438 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1700, aux paroles. Accordez grâce à ceux qui rentreront dans la subordination et donnez ordre au général de punir très sévèrement ceux qui continueront dans la rébellion. Voilà, je crois, Gomment la proclamation doit être faite. M. d’Ambly. Oui, Messieurs, votre proclamation doit être : bonté, justice et fermeté; pas autre chose. M. de FollevïMe. J’applaudis la proclamation quoique j’eusse désiré qu’elle fût plus concise et peut-être un peu plus sévère. Gomme les commissaires que l’on doit envoyer ne peuvent être que des asceftiorateurs des décrets de l’Assemblée, je crois qu’ils doiyent être élus par le ppur pie et par conséquent pris dans le sein de rassemblée nationale. M, Ræderer lit un projet de proGlaïqatjpn. M. Bafnave. Je m’oppose à ce que la proclamation rédigée par M. Rœderer soit décrétée, parce que ce serait rétracter votre décret de ce matin. M. Malonet. Il y a aussi un décret menaçant' et le temps des phrases est passé. M. de Toulongeon. Entre le double danger de nous séparer sans rien faire ou sans avoir, pris une mesure suffisante, je ne crains pas de’ dire que la proclamation pusillanime de M. Bar-nave n’est qu’un regret de vos précédents décrets. Dans la première circonstance, vous parliez de votre indignation; aujourd’hui que leS faits sont bien plus graves, Vous n'avez que de la douleur. M. E miner y. Il est impossible, quand bien même la proclamation serait décrétée ce soir, que les commissaires partept ayant demain midi, puisqu’il est près de onze heures du soi ri Je propose donc, d’accord avec M. Rarnàvé, qu’op renvoie à demain matin la sqite de cette discussion, ce qui donnera à M. Barnave le temps de revoir une réduction précipitée. (Cette motion est adoptée.) (La séance est levée à onze heures du soir.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 31 AOUT 1790. Nota. En vertu du décret du 12 juin 1790, le comité de mendicité lit imprimer et distribuer à l’Assemblée son quatrième rapport. Nous insérons ici ce document. Quatrième rapport du comité de mendicité. — Secours à donner à la classe indigente ffans les, différents âges et dans les différentes circonstances de la vie , par M . DE La ftpCHEFOUCAUDT-Liancourt (1). INTRODUCTION. Messieurs, l’honorable tâche qpe vous vous êtes (1) Ce document n’a pas été ipséré au Moniteur, imposée dans la recherche des moyens de dé-truire la mendicité, ne peut être utilement remplie, si vous ne l’attaquez pas dans ses spprces, dans celle au moins qui, en la rendant la seplq ressource du malheur, la légitime, la rend iptén ressante, l’indigence absolue. Réduite alors à n’être que le moyen de la fainéantise et du vaga? bondage, la mendicité ne pourra être regardée que comme un délit dont les conséquences fpr nestes appelleront sans réclamation la sévérité de la loi. C’est donG, on ne peut trop le répéter, vers ce but salutaire, c’est donc à secourir, à soulager, à prévenir la [pauvreté, que doivent tendre tous vos efforts. C’est ainsi seulement qua les succès en seront certains, Nous ne vous parlerons pas ici des droits delà pauvreté ; ils ne seront méconnus d’aucun dp ceux qui, portant dans leur cœur quelques sentiments d’humanité, ont donné d’ailleurs quelque attention à la formation des sociétés et’à l’itn-mense différence dans les fortunes. Nous savons tous que si la propriété est la base des sociétés politiques; si le devoir sacré des lois est d'en faire religieusement le culte, et d’en assurer le maintien, le culte dp l’humanité est plus sacré encore : et que là où il existe une Glaèse d’hommes sans subsistances, là il existe une violation des droits de l’hupianité; là l’équilibre social est rompu : nous ajouterons seulement à cette vérité, avouée par nous tous, que si le soulagement de la pauvreté est le devoir d’une Constitution qui a posé ses fondements sur les droits imprescriptibles des hommes, elle est encore le besoin d’une Constitution sage qui veut assurer sa durée sur la tranquillité et le bonheur de fous les individus qu’elle gouverne. Il êst de l'intérêt public de corriger, par une bienfaisance réfléchie, les maux résultant des mauvaises institutions qui ont maintenu et propagé la pauvreté; il est de l’intéfêt public de prévenir les désordres et les malheurs où seraient conduits un grand nombre d’hommes sans ressources qui, maudissant les lois dont ils p’apraient jamais septi les bieqfaits, pourraient, par l’excès de lêpr misère, être entraînés d’un moment a l’autre à servir les entreprises des ennemis de l’ordre public : toutes ces considérations politiques se réunissent donc aux cris impérieux de l'humanité, pour qu’pp gouvernement sage compte au rang dp ses premiers devoirs le soulagement dé jà pauvreté. Ces importantes vérités sont conformes à vos principes : elles ont été déclarées par vous, .Messieurs, quand, formant votre comité de mendicité, vous l’avez chargé de vous présenter lès moyens de remplir vqsdesspips générppx. Alqrs, eq prenant la résolution fte secourir complètement fa pauvreté, vous avpz eu pour objet de lier par la reconnaissance la classe indigente à votre Constitution. Vous avpz ypulp la tut faire respecter et chérir par la paix, par le honneur, par la plus facile subsistance qu'elle devait lui assp-rer; vous avez voulu lui faire aimer vos lois, eu lui rendant que patrie, pf daPs l’entière détermination que vous avez prise de satisfaire à ce grand devoir, vous avez ppnsô que lies calculs arithmétiques ne devraient pas servir de règle unique à de sages législateurs, et qpe les devoirs plus sacrés de la bienfaisance et de la morale devraient être avant eux consultés. Mais quelles que soient, Messieurs, vos dispositions généreuses pour l’assistance de la pauvreté, vous ne devez pas oublier que l’économie est un des caractères les plus essentiels de la bienfaisance publique, non cette épargne we et impoldique [Assemblée natioaale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.] qui lésinerait sur les dépenses nécessaires au soulagement des malheureux, mais cette économie sage et juste qui, se rappelant sans cesse qu’elle n’assiste le malheur qu’avec le dernier des peuples, ne doit ordonner que leur indispensable emploi. Labienfaisancepublique,retenuedansles bornes strictes de la justice, doit encore, dans les rpoyens qu’elle emploie, considérer l’intérêt général. Différente de l’aumône qui, dans les secours qu’elle donne, peut ne voir que le malheureux qu’elle soulage, la bienfaisance publique doit chercher sans doute dans l'assistance des pauvres le soulagement de ceux qui en sont l’objet, mais considérer avant tout rintérêt de tous les infortunés l’intérêt général de la société : ceux qui sont plus près d’elle, ne sont pas plus à ses yeux que ceux qu’elle ignore. Cette bienfaisance n’est pas l’effet d’une sensibilité irréfléchie, elle n’est pas mêmeune vertu complaisante; elle est un devoir; elle est la justice ; elle doit en avoir tous les caractères, et se prémunir contre les mouvements si naturels qui pourraient les altérer. Elle doit, dans son exécution , être réfléchie : c’est une science politique qui veut être soigneusement étudiée ; car si ses moyens ne s’accordent pas avec les grandes vues de l’intérêt public, elle peut aggraver les maux qu’elle veut soulager, eq aggravant les causes qui les produisent. Ainsi cette partie de législation qui semble au premier coup d’œil facile à régler, est néammoins une des plus difficiles à établir de manière à parvenir au but qu’elle doit se proposer, sans nuire à l’industrie et à la prospérité nationales. C’est pour s’être écarté de ces conditions de sévère justjce, premier caractère de la bienfaisance publique, que l’Angleterre a vu augmenter annuellement sa dépense pour les pauvres, qui, portée aujourd’hui à des sommes énormes, doit s’accroître encorq par les motifs qui l’ont accrue jusqu’ici. Des aumônes gratuites à des familles entières, prises d’abord sur des dons libres et sur des quêtes de paroisses, ont bientôt après été établies sur des taxes générales devenues nécessaires pour remplacer l’insuffisance de ces quêtes. Ces aumônes ont été promptement étendues à des familles qui, par l’aisance de leur fortune ou leurs facultés de travail, pquvaient s’en passer, et déjà la dépense s’est considérablement augmentée. L’espoir de la diminuer a fait remplacer ces aumônes à domicile par l’établissement des maisons de travail destinées à recevoir les pauvres qui devaient y être employés à travailler; mais bientôt encore le travail est devenu nul. L’entrée de ces maisons a été ouverte à des familles, à des individus qui n’eussent pas dû y être admis ; les vices de toute espèce s’y sont introduits : la dépense occasionnée pour un pauvre est devenue plus forte que celle d’un bon ouvrier dans l’intérieur de son ménage ; et tandis que des hommes fainéants et lâches étaient logés et entretenus dans ces hospices publics avec upe sqrte de magnificence, l’ouvrier laborieux et honnête, repoussé par la crainte de leur être associé, périssait chez lui de faim et de misère; enfin, ia taxedes pauvres augmentée des trois quarts, en moins de cent ans, est aujourd’hui de soixante à soixante dix millions dans unrovaume d’une surface etd’une population trois fois moindre que la France ; et malgré cette masse énorme et hors de toute proportion, destinée à secourir l’indigence, le nombre des pauvres et des mendiants est encore en Angleterre bien considérable. 439 L’erreur de nos voisins dans ce rapport et le malheur qui en est la suite, nous rappelleraient suffisamment à une administration de secoursplus réfléchie, si nous n’y étions point rappelés plus positivement encore par les principes de notre Constitution, par le caractère véritable de la bienfaisance publique, dont nous ne voulons pas, dont nous ne devons pas nous écarter. Mais cet exemple est une grande et importante leçon pour nous ; car, indépendamment des vices qu’elle nous présente et d’une dépense monstrueuse, et d’un encouragement nécessaire à la fainéantise, elle nous découvre la plaie politique de l’Angleterre la plus dévorante, qu’il est également dangereux pour sa tranquillité et son bonheur de détruire ou de laisser subsister. Nous écarterons, Messieurs, ces funestes inconvénients, en portant les secours dans {es sources mêmes de la pauvreté. Nous les écarterons surtout en évitant de laisser introduire, dans noire législation, des ‘principes, dont la sévérité des premiers moments ne nous montrerait pas l’exécution dangereuse, mais qui, portant ainsique cette législation chez nos voisins un germe nécessaire de vices et d’abus, se développeraient bientôt avec leur irrémédiable conséquence. Ainsi, en secourant l’indigent sans ressource dans sa maladie, dans sa vieillesse et dans ses infirmités; en soulageant, parles secours, sa famille des dépenses que ces soins lui occasionneraient, vous préviendrez la misère, suite bientôt nécessaire de ces soins prolongés, et vous lui offrirez des moyens de ne donner aucune interruption à ses productives occupations. Ainsi, en prenant soin de l’enfance abandonnée, en aidant les familles nombreuses où un grand nombre d’enfants ne peut prendre part encore au travail de leur père, vous soulagerez le malheur présent, vous tarirez la source de malheurs ultérieurs dans lesquels seraient nécessairement plongés des enfants sans ressources, et leur famille, s’ils en ont, déjà pauvre, et obligée de dérober pour eux à leur propre subsistance ; vous éteindrez le germe des vices, suite si commune et si déplorable de la misère et d’une enfance abandonnée. Ainsi, en faisant abonder les moyens de travail vous assurerez la subsistance et les ressources aux hommes qui vivent de leur bras. Enfin, eu vous défendant de donner des secours gratuits à ceux que la conlianced’en recevoir entretiendrait dans la fainéantise et dans l’imprévoyance, vous encouragerez le travail, qui, par son salaire, préserve l’ouvrier de la misère, et répand dans la société une masse plus grande de productions, et vous unirez ainsi le soulagement particulier à la prospérité générale. C’est en suivant, dans la législation de bienfaisance, ces principes d’upe justice exacte etd’une saine politique, en donnant tous les secours nécessaires, mais les refusant gratuits à celui qui peut se rendre utile, en l’excitant à déployer ses propres forces pour créer son bien-être sans assistance étrangère, et le ramenant, par celle même qu’il reçoit , au désir de s’eo passer, qu’une sage Constitution améliore et fortifie les mœurs d’un Etat; c’est ainsi quelle ennoblit les secours qu’elle donne et qu’elle conserve à l’indigent qu’elle assiste, toute sa dignité d’homme et toute son indépendance. C’est ainsi enfin que la bienfaisance publique, qui ne refuse rien des dons dont l’intérêt général lui fait un devoir, est encore favorable aux finances d’un Etat, moins par la diminution momentanée de ses [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1190.] 440 dépenses, que par l’obstacle qu’elle oppose à leur accroissement. Quand les secours donnés aux malheureux étaient, comme ils ont été jusqu'ici, le résultat ou de fondations pieuses, ou d’intentions charitables, ou d’aumônes particulières, répandues sans aucune proportion sur la surface du royaume, ils étaient dans quelques-unes de ses parties insuffisants, dans d’autres au-dessus des vrais besoins, dans d’autres nuis. C’est à votre Constitution à remplacer ce système incomplet, par une légielaiion éclairée et prévoyante, qui, embrassant tous les départements et chaque partie des départements, fasse arriver jusqu’au lieu le plus obscur l’assistance que le malheur réclame, et qui, dans la distribution des secours, ne doit connaître d’autre proportion que e lle des malheureux. Votre législation protectrice s’occupera encore du mode le plus utile, le plus do >x, le plus heureux, de faire parvenir ces secours à ceux auxquels ils seront destinés. L’intérêt public et l'humanité lui en imposent le devoir. Mais, Messieurs, l'Assemblée nationale peut faire plus encore ; elle peut attaquer puissamment la pauvreté en augmentant le nombre des propriétaires : les circous ances actuelles lui en donnent l’heureuse faculté qu elle ne laissera pas échapper, car elle ne pourrait se reproduire. Quinze à vingt millions d’arpeuts, dépendant des biens domaniaux, languissent sans utilité sous l’aridité des landes, sous la fange des marais, ou sous la tyrannie des usages. Ces terres rendues à la culture par des bras indigents qui seraient payés d’une partie de leur travail par la cession d’une fart du terrain qu’ils auraient rendu fertile, les préserveraient à jamais de la misère, répandraient et assureraient l’aisance daœ les familles malheureuses et les lieraient ainsi à leur patrie par leur propre intérêt et par vos bienfaits. C’est à vos comités des domames et d’agriculture à vous présenter des vues à cet effet ; nous leur en connaissons l’intention : mais ils ne trouveront pas mauvais, sans doute, que nous ayons cédé au plaisir de vous faire entrevoir la flatteuse espérance de combattre victorieusement la pauvreté par la prospérité nationale qu’il était réservé à vous seuls de servir si complètement. Les décrets que vous présentera votre comité de mendicité, presque uniquement constitutionnels, ne sont, pour ainsi dire, que les bases de la législation générale des secours. Nous avons pensé que nous devions nous borner en ce moment à vous piésenter les points fondamentaux. Si vous les approuva, si vous jugez qu’ils doivent être accompagnés de règlements généraux, nous vous les soumettrons : ils sont prépares. Mais vous penserez sans doute, que les moyens de détail, que les règlements exécutoires doivent vous être présentés par les départements. C’est d’eux que vous recevrez les renseignements particuliers que le temps n’a pas permis à tons de nous faire parvenir et qui compléteront, qui perfectionneront votre législation. C’est à la connaissance qu’ils ont de leur climat, de leur commerce, de leurs mœurs, de leurs besoins, qu’il appartient d’apporter des secours analogues, une assistance plus utile. En laissant à ieur intelligence, à leur patriotisme, pins d’essor, vous leur assurerez plus de réussite, et vous amènerez encore, par l’amour-propre du succès, l’intérêt qu’ils ont à la prospérité de leur pays. L’administration des secours qui doit recevoir quelque modification différente pour les grandes villes où le nombre des pauvres est hors do la mesure commune, recevra une organisation particulière pour la capitale, et votre comité s’en-lendra avec la municipalité de Paris pour vous présenter des vues à cet égard. Chacun des titres contenus dans le rapport que nous venons ici vous soumettre, sera précédé de quelques développements. Nous avons pensé qu’un travail qui avait pour objet l’assistance des malheureux dans les diverses circonstances de la vie, qui s’étendait sur un grand nombre d’individus, sur la classe la plus nombreuse «le l’Etat, ne pouvait jamais être trop expliqué dans ses principes ; que quand l’intérêt générai impose à la bienfaisance publique une sorte de sévérité dans ses dons, les motifs en doivent être indubitablement développés jurqu’à l’évidence et reconnus nécessaires pour ceux mêmes sur qui cette sévérité pourrait porter ; et nous sommes certains qu’approuvant nos motifs, vous nous entendrez sans impatience dans cette cause de l’humanité. Aux rapports différents qui compléteront le travail dont vous avez daigné nous charger, nous ajouterons la proposition de quelques moyens d’exécution pour unir l’ordre ancien au nouvel ordre de choses. Le passage en sera facile et court; mais il exigera quelque précaution. Alors, Messieurs, en vous prouvant que l’influence de la Constitution doit, en peu de temps, soulager l’Etat d’une partie des secours qu’il doit au grand nombre d’indigents sans travail, en santé; sans asile, sans ressources, sans consolation en maladie et dans le temps des infirmités ; en vous prouvant que ce nombre diminuera par l’action lente, mais constante, de la législation et du gouvernement, l’économie, l’activité du travail, la pudeur d’être assisté, enfin, la bienfaisance particulière qui s accroît des bons sentiments que l’ordre développe, et de l’utile emploi qu’elle voit faire de ses dons, concourront à cette salutaire diminution : alors, Messieurs, nous vous représenleroQS qu’un grand nombre de fortunes éprouvant par laRévolution de grands dérangements, la classe indigente qui ne peut vivre que de travail, languit et soulfre momentanément de celte secousse presque générale; et nous appellerons avec confiance, à titre de justice, votre bienfaisance pour la conduite par quelques secours extraordinaires aux moments d abondance et de bonheur que la Constitution lui assure. Titre premier. — Secours aux malades (1). Si l’intérêt général impose à la bienfaisance publique la nécessité d’une sorte de sévérité dans ses dons, si la prospérité nationale exige qu’aucun sei ours ne sod donné gratuitement à celui qui peut le mériter par son travail, les mêmes considérations lui prescrivent impérieusement de secourir tous ceux qui, sans ressources et sans inconduite, sont arrêtés par des circonstances indépendantes d’eux dans leurs moyens de travail; elles lui prescrivent encore d’écouter les sentiments delà bienfaisance particulière dans la distribution de ces secours, dans les moyens de les (1) Ce rapport et les projets de décrets qui le suivent, ont reçu 1 approbation des comités de Constitution et de santé, auxquels iis ont été communiqués. L’avis de la Société royale de médecine leur a été également favorable. 