tient les éclaircissements qui établissent cette réduction. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 décembre 1790.] A son état de situation, Monsieur a fait joindre un mémoire, par lequel il demande que : « quel « que soit le traitement qui lui soit accordé au-« dessus de la rente apanagère pour l’entretien « de sa maison et les fonds assurés pour celle de « Madame par son contrat de mariage ; « 1° L’Etat se charge des 673,152 livres de <• rentes viagères dont il est débiteur : 2° qu’ou « le mette en état, dès à présent, de faire ac-« quitter les 2,985,756 livres qu’il doit en objets « exigibles ou remboursables à époques, au delà « de ce qui lui est dû de même nature, et l’ar-« riéré des dépenses de sa maison, montant au-« jourd’hui à 3,800,000 livres : « Ou bien qu’on lui assigne, pendant un cer-« tain nombre d’années, une somme quelconque, « qu’il estime ne pouvoir être moindre d’un « million pour l’acquit de ses dettes. » Votre comité, Messieurs, a sûrement réfléchi sur les demandes des apanagistes et sur les besoins immenses et très réels douL ils ont présenté le tableau, il en a été sensiblement touché; il a plaint l’emnarras de leur position; il a gémi sur Je sort d’une foule de citoyens, trop confiants, qui ont attaché leur fortune à la leur; mais il n’a pu se dissimuler que leurs demandes ne vous étaient pas présentées sous nu point de vue propre à les faire accueillir; en prenant à la lettre ces pétitions irréfléchies, elles sollicitent de vous, Messieurs, ce que vous n’êtes pas en droit d’accorder. Nous sommes les représentants de la uation française. Nous avons été chargés par elle de régénérer sa Constitution, d’extirper les anciens abus, de rétablir l’ordre dans ses finances. Quelle que soit la latitude de nos pouvoirs, elle ne va point jusqu’à nous autoriser à charger la nation de dettes qu’elle n’a pas faites, ni à augmenter les impôts pour en accorder gratuitement le produit à quelques individus; c’est croire à l’impossible, c’est se faire une illusion volontaire que de supposer que le Corps législatif puisse jamais se charger des dettes privées des apanagistes. Si la nation en corps était assemblée, et que la pluralité y consentit, je doute que la minorité qui s’y serait refusée, pût être légalement contraire d’accéder à une pareille résolution. Le corps social n’oblige ses membres que dans ce qui tient essentiellement à l’intérêt commun ; il ne peut toucher aux propriétés dans les choses qui lui sont étrangères. Mais si l’Assemblée nationale ne peut disposer sans nécessité de la moindre partie de la fortune des citoyens; si elle ne peut appliquer aucune portion des revenus publics à d’autres usages qu’aux dépenses publiques, elle peut, elle doit même user de quelque condescendance dans la réforme des abus qu’elle a trouvés subsistants. Après avoir découvert l’étendue du mal, elle doit tempérer la violencedes remèdes qu’elle applique. Un sage médecin retarde quelquefois la guérison de son malade pour la rendre plus certaine. Une cure trop hâtive a souvent des suites plus funestes que la maladie même qu’elle combat. Au lieu de supprimer tout d’un coup les traitements et les apanages , l’Assemblée nationale pouvait se contenter de décréter le principe, et ne retirer que successivement les domaines et les rentes annuelles dont ils étaient formés; et aujourd’hui qu’elle s’occupe de fixer la rente qui doit les remplacer, elle a incontestablement le droit de donner à cette rente une proportion certaine avec les revenus supprimés, et d’ordonner qu’elle décroîtra graduellement jusqu'à ne qu’elle ait atteint, par des réductions succes-589 sives, un dernier terme qu’elle peut déterminer dans sa sagesse. Celte progression rapidement décroissante, qui rendra, chaque année, le fardeau plus léger, se concilie parfaitement ayec la situation connue des apanagistes; parce que les extinctions progressives des rentes viagères dont ils sont débiteurs, et les économies graduelles que le temps leur rendra faciles, couvriront le vide que causera, dans leur recette, la dégradation successive que nous allons-vous proposer. En usant de cette condescendance, vous sauverez les principes; vous tirerez d’uue perplexité cruelle une, fouie de citoyens honnêtes, et vous maintiendrez l’honneur français. Nous ne devons pas vous le dissimuler, Messieurs : pour les sociétés politiques