[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» de M. Folleville, je me contenterai de dire que lorsque la malveillance envoie des commentaires, le patriotisme peut bien de son côté en envoyer aussi. Je crois donc qu’il est important de nommer sur-le-champ quatre commissaires pour aller prendre lecture de cette adresse dans un des bureaux de l’Assemblée, l’examiner et y faire, de concert avec M. Dupont, les correctionsnécessaires. On la rapportera ensuite à l’Assemblée pour recevoir sa dernière sanction, et notre président sera chargé de se retirer par devers le roi afin de le prier d’envoyer, non par des bâtiments marchands, mais par une des corvettes, des avisos, des bricks qui sont dans vos ports, l’instruction aux colonies. M. Dupont (de Nemours) . J’observerai à l’Assem-blée que, d’après le vœu des comités réunis, j’ai fait quelques corrections à l’adresse dont je vous ai donné lecture dans une précédente séance. Je me réunis d’ailleurs à M. Regnaud et j’appuie sa demande de nomination de quatre commissaires. Voici l’adresse corrigée : « L’Assemblée nationale, occupée de tous les moyens d’assurer la prospérité des colonies, de faire participer les citoyens qui les habitent aux avantages de la Constitution, de consolider la fortune des planteurs, de leur donner les marques d’affection qui dépendent d’elle, et d’unir d’intérêt avec eux tous les hommes dont les forces et l’attachement peuvent concourir au maintien de l’ordre, s’est fait représenter ce qui avait déjà été décréié à leur sujet. « Elle a reconnu que les circonstances locales et l’espèce de culture qui fait prospérer les colonies semblent nécessiter d’admettre dans la constitution coloniale quelques exceptions aux principes généraux. « Il lui a paru que le Corps législatif ne peut être mieux éclairé sur ces exceptions que par le voeu des colonies elles-mêmes. Elle a en conséquence jugé convenable d’opposer une entière loyauté aux insinuations perfides qu’elle n’ignore pas qu’on cherche à répandre dans les colonies, et d’expliquer nettement ses intentions sur la faveur de l’initiative qu’elle a cru devoir accorder aux diverses assemblées coloniales, par son décret du 28 mars, relativement aux lots à faire sur l’état des personnes. « Le point fondamental et le seul véritablement important, celui par rapport auquel les gens malintentionnés voulaient inspirer de l’inquiétude aux colonies, était la conservation des moyens que les propriétaires ont de les mettre en valeur. L’Assemblée nationale a déclaré qu’elle ne prononcerait sur l’état des personnes non libres que d’après les propositions spontanées que pourraient lui faire les assemblées coloniales. « C’est ce qu’avaient souhaité les colonies, c’est à cet égard que l’initiative leur avait été donnée. L’Assemblée nationale a cru devoir la leur confirmer avec les expressions les plus claires, et sans aucune équivoque. « Une autre question s’est élevée sur la manière dont l’initiative coloniale serait exercée, et sur les personnes qui auraient le droit, d’y concourir par elles-mêmes ou par leurs représentants qui doivent former les assemblées coloniales. La raison, le bon sens, le texte positif des lois disaient que les colonies sont composées de tous les citoyens libres qui les habitent, et que tous ces citoyens devaient donc prendre part à l’élection des assemblées qui feront usage pour eux de leur [27 mai 1791. j droit d’initiative. Sous l’ancien régime même, et sous le plus despotique des régimes, l’édit de 1685 avait donné aux hommes libres de couleur tous les droits dont jouissaient alors les autres citoyens. Il aurait fallu une loi nouvelle pour les exclure des nouveaux droits dans lesquels tous les citoyens sont rentrés par la Révolution. Et s’il y avait eu quelque incertitude, elle aurait été levée par le décret du 28 mars, qui, reçu dans les colonies avec reconnaissance, et y réglant les droits de citoyen actif, d’après les mêmes principes constitutionnels par lesquels ils le sont en France, dit formellement et sans exception, article 4, que « toute personne libre, propriétaire ou domiciliée depuis deux ans et contribuable, jouira du droit de suffrage qui constitue la, qualité de citoyen actif ». « Mais les députés des colonies ont exposé que leurs commettants croyaient utile, et qu’ils désiraient vivement de conserver une gradation marquée dans le passage