441 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.] reüdreplus utiles, plus doux, plus consolateurs pour ceux qui en sont l’objet. Il n’est pas sans doute de malheur qui appelle avec plus de droits les regards de la Société que celui qui naît de l’état de maladie dans l’homme qui ne subsiste que de ses bras. Le genre de travaux auxquels il se livre, les fatigues qui l’accablent, l’état de détresse habituel dans lequel il vit, rendent ses maladies, ses idessures, ses infir-miiés plus fréquentes. Il est malheureux, et de sa maladie et de la destruction de ses ressources par l’impossibilité du travail, et de la mière où le manque absolu de salaire plonge sa famille. Il doit encore, s’il n’est pas secouru par l’assistance publique, employer le fruit de modiques épargnes, s’il en a : engager ses misérables meubles, ses provisions, ou s’endetter pour satisfaire à la dépense que nécessitent les soins de sa maladie, quelque insuffisants qu’ils puissent êtres. La bienfaisance publique doit dune s'occuper d’adoucir ces malheurs, d’en diminuer la masse, d’en tarir la source : elle doit à l’indigent malade des secours prompts, gratuits, certains et complets. Mais, par quels moyens plus utiles, par quel système plus avantageux peut-elle remplir ce devoir? Voilà ce que votre comité a dû soigneusement examiner. Les malades auxquels la Société doit des secours gratuits, sont habitants des campagnes ou des villes. Aucun secours n’est généralement affecté aux premiers : les fondations, fi s dons, la prévoyance du gouvernement ont concentré toutes les ressources dans les villes. L’homme de campagne, dont les bras sont cependant la principale richesse de l’Etat, presque toujours oublié dans la répartition des secours publics, n’avait, après une vie de sueurs et de peines, d’autre perspective qu’une vieillesse prématurée, dénuée d’aisance, et plus malheureuse encore. Ignorant souvent, toute sa vie, par le défaut d’enseignement public, qu’il existait desconven tioris sociales; une morale fondée sur la réciprocité des besoins; un devoir imposé à chaque citoyen, d’être utile à la société, il était aussi, par le défaut d’institution secourable, dépourvu dans ses maladies, dans ses infirmités, de consolation et de secours, ou livré aux soins, dispendieux ou peu éclairés, d’ignorants empiriques qui, souvent aggravant les maux qu’ils traitaient, apportaient au moins pour longtemps la misère dans les familles qu’ils approchaient. Le pauvre habitant la campagne, abandonné ainsi pour l’ordinaire à ses propres ressources, était, à la vérité, dans beaucoup de parties du royaume, assisté par les charités, par les aumônes particulières ; mais les aumônes, les charités particulières sont toujours partielles, incomplètes, incertaines. La bienfaisance qui les dicte, rend bien estimables, sans doute, les amis de 1 humanité qui les répandent; mais elles tiennent dans les lieux mêmes où elles sont plus abondantes et plus confiantes à la volonté libre de ces bienfaiteurs, et, dans aucun, elles ne dispensent la société de ses devoirs. Il s’en faut bien d’ailleurs qu’elles soient générales; et l’on peut hardiment assurer que plus des quatre cinquièmes des habitants de la campagne, dénués de toute assistance dans leurs maladies, sont dévoués aux misères de toutes espèces qui en sont les suites. Aussi une proportion de mortalité plus forte qu’elle ne devrait l’être, des rechutes fréquentes pour ceux qui ne succombent pas, une vieillesse prématurée, des infirmités, des accidents multipliés, ajoutent-ils à la chance trop certaine des malheurs et de la misère humaine dans les campagnes. Un peu plus d’aisance ne les préserve pas de tous ces maux. Des chirurgiens, brevetés par privilège, souvent sans aucune instruction, sans étude, la plupart ignorants, parce qu’aucune épreuve n’était nécessaire pour leur donner le droit d’exercer, n’offrent que des secours dangereux. Dans les temps d’épidémie, le gouvernement envoyait des médecins plus habiles, mais les épidémies, lo rgtemps. traitées par les chirurgiens des lieux, souvent sans être jugées telles, avaient déjà coù é la vie à bien des malades avant que d’être utilement alta tuées. Telle est aujourd’hui, dans la plupart des départements de France, la situation des pauvres malades à la campagne. Les villes offrent des secours plus rapprochés et plus sûrs ; il en est peu qui n’aient des hôpitaux, des Hôtels-Dieu, désignés à soigner au moins quelques malades, et dans beaucoup l’immensité de ces établissements, leur faculté de recevoir un grand nombre de malades en fait le principal danger. Trop d’auteurs célèbres, trop de philanthropes éclairés, ont écrit sur les vices des grands hôpitaux, considérés sous tous leurs rapports, pour que nous croyions avoir besoin de les développer davantage, et'pour que nous puissions même nous flatter d’ajouter aux lumières qu’ils ont répandues dans cette grande question. Nous nous bornerons à dire que l’examen personnel de ceux que nous avons sous les yeux, les renseignements particuliers que nous aVuns pris sur beaucoup d’autres, nous confirment dans la persuasion de leur inconvénient. Ainsi, Messieurs, d’un eô'é, incertitude et difficulté, absence totale même de secours pour les habitants delà campagne malades; 'de l’autre, abus, vices, dangers des moyens préparés dans les villes, pour le soulagement de l’humanité souffrante; de tous, pernicieux état de choses dans cette branche importante de l’administration, et néoesshé d’une grande réforme, d’une entière régénération réclamée par l’humanité et par l’intérêt public. Parmi les malades qui ont droit aux secours publics, il en est qui, sans être en état de se faire soigner chez eux, ont pourtant une demeure et même une famille; il eu est qui, plus malheureux encore, sont privés de parents qui veillent à leurs besoins, et d’asile où la bienfaisance puisse venir soigner leurs maladies. Les habitants de la campagne sont de la première classe. Les vrais principes de la bienfaisance, la véritable politique, nuus dirions même l’économie, si l’on pouvait ajouter cette considération à toutes les autres, exigent qu’ils soient secourus chez eux et confiés aux soins de leur famille. Ce système de secours remplit ainsi plusieurs intérêts précieux à servir. D’abord, plus grand sera le nombre de malades soignés dans 'leur domicile, moins il faudra d’hôpitaux, et moins il faudra surtout de grands hôpitaux. Les partisans de ces établissements sentent même l’impossibilité d’en former dans les campagnes ; c’est d’ailleurs par les soins mutuels que l’esprit de famille se conserve, que les liens naturels se resserrent, que la bonté se cultive, que les mœurs se perfectionnent ; presque to des les vertus humaines sont fondées sur la bienveillance réciproque, et elles sont tomes à encourager dans un empire qui ne veut plus êire conduit que par la justice et les lois. Enfin, l’espèce de honte et de dégoût que l’indigent éprouve la [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [St aoôt 1790.] U% première fois qu’il est obligé d’entrer à l’hôpital sont des impressions salutaires dans leurs effets; elles tiennent à un sentiment de fierté et d’indépendance personnelle, bien précieux à encourager dans un gouvernement libre ; elles sont le germe de la prévoyance et de l’énergie qui les développent; elles soDt une source d’activité dans les travaux, d’économie dans les dépenses, de bonheur pour les individus et de prospérité nationale ; les institutions publiques doivent donc bien se garder de les affaiblir par l’habitude, elles disparaîtraient bientôt : elles doivent tendre, au contraire, à leur donner plus de force, et c'est un des grands biens des secours à domicile, qui joignent encore aux avantages moraux résultant de leur nature, celui de soulager l’indigence de plusieurs individus, en paraissant n’avoir en vue que la maladie d’un seul. Ce genre de secours, préférable à tout autre sans aucun doute, exige l’établissement de médecins ou chirurgiens dans les campagnes, et, par cela seul, il est qn grand bien. Ces médecins-chirurgiens, soumis, pour leur réception, à des examens sévères, placés seulement parce qu’ils seront reconnus capables, surveillés dans l’exercice et l’assiduité de leurs soins par les agences de secours de district et de département, par les municipalités du canton où ils seront établis, seront payés par l’Etat pour traiter gratuitement les familles inscrites sur les rôles des pauvres. Ils leur apporteront des secours prompts, suivis et éclairés, Les mêmes soins seront donnés à la réception des sages-femmes, qui, multipliées, autant qu’il sera possible, dans les campagnes, devront, dans les cas difficiles, appeler l’aide et les conseils des chirurgiens; et l’Etat, en satisfaisant par cet établissement un des premiers devoirs de la bienfaisance publique, remplira celui d’une administration sage, qui, chargée de veiller sur la conservation de tous les citoyens, doit encore procurer, dans toutes les parties de l’empire, les moyens les plus efficaces et les plus abondants de secours à ceux qui peuvent les payer, Votre comité a vu encore dans le nécessaire établissement de chirurgiens ou médecins par canton, si universellement désiré, dans leur relation avec les agences de secours de districts et de départements, dans leurs rapports entr’eux, dans les recherches qu’ils devront faire dé toutes les circonstances physiques de leur canton et de leur influence sur la santé de leurs habitants, dans leurs journaux de traitement, un moyen précieux de réunir une grande masse de faits, qui constituant la véritable science de la médecine, pourront lui faire faire quelques pas de plus, et rendront ses aoins plus utiles à l’humanité, Ce système de secours à domicile sera commun aux habitants des villes, et aura pour eux la même commodité et les mêmes avantages. En vain, à ces grandes considérations, opposerait-pn les avantages des établissements des hôpitaux déjà existants ; en vain prétendrait-on que i’éçp-nomie de ces maisons rendrait leurs soins moins dispendieux que les secours à domicile : npus dirons, en rendant justice à l’administration très sage de quelques hospices particuliers, que, saps doute, il est vrai que la plus grande économie dans les détails produit la faculté du plus grand nombre de secours à répandre; mais cette économie se retrouve bien plus assurée dans les soins donnés aux pauvres dans leurs foyers; et déjà la plus simple réflexion montre que, clans ce genre de Recours, on épargne tout ce qui est dépense proprement étrangère au malade, et qui, dans tant d’hôpitaux, fait 1s; dépense principale, On économise de plus par tous les secours que le pauvre peut avoir de lui-même, ou que des personnes charitables, ses amis, ses parents, ses voisins peuvent lui procurer; car le malheur, par une sorte de compensation que la nature semble lui avoir attachée, excite, par sa présence, la bien? faisante compassion, fait naître dans le cœur de tous les hommes le besoin pressant de lui porter du soulagement et des consolations, et les soins donnés aux malheureux dans leur propre asile mettent à profit pette source féconde de biens que répand la bienfaisance particulière. Le pauvre est-il placé dans les hôpitaux ? toutes ces ressources cessent pour lui : il y renonce, ou il en est privé ; et son assistance complète devient la charge de l’Etat. La raison d’économie est donc encore en faveur des secours à domicile. Mais dans les villes d?pne grande population, ils ne peuvent pas suffire seuls ; car un grand nombre d’ouvriers entassés dans les greniers, sont privés, sinon de domicile, au moins de lo� gement où ils puissent être secourus, et n’ont point de famille qui puisse les soigner. Au défaut de l’assistance la plus douce qu’ils ne peuvent pas recevoir, l’Etat leur doit celle dont ils sont susceptibles ; celle qui en approche d’avan� tage, qui pourra adoucir, autant qu’il est possible, l’indispensable nécessité de ne pas appliquer généralement ce genre de traitement si doux, si consolateur, si simple ; et c’est le système des hospices. Placés par arrondissements ou quar? tiers, et multipliés en raison des besoins, ils tiennent les pauvres plus rapprochés de leurs familles, de leurs habitations ; ils les environnent en quelque sorte de leurs connaissances, de leurs habitudes et leur font trouver, dans les compagnons de leur sort, des êtres plus naturellement compatissants, et auxquels ils ne sont pas au moins tout à fait étrangers. Mais il faut encore des établissements plus grands. Il est des maladies, des blessures qui ne peuvent pas être traitées dans ces hospices par; ticuiiers. Il faut, dans chaque département, un lieu où de grandes et savantes opérations de chi? rurgie puissent être sûrement faites, où le local et les moyens de toute espèce assurent des se� cours complets. Là, les maladies, dont une contagion redoutable pourrait faire une calamité publique, seront étouffées dans leur principe. Là l’étranger sans ressource, sans amis, sans soutien, sera accueilli et soigné. Là, enfin, pourront être réunies avec plus d’avantage pour la per fection de l’art, ces maladies graves ou extraordinaires qui, exigeant des méthodes de traitement plus rarement employées, plus compliquées, demandent à être suivies avec des soiqs coûstants et assidus. Dans ces bienfaisantes institutions, vous vou* drez, surtout, Messieurs, qu’il soit marqué un intérêt plus touchant, plus particulier, au sort de ces infortunés qui, dégradés dans la plus noble portion d’eux-mêmes, et devenus le jouet d’une imagination déréglée, éprouvent la plus grande, la plus redoutable des misères humaines ; qui, plongés par intervalle dans l’anéantissement le plus complet de leur raison, et devenus alors la honte de la nature, ne trouvent, dans leur retour au calme, que d’affligeants souvenirs, dans ces souvenirs qu’un triste réveil et le sujet du plus affreux désespoir. A peine, jusqu’ici, quelque pitié a-t-elle fait recueillir ces êtres, si malheur reux ! Dans les secours si incomplets qui leur étaient donnés, la sûreté publique semblait plutôt {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.] 443 consultée, que le malheur de leur situation et que le devoir de l’humanité ; et là, paraissaient s’arrêter les soins qui leur étaient accordés. Aucun effort n’a encore été tenté parmi nous, pour leur soulagement, pour leur guérison, au moins dans la plupart des hôpitaux. De grands succès en ce genre honorent la nation anglaise qui, dans tous ces établissements publics, manifeste un profond respect pour l’humanité ; les Français, plus pénétrés aujourd’hui de ce sentiment qu’aucun peuple du monde, sauront profiter des grands exemples de leurs voisins, et même leur en fournir d’utiles qu’à leur tour ils se feront gloire d’imiter. C’est en réunissant ces deux systèmes de secours, en les faisant marcher de front, en laissant au cours naturel des choses à les balancer entre eux, suivant la nature des besoins, que l’on peut assurer des soins complets aux pauvres dans leurs maladies. Due expérience, née d’une longue observation, a déjà éclairé sur ce point de grandes nations, dm peut citer l’Italie, l’Espagne et toujours l’Angleterre; et sous nos yeux, dans cette capitale, d’heureux essais en ont prouvé l’utile possibilité. Le premier système de ces secours, le secours à domicile, étant celui qu’il importe le plus à l’Etat d’étendre et de propager, nous n’avons rien négligé pour en rendre l’institution générale et complète, le succès facile et assuré. Ainsi, c’est par cantons que nous proposons l’établissement des chirurgiens ou médecins des pauvres dans les campagnes; aucun autre arrondissement ne nous a paru préférable à cette mesure qui, plus constitutionnelle, plusesseutiellemenlliée à la marche de l’administration, répond mieux aussi à celle des besoins. Les cantons offrent, pour l’étendue, pour l’espace de territoire à suryeüler, à parcourir un terme justement proportionnel; leur population aussi répond à la même mesure. Fixée à six on sept mille habitants, elle ne doit donner à un vingtième de pauvres sur cette population, et à un vingtième de malades habituellement sur ces pauvres qu’un nombre d’individus susceptible de pouvoir être suivi facilement par un homme de l’art, dans la vigueur de l’âge, et suffisamment exercé. Dans les arrondissements formés par quartiers dans les villes, nous avons compensé la moindre étendue par une population plus grande. Ainsi, on a réuni, pour chacun, deux arrondissements qui donnent séparément une population à peu près égale à celle d’un canton; enfin, dans les uus et les autres, la population offrant aux médecins et chirurgiens des pauvres un emploi lucratif de leurs soins auprès des malades en état dé les payer, on a pu borner leurs appointements à une somme modique. La dispensation de ces secours devant faire partie de l’administration publique, nous avons dû vpps prpppser pour la nppunatipn des médecins op chirurgiens, pour la manière de les surveiller dans |eprs fonctions, de les distribuer, Jes mêmes règles qqe pour toutes les personnes attachées gpx assemblées administratives. Enfin, le devoir d’éloigner des hommes dévoués aux fonctions publiques jusqu’à l’ombre du soupçon d’esprit, d’intérêt et dê pialvprsation, se trouvant d’accord avec les principes de toute bonne administration, nous avons pensé que la distribution et la préparation des médicaments devait leur être étrangère. Ignorant ce que l’Assemblée nationale décrétera sur le sort des sœurs qui ont jusqu’ici consacré legr yie au service des malades, le comité de mendicité doit attendre que vous ayez prononcé, pour vous proposer ses vues sur les personnes propres à faire ce service; il doit vous rappeler qu’aucun soin auprès des malades ne peut rem?