[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [19 novembre 1790. j 536 à faire des envois de fonds en papier-monnaie. Je demande que les comités des finances et de commerce présentent incessamment un projet de décret pour procurer la circulation des assignats par la voie de la poste, avec le plus de sûreté et au moindre prix qu’il sera possible. M. Gillet-I�ajacquemlnlèpc. Vos comités se préoccupent de la motion qui vit nt d’être faite et vous soumettront sous peu un projet de décret sur cet objet. M. le Président rend compte d’une insurrection qui a eu lieu le jour d’hier à l’Hôpital général et présente une adresse et un mémoire pour cet hôpital et pour celui des Enfants trouvés (Voy. ce mémoire annexé à la séance de ce -jour, p. 359). (L’Assemblée renvoie ces pièces au comité de mendicité.) M. le Président donne ensuite lecture d’une lettre du conseil du département des Hautes-Alpes au sujet de l'affaire de Belfort. L’Assemblée en ordonne l’impression et l’insertion au procès-verbal ainsi qu’il suit : « Monsieur le Président, le conseil général du département des Hautes-Alpes, indigné de la scène scandaleuse qui a été donnée à Belfort, le 21 du mois dernier, par des officiers et des soldats de Royal-Liégeois et de Lauzun, et, craignant la contagion d’un exemple si pernicieux, désire ardemment d’en voir punir les coupables auteurs. « La clémence est quelquefois une vertu ; mais elle devient un crime, lorsqu’elle est dangereuse, et qu’elle peut compromettre la sûreté de l’Empire et le salut du peuple. « C’est l’impunité des ennemis du bien public qui les enhardit, qui les porte à ces funestes machinations, à ces complots désastreux qui ont mis plus d’une fois la patrie en danger. Veuillez, Monsieur le Président, faire part à l’Assemblée nationale de nos vœux pour la punition des coupables. « Daignez aussi employer vos bons offices auprès d’elle pour accélérer l’organisation des gardes nationales, et procurer des armes à celles de notre département qui en sont dépourvues et qui vous demandent cette grâce par notre ministère. « La réclamation de ces guerriers citoyens mérite d’autant mieux d’être accueillie, qu’animés du feu sacré du patriotisme, ils ne désirent d’être armés que pour maintenir la tranquillité publique, pour défendre nos frontières, qu’un moment de négligence peut livrer aux ennemis de l’Etat, et pour soutenir cette magnifique Constitution qui fait le bonheur de la France et la gloire de ses illustres représentants. « Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs, « Les administrateurs du conseil du départent. ment des Hautes-Alpes. « Signé : FAURE, président. « Biane, secrétaire. » M. Gossin, rapporteur du comité de Constitution , propose un projet de décret pour la nomination de juges et l' établissement de tribunaux de commerce. Il est adopté, sans discussion, en ces termes : <• L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des directoires des départements du Nord, des Bouches-du-Rhône, de la Seine-Inférieure, du Loir, du Cher et du Tarn, décrète ce qui suit : « Il sera nommé : 1° un sixième juge pour les tribunaux des districts de Lille et de Marseille; 2° huit juges de paix pour cette dernière ville et son canton, lesquels auront pour ressort chacun trois sections dans le nombre des vingt-quatre, dont le canton est formé, sauf à augmenter le nombre desdits juges et même à le porter jusqu’à douze, si le bien du service l’exige; 3° un juge de paix pour la ville de Montoir et son canton ; 4° il sera établi un tribunal de commerce pour chacun des districts de Lisieux, Caudebec et Castres, lesquels siégeront dans les villes chefs-lieux de ces districts, à l’exception de celui de Caudebec, qui sera séaot à Yvetol. » M. le Président. Le rapporteur du comité ecclésiastique a la parole pour un rapport sur le choix des curés qui gouverneront les églises paroissiales nouvellement formées. M. Ijanjuinais, rapporteur. Messieurs, en cas de suppression de plusieurs paroisses et de leur réunion à une autre église qu’une cathédrale, se fera-t-il une élection de curé pour la paroisse nouvellement formée? S’il y a une élection, les curés des