2o5 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juillet 1791.1 son mandataire ; ce qui at teste une concussion pour soi e de compte ( datio in soluturn), et non point une concession gratuit-'. Les mêmes membres du comité observèrent encore que l’acte d’investiture est terminé par une quittance donnée au roi par MM. de Ben-quet, et donnée même en des termes remarquables, puisque les concessionnaires déclarent que le péage qu’ils acceptent en payement de ce que le roi leur doit, est inférieur à ce qui par le roi est dû, et qu’ils espèrent que le roi s’en souviendra. Telles étaient les observations par lesquelles plusieurs membres du comité écartaient l’idée d’une concession gratuite. D’autres enfin observaient que, quand même la concession aurait été gratuite, la valeur n’en serait pas moins acquittable aujourd’hui par le Trésor public, puisque la nation a garanti cette concession par un traité solennel qui lui donna plusieurs provinces. Malgré ces considérations, le comité a pensé qu’il était de sa délicatesse de ne point prononcer lui-même sur cette liquidation. Quant à l’avis du directeur général des liquidations, il a estimé qu’il y avait lieu à indemnité, et que, conformément à l’article 36 du décret du 15 mars, le remboursement du péage de Sainte-Croix devait être fait sur les fonds destinés par l’Assemblée nationale à l’acquittement de la dette exigible. (L’Assemblée, après quelques débats, renvoie ce rapport aux comités central de liquidation et des domaines réunis.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret des sept comités réunis sur les événements relatifs à l'évasion du roi et de la famille royale (1). M. de La Rochefoucauld-Uaiicourt. Messieurs, hors du sein de cette Assemblée, mon attachement pour le roi excitera peut-être des préventions injustes contre l’opinion que je vais énoncer; mais ici, où j’espère être connu, je n’ai point à redouter un tel sentiment, et je parlerai avec la franchise et l’indépendance d’un homme libre et qui veut toujours l’être. Sans doute, le départ du roi est un tort grave, par les suites funestes qu’il pouvait avoir, que l’état de l’opinion publique pouvait faire redouter, mais que votre sagesse et la fermeté de la nation ont écartées. Personne ne peut contester celte vérité, non plus que celle de la Constitution, en recevant une adhésion plus généralement manifestée, en a reçu une plus grande force; mais j’aborde promptement la question, et je ne ferai entrer dans son examen aucune considération de politique étrangère, car je pense, comme le préopinant, que la justice, que la Constitution doivent seules être consultées. Deux choses sont à examiner dans la conduite du roi, que je sépare entièrement de ses conseils, et des projets qu’ils pouvaient recéler : sa sortie de Paris et son mémoire. On peut considérer cette conduite relativement à la prérogative de l’inviolabilité, et indépendamment de cette prérogative ; et, dans ce dernier examen, on doit consulter tour à tour la loi politique et la raison. Sous le rapport de l’inviolabilité, il ne serait pas même nécessaire de qualifier la conduite du roi, puisqu’il ne peut être ni poursuivi, ni jugé. Un roi non inviolable ne serait ni un roi héréditaire, ni un roi à vie, mais un roi d’un jour. Il y aurait bientôt autant d’interrègnes que d’accusations, autant de procès intentés au monarque que de factions i téressées à le faire descendre du trône. Et comment cet homme, dont l’immense responsabilité s’étendrait sur toutes les actions du gouvernement, sur dix mille actions émanées chaque jour de lui, ou prescrites par lui, servirait-il de barrière à l’anarchie, pouvant êire lui-même aussi facilement renversé? Ce n’est point là, Messieurs, l’esprit qui a dicté vos décrets. Le roi n’est déclaré inviolable que pour le mettre hors du cercle des factions qu’il est chargé de prévenir ou d’attaquer. Dans une Constitution bien ordonnée, le sceptre d’un roi est semblable au levier dont parle Archimède, l’inviolabilité en est le seul point d’appui. On a prétendu que cette haute prérogative n’est applicable qu’aux actes de la royauté, et non point aux actions privées du roi; mais on a dit une absurdité. S’il était important qu’un roi fût responsable, c’est surtout pour sa vie de roi, et non comme simple individu qu’il devrait l’être, puisque, dans le premier cas, se3 fautes ou ses erreurs, pouvant compromettre le salut de l’Etat, seraient bien plus redoutables; or, si on a cru, pour un intérêt plus grand encore, devoir mettre tous les actes de la royauté hor3 de la loi, en les contraignant par la responsabilité des ministres ; si, entre des inconvénients opposés, et tous d’un poids immense, on a pensé que celui de l’inviolabilité offrait moins de danger; comment nous persuadera-t-on que celte prérogative ne s’étend point aux actions privées, lorsque, tous les inconvénients de pousuivre et de juger un roi restant les mêmes, les avantages de cette périlleuse accusation seraient presque nuis? On aurait pu porter cette inconséquence dans nos lois, si le principe de l’inviolabilité n’avait été établi que pour le monarque ; mais n’oublions pas que c’est pour la Constitution seule et pour la sauvegarde de la paix publique, et contre les factieux, que la nation a établi le principe, je dirai presque le dogme de l’inviolabilité. Alors tout est expliqué, on a voulu rendre la royauté durable, on a voulu que cette clef de toute notre Constitution, si j’ose m’exprimer ainsi, fût mise hors de toute atteinte, parce qu’elle ne peut être ni ébranlée sans danger, ni arrachée sans les plus violentes secousses. Or, si l’inviolabilité ne s’étendait pas sans distinction à toutes tes actions du roi, comment la royauté serait-elle durable; aurait-on même une royauté? Je pourrais dire encore aux auteurs de cette prétendue distinction : Le roi est-il sorti de Paris comme roi? Sous ce rapport il est donc inviolable. Est-il sorti comme simple citoyen? Qui doute qu’alors il n’ait eu le droit de sortir? (Murmures.) Un des préopinants a fait hier plusieurs objections contre l’inviolabilité ; je crois avoir déjà répondu à quelques-unes, mais je vais tâcher d’y répondre encore. Quelques arguments sont dirigés contre l’inviolabilité en général, je ne m’y arrête pas : car, l’inviolabilité ayant été décrétée, il faut ou l’admettre ou attaquer la Constitution. Or, quelle idée se formerait-on de la sagesse de nos lois, si pour les défendre il fallait commencer par les violer? D’autres arguments sont fondés sur la distinction que l’on veut établir entre l’inviolabilité (1) Voy. ci-dessus, séance du 13 juillet 1791, p. 242. j