- placer les soins assidus, adroits et compatissants des femmes. Il se borne ici à rendre un hommage public à plusieurs de ces associations religieuses, dont le nom demeurera à jamais consacré dans les fastes de l’humanité, pour les services qu’elle en a reçus; telles sont les sœurs de Saint-Vincent de Paul, de Saint-Charles, de Ne vers; il ajoute seulement qu’il est nécessaire que vous vendiez bien ordonner à vos comités ecclésiastique et de Constitution de vous présenter promptement leurs projets à cet égard. PROJET DE DÉCRET. TITRE PREMIER. — secours aux Malades. Chapitre premier. — Malades dans les campagnes. Art. Ier. Il sera établi, dans les campagnes, des chirurgiens ou des médecins qui soigneront à doiqu* ci le et'gratuitement les pauvres malades. Art. 2. Ces médecins ou chirurgiens seront établis par canton. Art. 3. Il leur sera donné tons les ans, parla municipalité du canton, un état des fa md les portées sur le rôle des pauvres; cet état sera pour eux l’indication des secours gratuits qu’ils devront donner. Art. 4. Ils seront tenus en conséquence dedonT ner leurs soins à toutes ces familles; ils se transr porteront chez les malades dès qu’ils en seront requis ou informés, les traiteront chez eux de leurs infirmités, maladies ou blessures: ils veilleront sur la santé des enfants trouvés et dé tous ceux admis à l’assistance publique, et sur la santé de leurs nourrices; ils devront, à des époques fixes, inoculer saps rétributiun les enfants et les personnes de la liste des pauvres pour lesquels ils en seront requis. Dans les cas de maladies graves, soit lentes, soit aigues, et an commencement des épidémies, ils informeront les agences de secours des districts et départemeuts, et prendront les conseils des médecins qui y seront attachés, Ils seront tenus enfin de faire parvenir tous les ans au directoire du district leurs réflexions sur le climat et le sol du canton, les maladies épidémiques, les épidémies, la manière de les traiter, et sur la comparaison des naissances, mariages et de la mortalité. Art. 5. Les médecins ou chirurgiens ne seront pas chargés de la fourniture des drogues dont il sera établi un dépôt dans le lieu le plus central du captpn. Art. b, Il sera attaché aux places de médecin ou de chirurgien de canton des appointements de 500 livres. Art. 7. Les médecins ou chirurgiens seront nommés par le département, sur la présentation des agences de secours de district et de département, qui ne pourront présenter que des sujets approuvés suivant la loi et reconnus capables et instruits, Art. 8. Sur les plaintes formées par la majorité des municipalités du canton, de i’incondnite, négligence ou incapacité reconnue du médecin ou du chirurgien, le district en connaîtra et en rendra compte au département, qui donnera au médecin ou chirurgien toutes les facilités de se jusr JAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 131 août 1790.] tifier ; si la justification n’est pas complète, il pourra être destitué. Ai t. 9. Il sera formé une liste de sages-femmes approuvées par l’agence de santé de département, domiciliées dans chaque canton. Elles seront payées sur les fonds publics, par accouchement, des soins qu’elles auront donnés aux femmes inscrites sur la liste des pauvres. Art. 10. Quant à la distribution des secours en aliments, et à celle des médicamems, il sera pris par chaque canton, d’après la déc'smn des départements et sur l’avis des districts, les mesures qui paraîtront les plus convenables, suivant les lieux pour la plus grande exactitude et économie de ce service. CHAPITRE II. — Malades dans les villes. Art. l8r. Il sera établi, pour les pauvres malades dans les villes, un traitement gratuit et à domicile. Art. 2. Les villes dont la population n’excède pas 4,000 âmes, partageront avec les campagnes de leur canton les secours de santé. Art. 3. Les villes dont la population sera de 4,000 à 12,000 âmes, n’auront qu’un médecin ou chirurgien des pauvres. Art. 4. Dans les villes qui excéderont ce nombre, il sera nommé des médecins ou chirurgiens par arrondissement ou quartier. Les arrondissements seront formés de deux sections d’assemblées primaires. Art. 5. Indépendamment des secours de santé donnés à domicile, il sera établi dans les villes qui excéderont une population de 4,000 âmes, des maisons communes de malades ou hospices, pour y recevoir ceux qui ne pourraient être soignés dans leur domicile. Art. 6. Il ne sera établi qu’un hospice dans les villes dont la population ne s’élèvera pas à 16,000 âmes, à raison d’un hospice pour deux arrondissements, et ainsi de s dte. Art. 7. Les municipalités pourront même, d’après le vœu du conseil de la commune, réunir dans un même hospice les malades d’un plus grand nombre d’arrondissements, pourvu, toutefois, que ces hospices ne puissent pas recevoir plus de 15i malades. Art. 8. Le service et les fonctions des médecins ou chirurgiens de quartier seront les mêmes, et soumis aux mêmes conditions que celles adoptées pour les médecins ou chirurgiens de canton. Art. 9. Ils seront nommés parle département sur la présentaiion du conseil de la commune, après avoir pris l’avis de l’agence de secours de département et de district, et ils pourront être destitués avec les mêmes formes et au même titre que les médecins ou chirurgiens des cantons : leurs appointements seront aussi de 500 livres. Art. 10. Il sera établi un dépôt de drogues dans chaque chef-lieu de quartier ou d’arrondissement. Art. 11. La préparation et la distribution des médicaments, ainsi que celle des secours en aliments et bouillons, y seront faites par des personnes préposées à cet effet par les municipalités. Art. 12. Dans les villes dont la population ne forme qu’une assemblée primaire, le dépôt des drogues et leur distribution, ainsi que celle des secours en aliments et médicaments, seront un objet commun à l’hospice et aux pauvres malades soignés au dehors; le médecin ou chirurgien et les autres agents de service seront les mêmes. Art. 13. Les mêmes dispositions auront lieu dans les villes plus considérables par arrondissement ou quartier. Art. 14. On suivra, pour l’établissement des sages-femmes, les mêmes règles que pour celles des cantons dans les campagnes. Art. 15. Indépendamment de ces hospices particuliers, il sera établi, dans les grandes villes, des hospices communs pour y admettre et y traiter soit les pauvres malades non domiciliés", soit les maladies qui exigent un traitement particulier; les maladies contagieuses, les maladies vénériennes, la folie incurable, et pour les grandes opérations de chirurgie et les accouchements. Ces hospices pourront, selon l’étendue de la population des villes, être réunis dans un seul établissement, ou divisés en plusieurs. Art. 16. Ces maisons auront des médecins ou chirurgiens en nombre suffisant pour le service qu’elles exigent. Art. 17. Dans les villes qui auront des hospices particuliers, il sera nommé pour chacun, par les électeurs de la municipalité, trois agents de secours qui, réunis, mais pour le soin de ces hospices seulement, à l’agence de secours du district et au comité de surveillance, devront sortir de fonctions par tiers tous les deux ans. Art 18. Il en sera nommé six parles électeurs du département, et pris sur tous les citoyens éligibles du département, pour surveiller et régir les grands hospices communs à tout le département; ils devront aussi sortir de fonctions par tiers tous les deux ans. Art. 19. Les agents surnuméraires seront subordonnés dans leur administration aux directoires des districts et départements. Art. 20. Toutes personnes employées dans l’agence de secours et dans les hospices particuliers et généraux, à quelque titre que ce soit, seront destituâmes pour les mêmes motifs, et dans les mêmes formes indiquées dans l’article 8, pour les médecins et chirurgiens de canton. Art. 21. La proportion des officiers de santé, des personnes attachées au soin des malades et gens de service pour les divers établissements, sera déterminée par le règlement. TITRE II. — Secours a donner aux enfants. L’assistance à donner aux enfants auxquels les secours publics sont nécessaires, est sans doute un des plus impérieux devoirs d’un Etat; c’est aussi celui dont il peut 9e promettre plus d’avantages. Leur conservation est un moyen assuré de richesses dans un empire qui peut offrir avec abondance du travail à tous les bras qui veulent s’occuper. Leurs talents, leurs vertus sont un moyen de force et de prospérité nationale. Enfin, leur propre bonheur qu’ils tiennent des secours qu’ils ont reçus, tourne encore à l’avantage public. De ce nombre sont les enfants nés de familles nombreuses et absolument pauvres; la bienfaisance publique doit y pourvoir au sein de leur famille, dont rien ne peut remplacer les soins; encore en ont-ils une ; encore ne sont-ils qu’à demi malheureux; puisqu’ils ont l’appui de leurs parents, et que les secours publics leur sont assurés. Mais la classe la plus nombreuse d’enfants qui [31 août 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. réclament l’assistance publique, est la classe de ceux dont l’origine est ignorée, et qui ont été abandonnés par les auteurs de leurs jours. Le gouvernement avait, depuis peu d’années, ordonné, dans l’administration des secours qui leur étaient destinés, quelque changement avantageux pour leur existence; la mortalité a dû diminuer par ce nouvel ordre de choses : mais cette mortalité est bien considérable encore. Presque tous les enfants qui en échappent, placés dans les hôpitaux, ne peuvent jamais devenir des hommes; leurs facultés physiques et morales, contrariées ou étouffées sans cesse, ne se développent qu’imparfaitement; étrangers à toute idée de devoir, les sentiments d’affeciion, de tendresse par lesquels s’ouvrent les cœ irs des enfants, ne, peuvent être connus d’eux. Elevés dans l’oisiveté, ils en contractent l’habitude et le goût; ils vivent dans la fainéantise, et l’Etat fait ainsi des dépenses énormes pour faire de ces enfants des sujets inutiles, misérables, et par conséquent dangereux. Ceux qu’un peu plus de bonheur ou d’énergie naturelle fait sortir de cette ligne ordinaire, et jette dans la société avec quelques talents, ou qui, élevés à la campagne, apportent un peu plus d’habitude du travail, trouvent dans le préjugé qui llétiit leur naissance, des obstacles qu’une force et une vertu peu communes peuvent seules surmonter. Sans aucun lieu naturel, sans appui, sans conseils qui les préservent des écueils d’autant plus dangereux pour leur jeunesse, qu’ils ont passé leur enfance dans une continuelle captivité, ils sont, par leur éducation même, destinés à être malheureux. Aussi, dans la multitude infinie d’enfants de cette espèce, combien peu y en a-t-il dont l’existence ne soit pas à charge à la société et à eux-mêmes ? Errants, vagabonus, mendiants, presque par nécessité, combien d’entre eux, après avoir peuplé les prisons, ne finissent pas honteusement et misérablement? Voilà les vices que la législation nouvelle doit soigneusement éviter, qu’elle doit s'efforcer même de rendre impossible. L’objet de l’assistance des enfants abandonnés est, sans doute, pour une Constitution sage, la conservation de leurs jours, de leur sauté; mais elle doit (dus particulièrement encore s’occuper d’en faire des sujets utiles à l’Etat; d’assurer leur bonheur, en leur préparant des vertus, en les rendant dignes de la confiance de leurs concitoyens. La législation, qui répand des secours sur celte classe d’enfants, doit encore avoir pour objet de diminuer le nombre des mères qui, renonçant aux sentiments le plus doux, les plus puissants de la nature, abandonnent leurs enfants, et privent ainsi à jamais du bonheur de connaître leurs parents, les malheureux auxquels elles ont donné le jour. Cette considération est de la plus grande importance ; l’assistance publique qui favoriserait le désordre De serait plus une bienfaisance, et il u’en est pas de plus malheureux pour la société que l’abandon des enfants. 11 est peut-être impossible de pourvoir complètement à l’existence de ces enfants, de préparer même à cette intention des facilités pour celles à qui le malheur les rend nécessaires, et de ne pas présenter les mêmes facilités à celles qui, sans nécessité, pourraient en profiter. Il e�t peut-êire impossible, eu offrant ainsi des soins au véritable malheur, de ne pas prêter au vice qutique moyen de les usurper; car, avant tout, ces enfants doivent être secourus, ils ne sont que malheureux, et des pré-I cautions trop exagérées pour réduire ces secours, auraient peut-être de plus grands inconvénients encore. Voilà la plus épineuse difficulté de la législation des enfants abandonnés. Voilà celle qu’il faut combattre, sans cependant pouvoir se natter d’en éviter absolument tous les dangers. Le nombre des enfants abandonnés est dans un Etat en raison de la misère et des mauvaises mœurs; c’est donc en attaquant ces deux causes que l’on peut espérer d’agir efficacement sur le désordre qui en est l’effet; elles le seront successivement par la Constitution. La Constitution, répandant les richesses sur un plus grand nombre d'individus, augmentera le nombre des familles propriétaires et diminuera l'indigence absolue : en dirigeant vers l’intérêt public les facultés de tous les citoyens, en unissant, pour ce motif commun, les intérêts particuliers, elle donnera aux sentiments naturels, aux vertus privées, une force qui, aujourd’ui, n’est pas même crue possible : en rendant à chacun tous ses droits, instruisant chacun de ses devoirs, et les réduisant à ce qu’ils ont de vrai, elle pénétrera chacun aussi de la nécessité de les remplir : en diminuant le nombre des célibataires, elle attaquera une des causes les plus communes de l’abandon des enfants; et il est sans aucun doute qu’elle favoriserait les mariages, en adoucissant ses liens, et en rappelant à ses douceurs une multitude d'êtres condamnés jusqu ici par nos lois à les ignorer. Elle travaillera ainsi à la régénération des mœurs; elle seule peut Opérer ce grand, c< t important changement. Mais la législation bienfaisante, qui saura hâter cette nécessaire révolution, nVn doit pas moins des secours complets aux infortunés dont le malheur les réclame. Nous avons cru qu’ayant pour objet unique de faire de ces enfants des citoyens utiles et heureux, ses principales conditions étaient de pourvoir à leur existence physique et au développement de leur force, d’assurer leur existence civile, de remplacer, autant qu’il se pourrait, par sa surveillance la plus suivie, par la tutelle la plus éclairée et la plus v gilante, tous les soins paternels qui leur étaient refu>és par la nature; d’éclairer tellement tous les événements de leur enfance, qu’ils puissent être facilement réclamés par leurs parents, si ceux-ci étaient rappelés aux sentiments qu’ils avaient méconnus. Nous avons cru que ces lois, suivant ces enfants dans les premiers temps de leur jeunesse, les faisant participer aux bienfaits de l’institution publique que sans duute votre sagesse rcnlra complète, les fortifiant contre les vices, par la connaissance de leurs dêvoirs et l’amour du travail, les tirant ainsi avec nécessité de la classe des mendiants où le régime des hôpitaux les précipitait, laissant à l’activité, à l'intelligence' de' leur tuteur les moyens d’améliorer leur sort, devaient encore économiser les secours de la bienfaisance publique ; et qu'ealin, elles devaient faire servir pour ia régénération des mœurs, les mêmes circonstances d’infortune, qui aujourd’hui les dégradent. Telles sont les principales vues que nous avons cherché à remplir dans le projet ne décret que nous vous soumettons pour l'assistance des enfants abandonnés. Mais nous avons pensé que vous pouviez faire et que vous ferez pour eux pius e icore; qu’en faisant revivre en Lur faveur la loi qui a le plus honoré l’antiquité (ia loi de l'adoption), vous pourriez rendre à ces enfants l’espoir de ne plus être étrangers à tous les sentiments naturels, et 446 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ldi àbût 1790; en faire pour eux le plus puissant motif d’émulation, comme la consolation la plus douce. Nous iaissëhs au comité dè constitution l’honorable soin dë vêtis proposer d’appliquer à la société entière cëttë loi, dont la société semble devoir tirer tant d’avantages, à laquelle l’antiquité a dû tant de grands hommes, qui doit, par la réciprocité des bienfaits et de la reconnaissance, développer taftt de généreux sentiments, qui, introduisant Un riüüveau commercé de bienfaisance entre les hommes* unirait les familles par des liens d’autant plus sûrement inspectés, qü’ils seraient l’effet du choix qui répandrait tant de douceur sur l’inquiétude de la jeunesse sans appui, ët taht de consolation sur l’amertume de la vieillesse sans famille, qui doit enfin imprimer aux mœurs une nécessaire tendance vers le bien. Nous osons penser que l’utilité de cette loi généralement appliquée sera facilement démontrée, et nüus ambitionnons l’honneur de la défendre quand elle sera proposée. Nous nous bornons ici a fixer vos regards sur cette classe d’enfants qui, comme perdus sur la terre, n’ont jamais connu les aüteurs de leurs jours ; qui, sans parents, sans appui, sans aucun être qu’ils intéressent, se trouvant seuls au milieu du monde entier, n’appartiennent qu’à l’espèce humaine ; qui, sans droit aüx sentiments de la tendresse et de la