églises supprimées seront-ils seuls éligibles? Telle est la question que votre comité ecclésiastique soumet à votre discussion. Les uns disent: « 11 n’v aura point d’élection, et le curé de la nouvelle” paroisse sera le plus ancien des curés, selon l’ordre de leur ancienneté dans les fonctions curiales » ; les autres : « Il y aura élection, et les curés supprimés n’y auront aucun droit exclusif » ; les autres enfin : « Il y aura élection, mais les électeurs ne pourront choisir que parmi les curés supprimés. » La loi est muette sur la question qu’il s’agit de décider. — Elle doit être examinée dans deux cas très différents, et qui présentent des motifs de décision. Le premier est celui où l’église à laquelle se fait la réunion a elle-même� son propre curé; alors il n’y a point d’élection à faire ; le territoire de la paroisse à laquelle se fait la réunion est augmenté. Mais cette ancienne paroisse continue d’exister la même après l’extension de son territoire ; le curé doit rester le même, quoique de nouveaux citoyens soient confiés à son gouvernement spirituel et pastoral ; il ne s’agit alors que de choisir ses vicaires, et les curés supprimés peuvent demander à l’être, suivant l’ordre de leur ancienneté dans les fonctions curiales. C’est à cette espèce que se rapporte naturellement et uniquement l’article 1er de votre décret du 18 octobre dernier, qui attribue aux curés supprimés la faculté d’être vicaire de la nouvelle église, suivant l’ordre de cette ancienneté. Mais que dirons-nous si cette église nouvelle, ou plutôt nouvellement circonscrite, est elle-même vacante au temps de l’union ? C'est ici qu’est la difficulté. — Préférer le plus ancien des curés a d’abord paru à votre comité le meilleur parti, comme se rapprochant davantage de votre décret, qui appelle en premier lieu à être vicaires de l’évêque, les curés actuellement établis en quelques églises cathédrales, et ceux des paroisses qui seront supprimées pour être réunies à l’église cathédrale et en former le territoire paroissial. Mais cette analogie s’évanouit si l’on considère qu’en cas d’union d’un diocèse à l’autre, comme faisant partie du même département, vous avez ordonné l’élection d’qu évêque du dé- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1790.] §37 partement, sans donner de préférence à celui qui se trouvait évêque d’un autre siège que celui dont vous avez décrété l’érection ou la conservation. — Il est vrai que cette disposition peut avoir été déterminée par des raisons politiques qui n’ont point ou presque point d’application aux curés, dont l’état et l'influence est plus rapprochée de celle des vicaires de l’évêque que celle de l’évêque même. D’un autre côté, nous avons considéré que le plus ancien des curés peut être celui d’une très petite paroisse et n’avoir pas les talents nécessaires pour en bien gouverner une beaucoup plus étendue et habitée par des citoyens plus difficiles à conduire ; que ce plus ancien des curés supprimés peut être un de nos frères égarés, ennemis par principe et par caractère de cette précieuse liberté, de cette égalité inestimable, gages heureux du bonheur, et qui feront bénir à jamais votre mémoire. Cependant il serait bien dur de faire, dans notre espèce, élire le curé parmi tous les éligibles du département. L’équité borne aux curés supprimés le droit de conduire en chef une paroisse comprenant une partie considérable des ouailles confiées à leurs soins par l’autorité légitime, et dont ils n’ont pas mérité de perdre le gouvernement ; aucune raison politique, aucun motif spirituel ne vous défend cette mesure; enfin, vous devez y être portés par une considération d’économie qui mérite d’être pesée. Si les cures nombreuses qui vont être réunies sont remplies par des curés supprimés, il y aura moins de traitements ecclésiastiques à la charge du Trésor public, etc., etc. Il est un cas analogue qui semble devoir se décider de la même manière ; c’est celui où le service principal est transféré dans une église qui n’avait point le titre de paroisse, comme collégiale, séminaire, chapelle monastique. Quant à celui où, par quelque événement que ce soit, il n’y a de