comme pour les individus, il est encore des devoirs au delà de ceux qu’une justice rigoureuse impose. Les administrateurs les plus sévères ne doivent être économes qu’avec dé -ence, et, dans l’austérité de leurs réformes, ils doivent sacrifier aux convenances, et respecter toujours la dignité de la nation. Je ne sai-, si d'anciens préjugés n’ont point fait illusion à vos commissaires; mais ils ont pensé qu’aucun de vous n’émettait de sang-froid un vœu qui livrerait le sang de ses rois, a toutes les humiliations que subit un débiteur dont la solvabilité devient douteuse. Que la nation vienne donc au secours des apanagistes, non en se chargeant d’uue masse énorme de dettes qu’elle n’a pas contractées, mais en adoucissant pour eux, en leur graduant, en quelque sorte, le passage d’une opulence excessive à cette aisance simple et noble qui convient seule à un pays libre. Qu’on ne nous reproche pas d’abuser des mots et de leur sacrifier les choses. Si vous adoptez le plan proposé, vous opérerez réellement par degrés, pour éviter les secousses : et vous atteindrez, par une marche lente, mais sûre, à un point de perfection où il serait daugereux et peut-être injuste de vouloir arriver sans passer pur les points intermédiaires. C’est cette méthode, prudente et réservée que vous avez suivie en retirant des mains du clergé les biens nationaux. Les bénéficiers dont vous avez conservé le titre, les métropolitains, les évêques, quelques curés même avaient, comme les apanagistes, des revenus trop considérables: vous les avez réduits; vous avez lixé la rétribution qui serait accordée à l’avenir à leurs successeurs, mais vous n’avez pas soumis à toute l’austérité de cette nouvelle réforme les possesseurs actuels; vous leur avez laissé quelques restes de leur ancienne opulence; vous n’avez voulu faire que successivement et par degrés ce que vous pouviez exécuter dans un instant, afin d’éviter les inconvénients toujours attachés à une reforme trop prompte et trop subite. Votre comité, en admirant la sagesse de ces mesures, a pensé que les eofants de vos rois pouvaient mériter les mêmes ménagements. Vos commissaires, guidés par cet esprit d’économie qui vous anime, n’ont pas meme dessein de vous engager à une condescendance purement gratuite. Les apanagistes, dont vous allez régler le sort, ont fait, sur les domaines qui leur étaient confiés, des dépenses considérables, et qui tourneront au profit de la nation. M. d’Artois a construit une forge et des usines d’un grand produit. La branche d’Orléans a fait, à grands frais, des terriers auxquels on doit la conservation des droits réels et mixtes attachés à sa superbe possession. Elle a bâti deux maisons, l’uue à Orléans, l’autre à Soissons, pour y déposer ses archives. Elle a aménagé et réformé ses forêts avec uu soin 590 [Assemblée nationale.] ARÇflIVES PARLEMENTAIRES, [20 décembre J79p,j et des succès incroyables. Elle a fait construire des routes et des rhus de flottage. Les trois maisons ont laissé arriérer des coupes de bois dont elles avaient espoir de profiter. Il a semblé juste à vos commissaires qu’une renonciation expresse des apanagistes à tous ces droits, à toutes ces indemnités, à toutes ces prétentions, quelle que soit leur valeur ; un abandon dp toutes ces annexes, fut le prix de la condescendance à laquelle ils vous invitent. Nous vous proposons, Messieurs, de conserver aux deux frères de notre monarque uu traitement annuel pour l’entretien de leurs maisqns ; mais ce traitement, que nous croyons devoir maintenir, en le renfermant dans de justes borrp'S, est attaché à la personne, il s’évanouit avec elle ; ses enfants n’y sont point appelés, sa veuve n’v a aucun droit. Cette réflexion n’est point échappée à la tendre prévoyance de Mo sieur : il a envisagé de sang-froid le moment fatal qui pourrait l’enlever à une épouse qu’il chérit; il en a calculé philosophiquement les suites, et il a ressenti de vives inquiétudes en voyant Madame réduite à une dot de 500,000 liyres, et à pu douaire viager de 60,000 livres. Hâtons-nous, Messieurs, de le rassurer sur un point si cher à son cœnp; la veuve d’un citoyen du sang des rois doit conserver une partie de l’éclat de la maison où elle est entrée. Votre comité, par ces considérations, vous proposera un article dont l’objet sera de conserver aux veuves des fils de France )a moitié du traitement