reconnaissance, ne semblent nés que poür l’humiliation, et pouvoir à peine espérer quelques regards de la pitié. C’est pour eüx seuls qüe nous implorons en ce moment dé votre bonté, de votre justice, une loi qui, détruisant la proscription qüi semble les séparer du reste dé la société, rendfa à leur âme urte énergie salutaire, eh les excitant aux vertus et aux talents. On bous opposera, sans doute, que cette loi, donnant aux pères et mères la facilité d’adopter un enfant qui ne sera pas né en mariage légitime, favorisera le libertinage, ou du moins le célibat. Si nous ne. pouvions pas détruire jusqu’à la plus légère probabilité de ces funestes conséquences, nous n aurions pas la confiance de vous la proposer. Nous croyons, avec votre comité de constitution, que le projet de décret et les développements qui l’accompagnent, répondent à ces objections: nous croyons que cette loi, revêtue de toutes les précautions dont nous avons cherché à l’envelopper, sera, au contraire, favorable aux bonnes mœurs autant qu’utile à l’espèce humaine, an bonheur de ces malheureux enfants. C’est à tous ces titres que nous vous la proposons. Nous invitons l’hotiorable membre de cette Assemblée, qui, dans un discours couronné, il y a trois ans, à l’académie de Metz, a plaidé, avec tant de philosophie et de force, la cause que nous osons plaider devant vous; à faire valoir ici toutes les vues qu’il a si bien développées. Ainsi* Messieurs, après avoir apporté à l’éducation physique et morale de ces malheureux enfants tous les soins que la société doit à des êtres abandonnés ; après lès avoir soutenus par la protection publique, vous adoucirez, vous réparerez encore le malheur de leur naissance ; vous les dirigerez plus fortement, plus impérieusement vers la vertu* par l’espoir du plus grand bonheur; vous permettrez enfin qu’ils trouvent dans leurs concitoyens des pères adoptifs; vous permettiez qu’adoptés par ces familles laborieuses* pour qui un enfant de plus est un nouveau moyen de richesses* ils y apportent l’aisance, l’activité; que pour prix de l'existence qu’ils eu auront reçue, ils leür donnent en retour leur affection, leurs sentiments, leurs soinë et le frtiit de leurs travaux. Voilà, Messieurs, le bOhUeUr qü’en faisant revivre une des lois les plus sages, les plus huihai-nes , vous pouvez prbcUfer à jamais à Une multitude d’êtres infortunés pour lesquels, sans cela, votre bienfaisance né serait qu’incomplète, et en leur assurant Ce bonheur, voüs travaillerez au bonheur public; car s’il est composé du bonheur des individus, il l’est plus réellement composé encore de leur Utilité. Toutes ces considérations ont déterminé le projet de décret sur l’adoption qüe nous proposerons à votre délibération, après y avoir soumis celui sur les secours à donner aux enfants. PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. Les enfants abandonnés seront portés à la maison commuée de la municipalité, ou au lieu indiqué par elle. Art. 2. Les officiers municipaux pourvoiront sur-le-champ à leur nourriture. Art. 3. Le procureur dë la cdfnmoiie* qui sera toujours curateur des enfants abandonnés* fera inscrire sur un registre à Cet effet, le nom de baptême de l’enfant avec tous les renseignements qui pourront le faire reconnaître et assurer son état civil ; il fera mention dû nom de la personne qui aura apporté l’éhfant, si elle connue, ët là fera signer, si elle y consent. Art. 4. La municipalité rendra sur-lë-champ compte au directoire du district du lieu où cet enfant sera placé, lui enverra un double dti ptocès-verbal , et en instruira le juge de paii dü canton. Art. 5. Si l’enfant abandonné à domicile est reconnu par la clameur publique* fils légitime abandonné par ses père et mère* il sefâ fait* par le juge de paix de canton, infarinatidü pour connaître s’il a des parents connus dans le dépdr-* tement ; dans ce cas, cet officiel public acquerra verbalement ou par écrit la famille de l’enfant, de déclarer si elle peut et teüt s’ën charger gratuitement; dans le cas de refus, elle choisira parmi elle un tuteur pour l’enfant* qui* agréé pdr ië juge de paix, devra particulièrement veiller â seS intérêts * ët l’enfant demeurera à la Charge publique. Art. 6. Dans le cas où les enfants reconnus légitimes n’auraient pas de parents connus, ils seront, ainsi que ceux dont l’origine est ignorée, sous la surveillance immédiate des commissaires dü roi dü district et des juges de paix du canton où ils seront placés. Art. 7. Les chirurgiens des eahtdns seront chargés dé visiter tous les enfants qui seront à la charge publique, et de donner à leur santé les soins nécessaires. Art. 8. Ils rendront compte tons les mois de’ la situation de ces enfants à la municipalité dans le ressort de laquelle ils seront, et à l'agence de secours du district. Art; 9. Daus le cas de mort de l’un des ces enfants, l’extrait mortuaire sera remis à la municipalité; celle-ci eü instruira le directoire dë district , la municipalité dü lieu où l’enfaUt aürU été exposé, et le juge de paix, le Chirurgien ne canton dans son compte du mois en informera l’agence de secours. Art. 10. Quand ces enfants seront sèvres* les directoires du district les donneront à des familles qui voudront s’ën charger, et oü il sera reconnu [Assemblés hationaletj ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790. qu’ils pourront être mieux soignés. En conséquence, ces familles recevront par mois une somme déterminée, jusqü’â ce (}ue ces enfants aient atteint l’âge de 14 ans polir les tilles, et de 15 ans pour les garçons. Art. 11. Ces pensions qui* pour la première année, ne pourront pas excéder 90 livres, et les années suivantes 40 livres, seront tous les deux ans fixées par le département. Le taux commun des journées de travail dans le département, servira de base à cette fixation -, les journées les plus fortes étant évaluées 20 sols. Art. 12. Les familles qui prendront la charge de ces enfants s’engageront à ne cesser leurs soins qu’en prévenant la municipalité du lieu trois mois d’avance. Art. 13. Sur l’avis qui en sera donné par la municipalité au directoire du district, et par le chirurgien de l’agence des secours, le directoire donnera ordre pour qu’une nouvelle famille soit chargée de l’enfant. Art. 14. Les commissaires du roi du district et juge de paix du canton devront de leur côté, sur l’avis des municipalités et des chirurgiens, pourvoir à mettre ces enfants en d’autres mains, s’ils jugent que ce changement puisse leur être avantageux. Art. 15. Ils pouvoiront également, ainsi qu’il sera dit pour les pauvres infirmes, au sort dès enfants qui, par des infirmités habituelles, ne trouveraient pas des faînilles qui voulussent s’en charger. Art. 16. Les mêmes officiers chargés de la surveillance des enfants abandonnés, devront, à ce titre, veiller à ce qu’ils profitent de l’instruction publique, à tous les moyens les plus propres d’assürer, par la suite, leur subsistance, et d’en faire des citoyens bons et utiles à l’Ëfat : ils les feront inscrire à l'âgè requis sur le tableau civique. Art. 17. A l’âge de 18 ans, Sür la permission des commissaires du rdi et du juge de paix du canton, ces enfants seront libres de travailler à leur compte, et de changer de maison de travail; mais ils resteront sous la tutelle des officiers publics jusqu’à l’âge prescrit par la loi. Art. 18. Ceux-ci pourront placer dans les Caisses nationales, les deniers d’économie, de profit OU de succession de ces enfants, et seront tenus de ies faire valoir le plus avantageusement qU’il leur sera possible, d’après les formes indiquées dans le cas de tutelle. Art. 19. Le compte de tutelle ne sera rendu que lorsque ces enfants auront atteint l’âge de majorité, du qu’ils se marieront. Art. 20. Si l’adoption est décrétée, le Compte de la tutelle sera rendu aux familles qui adopteront l’enfant. Art. 21. Les familles ou leg individus qui se chargeront gratuitement d’enfants abandonnés, seront nominativement inscrits sür un registre particulier, qui sera rendu public tous les ans par la voie de l’impression.' Art. 22. Les registres des districts et des municipalités destinés aux enfants abandonnés* contiendront toutes les variations qu'ils auront éprouvées dans leur sort jusqu’à l’époque de leur majorité. Art. 23. L’enfant légitime ou illégitime, réclamé par sa mère oü ses parents, avec preuves suffisantes, leur sera gratuitement rendu, s’ils sont à la charge publique. Pans le cas contraire, ils seront tenus de payer la somme de 30 livres par 447 chaque année que l’enfant sera resté à la charge du département. Art. 24. Les enfants abandonnés dans, Un département ne pourront être transportés dans un autre ; et ceux abandonnés hors du royaume ne pourront, à aucun titre, y être introduits, sous les peines, pour les contrevenants, qui seront prononcées dans le code pénal de policé. Art. 25. Les officiers publics, chargés dé la surveillance des enfants abandonnés, ëü devront, tous les six mois, rendre un compte détaillé au directoire de leur district, et ceux-ci tous les ans aux administrateurs de département* à qui en appartient l’inspection et la surveillance première. Art. 26. Quant aux enfants en bas âge, tombant à la charge publique, il sera pourvu à leur sort par les officiers publics, comme pour les enfants abandonnés dont les parents seront reconnus. Art. 27. Quant aux enfants des pauvres dont l’entretien serait prouvé ne pouvoir être supporté par leurs parents, il y sera pourvu aü sein de leur famille sous la surveillance publique, par de modiques pensions, ainsi qu’il sera dit à l’article des pauvres valides. PROJET DE DÉCRET POUR L’ADOPTION DES ENFANTS ÀÈANDONNÉS. OBSERVATIONS. Art. 1er. Les enfants devant le plus communément être adoptés par des gens de campagne, pour qui un plus grand nombre d’enfants est une cause de prospérité, la liberté donnée aux pères et mères ayant des enfants légitimes d’en adopter de nouveaux ne présente aucun inconvénient . La double considération d’encourager le mariage et d’honorer l’adoption, motive suffisamment l’exclusion donnée aux célibataires de la faculté d’adoption. Art. 3. Il est inutile d’expliquer que cette disposition de la loi a pour objet d’empêcher qu’un mari ou une femme qui auraient donné naissance a un enfânt l’un saiis l’autre, n’admissent au milieu de leurs enfants légitimes, cet enfant d’uti seul, et ne portassent ainsi le germe du trouble dans le sein de leur famille. 11 semble que cette disposition pafe à beaucoup d’inconvénients. On objectera que l’empire dur de beaucoup de maris sur leurs femmes, et l’influence non moins positive de femmes sur leurs maris, forceront le consentement de l’uu ou de l’autre à cette adoption que cet article de la loi veut éviter ; nous ré-PROJET DE DECRET. Art. l6r. Tout citoyen marié ou non, ayant ou n’ayant pas d’enfants, pourra adopter un ou plusieurs enfatlt& nés de parents inconnus. Néanmoins cëux qui auront vécu dans le célibat ne pourront faire aucune adoption avant l’âge de 50 ansrf Art. 2. Il ne sera pas permis aux personnes mariées ayant des enfants, oü dans l’âge d’èn avoir, d’adopter plus de deux enfants. Art. 3. Nul enfant ne pourra être adopté que ar le libre consentement q mari et de la femme adoptants; ce consentement sera donné en personne devant le procureur de la commune, comme curateur né des enfants abandonnés, devant le juge de paix et ses prud’hommes qui en donneront acte. 448 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |31 août 1790.] OBSERVATIONS. pondrons que, dans ce cas, ce consentement sera beaucoup moins demandé et accordé qu’on ne le pense, et qu’ensuite la loi ne peut pas plus pourvoir à ce consentement forcé qu’à celui qui fait signer une femme pour son mari par com-laisance ou par crainte. a condition nécessaire de l’acte passé devant le tribunal de paix, pose un obstacle de plus à ce consentement de faiblesse. Art. 4. La disposition de cet article a encore l’intention d’opposer un obstacle à ceux qui, voulant profiter de la faveur de la loi, mais attachés cependant à leurs enfants , se proposeraient en les plaçant au rang des enfants abandonnés, de les réclamer peu temps après. La crainte d’être on liges de les laisser pendant sept ans à tous ces hasards, aux soins incertains de mains étran-gères? engagera les pères, assez attachés à leurs enfants pour vouloir les adopter, à prendre le seul moyen qui puisse leur donner le droit de veiller sur leur sort; ils légitimeront leur naissance par le mariage. Ainsi, cet article, au lieu d’encourager le célibat, tend au contraire à l’anéantir. Quant «aux parents qui, s’étant mariés postérieurement à la naissance de leur enfant , le reclameraient avant l’âge de sept ans, la disposition des lois actuelles légitime la naissance des enfants quand les pères et mères se marient ; elle reste entière. Art. S, 6 et 7. L’adoption, étant la représentation, le remplacement de la paternité, veut dans les parents adopiants la différence d’âge nécessaire pour être parents véritables; quant aux moyens exiges de fortuné, l’exposition seule de l’article en est un développement suffisant. L’adoption doit être un moyen d’assurer le bonheur des enfants à qui la loi veut donner une famille ; il faut donc empêcher qu’ils ne soient adoptés par des individus qui, plongés dans l’indigence, non seulement ne leur donneraient qu’une existence pénible, mais leur ôteraient encore tout espoir pour l’avenir , en les privant de la fortune qu’aurait pu leur procurer une adoption plus avantageuse, en les mettant eux-mêmes hors d’état de développer leurs talents et leur industrie. Quelque précieuse que soit l’existence civile, elle serait un présent fu-OBSERVATIONS. neste, si la misère devait toujours l’accompagner. Les articles 6 et 7 opposent une barrière insurmontable aux êtres assez dépravés pour chercher un moyen de corruption dans l’usage de la loi la plus humaine, la plus sage, et la plus généreuse, et met ainsi obstacle aux sépara»- tions fréquentes, et, par conséquent, aux désordres qui pourraient résulter de l’envie et de la facilité de donner une existence civile à un enfant né d’un des deux époux sans le secours de l’autre , ils fortifient d’ailleurs, la condition nécessaire pour l’adoption du consentement réciproque du mari et de la femme adoptants. Art. 8. La même intention protectrice pour les enfants a déterminé encore à exiger la plus grande notoriété au projet d’adoption avant qu’il puisse être mis à exécution, et à appeler l’intervention des officiers publics dans ces actes si importants. Ils constateront la fortune, les mœurs et le caractère de la famille qui voudra adopter ; par ce moyen les enfants ne seront confiés qu’à des familles susceptibles de leur donner une éducation honnête, qu’à celles qui présenteront la probabilité de les rendre heureux. Ces enfants ne peuvent par eux-mêmes distinguer leur véritable intérêt ; ces officiers publics doivent y veiller pour eux; ils ont à cet égard la confiance de la nation, à qui ces enfants appartiennent; toutes ces précautions, in formations préalables et consentement donné par le tribunal pour autoriser ce changement d’état de l’enfant, le plus grand évènement de sa vie, qui va la changer tout entière, sont donc de droit et de devoir. La condition exigée de la notoriété donnée pendant un mois, au dessein d’adopter un enfant, a pour objet d’en instruire tous ceux qui peuvent prendre intérêt à l’enfant, de faire déclarer les vrais parents, s’ils tiennent encore à lui; enfin de multiplier les précautions. L’inscription subséquente est une précaution de police bonne etsalutaire. Art. 9. L’importance de cette action en rend la publicité et la solennité nécessaires. Cette publicité qui soumet à l’opinion publique le consentement donné par les officiers publics, les oblige à y porter une atten-* tion plus circonspecte ; et PROJET DE DÉCRET. Art. 4. Aucun enfant né de parents inconnus ne pourra etre adopté avant l âge de sept ans et au-dessus. Art. 5. Pour êtrè admis à adopter un enfant, il faudra avoir au moins dix-huit ans plus que lui, avoir des moyens connus et certifiés tant par la municipalité du lieu, que par le juge de paix du canton et le directoire du district, de subsister et de faire subsister l’enfant adoptif. Art. 6. Des hommes veufs ou garçons ne pourront adopter que des enfants de leur sexe ; il en sera de même des veuves ou des filles. Art. 7. Les hommes séparés de leurs femmes, et les femmes séparées de leurs maris, seront privés de la faculté d’adopter. PROJET DE DÉCRET. Art. 8. L’acte d’adoption ne pourra avoir lieu qu’a-près que le projet en aura été affiché pendant un mois dans le lieu d’audience du tribunal de district. La demande en sera faite en présence du commissaire du roi au tribunal de district, dans le territoire duquel l’enfant adoptif sera placé; le procureur de la commune et le juge de paix seront entendus ; et sur la réquisition qui en sera faite ensuite par le commissaire du roi, le tribunal de district prononçera. 