de l’émancipation des cultivateurs qui deviennent libres, à cette espèce de majorité politique où réside le droit complet de cité, et d’mstituer dans cette vue une classe intermédiaire entre les personnes libres et les citoyens actifs : classe qui, jouissant des droits civils, ne vit encore les droits politiques, que comme une expectative honorable et avantageuse assurée à ses descendants. « Cette opinion a été fortement combattue. L’Assemblée nationale pouvait la repousser. Elle pouvait se renfermer dans le sens littéral du décret déjà rendu sur les personnes libres. Elle a préféré de traiter les colons fondateurs et propriétaires de l’Amérique française, comme une mère tendre qui, non seulement veut le bien de son enfant, mais qui se plaît encore à le faire selon son désir. Elle a consenti à former la classe intermédiaire que sollicitaient les colons blancs. Elle y a compris les affranchis," et même les personnes libres, nées d’un père qui ne le serait pas. Elle a étendu sur eux l’initiative concédée par la métropole aux colonies; elle a ainsi augmenté dans les assemblées coloniales le droit éminent qu’elle leur avait déjà conféré, relativement aux personnes non libres ; ce droit précieux, d’être l’origine d’un plus grand bien, qui est un des plus beaux et des plus nobles attributs du corps constituant. « En attachant les autres hommes libres aux colons de race européenne, par un intérêt commun ; en reconnaissant chez eux, comme elle l’avait déjà fait, les droits que leur donnent la nature et la société, elle a créé dans les colonies la puissance la plus propre à y résister, et aux troubles intérieurs, et aux attaques de l’ennemi. « L’Assemblée nationale a pris encore une autre précaution bien propre à prévenir toute agitation dans les colonies : c’est d’établir un délai entre la promulgation de la loi qu’elle devait à la patrie et à l’humanité et la première occasion d’appliquer cette loi. Le Corps législatif, dans sa prudence et sa bonté, a confirmé les assemblées coloniales actuellement existantes, et leur a continué l’exercice du droit d’initiative accordé aux colonies, quoique ces assemblées n'aient pas été élues par ta totalité des citoyens libres, nés de pères et mères libres ; de sorte qu’ils n’auront tous à concourir qu’aux assemblées primaires qui se tiendront pour les élections qui se feront à l’avenir, et dont les règles locales, pour les colonies, ne sont pas encore décrétées. « Dans l’intervalle les préjugés auront le temps de se dissiper : la douceur des liens de parenté, 496 [Assemblée nationale.] l’évidence de l’intérêt commun de tous les hommes libres dans un pays ou la sûreté générale demande entre eux la plus grande union, ces motifs si puissants sur Ja raison et sur le civisme produiront tout leur effet; une émulation généreuse succédera aux anciennes divisions; et où la patrie ne voit que des enfants chéris, ces enfants se plairont à contribuer à son bonheur, en se traitant en frères. « L’Assemblée nationale s'applaudissait d’un ouvrage dans lequel la politique, la condescendance, la raison et l’équité lui paraissaient si heureusement conciliées, lorsqu’elle a vu avec douleur quelques députés des colonies regarder comme une diminution des concessions précédemment faites aux assemblées coloniales l’extension nouvelle donnée à ces mêmes concessions. « Sans doute, ces députés ne tarderont pas a revenir d’une erreur si contraire aux internions et à la teneur des décrets du Corps législatif et constituant. « Sans doute, ils regretteront de l’avoir manifestée, en déclarant qu’ils s’abstiendraient des séances où leur devoir les appelle.. « L’Assemblée nationaleles plaint d’une conduite qu’elle pourrait traiter plus sévèrement ; et dans l’affection véritablement maternelle dont elle est animée pour les colonies, elle se borne à empêcher, par la présente instruction, que l’erreur de leurs députés n’y devienne contagieuse. Au-dessus du soupçon et de l’imputation d’avoir manqué à ses engagements au moment même où elle les excède par égard pour les habitudes des citoyens blancs des colonies, il lui paraît suffisant de leur recommander de comparer e.t de peser ses décrets. Ils y trouveront son amour pour eux et ses soins pour leurs intérêts : elle ne veut point d’autres préservatifs contre tous les efforts que l’on pourrait faire pour égarer leur opinion; elle se