dont jouissait le mari, tant qu’elles habiteront le royaume et qu’elles resteront en viduité. L’apanage était, depuis longtemps, considéré comme indivisible. Destiné, pap son insLitqtion, à remplacer la portion légilimaire, que le drpit naturel, modifié par fes lois civiles, défère aux enfants dans l’hérédité paternelle, il n’en était pas moins soustrait à la loi du partage. L’aîné des enfants du second degré l’absorbait tout entier. Cette disposition barbare, puisée dans la source impure de la féodalité, était maintenue, par les cours, comme une image ne la succession au trône, et l’article 7 du décret qui vous a été proposé était calqué d’après elle. Cm des apetna-gisies que votre décret a frappés, en se pliant à ses dispositions, a demandé, pour tout adoucissement que cette loi fût changée, et que tous ses enfants i artageassent egalement, sans distinction d’âge ni de sexe, la rente apanagère qui leur serait accordée. Votre comité eût aisément saentié les maximes anciennes à ce vœu si naturel, s’il eût été borné aux mâles : sous cette restriction, il se concilierait aisément avec la loi de la réversibilité ; mais celte loi, plus sage encore que rigoureuse, serait détruite, si tes filles étaient appeléesau partage; l’Etat se trouverait chargé de rentes perpétuelles, et l’apanage serait absulnipent dénaturé. Il vous proposera donc de maintenir encore l’exclusion des filles; mais l'appel de tous les mâles s accorde parfaitement avec f’es-pril général de l’Assemblée; il est conformé aux principes d’égalité qu’elle a admis ef qu elle se dispose d’éteuure encore en matière dé successions. La division de l’apanage, entre les différents rameaux de la même branche, peut même s’appuyer sur des faiis historiques, ainsi que nous l’avons observé dans un procèdent rapport ; et l’ordonnance ne 1566, cette source antique de nos lois domaniales, n’a aucune disposition qui y soit contraire. On a objecté que cette division pourrait devenir préjudiable à la nation, si la couronne passait en ligne collatérale; car alors l’aîné de la branche appelée à succéder ne réunirait à la couronne que la portion delà rente apanagère qui reposait sur sa tète, tandis que, dans f’ord.re actuel, la réunion se serait étendue à la totalité de la rente. Cette objection ne semble pas devoir influer beaucoup sur la délibération que yousaUez prendre. b’aîpé de Chaque brapebé, en recueillant la totalité de l’apanage, doit les aliments à ses puînés : s’il parvient au trône, son élévation ne le libère pas d’une obligation que la nature elle-même lui impose. Ses puînés pourraient même, dans une grande proximité cfe degrés, obtenir de nouvelles rentes apapegères, qqi seraient cer-s tainement plus fortes que la portion qu’ils conserveraient dans le nouveau système que nous vous proposons de consacrer, Le droit de primqgéniiûre est pn usage plus absurde encore que cruel. Ce fruit corrompu de l’arbre féodal doit périr avec lui. Il u’est qu’une seule succession qui soit invisible par elle-même, c’est la succession au trône. Les biens de chaque citoyen doivent se partager entre tous ceux à qui il a donné la vie et communiqué ses besoins. La naipre fe commande et la saine politique l’exige. Les enfants des rois pourront, jl est yrai, se vpir réduits à des portons infiniment petites de la première concession; mais ces portions subdivisées vaudront mieux encore qu’une privation absolue, et le partage égal introduit dans t mies les classes, sans distinction, est le moyen le plus sur de rappeler parmi pqus l égalité primitive qui fait un des principaux objets d’une saine Constitution. L’article 13 dû décret proposé excepte le Palais-Royal et le Luxembourg de la révocation d’apanage prononcé par ('article 2. Çes deux habitations sqpt, il est vrai, dans la classe des apanages réels, et la nation aurait Jps mémos droits pour en révoquer la concession; mais yos comités réuuis opt considéré que pour des citoyens de ta classe de ceux dont nous discutons les intérêts, des domaines ordinaires, des terres, des forêts, et en général de simples biens ruraux n’qnt de valeur qne parles sommes qn’ils eu retirent, fi leur importe peu que le numéraire qui en tre dans leur caisse provienne d!une ferme, n’iuu loyer ou d’uu sqnple tra tement pécuniaire, fl n’en est pas de même des maisons qu’ijs habitent : c’est pour eux une véritable jouissance vraiment