11 sera fait mention de ce prononcé en marge du registre sur lequel la municipalité aura inscrit le nom de l’enfant à l’épojue de son abandon. L’acte et le jugement d’adoption seront inscrits dans un registre tenu à cet effet, au greffe du tribunal du district, et signé par les père et mère anoptifs, par l’enfant adoptif, s’il sait signer, par le commissaire du foi et le greffier. Si les père et mère adoptifs et l’enfant ne savent pas signer, il en sera fait mention ; l’adoption faite demeurera affichée dans l’auditoire du district. Art. 9. Ceux qui adopteront un enfant prendront solennellement l’engagement de le nourrir, instruire et entretenir comme un enfant légitime, de lui inspirer les sentiments d’honneur, de probité, de patriotisme, le respect pour [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.1 449 OBSERVATIONS. bien que ces enfants soient remis par la loi à leurs parents adoptifs, il semble qu’elle doit toujours veiller sur leur existence, tant qu’ils ne sont pas en âge de majorité et surveiller .leur destinée. Art. 10. La possibilité d’une foule d’événements qui pourraient avoir changé le sort de l’enfant, ou de celui de ses parents adoptifs, rend cette ratification nécessaire. On ne saurait ôter à un enfant l’usage de sa liberté et de ses droits, au point de ne pouvoir revenir sur un acte contracté sans qu’il y ait pris part, puisque sa jeunesse le mettait hors d’état d’en sentir l’importance et d’en prévoir les effets. On pourrait dire qu’à quinze et à dix-huit ans il est trop jeune encore pour disposer de lui avec connaissance de cause ; mais retarder davantage cette époque, ce serait rendre trop précaire l’existence des enfants, leurs parents adoptifs pouvant être arrêtés dans leurs vues favorables par la crainte de cette séparation, et redouter de faire des sacrifices dont ils ne pourraient pas s’assurer de voir le fruit. D’ailleurs, l’expérience de quelques années fera encore juger aux contractants s’ils se conviennent réciproquement. Art. il. Laisser à l’enfant la liberté entière de renoncer à son adoption, c’est exposer sa jeunesse, son inexpérience, son caprice ou son humeur du moment, à lui faire perdre, peut-être, le bonheur de sa vie. La nécessité du concours de la volonté de son curateur, du juge de paix et du commissaire du roi, en le préservant également de toutes vexations, assurera la société que celte faculté restera entière pour lui, si son véritable intérêt exige ce changement, mais lui est une sûreté contre lui-même. Cette sorte de publicité donnée aux causes du refus de l’enfant, sera un motif de plus aux père et mère adoptants d’en bien user avec eux. Art. 12, 13 et 14. Il était nécessaire de porter obstacle à la dureté, à l’avarice, à l’inconstance des pères et mères adoptifs, qui, au moment de ne plus jouir du travail des enfants, voudraient dissoudre l’adoption, et qui, ayant par leur adoption empêché ces enfants d’être adoptés par lrs Série. T. XV] PROJET DE DÉCRET . la Constitution, d’instruire les officiers publics, tous les ans, de l’état de cet enfant, même de leur en faire la représentation. L’engagement ci-dessus énoncé sera formellement exprimé dans l’acto et le prononcé de l’adoption. Art. 10. Quand l’enfant aura atteint l’âge de quinze ans, si c’est une fille, et de dix-huit, si c’est un garçon, la déclaration et l’engagement seront renouvelés de sa part et de celle de ses parents adoptifs ; si les uns et les autres s’y refusaient, trois mois après l’adoption demeurerait sans effet. Art. 11. L’enfant ne pourra refuser de ratifier l’engagement d’adoption que par le consentement du procureur de la commune, du juge de paix du canton et du commissaire du roi du district. Art. 12. Les pères et mères adoptants qui ne voudront pas renouveler leur engagement d’adoption pour des enfants arrivés à l’âge énoncé dans l’article précédent, quoique ceux-ci consentent à le ratifier, ne pourront être autorisés à rompre leur adoption que par jugement du tribunal du OBSERVATIONS. des parents moins changeants, les mettraient dans un grand état de malheur. 11 faut aussi empêcher que l’enfant, par une assurance complète de son sort, ne méconnaisse ses devoirs de toute espèce, et les principes de probité qu’il doit suivre. Il faut cependant que la liberté du renouvellement de l’adoption soit entière. Ces trois articles ont ces intentions. Art. 15. La nécessité de la publicité de cet acte est la même que celle de l’adoption ; et comme cet acte est une conséquence de la satisfaction mutuelle que les parents et les enfants ont réciproquement les uns des autres, les parents doivent alors justifier de ce qu’ils ont fait pour le bien de ces enfants et de ce qu’ils l'engagent à faire pour leur établissement. Art. 16. L’hommage public rendu par un enfant à des parents des bontés particulières desquelles il aura à se louer, est un bonheur pour l’enfant, un honneur pour les parents, et cet hommage entraîne celui de la société. Mais comme il faut que le tribut de reconnaissance ne soit pas l’effet, ou d’une faiblesse, ou de l’enthousiasme du moment, il doit être consenti par ceux qui, chargés des intérêts de l’enfant, ont dû connaître les titres de ses parents à sa gratitude. PROJET DE DÉCRET. district, prononcé sur les conclusions du commissaire du roi, après avoir entendu le curateur de l’enfant et le juge de paix du canton. Art. 13. Si les motifs des pères et mères adoptants sont fondés sur des faits graves, imputés à l’enfant et prouvés, l’adoption sera purement et simplement annulée sans indemnité de la part des parents. Art. 14. Si le tribunal ne reconnaît pas que l’enfant soit coupable de faits de cette nature, en déclarant la dissolution de cette adoption, les juges prononceront contre les pères et mères adoptants, une indemnité en faveur de l’enfant rejeté, qui s’élèvera à la moitié de la part d’enfant adoptif, laquelle moitié lui sera payée sur-le-champ. Art. 15. La ratification de l’adoption, renouvelée par les parents adoptants et les enfants adoptés, se fera avec la même solennité que l’adoption elle-même ; les parents adoptants devront y faire publiquement connaître les moyéns qu’ils ont pris pour assurer à l’enfant dans la suite de sa vie les moyens de subsister. Cette déclaration, certifiée par le curateur de l’enfant, par le juge de paix et le commissaire du roi, sera mentionnée dans l’acte de ratification. Art. 16 . L’enfant qui aura particulièrement à se louer des soins et des bienfaits de ses parents adoptifs, sera autorisé, avec le consentement de son curateur, du juge de paix et du com missaire du roi du district, à en témoigner publiquement sa reconnaissance ; le nom des parents, ainsi remerciés, sera inscrit dans un tableau affiché dans tous les auditoires du département, et il en sera fait mention dans le procès-verbal de l’assemblée du département. Art. 17. Si avant l’époque de la ratification de l’adoption les père et mère adoptants venaient à mourir, l’enfant adoptif jouirait de sa part d’enfant adoptif; le procureur de la commune et le commissaire du roi du district seraient tenus d’en rendre un compte public et d’en remettre les fonds à la famille des parents décédés, si à l’âge ci-dessus énoncé l’enfant réclamait contre l’adoption, il lui serait remis à lui-même à l’âge de majorité, s’il n’avait fait aucune réclamation. 29 [31 août 1790.] 450 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. * OBSERVATIONS. PROJET DE DECRET. Art. 18. Cette clause a _ Art. 18. L’enfant adoptif Sour objet de prévenir les jouira dans la famille qui isputes d’intérêts que l’in-l’aura adopté, de tous Aes troduction des enfants étran-droits légitimes, sans que gers dans une famille pour-cependant il puisse jamais, rait y faire naître, s’ils à quelque titre que ce soit, pouvaient frustrer les en-et quel que soit le nombre fants légitimes de leurs d’enfants, avoir dans la -droits, en leur en conser-succession des père et mère vant cependant une pro-adoptants plus qu’une demi-portion qui doit assurer part, ni prétendre à aucune -four bien-être. La nullité de succession collatérale dans fours droits, pour les héri-leur famille. tages collatéraux, a la même intention, et n’empêche pas d'ailleurs les donations volontaires. L’habileté des collatéraux des parents .adoptants à hériter de ces enfants adoptifs, est une Sorte de justice rendue à sa famille , frustrée par l’adoption du droit d'une demi-part dans la succession des adoptants ; c’est une sorte d’hommage, de tribut, ‘ de reconnaissance à la famille des adoptants. Art. 19. L’enfant adoptif portera le nom de son père adoptif, ou de sa mère adoptive , s’il est adopté par une femme. Art. 20. Il serait con-Art. 20. Si après l’adop-traire aux lois de la nature tion consommée d’un en-d’empêcher des parents de fant, il était réclamé par réclamer leurs enfants, des pcre et mère qui se Leurs droits ne sauraient feraient reconnaître, fenêtre abrogés par ceux qu’ont fant leur sera remis, dans acquis les parents adop-cas oû, sur l’avis du pro-tants. Cependant, comme .cureur de la commune, du en abandonnant leur en-Juge de paix et du com-fant, ils se sont rendus uûssaire du roi, le tribunal coupables envers lui du du district jugerait qu’il y tort le plus grave ; qu’en a �eu de déférer à cette oubliant leurs devoirs, ils réclamation ; dans le cas l’ont en quelque sorte dis-contraire, l’enfant restera pensé des siens, son con-dans la famille adoptive lentement doit être néces-jusqu’à l’âge de quinze ans, saire pour les autoriser à s* Ç’est une fille, et de dix-,y rentrer ; et comme il n’est h™ b si c’est un garçon. Si pas dans l’âge à disposer ies Pare et mère le récla-de lui, des officiers publics, ment encore, alors il sera sur l’exposé de son cura-requis de prononcer lui-teur, prononceront pour ses même sur son sort qui sera intérêts. Arrivé à 1 âge rai-Ax® par cette décision ; sonnable, s’il refuse lui-dans le cas où il se refu-même son consentement, sera à la réclamation, il alors il brise formellement Perdra toute espèce de les liens du sang, il renonce �roit & la succession de ses sans retour à sa famille ; Père et mère. il faut donc aussi qu’il renonce à tous les avantages qu’il aurait pu en espérer. Art. 21. Si l’enfant adoptif meurt sans enfants, sa succession entière sera dévolue à ses père et mère adoptifs, sauf les dispositions qu'il pourra avoir faites, conformément aux lois. S’il meurt après le décès de ses père et mère adoptifs, sa succession, sous les mêmes réserves, appartiendra aux plus pi’oches parents de ses père et mère I adoptifs. ' TITRE III. — Secours aux vieillards ET INFIRMES. Il D’est point de peuple, ancien ou moderne, (pi n’ait montré les sentiments de respect et de bienveillance que la nature semble avoir placés dans le cœur de tous les hommes pour leurs semblables affaiblis par l’âge on les infirmités. Sans remonter à la source de ce sentiment de vénération et d’indulgence compatissante, nous observerons qu’il tient aux bonnes mœurs de tous les âges, qu’il contribue à rendre les hommes meilleurs, et qu’il exprime la juste reconnaissance des enfants envers ceux dont ils tiennent leur existence, leur éducation et leur bien-être. De sages législateurs doivent donc se proposer comme un devoir de le maintenir èt de le faire germer par tous les moyens qui sont en leur pouvoir. Votre comité, pénétré de ces principes, vient vous soumettre ici un projet de lois qu'il croit propres à concilier l’intérêt général de la société avec ses obligations envers la vieillesse sans ressources. En effet, s’il est incontestable que le bien commun impose aux législateurs le devoir de rendre l’homme laborieux et prévoyant dans la vigueur de l’âge, il résulte de cette vérité que les secours accordés à la vieillesse sur les fonds publics doivent être autant le supplément au travail devenu impossible, que l’expression de la satisfaction qu’a la société de sa conscience laborieuse ; de même que les secours accordés à l’enfant abandonné au moment de sa naissance, ne doivent être considérés par la société que comme un prêt qu’elle lui fait pour eu être un jour dédommagée par le travail, et l’utilité qu’elle attend. Dans les secours accordés à la vieillesse, nous n’avons pas cependant dû oublier que l’assistance publique perdrait le caractère de la bienfaisance, si elle sortait des règles invariables d’une apparente sévérité, importantes à maintenir dans des secours que la prévoyance de ceux qui y recourent eût pu peut-être leur rendre inutiles, et compatibles cependant avec les douceurs, les soins, les ménagements dus à l'infirmité et à la vieillesse. C’est pour réunir toutes ces vues que votre comité s’est d’abord occupé d’épargner au vieillard indigent le spectacle déchirant de ses pro près infirmités, qu’il voyait, pour ainsi dire, se multiplier sous ses yeux dans les hôpitaux. Vous avez vu dans nos précédents rapports sur ces hospices de l'humanité souffrante, que le pauvre, souvent aigri par le sentiment de sa misère et de ses maux, chagrin de ne se voir entouré que de privations et d’objets dégoûtants, murmure sans cesse contre les administrations et les administrateurs ; que la réflexion ajoute au poids de son infortune, et ne lui laisse d’autre espoir que la mort qui doit y mettre fin. Occupés des moyens de répandre quelques consolations sur ce dernier terme de la vie, nous •y avons cru les trouver dans les secours à domicile; nous y avons vu les moyens d’entretenir ce sentiment naturel, ce premier de tous les sentiments, ce principe de toutes les vertus, l'affection, le respect filial que la misère éteint avec une sorte de nécessité, ou au moins qu’elle rend trop souvent sans effet, et dont le peuple fi ançais, naturellement bon, doux et sensible, doit êlre [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [16 août 1790.1 45i plus pénétré qu’aucun autre ; nous y avons vu enfin, pour le vieillard secouru, des soins plus attentifs, plus de consolations, et la douceur inexprimable de souffrir et de mourir entouré de ses enfants ; nous y avons vu pour les familles un peu plus d’aisance, et par là la récompense de leurs soins. Mais nous avons dû nous rappeler, avec un sentiment pénible, qu’il existe, pour la honte de l’humanité, des enfants ou plutôt des monstres à qui la nature semble avoir refusé le doux sentiment de la pitié filiale ; des fils ingrats qui, oubliant la faiblesse et les besoins de leurs premiers ans, méconnaissent la main seeourable que la tendresse paternelle a tendue à leur enfance. Ce crime contre nature, contre lequel la loi n’a que peu de prise, nous a semblé ne pouvoir être suffisamment punique par l’opinion publique; de là cette disposition que nous osons vous présenter, et qui prive des droits de citoyen le fils ingrat ou dénaturé, qui, avec les moyens de soigner les vieux jours de celui dont il a reçu la vie, se refuserait à ce devoir sacré; nous le renvoyons à la réprobation de la société entière. Si, cependant, un vieillard indigent ou infirme ne pouvait trouver chez les siens, les consolations et les soins que la loi bienfaisante a voulu lui procurer, il doit être libre de les chercher ailleurs, de retrouver des enfants en des amis, des parents ou des voisins, en y portant avec lui les secours de la bienfaisance publique. On nous objectera peut-être que ces secours seront plus embarrassants et plus dispendieux pour la nation, que ceux que reçoit la vieillesse dans les hospices communs. Ils le seront moins que les secours à domicile en maladie, qui le seront moins eux-mêmes, ainsi qu’il est reconnu, que les secours dans les hôpitaux ; et ils diminueront le nombre de ces hospices communs, et par conséquent les sommes immenses dépensées pour leur administration. Enfin le comité, d’après l’ensemble de ses travaux, peut assurer qu’en plaçant à la campagne les enfants trouvés et abandonnés, en écartant avec soin tous les valides des hôpitaux, un seul hospice commun suffira par chaque département. En les réduisant donc ainsi au nombre indispensablement nécessaire, d’un côté l’économie générale se trouve servie, de l’autre l’imprévoyance est combattue de cette classe d’hommes, qui, dans les villes surtout, regardaient les hôpitaux comme le dernier terme nécessaire de leur vie. Enfin, et avant tout, les affections naturelles, les liens qui attachent les fils aux pères, les pères aux enfants sont resserrés et par eux les principes des bonnes mœurs consolidés. Les bases que nous avons adoptées pour fixer les secours à domicile, consistent à prendre dans les différentes parties du royaume, pour maximum de ces secours, un prix proportionné aux moyens nécessaires de subsistance, et à les graduer sur la diminution des forces ou l’accroissement des années. Nous avons cru devoir assujettir ces dépenses publiques à des précautions sévères et à des formes multipliées; et vous reconnaîtrez avec nous, Messieurs, que cette espèce de rigueur indispensable sera une digue puissante ue les administrateurs pourront opposer aux emandes importunes et mal fondées de l’insouciance et de l’avidité. Le prix commun de la journée en chaque canton est ordinairement celui de la subsistance d’un homme ; comme ce prix varie sensiblement dans les divers départements, nous n’avons pu établir les meilleures bases que celles qui ramènent tout à une égalité proportionnelle. D’ailleurs, le maximum que nous avons cru devoir vous proposer est aussi un terme que les administrations ne pourront outrepasser. Enfin, les secours à domicile déjà restreints par ces formalités de rigueur, le seront encore parles règlements particuliers qui vous seront proposés, et surtout par l’intérêt qu’auront les départements à ne point s’imposer une surcharge qui réveillerait les plaintes des citoyens. Si, indépendamment de ces précautions, on réfléchit que dans les campagnes, sur une popular-tion de 1,000 habitants, il n’y aura presque jamais plus de trois ou quatre vieillards valides de l’un et de l’autre sexe à secourir à la fois, ou sera convaincu que ce mode de bienfaisance deviendra, en peu de temps, une très grande économie politique. Les mêmes principes ont encore servi à votre comité pour faire le mode de traitement des vieillards et des infirmes dans les hôpitaux. La vieillesse est naturellement portée au mécontentement, à la méfiance, aux soupçons et aux plaintes; elle croit toujours qu’on la néglige; c’est uu défaut ou plutôt un malheur de la vieillesse dans toutes les classes de la société; il doit être plus commun dans celles que la misère tourmente; et l’on ne peut disconvenir que, dans l’ordre ancien, ces défauts de l’âge avancé n’ont été que trop provoqués par les abus nombreux des grands hôpitaux. Uu de ceux qui nous a paru le plus nuisible dans ces grands établissements, est la multiplicité des agents; il est la source de beaucoup d’autres qui tournent tous et toujours au détriment du pauvre sans protection, servi comme par charité par ceux qui vivent de ce qn’ils détournent de la subsistance qui lui appartenait. Nous vous proposons, en conséquence, d’accorder an faible vieillard, vivant en commun, un traitement en nature, de facile préparation, simple, substantiel, avec une légère rétribution en argent dont il puisse disposer à son gré pour se procurer les douceurs qui lui conviendront. Le caractère de liberté qui distingue ce dernier genre de secours, nous a paru le plus propre à consoler la vieillesse, en acquittant ta dette de la société. Gomme il n’est ni dans vos principes, ni dans ceux d’une saine politique, que l’homme imprévoyant ne soit pas aussi bien traité dans sa vieillesse que