toutes les églises supprimées ou réunies qu’un seul curé existant, alors il n’y a point d’élection, et, par une sorte de droit d’accroissement, le curé qui reste unique doit être établi ou reconnu de droit curé de la nouvelle paroisse, formée du territoire de plusieurs autres. —Telles sont les vues qui ont suggéré à votre comité le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité ecclésiastique, décrète qu’en cas de suppression de cures de villes ou de campagne, et de leur réunion à une église autre qu’une cathédrale, celui qui se trouvera curé de la paroisse à laquelle se fera la réunion, sera seul curé de la paroisse dans toute l’étendue de sa nouvelle circonscription, et les curés supprimés auront seulement la faculté d’être ses vicaires, suivant l’article 1er du décret du 18 octobre dernier. Si cette église à laquelle se fait la réunion est vacante, ou si le service paroissial des églises supprimées est transféré dans une église qui n’avait point le titre de paroisse, dans ces deux cas le curé de la paroisse nouvellement formée et circonscrite sera élu par le district dans les formes établies par les décrets sur la constitution civile du clergé; mais les électeurs ne pourront, pour cette fois, choisir que l’un des curés des églises supprimées ou transférées, les autres n’auront que la faculté d’être ses vicaires. « Et si, par quelque genre de vacance que ce soit, il n’y a de toutes les églises supprimées ou réunies qu’un seul curé existant, il sera de droit curé de la nouvelle paroisse, telle qu’elle sera nouvellement circonscrite. » (Adopté.) M. Soîliers, député de Forcalquier , demande un congé qui lui est accordé. M. de Cassigny de Juigné, député de Draguignan, sollicite et obtient également un congé. M. le Président annonce l’envoi fait par la garde nationale de Goulommiers d’une somme de 109 livres, provenant d’une offrande qui a eu lieu lors de la cérémonie funèbre des citoyens morts sous les murs de Nancy. (L’Assemblée en ordonne le renvoi au département de la Meurthe.) M. Camus. Le comité des pensions s’occupe de connaître le nombre des veuves et des orphelins de l’affaire de Nancy afin de vous proposer ensuite de venir à leur secours. M. le Président, au nom de l’Assemblée, invite les députés de Nancy à faire passer promptement au comité des pensions tous les renseignements qu’ils sont en état de fournir sur les personnes qui peuvent prétendre à des indemnités, soit comme ayant été blessées, soit comme veuves ou enfants de ceux qui sont morts dans cette affaire. M. le Président. L’Assemblée passe à son ordre du jour qui est la suite de la discussion sur le tribunal de cassation. M. Ce Chapelier, rapporteur, lit les articles suivants qui sont adoptes sans difficultés ainsi qu’il suit : Art. 1er. « Les demandes de renvoi d’un tribunal à un autre pour cause de suspicion légitime, les conflits de juridictions et règlements de juges seront portés devant le bureau des requêtes, et jugés définitivement par lui, sans frais, sur simples mémoires, par forme d’administration et à la pluralité des voix. Art. 2. « Les sections du tribunal de cassation, soit qu’elles jugent séparément, soit qu’ell s se réunissent suivant les cas spécifiés, tiendront leurs séances publiquement. Art. 3. « Les parties pourront, par elles-mêmes ou par leurs défenseurs, plaider et faire les observations qu’elles jugeront nécessaires à leur cause. »> M. Ce Chapelier donne lecture d’un article 4e en ces termes : « Mais la discussion de l’affaire sera toujours précédée du rapport , sans que le rapporteur énonce son opinion ; les pariies ou leurs défenseurs ne pourront être entendus que quand ce rapport sera terminé. Il sera libre auK juges de se retirer en particulier pour recueillir leur opinion ; cette forme sera celle de tous les tribunaux du royaume, dans toutes les affaires susceptibles de rapport. » M. Ouport. Je dois représenter à l’Assemblée que si la disposition qui a pour objet de faire rapporter toutes les affaires a l’avantage de rendre les juges plus circonspects, plus laborieux, elle entraîne après elle l’inconvénient d’éterniser les affaires et de compromettre souvent le juge.