individuelle: ils s'y attachent par rhabjtpde, par les commodités joprnalières qu’ils s’y procurent, par les dépenses même qu’ils y tont: il serait dur de les leur anacher; il serait indécent de les réduire à payer des loyers. L’Assemhlee nationale g désiré connaître en détail les turesauxquelsMonsieur jouit du Luxembourg ; nous allons répéter ici tes éclaircissements qu’a déjà fournis le comité des domftîues dans ses observations imprimées. Par édit du mois de décembre 1778, le roi a cédé à Monsieur, par augmentation d’apanage, le palais du Luxembourg, avec stipulation que, dans le cas où il viendrait à décéder sans entants mâles, avant Madame, cette princesse continuerait d’en jouir pendant sa vie pour son habitation. Le prince a été chargé des réparations à faire an palais, jusqu’à concurrence de la somme de 1,200,000 livres, et il a été convenu qu’en cas de réunion à la couronne, il ne serait remboursé aux heritiers que l’excédant de cette somme, en justiljaut par > u* que les formalités prescrites, pour ea constater remploi, auraient étéremplies. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 décembre 1790.) Le même édit contient une réserve, faite par le roi, d’une partie du jardin du Luxembourg, pour i’accenser à son profit; mais par lettres patentes du mois de mars 1779, le roi a cédé à Monsieur tous les terrains réserves, pour en jouir par lui en toute propriété, sous la dénomination du fief de Monsieur, à la charge de payer au domaine une redevance féodale de deux paires d’éperoqs d’or évalués à 5,726 liv. 10 sols. Ainsi, Monsieur jouit du palais du Luxembourg et de la partie du jardin, qui n’a pas été accensée à titre d’apanage réversibleà défauts d’hoires mâles, et il possède le surplus à titre d’iplêodation. Vos comités réunis vous doivent, Messieurs, des éclaircissements d'un autre genre et plus développés encore sur l’article du Palais-Royal j ils sont obligés d’entrer ici dans des détails dopt ia suite vous fera sentir la nécessité. Un ministre fameux, encensé de son vivant, loué encore après sa mort, mais qu’une saine philosophie mettra bientôt dans sa vraie place, jeta, en 1629, les fondements du Palais-Royal, il ne fut achevé qu’en 1636 ; et le 17 mars de la même année, le cardinal de Richelieu donna, a tjtre de rente à Louis le Rarbier, quarante-deux places à bâtir au pourtour du jardin de son hôtel, moyennant 250 livres par chaque place, faisant en tour 10,500 toises. Le 26 juin suivant, le cardinal lit don entre-vils à Louis XIII, de l'hôtel de Richelieu; il s’en retint la jouissance pendant sa vie, et il réserva à ses successeurs, ducs de Rich lieu, les rentes de bail d héritage dont on vient de parlpr ; 1 stipula encore que cet hôtel demeurerait à jama’s inaliénable à la couronne, sans même pouvoir être donné à aucun prince, pour y loger sa vie durant ou à temps; l'intention du cardinal étant qu'il ne servît que pour le logement de Sa Majesté ou de l'héritier de la couronne seulement et non d'autre. Le cardinal réserva encore en faveur de ses successeurs, ducs de Richelieu, la place de capitaine, concierge dudit hôtel, avec un logement convenable au service qu’elle exigeait; un terrain situé à Taile gauche de la grande cour lut destiné à la construction de ce logement, qui n’existait pas encore. Ce projet est textuellement annoncé dans le testament de ce ministre, daté de Narbonne, le 23 mai 1642; il confirma par ce dernier acte, la donation faite au roi du Palais-Cardinal, et il légua à Armand de Vignerot, son petit-neveu, l’hôtel de Richelieu que j’ai, dit-il, ordonné < t veux être bâti, joignant le Palais-Cardinal, avec charge de substitution, etc. Après la mort du testateur, qui suivit de près l’énonciation de ses volumes suprêmes, Louis XIII prit possession du Palais-Cardinal. Ce prince mourut au mois de mai 1643, et la reine régente vint l’habiter le 5 octobre suivant, avec Louis XIV et le duc d’Anjou, depuis duc d’Orléans, auteur de la branche actuelle. Au mois d’octobre 1652, Louis XIV quitta le Palais-Royal pour habiter le Louvre; et le duc d’Anjou alla occuper aux Tuileries l’appartement que le roi venait d’ôter à M"e de Montpensier. Alors le Palais-Royal fut cédé à la reine d’An-glelerre, qui le garda jusqu’en 1661. A cette époque Monsieur, d c d’Urléans, prit possession du Palais-Royal, avec Mme Henriette d’Angleterre qu’il venait