celui qui s’est ménagé des ressources, nous avons pensé que le traitement, tant eu nature qu’en argent, ne devait être que suffisant, et borné au plus étroit nécessaire ; mais nous avons compensé cette espèce de rigueur par une disposition inconnue jusqu’ici dans les hôpitaux, par laquelle les corps administratifs et les agences de secours doivent s’occuper des moyens de procurer divers travaux convenables au vieillard, lorsqu’il peut encore se livrer à quelque occupation sédentaire, et lui laisser le bénéfice entier de ce travail. Nous avons vu dans cette attention bienfaisante pour le pauvre affaibli par les années, un objet de distraction, de douceur et d’encouragement; c’est pour lui un attrait qui lui donne l’espoir d’un meilleur sort sur les bords du tombeau ; c’est pour la jeunesse l’exemple du travail jusqu’au terme le plus avancé delà vie. C’est dans les mêmes vues que nous avons respecté le plus qu’il nous a été possible, la liberté du vieillard dans les hospices communs; nous lui avons laissé la faculté de pouvoir solliciter la bienveillance de eeux qui l’ont connu et qui l’ont aimé dans le cours de sa vie, et qui l’aimeraient 452 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.) encore assez pour le recueillir; il pourra porter la somme de secours qui lui est accordé, chez ceux qui voudront lui donner un asile; il pourra revenir à l’hospice quand sa volonté l’y rappellera. Nous avons cru qu’astreindre le vieillard à vivre où il ne se plaisait pas, c’était le chagriner sans nécessité, et que la liberté de suivre même sa fantaisie donnait à son inquiétude naturelle la seule consolation dont elle était susceptible. Enfin, nous avons pensé qu’il était immoral ue les hospices héritassent même du mobilier e l’individu qui y meurt. Les secours donnés aux malheureux ne sont qu’un devoir strict et indispensable pour lequel aucune compensation n’est réclamable. Cette espèce de marché fait avec le malheureux, à condition de s’en dédommager -sur ce qu’il laisserait après lui, nous a paru blesser les droits naturels des enfants, des héritiers, et être indigne de la bienfaisance; il est même inconcevable que cet usage honteux se soit main--tenu jusqu’ici. Il nous a donc semblé nécessaire de le détruire, et nous avons cru que dans les cas très rares où la succession d’un homme mort dans les hospices ne serait pas réclamée, elle devrait appartenir à la caisse nationale, qui pourvoit à tous les secours, et .non aux maisons particulières qui n’en sont que les agents. PROJET DE DÉCRET. Art 1er. Il y aura deux espèces de secours pour les vieillards et infirmes : le secours à domicile; le secours dans les asiles publics. Art. 2. Le secours à domicile sera le secours ordinaire. Le secours dans les asiles publics n’aura lieu que pour les individus qui ne pourront pas le recevoir à domicile, à raison du défaut de famille, d’infirmités graves, qui exigeraient des soins particuliers, ou de toute autre cause pareille. Art. 3. Les secours à domicile pourront commencer graduellement, ainsi qu’il sera expliqué ci-après, à l’âge de 60 ans; ceux dans les asiles publics ne pourront avoir lieu avant 70, pour les vieillards sans infirmités graves et constatées. Art. 4. Les pauvres infirmes, avant l’âge de 70 ans, mutilés ou défigurés par quelqueaccident, pourront néanmoins être admis à tout âge dans l’hospice commun. Art. 5. La graduation, dans les secours à domicile, aura lieu en raison de la dégradation des facultés de travail de celui à qui ils seront donnés. Art. 6. Cette graduation qui sera du quart, de la moitié, des trois quarts de la pension absolue, sera, sur le rapport du procureur de la commune et du chirurgien du canton, déterminée par les officiers municipaux et juges de paix du canton. Art. 7. Le montant de la pension de secours, fixé tous les deux ans par le département, ne pourra s’élever au-dessus de 120 livres; les mêmes bases indiquées dans l’article 11 du titre second, qui détermineront la pension des enfants, serviront à l’évaluation de celle des vieillards et infirmes. Art. 8. Tout enfant qui aura refusé des aliments à ses père et mère, et qui y aurait été condamné par jugement, se trouvera, par le fait seul de ce jugement, déchu du droit de citoyen actif et rayé au tableau civique. Art. 9. A défaut d’enfants, le parent le plus prochain, ou tout autre héritier direct, jusqu’au troisième degré, habitant le département, payant la double contribution de citoyen éligible, qui refuserait de se charger gratuitement du vieillard en sera officiellement requis par le tribunal dû district, en présence duquel il sera contraint de prononcer son refus. Art. 10. Les jugements prononcés en conséquence de l’article 8,etlerefus mentionné en l’article précédent, seront rendus publics dans toute l’étendue du département, et demeureront inscrits sur le tableau placé dans tous les auditoires de district. Art. 11. Seront exempts de ces jugements les enfants dont les père et mère vieux seraient atteints d’infirmités, qui exigeraient les soins que l’on ne pourrait donner à domicile ; il en sera de même pour les parents de ces vieillards. Art. 12. Le vieillard, à qui il sera accordé la pension de secours, aura la liberté de se placer dans telle famille du canton, district ou département qui lui plaira, s’il a le malheur de ne pas vouloir rester dans la sienne. Art. 13. Les vieillards de 70 ans qui réclameront leur admission à l’hospice commun, ne pourront y être reçus qu’en vertu d’une décision au directoire de district, sollicitée par le juge de paix et les officiers municipaux de leur canton. Art. 14. Les infirmes qui pourront à tout âge être admis dans les hospices communs, ne le seront que d’après la même décision, les mêmes formes que les vieillards de 70 ans, et le certificat du chirurgien du canton de l’infirme, vérifié par l’agence de secours. Art. 15. Les enfants au-dessous de l’âge de 16 ans, qui, en raison de leur infirmité, ne pourront être placés dans aucune famille, seront, à la réquisition de leur tuteur ou curateur, aux mêmes conditions et avec les mêmes formalités, admis dans l’hospice commun. Art. 16. Les vieillards et infirmes recevront dans ces hospices leur traitement, partie en nature, partie en argent, ainsi qu’il sera fixé par des règlements particuliers. Art. 17. Il sera procuré à ces vieillards et infirmes le moyen de travailler, analogue à leurs facultés, et le produit leur en sera abandonné en entier. Art. 18. Ceux de ces vieillards et infirmes qui, une fois admis dans les hospices communs, préféreront recevoir leur pension de secours à domicile, pourront la réclamer en indiquant la famille où ils prétendent se retirer, et en apportant la preuve de son consentement. Art. 19. Il ne sera établi par département qu’un hospice pour les vieillards et infirmes, excepté dans ceux où il existerait des villes dont la population excéderait cent mille âmes, et pour lesquelles il sera fait à cet égard un règlement particulier. Art. 20. Tous les vieillards et infirmes admis dans ces hospices, à défaut de famille, seront sous la tutelle des officiers publics ci-dessus désignés. Art. 21. Les dispositions des articles 18, 19, 20 et 21 du chapitre des secours à donner aux malades dans les villes, seront communes aux hospices pour les vieillards et infirmes. Art. 22. Les biens et effets mobiliers appartenant aux vieillards infirmes décédés dans les hospices, reviendront à leurs héritiers légitimes, ou à ceux en faveur de qui ils en auraient disposé ; à défaut d’héritiers ou légataires, ces biens appartiendront à la nation. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.J 453 Titre IV. — Valides. Nous avons à vous entretenir à présent de cette partie de la classe indigente dont l’assistance offre le plus de difficultés (les pauvres valides). Nous croyons devoir vous rappeler dans ce moment que vous avez reconnu l’inconlestable principe que le travail était la seule assistance qu’un gouvernement sage pouvait donner à l’homme en état de travailler, et cette autre vérité non moins certaine, que le pauvre valide n’est autre chose que l’ouvrier sans propriété, qui n’a point de travail. Vous avez pourvu au soulagement de ceux pour qui la maladie, la vieillesse, les infirmités étaient un obstacle au travail, et vous avez atta-ué les sources les plus positives de la pauvreté ans les hommes vivant de leurs bras. Vous avez servi le travail lui-même, en lui laissant ainsi la disposition personnelle de son salaire. Il s’agit donc de vous occuper seulement des moyens de travail* que vous devez à cette classe indigente, car vous en avez reconnu le devoir, et il est incontestable. Mais pour résoudre cette question, il semble que vous devez examiner, avec les vues d’une humanité bien entendue et d’une politique éclairée, si un gouvernement sage doit, pour l’utilité et la prospérité communes, pourvoir dans les temps ordinaires à procurer individuellement du travail à tous ceux qui en manquent, ou si, par de grandes institutions, par une législation prévoyante, par des vues générales bien combinées, il doit se borner à encourager, à multiplier les moyens de travail. C’est particulièrement dans l’examen de cette question, que des législateurs doivent s’élever au-dessus des préjugés communs, des routines habituelles, des sentiments particuliers, sans se livrer toutefois à la théorie d’une philosophie purement spéculative. Cette grande question ne peut être utilement résolue qu’à l’avantage du plus grand nombre. Des calculs d’économie ne peuvent seuls la décider ; nous disons même avec confiance qu’ils ne doivent pas être consultés, car, encore une fois, l’intérêt général est la seule considération qui doive poser des bornes à la bienfaisance publique. Il ne faut pas oublier que la législation dont les projets vous sont soumis, embrassant l’ensemble des générations futures, ne peut avoir égard à des circonstances malheureuses, qu’il faut sans doute servir par des règlements momentanés, par des exceptions favorables, mais qui ne doivent pas altérer l’esprit et la sagesse d’une loi durable et permanente. Pour que le gouvernement pût procurer du travail, individuellement à tous ceux qui en manquent, il faudrait qu’il pût connaître avec précision ceux qui réellement ne peuvent pas en trouver; il faudrait encore qu’il pût avoir des ouvrages utiles à procurer selon le besoin du nombre de bras qui voudraient en solliciter, et selon le temps où ils le solliciteraient; et certes, ces deux conditions présentent de terribles difficultés. Puisque la législation d’un Etat bien constitué, d’un Etat constitué pour le bonheur de tous, doit entretenir et encourager les bonnes mœurs et l’amour du travail, qui, en étant la cause et l’effet, a la plus positive influence sur la prospérité nationale; il en résulte que le gouvernement ne devrait jamais donner du travail qu’à ceux qui ne peuvent pas absolument s’en procurer. Mais comment reconnaître d’une manière précise cette impossibilité absolue? Tel homme qui, s’il n’est pas compté sur l’ouvrage fourni par le gouvernement, en eût été chercher à quelque distance que ce fût, assuré d’en trouver dans ses foyers, se présente, dit en manquer, et en manque véritablement. Tel autre évitera un travail pénible, certain d’en trouver un plus doux auprès des administrateurs à qui il viendra en demander. Tel autre refusera de s*engager dans une entreprise de travail qui, l’occupant plusieurs mois, lui eût, pendant ce temps, assuré un salaire raisonnable, parce que, ne pouvant douter d’en trouver au jour et à l’heure qu’il voudra, il attendra le moment d’extrême nécessité pour venir exposer ses besoins. La différence des salaires ne sera qu’un faible obstacle à tous ces inconvénients impossibles à éviter; car la paresse, l’indépendance et l’heureuse faculté de vivre au jour le jour ont et auront toujours un grand attrait pour le commun des hommes. Quel moyen aura le gouvernement, quelque multipliés, quelque divisés que l’on puisse supposer des moyens d’administration, pour reconnaître les besoins véritables, ceux qui sont dus à l’empire des circonstances, à des malheurs que l'ouvrier n’a pu prévoir, ni réparer lui-même, d’avec les prétextes, les raisons spécieuses qui couvriront plus ou moins adroitement la paresse ou l’imprévoyance? Il faudrait donc qu’il descendît dans le détail des intérêts de chaque individu, de sa conduite, de toutes les petites circonstances qui peuvent encore influer sur sa situation naturelle. En peut-on concevoir la possibilité? et n’est-il pas au contraire évident qu’une telle assistance, dont le principe serait l’humanité et l’encouragement au travail, aurait des conséquences contraires à ses intentions; que le travail en perdrait nécessairement de son activité? Mais elle aurait encore une plus funeste conséquence. Le propriétaire, le manufacturier se verraient exposés à manquer d’ouvriers quand leurs entreprises demanderaient un grand nombre de bras. Gomment pourraient-ils espérer d’appeler de loin, de réunir autour d’eux, des hommes qui, certains de trouver du travail dans leurs foyers, n’en seraient pas éloignés par l’inquiétude de leur subsistance et par la nécessité de s’en procurer? Cette assistance nuirait donc réellement à l’industrie, à l’emploi des fonds, à la véritable prospérité nationale; elle aurait, dans ce rapport, les conséquences les plus radicalement funestes, les plus impolitiques; elle placerait l’Etat, ainsi gouverné, dans un rang inférieur à tous les Etats qui n’auraient pas cette dangereuse administration. D’ailleurs, quel travail le gouvernement pourrait-il avoir toujours prêt à donner aux ouvriers qui viendraient en demander? C’est un travail utile que seulement il doit leur donner, et il n’existe de travail utile que celui qui ajoute à la valeur de l’objet sur lequeFii s’opère. Des communications, des défrichements, des dessèchements, des ouvertures de canaux, sans doute, ont cette précieuse condition : mais, outre que ces travaux demandent, pour être entrepris, de grands capitaux, ils ne sauraient être établis partout, ils ne pourraient pas se suivre dans tous les temps; le nombre des ouvriers qui réclameront du travail ne sera pas toujours le même; tantôt considérable, tantôt petit, tantôt nul, et lé travail cependant devra être continué. Le gou- 454 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.] vemement se trouvera en concurrence avec les particuliers qui, entrepreneurs de ces grands travaux pour lear compte, les feront, et avec plus d’économie, et avec plus d’espérance de succès. 11 leur enlèvera le gain dont il ne profitera pas, et mettra à la charge publique toutes ses tentatives immenses, si elles n’ont de bornes que les demandes de ceux qui en voudront faire, d’une dépense incalculable dans tous les eas, et d�une difficulté facilement sentie. Car, encore une fois, le principe adopté que le gouvernement doit fournir du travail individuellement à ceux qui en manqueront, il est difficile qu’il en refuse à aucun. Quelle règle précise, quelle règle même seulement à peu près praticable pourrait-il suivre pour en arrêter la dangereuse extension? On est contraint de convenir qu’il ne s’en présente aucune, et que l’on ne voit de toutes parts qu’in-convénients que le temps, que l’habitude doivent encore reproduire et multiplier. Dira-t-on qu’il faut, comme dans le régime ancien, ouvrir des ateliers de charité? Sans doute, le comité se propose bien, Messieurs, de vous présenter des vues à cet égard, mais comme moyen très partiel et secondaire; car ces ateliers mêmes plus étendus qu’ils notaient , sont utiles sans doute , sous plusieurs rapports, et nécessaires à continuer, mais ne présenteraient réellement aucun moyen de solution pour la grande question qui nous occupe. Nous ajouterons encore, car les raisons abondent dans cette intéressante question, que les ateliers de charité étendus jusqu'à l’infini ne donneront du travail qu’aux seuls ouvriers des campagnes , et nous avons un nombre bien supérieur d’artisans, d’ouvriers de manufactures, qui, indépendamment des causes d’imprévoyance communes avec l’ouvrier de campagne, ont, dans les moments de stagnation de travail, un besoin non moins impérieux de soulagement. Le manœuvre à la campagne a su qu’il avait des temps morts à passer : il a pu, il a dû se précautionner d’avance contre leur nécessité. Il peut vivre avec plus de facilité et attendre le retour assuré des moyens de travail que les saisons lui font perdre ; mais quand il est question du travail d’une grande nation considérée dans son ensemble, d’un Etat comme le royaume de France, il faut porter ses vues plus loin que celui des manœuvres de la campagne , quelque intéressante que soit leur classe. Les ateliers, dissipés par la nécessité d’aller chercher de l’emploi ailleurs, ne se récréent pas avec facilité, et certes ce n’est pas l’établissement de ce que nous appelons ateliers de charité qui peut prévenir, ni guérir ce mal le plus grand, le plus destructeur d’un État considérable en population, et appelé par ses besoins à l’industrie et au commerce. Si pour ajouter un poids de plus aux raisons décisives que nous venons de vous soumettre, Bous appelons l’exemple de l’Angleterre, l'expérience confirmera nos principes; elle nous montrera une dépense publique énorme, et cependant une assistance très incomplète : la paresse encouragée, une grande inégalité du prix de la main-d’œuvre entre des lieux très rapprochés, et cependant beaucoup de pauvres encore et de mendiants. Ce n’est donc pas par des moyens privés, individuels qu’uu grand Etat peut donner du travail à ceux de ses membres qui en manquent. Ses tentatives à cet égard, sans succès, ruineuses pour la nation, désastreuses pour les entreprises particulières, n’auront, pour l’Etat, que l’effet funeste d’entretenir la classe indigente dans la dangereuse idée que le gouvernement doit la débarrasser de l’inquiétude et de l’activité nécessaire pour assurer sa subsistance; elle sera plongée aussi dans la fainéantise, dans l’imprévoyance, dans la misère, qui en est la suite, et dans les vices que nécessairement elle entraîne, et qu’uu gouvernement sage doit soigneusement écarter parce qu’ils en sont le fléau destructeur. Nous osons dire, Messieurs, car c’est devant des hommes