lie à leur raison et au patriotisme dont ils ont dans tous les temps donné un si grand nombre de preuves. Elle est convaincue que rien au monde ne pourrait les détourner de l’obéissance qu’ils doivent aux décrets du Corps législatif sanctionnés par le roi et soutenus de toute la puissance nationale ; mais cette obéissance, mais la reconnaissance des colons libres de toute couleur et surtout ceux qui tiennent de plus près à la mère-patrie, de ceux qui se sont toujours distingués parmi ses enfants, lui paraissent encore plus solidement fondées sur leur intérêt respectif et sur le sentiment inviolable d’attachement et de zèle que mérite, qu’inspire la Constitution, et qu’on ne pourra jamais altérer dans le cœur des bons citoyens. Toute passion chez eux cède à l’amour de la patrie, et toute insinuation qui tendrait à l’affaiblissement de ce lien sacré sera repoussée par eux avec horreur. « Dans celte juste confiance, et sans rien préjuger sur le vœu que les colonies sont autorisées à émettre relativement aux lois commerciales, et que le Corps législatif pèsera scrupuleusement, l’Assemblée nationale a chargé ses comités réunis de Constitution, des colonies, de commerce et de marine, de rédiger sans délai les projets les plus propres à concilier tous les intérêts commerciaux des colonies et de la métropole, et à porter lu culture et les richesses des îles françaises au plus haut degré dont elles soient susceptibles. » Plusieurs membres demandent la parole. (L’Assemblée, après quelques débats, ferum la discussion et décrète la nominationde quatre com-[27 mai 1791.] missaires pour revoir et corriger l’adresse aux colonies proposée par M. Dupont (de Nemours). M. le Président. Je propose pour commissaires MM. de La Rochefoucauld, Emmery, Pru-guon et Goupil-Préfeln. (Ces noms sont agréés par l’Assemblée et les quatre commissaires se retirent en l’instant même avec M. Dupont (de Nemours) pour procéder à leur travail.) M. de I�a Rochefoucauld, aunom du comité d'imposition. Messieurs, votre comité d’imposition m’a chargé de vous rendre compte de son travail sur la répartition des contributions ; il vous a fait distribuer son rapport et son projet (1). Je viens donc prier l’Assemblée de vouloir bien m’accorder la parole à la séance de lundi pour la discussion de cet objet. M. d’André. Messieurs, j’observerai à l’Assemblée que si l’on discute séparément, et article par article, le projet du comité sur les contributions, elle donnera lieu à des réclamations sans nombre et à d’interminables débats. Rappelez-vous combien l’Assemblée a consumé de temps dans la question de la division du royaume par districts et combien, en écoutant les diverses réclamations, elle a été loin de perfectionner cette grande opération. Les réclamations seraient encore ici plus vives, plus nombreuses et presque impossibles à juger au milieu de l’Assemblée; chaque département trouvera qu’il est surchargé : vous avez 83 départements, vous aurez 83 réclamations. Mon département, par exemple, est taxé à 3 millions et je déclare que c’est 2,500,000 livres de trop... (Rires)... Messieurs, c’est mon avis. Au milieu de toutes ces discussions pénibles, la confiance s’arrêtera chaque jour davantage; chaque jour, les réclamations arriveront des départements ; il s’engagera une espèce de combat entre eux ; nos travaux soutfriront la plus grande interruption . Messieurs, le projet de décret sur la répartition de l’impôt foncier vous est distribué depuis quelques jours; les hases de ce projet vous sont connues; le recouvrement de l’impôt presse. Je demande donc que, non pas lundi, mais aujourd’hui, mais à présent, on décrète en masse le projet de décret. ( Vifs applaudissements.) A gauche : Aux voix! aux voixl M. de lachèze. Je m’oppose à la motion de M. d’André. La répartition faite par le comité est vicieuse; si on la suivait, la ville de Paris, par exemple, coûterait plus à l’Etat qu’elle ne lui rapporterait. M. Martineau. J’appuie la motion de M. d’André ; je demande que la répartition soit décrétée de confiance. A gauche : Oui ! oui 1 Aux voix! M. Regnaud (de Saint-Jean-d1 Angély). Un décret de confiance absolue pourrait avoir des inconvénients. A gauche : Aux voix ! aux voix ! (1) Voy. ci-après, aux annexes de la séance, le rapport et le projet de décret du comité sur cet objet. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.