d’épouser. On ignore à quel tjtre Monsieur a joui du Palais-Royal jusqu’en 1692, qu’il le reçut du roi à titre d’apanage, Les lettres de concession lui 591 donnent pouvoir d’y faire telles augmentations et améliorations que bon lui sembjprq, dq pn� desquelles, en cas de réunion, ses Répitiers seraient remboijrsés. Le cardinal avait laissé, en mourant, popr plus de 6,000,000 livres de dettes : ses biens fqpept saisis; et, maigre la .substitution portée par son te-tament, Armand-Jean Duplessisj'duc de Richelieu, autorisé par arrêt du 14 février 1660, vendit l’emplacement destiné à bâtir l’hôtel dé Richelieu, dont il est parle dans Je testaient ()u cardinal. Cette vente fut faite, moyennant 120,000 livres, à truis particuliers, apx droits desquels le roi se subrogea. Ce prince avait déjà fait, depuis la mort du cardinal, deux autres réunions au palais : la première, en 1643, de l’hôtel d’Rstrées, payé 90,000 livres; la seconde, en 1647, de 53 toises de terrain, acquises moyennant 14,593 livres. L’héritier du cardinal, poqr satisfaire aux dettes de son oncle, vendit encore, malgré la substitution dont if étajt grevé, plusieurs autres terrains qui n’étaient pas compris dans ta donation faite au roi, ainsi que les rentes de bail d’héritage, créées par le cardinal, ep aliénant les terrains du pourtour du jardin ; mais il négligea cette fois de s’y faire ap priser par arrêt dp parlement. C’est cette négligence des formes qui a donné lieu au fameux prpcès, intenté en 1736, plus de 80 ans après, par le maréchal de Richelieu, contre les proprietaires des maisons bâties sur lg fer-r ratn aliéné. L’objet de |a contestation, à laquelle le publie prit beaucoup d’intérêt, était de faire annuler ces anciennes ventes : elle a dupé 19 ans, t n’a été terminée que par l’arrêt célèbre du 28 août 1755, qui a débouté le maréchal de se§ prétentions, dopt le succès aurait été funeste à Dieu des familles. Cette demande en nullité était, comme l’on voit, absolument étrangère à la clause insérée dans la donation de 1636; |a question qu’elle pouvait faire naître n’y fut point agitée, et on ne voit aucune trace de réclamation, de la part des héritiers) du cardinal. Mais cetie stipulation prohibitive peut-elle influer sur la concession faite à la branche d’Orléans, à titre d’apanage, de la partie du Palais-Royal comprise dans la donation? Peut-on se fonder sur cette clause, presque oubliée, pour attaquer aujourd’hui la validité de la concession? Ne perdons pas de vue que la difficulté ne peut tomber que sur une portion de ce superbe édifice; le surplus, acquis à titre onéreux et moyennant finance, ne peut être soumis à aucune prohibition conventionneil . Pour uopner sur cette question une solution abrégée, il faut considérer que toute aliénation, tout contrat translatif de propriétés, ou même d’usufruit, s’opère entre les parties contractâmes pur le seul consentement, et se consomme par la tradition. Si un tiers a des droits à récla-r mer pour l’objet aliéné, l’acte n’en subsiste pas moins entre elles, tant que ce tiers garde le silence; lui seul a droit d’a'taquer une transaction qui ne préjudicie qu’à lui ; lut seul a qualité pour le faire; tant qu'il demeure dans l’inaction, Tac-; qnéreur ou concessionuaire jouit et gagne jes fruits sans restitution; et si sa jouissance est paisible, pendant le temps déterminé par la loi, la prescription purge le vice du titre, et elle le met hors d atteinte; ces principes s’appliquent aisément à la questiou proposée; et vos comr missaires croient devoir s’y renfermer, pour ne pas faire dégénérer leur rapport en une discussion purement polémique. 92 [Assemblée nationale.) Ils observeront néanmoins encore, en se bornant aux faits, que tout annonce une renonciation au moins tacite, de la part des héritiers du cardinal, à cette prétention incertaine et surannée ; car l’une des clauses de l’acte de 1636, intimement liée avec celle dont il s’agit, réservait à l’aîné l’emploi de capitaine-concierge, avec un logement attenant au palais; et loin ce s’être maintenus dans l’exercice de cet office, ils ont aliéné le logement qu’ils devaient habiter, lorsqu’ils en rempliraient les fonctions On ne se permettra ici aucunes réflexions sur les motifs secrets de cette donation, ni sur la vanité puérile d’un citoyen qui veut qu’après lui sa maison ne puisse être habitée que par un monarque. Ses