d’Etat que nous parlons , et certes, votre eomité de mendicité se flatte qu’il ne sera pas accusé de déroger au respect pour l’humanité qui vous caractérise, et qu’à tant de titres vous regardez comme votre premier devoir; nous oserons dire que quand l’Etat pourrait à chaque instant fournir du travail au désir individuel de ceux de ses membres qui en demanderaient, ce qui est démontré sans possibilité, l’intérêt public s’opposerait à cette institution : nous oserons dire que le besoin qui naît du manque du travail dans un homme qui n’en a pas cherché, dans celui qui n’a pas pensé à s’en procurer, pénible sans cloute, pour un cœur humain et compatissant, est , dans un Etat où il y a une grande masse de travail toujours eu activité , une punition. utile et d’un exemple salutaire. Le gouvernement ne doit pas être prévoyant pour chaque particulier ; il doit imprimer à chacun cette nécessité individuelle, il doit laisser agir l’influence des diverses relations sociales, ne pas permettre que la bienfaisance particulière s’éteigne parce qu’elle ne pourrait pas s’exercer. C’est ainsi qu’il entretiendra les rapports de bienveillance et de reconnaissance si puissants , si décisifs pour 1s prospérité des empires : c’est ainsi qu’il fera germer dans les cœurs des citoyens les vertus morales, les sentiments énergiques qui appartiennent à la liberté. Mais si le gouvernement ne doit pas être prévoyant pour chaque individu,, il a le devoir de l’être pour tous. C’est par sa législation générale qu’il doit assurer à tous ceux à qui le travail est nécessaire pour exister, les moyens assurés de s’en procurer ; et, à cet égard, ses intérêts, ses devoirs politiques se réunissent avec ceux que l’humanité lui prescrit, de l’assistance aux malheureux. Cette législation générale, qui semble seule devoir répandre daDs la société la masse de travail suffisante pour occuper tous les bras qui eu réclament, ne doit pas même agir en créant et secourant tels ou tels établissements particuliers,, même sous le plus grand prétexte d’avantage public. Quelques lumières que puisse avoir à ©et égard le gouvernement le plus éclairé, l’intérêt particulier sera toujours plus éveillé et plus intelligent. Ce système serait d’ailleurs encore celui des secours particuliers, un peu mieux entendu, mais toujours incomplet, et il est repoussé par toutes les considérations déjà mises en avant, et par mille autres que la concision nécessaire de ce rapport nous empêche d’y réunir. C’est par une influence générale que le gouvernement doit agir dans les moyens de travail qu’il doit créer, son intervention doit être indirecte; il doit être le mobile du travail, mais éviter pour ainsi dire de paraître. L’étendue du domaine français, la fertilité de son sol, l’abondance de sa population, toutes les circonstances enfin les plus heureuses, appellent la France à être l’Etat le plus productif et le plus industrieux. Mais si la législation qui la gouverne [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.] IgK ne favorisait pas, n’excitait pas, ne développait pas toutes ces heureuses circonstances, elles resteraient sans doute leur possible utilité; et l’empire français, appelé à jouir plus qu’aucun autre de la prospérité nationale la plus étendue, n’en obtiendrait qu’une partielle , qu'une incomplète. La France marche heureusement à sa régénération. La liberté qui donne à chaque citoyen l’orgueil de son importance, qui assure à chacun les fruits de son travail, est sans doute le principe et le premier des encouragements au travail. L’obstacle principal à l’industrie est déjà éloigné, celui de l’iDégalité dans les impôts, de l’inégalité dans les droits. La Constitution a brisé les premières digues qui s’opposaient à l’abondance du travail et des productions, à la prospérité nationale : mais si la législation, toujours vigilante, toujours occupée de ce grand, de ce premier intérêt, n’en facilite pas, n’en accélère pas le cours, il reste encore obstrué par mille embarras qui l’empêcheront de s’étendre généralement, et de fertiliser toutes les parties de l’empire. Ainsi, au dedans: la nature et la perception de l’impôt, l’encouragement à l’agriculture, à l’industrie et au commerce, l’introduction des moyens les plus certains d’amélioration , la liberté la plus complète dans les débits ; au dehors : les alliances, les traités de commerce et de navigation, la facilité des échanges et des débouchés, doivent tous tendre vers ce but salutaire de la prospérité nationale, qui dépend uniquement de l’abondance des moyens de travail, et qui ne peut exister sans l’accord, l'harmonie et la sagesse de toutes les lois. Voilà comme un gouvernement, en servant l’intérêt public, sert l’intérêt particulier, assiste les malheureux, et assure à tous une occupation productive : comme animant l’emploi des capitaux, augmentant les consommations, multipliant les produits, il multiplie les richesses nationales. Voilà comme en donnant des moyens de travail, il stimule cependant l’activité, la prévoyance par la nécessité de s’en procurer ; comme par cette nécessité imposée à chaque individu, de chercher un travail qui ne lui manquera pas , le gouvernement assure à l’agriculture, au commerce, des bras en raison de leurs besoins. Voilà comme le niveau s’établit dans tous les lieux par les salaires que l’abondance du travail «et des produits accroîtra avec certitude, et qu’il est nécessaire qu’il élève ; car l’ouvrier qui ne gagne juste que ce qu’il faut pour se nourrir,, ne peut économiser pour échapper à la nécessité de l’assistance publique. Voilà comme les liens entre toutes les classes de la société se resserrent par le bonheur. Voilà enfin comment la classe mdigeDte est liée par son intérêt, par ses ressources, par ses vertus et par leur récompense, à la prospérité nationale. Ces grandes vues d’économie politique ne doivent pas être plus profondément traitées par votre comité de mendicité. Il a dû en rappeler à l’Assemblée nationale les principes, parce que, devant lui présenter les moyens de secourir par le travail la classe indigente, et pensant qu’aucun moyen particulier n’était admissible, il a dû indiquer les seuls qu’il croit dans le pouvoir, dans le devoir du gouvernement d’un grand empire. Vos autres comités vous en proposeront le développement et l’exécution ; et par les combinaisons bien étudiées des impositions, des primes, des encouragements, des défenses, ils achèveront l’œuvre que nous désirons avec ardeur voir accomplir, et dont il ne nous appartient que de vous soumettre l’esquisse. C’est eux ainsi qui feront le véritable travail de la mendicité qui, comme vous en êtes persuadés, ne peut se détruire radicalement qu’en en prévenant les causes ; et vos sages principes, se perpétuant de législature en législature, accuseront invariablement la richesse de l’Etat établie sur le bonheur de tous ses membres. Mais si les moyens de législation sont les seuls par lesquels le gouvernement puisse influer généralement sur le travail, il en est de particuliers qui en sont les conséquences, qui en assurent l’exécution, et qui ne doivent pas être oubliés. C’est dans ces vues que votre comité de mendicité, d’accord avec vos comités ecclésiastique et d’agriculture, vous proposera la suppression drun grand nombre de fêtes : elles ôtent dans le diocèse de Paris vingt journées au travail, et dans quelques autres davantage, dans tous beaucoup trop sans doute ; elles entraînent dans une dépense extraordinaire les ouvriers qu’ite enlèvent à la terre et aux ateliers ; elles coûtent à cette classe plus de 200 millions, et dérobent à la richesse nationale tous les produits que lui rendraient ces jours d’oisiveté, de dépense et de débauche, s’ils étaient consacrés au travail (1). (i) Il n’est plus besoin de discourir pour prouver qtî© le travail est le plus sûr, le meilleur et même le seul moyen d’opérer l’extinction de la mendicité. Le travail ne peut manquer dans un grand et beau royaume comme la France ; mais fût-il plus abondant encore qu’il ne peut l’être, les jours qui lui sont enlevés pour la célébration des fêtes, s’opposent à la richesse qu’il présente et nuisent dans ce rapport à l’homme dont la subsistance dépend de ses bras, autant et plus que l’impossibilité même de trouver de l’ouvrage. D’où il suit que la diminution des jours de fêtes, et leur réduction au plus petit nombre possible, est un des moyens les plus propres à éteindre la mendicité. 11 serait difficile d’appeler contre cette proposition le respect dû à la religion et à l’autorité du pouvoir spirituel : ces fêtes, inégales par leur nombre dans tous les diocèses de France, n’ont qu’un seul point de parité, celui de favoriser, par l’absence du travail, les querelles, la débauche et l’ivrognerie : aussi, dans l’ancien régime de finances, les intéressés aux droits d’aides étaient-ils les plus opposés à la suppression des fêtes. ■Les évêques s’étaient réservé la faculté, de diminuer ou de conserver à leur gré ce nombre de fêtes ; des lettres patentes, rendues à leur sollicitation, les éteignaient ou en créaient de nouvelles. 11 est difficile de pouvoir se rendre raison de l’usage différent qu’ils ent fait de ce droit ; car la religion doit être servie et honorée de même dans tous les pays qu’un même dogme rassemble, et partout elle doit encourager l’amour du travail et la conservation des bonnes mœurs qui en est la suite. C’est le même respect de la religion qui exige encore la suppression des fêtes ; car si le travail est totalement interrompu dans les jours qui leur sont consacrés, voilà un grand mal fait aux particuliers dont les moyens de subsistance sont aussi suspendus ; voilà une grande masse de richesses de moins mise en circulation ; voilà la religion frustrée du respect qui lui est dû. Il semble difficile de rien opposer de solide à ce simple raisonnement, et personne sans doute n’osera contester que les fêtes n’étant pas d’institution divine, et les supérieurs ecclésiastiques n’ayant pas tous usé de la faculté qu’ils avaient d’en diminuer le nombre, il appartient auX législateurs d’établir un ordre également utile au respect dû à la religion et à la prospérité nationale. De vingt-trois fêtes célébrées dans le diocèse do Paris, il semble que dix-neuf peuvent être supprimées ou remises au dimanche, et quatre seulement conservées. Cette suppression de fêtes sera pour l’artisan honnête et laborieux le plus riche présent ; pour le cultiva- 4J56 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.J C’est dans ces vues qu’il vous propose d’abolir les aumônes distribuées publiquement aux portes des maisons, ou dans les places publiques, qui, semblant avoir pour objet d’éviter à ceux qui les font la peine de chercher et de distinguer le véritable pauvre, entretiennent la fainéantise et nuisent au travail, par les bras qu’elles lui enlèvent et par l’exemple qu’elles donnent. C’est dans ces vues qu’il vous propose d’assister les pères, qui, chargés d’un grand nombre d’enfants, trop jeunes pour les aider dans leurs travaux, ne peuvent évidemment, malgré toutes leurs peines, pourvoir à leur subsistance. C’est dans ces vues enfin qu'il vous propose de laisser annuellement à la disposition des directoires de département une somme à employer en ateliers de secours dans les moments où la rigueur des saisons interrompt le travail ; sommes dont sans doute vous n’ordonnerez pas la répartition dans tous les points du département, mais teur une indemnité des jours enlevés à son travail par les pluies et les temps contraires ; pour les indigents, le secours le plus utile, pour chacun d’eux un préservatif contre le dégoût du travail, l’oisiveté, le dérangement et la misère. Cette suppression mettra encore une assez importante activité dans la circulation ; car en ne portant qu’à dix-sept millions le nombre d’individus qui, sur une population de vingt-six millions, vivent de leur travail; en n’estimant qu’à dix sols le prix commun de la journée, et qu’à sept sols l’augmentation de dépenses en habillement, en cabaret les jours de fêtes, la suppression de dix-neuf de ces jours produirait un bénéfice de 274,550,000 livres. Toutes ces considérations sont plus que suffisantes {tour déterminer l’Assemblée à ordonner immédiatement a suppression de dix-neuf fêtes, c’est-à-dire à substituer les moyens de richesse, le travail et les mœurs à la fainéantise et au désordre. Tableau des fêtes à supprimer et à conserver dans le diocèse de Paris. (Ce tableau peut s’appliquer aux autres diocèses.) FÊTES à remettre à conserver. au dimanche. La Circoncision ......... » 1 Sainte-Geneviève ........ » 1 L’Epiphanie ........... « 1 La Purification ......... » 1 L’Annonciation ......... » 1 Les deux jours de fêtes du lendemain et surlendemain de Pâques. » 2 Les deux jours d’après la Pentecôte ............. » 2 L’Ascension ........... 1 » La Fête-Dieu .......... 1 « Saint-Jean ........ ... » 1 Saint-Pierre ........... » 1 L’Assomption .......... » 1 Saint-Louis ........... » i La Nativité. . . . • ...... » 1 Saint-Denis ........... » 1 La Toussaint .......... 1 » La Conception .......... » 1 Noël .............. 1 » Les deux fêtes d’après Noël. . . » 2 Les deux fêtes de paroisse eide métier pour une seulement. ... » 1 4 19 Total ..... 23 qui, employées à un petit nombre d’ateliers, et pour les objets les plus généralement utiles, le seront particulièrement à ouvrir des communications, à faciliter les débouchés. Ces ateliers, que l’ouvrier nécessiteux sera obligé d’aller chercher, ne seront ni assez nombreux, ni assez considérables, ni d’une durée assez longue pour ne pas présenter toujours des objets d’une utilité même nécessaire ; ce sera, à proprement parler de nouvelles sommes affectées au travail des chemins, le plus utile de tous dans un pays riche, bien cultivé et commerçant, puisque, par la facilité des communications, il rend les prix des marchés plus réguliers, ce qui éloigne les besoins et favorise les productions qui ne peuvent augmenter sans augmenter de nouveau, dans la même proportion, la somme de travail. C’est enfin dans les mêmes principes que le comité vous propose de prévoir les malheurs dont l’intempérie des saisons, une calamité imprévue et désastreuse pourraient affliger quelques parties du royaume, de leur assigner des secours qui adoucissent la cruauté. Vous penserez sans doute que cette consolation au malheur, devoir impérieux de l’humanité, est encore un encouragement utile au travail, et qu’ainsi il remplit, à tous les titres, les devoirs d’une Constitution sage. Alors il semble que l’Assemblée nationale aura rempli tous les devoirs que la politique et l’humanité lui imposent, et qu’elle aura donné à la bienfaisance publique tout l’essor qui peut utilement lui appartenir. La bienfaisance particulière achèvera le reste. Quand les grands moyens de travail se présenteront de toutes parts, quand de sages lois de répression interdiront la mendicité, quand les communautés, débarrassées de l’oisiveté et de la fainéantise étrangères, n’auront à pourvoir, et seulementdans leurs foyers, qu’aux secours charitables dans lesquels la bienfaisance publique ne pourra pas descendre, ne nous permettons pas un instant de craindre qu’une seule famille, un seul homme digne d’être secouru, demeure un seul jour sans assistance. Croyons, avec confiance, aux vertus sociales, à celles de la bienfaisance, de la douce compassion que tout homme trouve dans son cœur, et qu’il exerce même avec passion quand il voit qu’il peut l’exercer utilement, sentiments qu’une bonne 1& gislation doit encourager, et qui reçoivent une énergie toute particulière de la bienfaisance publique bien dirigée, et d’une Constitution sage et libre qui rappelle et protège tous les droits de l’humanité. PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. Toutes les fêtes, à l’exception de celles de la Fête-Dieu, l’Ascension, la Toussaint et Noël, seront renvoyées au dimanche. Art. 2. Aucunes distributions de pain et d’argent ne se feront plus à jour indiqué aux portes d’aucunes maisons publiques ou particulières. Art. 3. Toute famille inscrite sur le premier rôle des secours, avec les conditions prescrites en l’article 22 du titre premier, et qui aura plus de quatre enfants eu bas âge, recevra la pension attribuée aux enfants abandonnés, pour chacun de ceux qui excéderont ce nombre, et seulement tant que quatre resteront en bas âge. Art. 4. Ces pensions, fixées par le département sur les mêmes bases et aux mêmes époques que [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.] 