[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. * my&seia 1! 177 ‘ (21 décembre Ii93 été du nombre de ceux que l’on venait de con¬ duire à l’échafaud, nous serions arrivés trop tard. Mais nous avons vu les magistrats qui avaient assisté à l’exécution. Ils savaient déjà le sursis décrété et en témoignaient la plus vive joie. Ils nous ont dit que Gaudon vivait encore et qu’il ne devait être exécuté que le soir à la porte Saint-Antoine. La salle retentit d’applaudissements à deux reprises différentes. Bourdon (de l’Oise) arrive. La Convention, dit-il, peut se glorifier d’avoir sauvé la vie â un innocent. La salle retentit de nouveaux applaudisse¬ ments. Collot d’Herbois. Je demande qu’il soit sursis à toute application de la peine portée dans la loi contre les accapareurs jusqu’à ce que la Com¬ mission, qui est chargée d’examiner cette loi, ait dissipé les obscurités qui en égarent l’exé¬ cution. Danton. J’appuie cette proposition. Je de¬ mande que le décret soit inséré au Bulletin, et que cette notoriété suffise pour suspendre dans toute la République l’exécution des jugements qui auraient été rendus. Bourdon (de l’Oise ). Je demande que ce ne soit point une Commission ministérielle qui revise la loi, ainsi qu’il a été décrété, mais que le comité de législation en demeure chargé. Le décret suivant est adopté. (Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus, page 155 d’après le procès-verbal.) Bourdon (de l’Oise). Je dois ajouter que, pour arriver plus vite à la Grève, j’ai pris la voiture du ministre de la marine, qui est lui-même venu avec moi, tant il partageait l’impa¬ tience dont j’étais animé. (Applaudissements.) II Compte rendu du Journal de Berlet (1). Le ministre de la justice sollicite le sursis à l’exécution d’un marchand de vins, condamné à mort, comme coupable d’accaparements, par le tribunal criminel du département de Paris. Ce marchand a fait une déclaration exacte à son comité; mais, obligé de partir pour son com¬ merce, il s’en est rapporté, pour l’exécution des autres dispositions de la loi, à son fils qui, au lieu d’afficher la quantité et la qualité des vins, a cru remplir le vœu de la loi en mettant cette inscription : Magasin de vins en gros. A son retour, le père, traduit au tribunal, a été con¬ damné. La Convention décrète qu’il sera sursis à l’exécution. Bourdon (de l’Oise), secrétaire et un huissier, sont chargés de porter le décret, l’un à la place (1) Journal de Perlel [n° 457 du 3 nivôse an II {lundi 23 décembre 1793), p. 181]. lre SÉRIE. T. LXXXII. de Grève, l’autre à la place de la Révolution. Ils partent au milieu des plus vifs applaudisse¬ ments. Collot d’Herbois demande qu’il soit sursis, dans toute la République, à toute application de la loi sur les accaparements jusqu’après” un rapport de la Commission, qui déterminera, d’une manière claire et précise, les cas dans lesquels la peine de mort doit être prononcée. (Décrété.) III. Compte rendu du Mercure universel (!)• Lettre du ministre de la justice. N « Citoyen Président, je ne puis me dispenser de t’envoyer ce qui regarde Gaudon, marchand de vins en gros et condamné à mort, comme accapareur, d’après la loi, par le tribunal crimi¬ nel. Cette loi exige une déclaration et une affiche à la porte du magasin, contenant la quan¬ tité de marchandises qui s’y trouvent. Gaudon a fait son affiche; elle fut trouvée exacte et con¬ forme à la déclaration qu’il en fit depuis pour les intérêts de son commerce. Gaudon fut obligé de s’absenter; son fils, sans expérience et sans mauvaise intention, la remplaça par une autre affiche portant ces mots : Marchand de vins en gros, sans désignation de quantités. Cependant, d’après le fait prononcé par le juré, le tribunal n’a pu se dispenser d’appliquer la loi. Cet homme va subir son jugement si la Convention ne vient à son secours et ne suspend l’exécution. » Bourdon (de l'Oise) démontre que cet homme n’est point malintentionné puisqu’il avait fidè¬ lement exécuté la loi; mais son fils, dit-il, sans mauvaise intention, car il mettait une affiche d’un sens général sur la porte du magasin, croyant que cela suffisait, serait seul coupable si l’on pouvait l’être par ignorance. L’Assemblée décrète la suspension de l’exé¬ cution de la loi. L’un assure que ce malheureux citoyen est déjà sur l’échafaud. « Courez », s’écrie-t-on. Une soixantaine de députés sortent avec promp¬ titude et courent avec nombre de citoyens sur la place de la Révolution. David, de retour de la place de la Révolution, désirant, dit-il, soulager la sensibilité de la Con¬ vention, assure que ceux qui étaient sur l’écha¬ faud étaient des conspirateurs. Le citoyen inno¬ cent, auquel la Convention s’intéresse, ne devait être conduit à la porte Saint-Antoine, pour y subir son jugement, que ce soir. Son défenseur officieux, instruit du décret rendu en faveur de son client, en avait déjà laissé éclater sa joie. Bourdon (de l’Oise) survient. Après avoir confirmé l’état des choses, il propose et l’Assem¬ blée décrète qu’il sera sursis à l’application de la peine de la loi sur les accapareurs, jusqu’à ce que la Commission instituée pour la révision du Code civil ait fait son rapport. Danton demande que ce décret soit inséré au (1) Mercure universel [4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793), p. 57, U* col., et 58, col. 2]. 