héritiers trop sages et trop éclairés, pour réclamer sérieusement l’exécution d’une pareille clause, se trouvent assez honorés de la destination actuelle de cette somptueuse habitation. L’héritier présomptif de la couronne, appelé à occuper le palais au défaut du roi, semblait encore avoir quelque motif au moins spécieux d’attaquer la concession , mais, depuis qu’elle subsiste, et qu’elle s’exécute, six à sept princes ont été successivement héritiers présomptifs de la couronne, et aucuns n’ont réclamé, ni personne en leur nom. Il eût même été facile de repousser l’effet de leur réclamation, sans en approfondir la validité. Le fils ou le petit-fils aîné du monarque régnant, peut seul jouir des prérogatives attachées au titre d’héritier présomptif; or, on ne peut reconnaître en sa personne aucuns droits, aucuns intérêts séparés de ceux de la nation et de son chef suprême. D’après cette digression, sur une question litigieuse qu’il était indispensable de développer, reprenons la suite des faits. Jusqu’ici, nous n’avons vu dans cette superbe possession qu’un objet domanial essentiellement réversible à la masse des biens nationaux; il se présente ici un nouvel ordre de choses ; on va essayer d’en changer la nature, et d’en faire passer une partie dans le commerce. Au mois d’août 1784, M. d’Orléans, alors duc de Chartres, représenta au roi qu’aux droits de M. le duc d’Orléans, son père, il possédait, à titre d’apanage, le Palais-Royal et le jardin qui en fait partie; qu’il avait pensé que ce jardin serait plus agréable et plus commode, s’il était environné des trois côtés parallèles aux rues des Bons-Enfants, Neuve-des-Petils-Champs et de Richelieu, de galeries couvertes, pratiquées dans des maisons uniformes, ornées de pilastres et autres décorations d’architecture, analogues à la façade, commencée sur le même jardin parallèlement à la rue St-Houoré, pour perfectionner, agrandir et améliorer ledit palais , suivant les plans géométriques et d’élévation du sieur Louis, architecte; qu’il l’avait même déjà exécuté en grande partie, au muyen des avances qu’il s’était procurées; que le moyen d’achever ce projet serait de pouvoir se rembourser de cette avance, en accensant le sol desdites maisons, sur les trois côtés ci-dessus, et celui du passage nécessaire à leur service, à raison de 2U sols par chaque toise de redevance annuelle dans la directe dudit apanage; et en cas d’extinction, en celle des domaines, emportant lods et ventes le cas échéant, conformément à la coutume de Paris, la charge de réserver audit apanage, les galeries du circuit dudit jardin, auquel serait imposé la servitude de donner seulement le passage, les rues et les entrées à ceux qui deviendraient propriétaires desdites maisons, à condition, 1° par les censitaires do rembourser le prix desdites construction:' a ceux [20 décembre 1790.J qui les auraient avancées ; 2° d’entretenir à perpétuité, même de reconstruire lesdits bâtiments, en cas de besoin dans le même état, forme, solidité, dimensions et décorations ; 3° qu’au moyen desdits accen§ements, les augmentations et améliorations qui résulteraient desdites constructions, sur les terrains parallèles aux trois rues ci-dessus énoncées, ne seraient point répétées, soit contre les princes apanages, de la part de leurs cohériers, soit contre le domaine, en cas de réversion dudit apanage : que l’accensement, daus les grande villes, de terrains, ne produisant aucun revenu, ou qui ne sont quede simpleagrément, bien prohibé par les lois domaniales, est au contraire autorisé par elles, lorsqu’il est fait à la charge d’y construire et d’y entretenir des bâtiments qui améliorent le sol, le rende plus productif pour le domaine, par le cens annuel qui y est imposé et par les droits seigneuriaux aux mutations, surtout dans une ville telle que Paris, où elles se succèdent rapidement, et procurent d’ailleurs des droits de tout genre aux iinances : que les exemples en sont fréquents, et se prouvent par l’accensement entre autres du terrain de la place Dauphine, qui formait l’ancie� jardin du palais des rois, fait par He ri IV; de celui du palais des Tournelles, fait par Charles IX; et celui de l’hôtel Saiut-Pol, fait par François Ier; en conséquence, M. d’Orléans fut autorisé à acceriser les terrains en question, contenant en tout 3,500 toises pour être possédés par les censitaires en toute propriété libre et disponible dans la directe de l’apanage, moyennant un cens annuel de 20 sols tournois, emportans lods et ventes, et aux autres clauses, charges et conditions énoncées dans l’exposé dont uous venons de vous rendre compte. Ces lettres patentes ont été enregistrées en parlement le 26 du même mois, sans aucune modification ; en conséquence, M. d’Orléans a accensé à differents particuliers 2,144 toises de terrain, au prix de 20 sols la to�e, et il s’est conformé, dans les contrats d’aliénation, à toutes les dispositions de ces lettres patentes. L’article 15 du projet de décret, qui vous fut présenté le 13 août dernier, par vos comités réunis, avait, pour objet, de déclarer engagement et de soumettre à un perpétuel rachat, toutes les acquisitions faites par les apanagistes, par retrait féodal ou censuel, confiscation, déshérence ou bâtardise, ou même à titre de réunion au domaine, moyennant fmaoce. Un jurisconsulte célèbre, aux lumières duquel vos commissaires seront toujours empressés de déférer, proposa de borner la disposition de cet article aux domaines retirés par retrait domanial, et cet amendement fut adopté. Vos comités applaudissent à cette réforme ; mais ils croient que l’article, tel qu’il est conçu, laisserait de grandes questions indécises, et qu’il pourrait donner lieu à des recherches qu’il est de la sagesse du législateur de prévenir. En général, ceux qui ont écrit sur cette matière ne s’accordent pas entre eux sur la question de savoir si les terres acquises par l’apanagiste, à raison de la justice ou de la féodalité, lui appartiennent ou non à titre incommutable. Le Febvre de la Planche , dans son Traité du domaine (Livre Xll, chap. 3), est, en général, favorable à l’apanagé qu’il assimile au propriétaire, quoique d’une propriété réversible. Son annotateur paraît d’avis contraire. Il dit que la difficulté sur ces sortes de questions unît du sens équivoque du mot fructus, qui signifie en môme temps l’objet de la jouissance de celui qui a ARCHIVES i’ARLEMEMAlRESù o9b [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENT AIRES. p20 décembre 1790.] droit iilendi, fruendi, et les fruits que la nature produit, qui se consomment par le premier usage. G' s sortes d’obventions (la commise, la cotisation, etc.) sont in fructu , c’est-à-dire qu’étant au nombre des productions de l’héritage, et tes en suivent le sort par rapport à l'usufruit, comme par rapport à la propriété Bien loin de se consommer par l’usage, elles se joignent à la substance de la chose, par une espèce d’alluvion ou de retour au premier état; elles en font donc partie, et n’ont par conséquent d’autre sort que celui de la chose, quant à l’usufruit, comme quant à la propriété, sauf à l’usufruitier, son indemnité, à raison de ce qu’il peut avoir déboursé; il l'aut donc, ajoute-t-il, subdiviser les fruits civils en deux classes : Tune des obventions extraordinaires qui résultent de la nature de la chose et ne se consomment pas par l’usage, mais à titre d’accroissement, augmentent la substance de la chose : l’autre des obventions ordinaires qui imitent les fruits de la nature, et comme eux se produisent et se reproduisent et se consomment par l’usage; avec cette subdivision, on aura la clef de la matière. Constant dans son système, et le suivant dans tous ses développements, le même auteur dit encore, en parlant du reirait féodal, que i’apa-nagiste qui l’exerce peut déclarer qu’il est dans l’intention de concéder de nouveau le fief qu’il retire, qui, par conséquent, ne s’unira point au corps féodal ; qu’il peut se le concéder à lui-même et le tenir comme séparé; mais que, s’il n’a point mis ces explications, le fief retiré, suivant le droit commun, sera uni et incorporé; et que lors de l’extinction de l’apanage, il y aura, dans la succession de l'apanagé, à la place du fief, une action pour le remboursement de ce qui a été déboursé par le retrait féodal, comme dans le cas du retrait lignager. Yos commissaires, Messieurs, n’ont point dessein d’élever des doutes sur une question que vous avez résolue d’une manière implicite, en adoptant la rédaction proposée, lors de la première discussion ; ils pensent comme M. Tronchet, qu’il est très juste de ne soumettre à fa loi du rachat, que les domaines engagés, dont les apanagistes auraient exercé le retrait domanial; ruais ils croient prudent de l’énoncer d’une manière expresse, afin que les autorités et les exemples que l’on pourrait citer, au contraire, ne puissent faire naître à l’avenir aucune contestation. PROJET DE DÉCRET en sa totalité (1). L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comité des domaines, des finances et des impositions, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er, décrété. 