12 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, f j| décembre iras î'78 Sîdletin, qu’il soit étendu à toute la République et que cette insertion serve de promulgation. (Décrété.) ANNEXE X-9 A. Fft séanee de la Convention nationale do ■ « Bivtae an II. (Dimanche 99 décembre 1 993.) Pièces lues par Barère et auxquelles le « Journal des Débats et des Décrets » fait allusion dans son compte-rendu (1). I. Le représentant du peuple près la division de Vaxmée du Nord contre les rebelles de la Vendée, aux représentants du peuple composant le eomité de Salut publie (2). « Alençon, le 30 frimaire, l’an II de la Répu¬ blique, une et indivisible, à 8 heures du soir . « Citoyens collègues, » Je montais à cheval pour passer la revue des 10,000 républicains du Nord, lorsqu’à deux heures après-midi, votre courrier extraordinaire m’a Ternis vos dépêches et, votre arrêté du jour d’hier. « Comme la troupe était sous les armes et m’attendait, je me suis empressé d’abord d’aller électriser son courage, et m’assurer de ses dis¬ positions guerrières. « Ce n’est pas sans raison, citoyens collègues, que cette division porte le nom terrible de « co¬ lonne infernale ». La présence du représentant du peuple a paru la flatter singulièrement. J’ai parcouru tous les rangs; j’ai harangué plus de vingt fois la colonne en détail ; j’ai faitpasser dans leurs âmes le feu brûlant du patriotisme dont je suis embrasé. Ton» m’ont promis de sauver la liberté et d’exterminer les brigands. Ils veulent leur faire payer cher les mauvais chemins qu’ils leur font parcourir presque pieds nus, car, citoyens collègues, je vous le dirai avec l’amer¬ tume de la douleur la plus profonde, au milieu des cris répétés de Vive la République! Vive la Convention nationale! j’ai entendu mille voix fémissantes qui me demandaient des souliers. >ans le fait, une grande partie en manque, une autre marche en sabots, et la plupart ont besoin de bas ou de guêtres et de chemises. D’aussi braves soldats méritent cependant bien leur nourriture et leurs vêtements. Veuillez, citoyens collègues, nous envoyer au plus tôt, au nom de la patrie que nous allons défendre, ces effets de première nécessité; de mon côté, je mets de toute part en réquisition les souliers que je peux rencontrer. Garnier me seconde de toutes ses forces et il a aussi requis tous les souliers des districts circonvoisins. « Ne croyez cependant pas, citoyens collègues, (1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 168, le compte rendu du Journal des Débats et des Décrets. (2) Archives du ministère de la guerre, armée des côtes de Brest, carton 5 /14. Aulard : Recueil des actes et de ta correspondance du comité de Salut public, l. 9, p. 547. que cet affligeant dénuement abatte le courage de cette brave armée; ils vaincront en quelque , état qu’ils se trouvent, mais dans une saison semblable, à travers les bones et les mauvais chemins. Le défaut de souliers triple le nombre des traîneurs et des malades : aussi j’aurai soin, dans toute la route, de mettre partout en réqui¬ sition toutes les voitures possible pour soulager nos soldats qui les monteront. « Immédiatement après cette revue, eitoyens collègues, j’ai communiqué votre lettre et votre arrêté à l’état-major de l’armée. D’après la déli¬ bération la plus approfondie, le résultat a été de vous observer qu’il n’était pas possible de faire faire à la cavalerie plus de célérité. Songes qu’ après des marches longues et forcées depuis le Nord jusqu’à Alençon, après, avoir laissé en route plus de 50 chevaux excédés de fatigue, elle fait régubèrement 10 lieues par jour. D’Alençon elle va se porter dans trois jours à Angers. Certes c’est bien marcher, puisqu’il y a plus de 30 lieues de distance, à moins de vou¬ loir la mettre hors d’état de service par une marche plus accélérée, il n’est pas possible d’ exi¬ ger d’elle davantage. «•Vous parlez, dans votre arrêté, citoyens col¬ lègues, de détacher sans délai lés 900 hommes de notre cavalerie d’avec l’infanterie; mais je vous observe encore que l’infanterie a tant de cou¬ rage qu’elle marche aussi vite que la cavalerie et qu’à son exemple, elle fait 10 à 12 lieues par jour. «. Notre direction sur Angers est une preuve de nos efforts et de nos désirs pour rejoindre l’armée de l’Ouest et combiner ensemble nos mouvements. « La copie ci-jointe de la lettre du général en chef Turreau vous démontrera que nous n’avons pas d’autre route à prendre. En effet, oh les rebelles ont passé la Loire, ou ils se sont jetés dans le Morbihan. Dans le premier cas, nous nous mettons en mesure pour les poursuivre; dans le second cas, nous irons leur couper tous les passages et les adosser à la mer pour les y précipiter. « Je pense comme vous, citoyens collègues, que cette guerre doit finir à l’arme blanche. Nous avons été jusqu’ici ou battus ou entravés par nos propres canons. Aussi, j’espère bien livrer la première bataille au pas de charge, la baïonnette dans les reins des brigands. Sur ce, je vous embrasse de tout mon cœur, « Salut et fraternité, « Le représentant du peuple, « Laplanche. » IL Francastel, représentant du peuple près l’armée de V Ouest, au comité de Salut publie (1). « Angers, 28 frimaire, an II de la Répu¬ blique française, une et indivisible. « Les brigands, après leur déroute du Mans, se sont portés avec une célérité inconcevable à Laval, Craon, Pouancé ’ et Ancenis. Il paraît ( 1 ) Archives du ministère de la Guerre : armée de l'Ouest, carton 5/5.