11 ne sera concédé à l’avenir aucuns apanages réels; les fils puînés de France seront éleves et entretenus aux dépens delà liste civile, jusqu’à ce qu’ils se marient, ou qu’ils aient atteint l’âge de 25 ans accomplis; alors il leur sera assigné sur le Trésor national des rentes apanage, es, dont la quotité sera déterminée, (1) Les articles 1, 2, 3, 4, 5, 10 (ancien art. 9), 15 (ancien art. 10), 16 (ancien art. Il), 17 (ancien art. 12), ont élé adoptés dans la séance du 13 août 1790. — Voyez Archives parlementaires, t. XVIII, p. 38 etsuiv. lr9 Série. T. XXL à chaque époque, par la législature en activité. Art. 2, décrété. Toutes concessions d’apanage antérieures à ce jour sont et demeurent révoquées par le présent décret; défenses sout faites aux apanagistes, à leurs officiers, agents ou régisseurs de se maint, nir ou commuer de s’immiscer dans la jouissance des biens et droits compris auxdi-tes concessions, au delà des termes qui vont être fixés par les articles suivants. Art. 3, décrété. La présente révocation aura son effet à l’instant même de la publication du présent décret, pour tous les droits ci-devant dits régaliens, ou qui participent de la nature de l’impôt, comme droits d’aides et autres y joints, contrôle, insinuation, centième denier, droits de nomination et de casualné des offices, amendes, confiscations, greffes et sceaux, et tous autres droits semblables, dont les commissionnaires jouissent à litres d’apanage, d’engagement, d’abonnement ou de concession gratuite, sur quelques objets ou territoires qui les exercent. Art. 4, décrété. Les droits unies, mentionnés dans l’article précédent, seront à l’instant même réunis aux finances nationales; et dès lors ils seront administrés, régis et perçus, selon leur nature, par les commis-agents et préposés des compagnies établies par l’administration actuelle, dan» la même forme et à la charge de la même comptabilité, que ceux dont la perception, régie et administration leur est actuellement confiée. Art. 5, décrété. Les apanagistes continueront de jouir des domaines et des droits fonciers, compris dans leurs apanages, jusqu’au mois dejanvier 1791 ; ils pourront même faire couper et exploiter à leur profit, dans les délais ordinaires, les coupes de bois qui doivent être coupées et exploitées dans le cours de l’hiver prochain, ainsi qu’ils auraient fait, si le présent décret n’était pas intervenu, en se conformant par eux aux procès-verbaux d’aménagement, et aux ordonnances et règlements intervenus sur le fait des eaux et forêts. Art. 6. Il sera payé tous les ans, à partir du mois de janvier prochain, par le Trésor national, à chacun des trois apanagistes, dont les apanages réels sont supprimés, à titre de remplacement, une rente apanagère d’un million pour chacun d’eux. Art. 7. Après le décès des apanagistes, les rentes apanagères, créées par le présent décret ou en vertu d’iceiui, seront divisées par portions égales entre tous leurs enfants mâles, sans aucun droit de primogéniture, à l’exclusion des filles et de leur représentation : ms rentes leur seront transmises, quittes de toutes charges, dettes ethypo-Itbèques autres que le douaire viager dû aux veuves de leurs prédécesseurs, auquel ces rentes pourront être affectées, jusqu’à concurrence de la moitié d’icelles, et la même division et sous-division aura lieu aux mêmes conditions, dans tous les degrés et dans toutes les branches de la ligne masculine, issue du premier concessionnaire, jusqu’à sou extinction. Art. 8. En cas de défaillance d’une ou de plusieurs branches masculines delà ligne apanagée, la portion de la rente apanagère dévolue à cette branche, passera à la branche ou aux branches masculines, les plus prochaines ou en parité de degré, selon l’ordre des successions qui sera lors observé. i Art. 9. A l’extinction de la postérité masculine i du premier concessionnaire, la rente apanagère | sera éteinte au profit du Trésor national, sans autre affectation que de la moitié d’icelle au 38