457 celles pour les enfants abandonnés, seront tou - jours d’un quart moins fortes. Art. 5. A mesure que les enfants arriveront successivement à l’âge de 10 ans, la pension cessera pour eux, de façon que les familles pauvres ne recevront plus ce genre d’assistance dès que tous leurs enfants, quelque nombre qu’ils en aient, auront atteint l’âge de 10 ans. Art. 6. Toute famille inscrite sur le second rôle de secours recevra la même assistance, mais seulement quand elle aura plus de six enfants en bas âge et aux mêmes conditions. Art. 7. Une veuve, chargée d’enfants en bas âge, devra en avoir un de moins que Je nombre prescrit par les articles 3 et 5 du présent décret, pour avoir droit à la pension accordée aux familles nombreuses. Art. 8. Dans les fonds attribués par département pour les secours, il en sera particulièrement affecté par année une partie pour les ateliers. Ce fonds, qui ne pourra pas excéder 60,000 livres, sera réglé d’après les bases communes pour la répartition des fonds de secours dépopulation, de contribution, d’étendue et de proportion entre les citoyens actifs et non actifs. Ils seront augmentés de la contribution d’un quart fourni par les départements, et réparti par eux au marc la livre sur les districts où ils seront employés. Art. 9. Ces fonds seront, sur la demande des districts, accordés par les départements, selon qu’ils le jugeront nécessaire; ils n’auront pour objet que des ouvrages reconnus utiles. Art. 10. Cette répartition ne pourra avoir lieu que par l’autorisation du roi auquel elle sera adressée. Art. 11. Les départements pourront, aux mêmes conditions, accorderdes fonds d’ateliers de secours à des municipalités pour des ouvrages particulièrement utiles à elles, mais à la charge par elles de fournir en outre un quart de contribution personnelle. Art. 12. Ces ateliers ne pourront être ouverts que du 15 novembre au 15 février; les domiciliés inscrits sur les rôles des secours du district pourront seuls y être admis, et le salaire des ouvriers sera fixé au-dessous du prix commun des journées, ainsi qu’il sera dit dans le règlement qui sera fait à cet égard. Art. 13. Les districts et départements pourvoiront également dans les temps morts au travail, aux moyens de faciliter, par des avances, de l’ouvrage sédentaire avec la responsabilité des municipalités pour les avances. Art. 14. Indépendamment de ces secours ordinaires, il sera, dans les temps de calamités, fourni aux départements des fonds sur la caisse générale de réserve, ainsi qu’il est prescrit par les articles 7 et 8 du titre premier, sur la répartition des secours publics. TITRE V. — Du DOMICILE DE SECOURS. Les pauvres infirmes ou caducs doivent recevoir à leur domicile des secours permanents. Les ateliers de secours doivent dans les temps morts, dans les moments de calamités, aider à la subsistance des domiciliés; il vous sera proposé de renvoyer à leur domicile les pauvres valides mendiants, la première fois qu’ils seront arrêtés. Il s’agit donc d’examiner quel est le domicile de ces hommes dans ces deux cas, quel est le domicileque l’on peut appelerdomicile de secours. Cette question absolument étrangère à celle du domicile considéré civilement, doit être traitée puisqu’elle est une partie essentielle,- et même une des bases de la législation des secours. Si l’Etat faisait seul et en entier les fonds pour les secours publics, la condition d’un domicile, exigée des pauvres, serait moins nécessaire; car comme il importerait peu à l’Etat de payer, en tel ou tel lieu, au pauvre la part de secours qui lui serait due, il n’y aurait, pour le gêner, dans le choix qu’il pourrait faire de tel ou tel asile, d’autre motif que celui d’une police générale, d’une vue commune d’administration. Si l’Etat, ne contribuant en rien à l’assistance des pauvres, laissaitleur entretienà la charge de chaque paroisse ou de chaque municipalité, la condition du domicile devrait, au contraire alors, être de la plus grande rigueur , car dans ce système, chaque municipalité, obligée à nourrir ses pauvres et ne devant rien aux autres, aurait le plus grand intérêt à connaître ceux qui lui appartiendraient et à se défendre contre toute invasion de la part de ceux qui ne seraient pas les siens. C’est principalement contre cet intérêt mal entendu que le comité a pensé que la loi devait défendre les municipalités elles-mêmes. Il ne faut pas oublier que le vice des lois d’Angleterre sur le domicile des pauvres entraîne les paroisses dans des procès continuels, qui souvent, pour une contestation relative à un seul pauvre, coûtent plus cher que l’entretien pendant une année de tous les pauvres des deux paroisses qui plaident. Cet acte de méfiance et d’opposition, si nous n’évitions pas ce dangereux exemple, remplacerait bientôt chez nous l’état de paix et de fraternité, le premier des bienfaits que la Constitution nous assure; les droits les plus sacrés de l’homme ne seraient pas conservés, si l’ouvrier rencontrait des obstacles, lorsque la nécessité ou ses propres combinaisons le détermineraient à chercher un travail profitable dans les lieux où il voudrait se porter. L’intérêt politique du royaume commande encore impérieusement cette liberté. C’est par elle seule que le travail se distribue naturellement dans les lieux où le besoin l’appelle, que l’industrie reçoit son plus grand encouragement, que toutes les entreprises deviennent faciles, et qu’enfin le niveau des prix dans la main-d’œuvre, condition si désirable pour la prospérité de l’Etat, s’établit dans toutes les parties de l’empire. Dans le système, ou régime mixte que le comité propose à l’Assemblée, la question du domicile du pauvre doit être examinée d’après les principes modifiés des deux suppositions précédentes. 11 ne faut donc pas oublier que la solution de cette question exige différentes conditions essentielles à maintenir et sur lesquelles est établi le système général des secours : 1° Que les départements, districts ou municipalités soient, pour une part de contribution proportionnelle aux secours qu’ils réclament, intéressés à ne pas multiplier leurs demandes au delà de l’exact nécessaire ; 2° Que la liberté de l’individu, la faculté de l’industrie, et avec elle la liberté du commerce, n’en soient pas gênées ; 3° Que l’assistance accordée à l’homme pauvre et infirme soit tellement liée à sa bonne conduite, que cette considération puisse l’occuper pendant sa vie. C’est sur ces conditions nécessaires qu’est établie la législation que nous proposons à ce sujet, et dont le comité croit faire mieux connaître Un- 458 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.] tention, en développant chacun des articles qui la composent et l’appuyant des motifs qui l’ont déterminé. PROJET DE DÉCRET. OBSERVATIONS. Art. 1". Le domicile de Art. Ier et 2. Ce premier secours est le lieu où article, d’après ce que nous l’homme a droit aux se-venons de dire, n’a pas be-cours publics. soin d’explication; et pour Art. 2. Le lieu de la nais-le . sec0I\d> personne n’en sance est pour tout homme pteconnailra la vente. Tout le lieu naturel de son domi-homme en naissant a droit GÎle de secours. a �a Pr°tection et aux secours de la société. Ce droit lui est dévolu dans le lieu où il naît, dans celui qui a soin de ses premiers jours; c’est la nature même qui semble le lui donner. Art. 3. Le lieu de nais-Art. 3. Ce cas, nécessaire sance est réputé pour un à prévoir, ne peut être déenfant celui du domicile cidé autrement. habituel de sa mère, au moment où il est né. Art. 4. Le domicile de Art. 4. Ne point accorder secours sera acquis à un à un homme la possibilité homme dans une autre de se ménager des secours municipalité que celle de dans un autre lieu que celui sa naissance, quand il y de sa naissance, serait du-anra habité pendant deux reté, puisque ce serait alta-années, en travaillant ou cher de force l’homme sur sans travailler, mais aussi le champ qui l’a vu naître sans vivre de secours pu-et qui ne peut le nourrir; blics. ce serait absurde et impolitique, puisque ce serait ôter à l’industrie tout moyen d’activité, au commerce tout moyen de prospérité et d’extension. D’un autre côté, il serait abusif qu’un étranger arrivant dans une municipalité eût sur-le-champ droit au secours, et que le pauvre et surtout le vagabond , dans quelque lieu qu’il ait pris naissance, pût à sa volonté choisir celui où il voudrait être secouru. Cette facilité détruisant la nécessité de la prévoyance et du travail, détruisant tout moyen de responsabilité des municipalités, ne serait pas même tolérable, si les communautés ne doivent pas contribuer à une part des secours. Elle l’est bien moins en admettant cette nécessité. Le comité a cru éviter tous ces inconvénients, en accordant le domicile de secours à tout homme qui, cédant à un calcul de ses intérêts, ou à sa seule fantaisie, aura fait un séjour de deux ans dans une commune, sans y être à la charge publique. Il ne faut pas oublier que les municipalités ne devant contribuer sur leur fonds propre, que pour une faible part dans la dépense des secours, le domicile de choix doit pouvoir être plus facilement acquis . Art. 5. Le temps exigé Art. 5. Le comité a vu pour obtenir le domicile de plusieurs' avantages dans secours ne datera que du cette disposition : jour où l’homme, non en-l» Celui d’offrir aux ou-core domicilié dans le lieu, vriers, à tous les individus PROJET DE DÉCRET. OBSERVATIONS. se sera fait inscrire au qui vivent de leur travail greffe de la municipalité, un attrait qui les engage à en y faisant connaître son se fixer, et qui dégoûte de projet d’établissement ; s’il cette vie errante, souvent n’est pas nanti des papiers fatale et toujours dange-qui constatent qu’il n’est reuse, ceux d’entre eux qui pas homme sans aveu, la n’y seront pas contraints municipalité aura droit de par le genre de leur prolui refuser des lettres d’ad-fession; mission. 2° Celui d’animer encore cette disposition par la nécessité ae cette inscription volontaire, qui met sur-le-champ l’homme sous la surveillance positive de la municipalité, et qui est une sorte d’engagement pour lui de se fixer dans le lieu où il s’est fait instruire; 3° Enfin celui d’empêcher l’introduction, dans une municipalité, de vagabonds et gens sans aveu. Sans doute, les lois de détails doivent établir, avec précision et clarté, les cas où les municipalités pourront refuser les passeports, et ces cas seront très rares, puisqu’ils n’existeront que pour 1 homme sans. domicile, sans aveu, vagabond et repris de justice, il faut aussi que les lois de détails donnent à l’homme qui éprouverait un injuste refus, un moyen facile de recourir au juge de paix et d’en avoir justice. Sans ces précautions indispensables, puisqu’elles sont l’exécution du principe, l’arbitraire et les contestations qui en résulteraient mettraient encore les campagnes en querelles continuelles. Ce serait la loi anglaise avec ses funestes conséquences. Il faut encore remarquer que ce passeport n’est exigé ici que de l’homme qui prétend aux secours de la municipalité, et qui dès lors doit mettre sous son inspection le temps de sa vie jugé nécessaire pour lui assurer ce droit de secours. Il semble que cette condition protectrice des anciens domiciliés gêne, aussi peu qu’il est possible, la liberté de l’homme qui doit s’y soumettre. Art. 6. L’homme qui, Art. 6. Tous ces prin-ayant acquis domicile de cipes se tiennent; ils sont secours dans une munici-une conséquence les uns palité, changera de séjour des autres. Le projet de et acquerra dans une autre cette loi ayant pour objet ce même droit de domicile, de détruire le vagabondage le perdra dans la première, et d’attacher ce droit do et ainsi de suite. secours aux services rendus à la communauté par celui qui les réclame, services qui consistent en séjour de deux ans, sans être à la charge publique, c’est-à-dire en consommation, en travail, etc., doit, à côté de la facilité qu’il donne à l’industrie de s’assurer un domicile de secours, empêcher que ce droit acquis ne de- [Assemblée nationaIe.| ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 aoflt 1790.] 439 PROJET DE DÉCRET. OBSERVATIONS. vienne loi-même un encouragement à ce vagabondage auquel il prétend s’opposer. C’est ce qui arriverait sans doute, si cet homme conservait à jamais domicile là où une fois il l’aurait acquis. Lors donc qu’il abandonne le lieu de sa résidence et qu’il en reste absent, il paraît conforme aux principes de la justice qu’il perde le droit de domicile qu’il y avait acquis en s’y fixant. Il peut être considéré comme ayant renoncé au pacte ou engagement qui s’était formé réciproquement entre ce lieu choisi pour son domicile et lui. Ainsi les principes d'avantage public et de justice se trouvent respectés dans cet article. D’ailleurs, cet homme ne peut-il pas être d’autant plus raisonnablement regardé comme déchu du droit du premier domicile, qu’en ayant acquis un second, il ne se trouve pas dans une situation qui compromette son bien-être ni ses espérances d'un secours à venir ? Ainsi un individu changeant de résidence, et quittant un lieu ou il a eu domicile acquis, peut être regardé comme le conservant, tant qu’il ne s’est pas passé assez de temps pour qu’il en ait pu acquérir un autre. Ce serait autrement compromettre sa tranquillité, et gêner trop défavorablement les spéculations de l’industrie. Si l’individu déplacé, pendant le temps que son premier domicile acquis lui est conservé, ne se fixe pas de manière à s’en procurer un autre, c’est de sa part une faute volontaire; et quant aux risques qu’il court, il s’y expose librement : mais dès qu’il y a assurance ou présomption d’un nouveau domicile acquis, tout droit au premier peut cesser, parce que la société a donné tout ce qui pouvait être dû à la sûreté personnelle. Art. 7. Néanmoins, le Art. 7. Quoique le lieu de droit de domicile de secours sa naissance soit le domi-sera conservé à un homme cile naturel de tout homme, dans le lieu de sa nais-encore est-il vrai que ce sance, pendant vin�t an-droit ne paraît être donné nées, à compter de luge de qu’à la faiblesse de l’en-vingt et un ans, quoiqu’il fance, à l’impuissance de ait acquis ce même droit ses premières années : mais ailleurs. dès que l’homme a acquis toute la force et toute sa raison, il est dans le cas d’agir par lui-même, de se suffire partout, de pourvoir à sa subsistance actuelle et de se ménager des ressources pour l’avenir; on peut donc justement l’abandonner à lui-même et aux secours du lieu où il se sera rendu utile en y em-PR07ET DE DÉCRET. OBSERVATIONS. ployant ses bras, en y portant son industrie. Cependant, comme il peut être forcé d’ètre longtemps errant.; comme des malheurs imprévus, la légèreté, l’inconstance de la jeunesse, peuvent l’empêcher pendant plusieurs années d’acquérir un domicile, on a cru, d’après toutes ces considérations, devoir lui conserver le sien pendant vingt ans, et ce temps a paru suffisant pour qu’un homme, qui aura quelques talents et quelque conduite, puisse s’être fixé malgré les égarements du jeune âge, malgré les événements contraires, indépendants d® lui, et qui ont pu contrarier ses projets. Il aurait ét» plus conforme aux idées généralement reçues d’étendre à la vie entière cettec conservation de domicile dans le lieu de naissance; mais le comité croit la modification qu’il propose plus conforme aux principes admis dans l’Assemblée, aux principes véritables de droit naturel, à ceux qui lacent le droit de secours ans le lieu où l’homme qui le réclame s’est rçndu, par son travail et sa consommation, utile à ses concitoyens. Ces principes d’une grande exactitude seront même aux yeux de ceux qui en suivent avec sévérité l’application, blessés par les conditions proposées par cet article; car ils prétendront que le domicile de naissance ne devant appartenir qu’à l’enfance, parce qu’elle ne peut faire de choix et qu’elle est sous la tutelle de la société, doit cesser d’exister dès que l’homme peut agir de lui-même, et choisir les lieux où il veut se rendre utile; qu’alors les mêmes conditions pour acquérir et perdre le domicile de secours doivent être communes dans toutes les municipalités du royaume ; et ce principe est rigoureusement vrai : mais le comité a cru qu’il était utile de laisser pendant lin long temps à l’homme une assurance certaine contre ses besoins, contre le malheur auquel les circonstances, ses fautes mêmes l’exposeraient; il a pensé que le sentiment qui attache au lieu de sa naissance, qui en rappelle toujours le souvenir avec une sorte de délices, devait aussi être écouté et respecté ; et comme le droit qui en résulte est commun à tous les individus, il n’y a vu aucun inconvénient à côté des 460 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.] PROJET DE DÉCRET. Art. 8. Le droit de domicile de secours sera acquis pour un homme et sa famille dans le lieu où il se mariera et où il formera son établissement, pourvu toutefois qu’il passe sa déclaration au greffe de la municipalité, et qu’il y réside pendant une année. . Art. 9. Si le mari et la femme ne s’établissent pas avant la révolution de la première année de leur mariage, dans le lieu de la naissance de l’un d’eux, ils perdront le droit de domicile de secours qu’ils y avaient. Art. 10. L’homme marié qui, n’ayant pas formé dans la première année de son mariage son établissement dans le lieu de sa naissance ou de celle de sa femme, aura quitté le lieu où il se sera marié, acquerra un nouveau domicile de secours pour sa famille et pour lui, dans le lieu où il portera son établissement, en remplissant toutefois les OBSERVATIONS. avantages importants qu’il a cru y trouver. Ainsi, en établissant le droit de conservation de domicile pendant vingt ans dans le lieu de sa naissance, et le bornant à cette époque il a cru qu’en compatissant à l’inconstance, aux malheurs des premiers temps de la vie, il n’encourageait pas l’imprévoyance et qu’il laissait d’autant plus à l’industrie tout son essor, qu’il lui fournissait un espoir en cas de mauvais succès. Art. 8. Comme le droit de domicile de secours semble devoir être donné aux titres qui méritent de la municipalité où il est acquis, ce droit appartient à un nouveau ménage qui y apporte une consommation double et ses moyens de travail. La condition exigée du séjour d’une année achève de donner toute justice à cette disposition, qui a encore l’avantage de pouvoir encourager les mariages , par l’assurance qu’elle donne aux nouveaux établis des secours que les malheurs pourraient rendre nécessaires. Les dispositions des articles suivants complètent la justice de celle-ci. Art. 9. Le mariage rend aux époux le droit commun. Ainsi, ils peuvent profiter l’un et l’autre du droit de domicile de secours dans le lieu de la naissance de chacun d’eux ; mais ils ne peuvent la conserver au delà de la première année, parce qu’ils en acquièrent un là où ils se marient, et que la conservation de ce droit dans le lieu de leur naissance aurait le vice, ou de donner des motifs de désunion, si chacun d’eux conservait son droit dans le lieu particulier de sa naissance, et le vice de grever de la possibilité du secours dans un ménage entier et pour leurs enfants, une municipalité qui, n’étant le lieu de naissance que de l’un d’eux, n’aurait en rien profité des avantages que leur habitation aurait pu procurer. Art. 10. L’homme qui se marie ne doit point trouver dans le lien qui l’engage une entrave qui gêne son industrie et ses espérances. Il doit donc jouir de toute sa liberté et pouvoir porter son établissement partout où l’appelle son intérêt, avec l’espoir d’y jouir de tous les avantages dus à une bonne conduite. Chacun des individus qui com-PROJET DE DECRET. conditions présentées dans ledit article. Art. 11. L’homme dont la femme ou les enfants en bas âge ne sont pas à la charge publique, conservera son droit de domicile de secours dans le lieu où sont domiciliés sa femme ou ses enfants; mais, s’il s’en sépare, il ne pourra l’acquérir ailleurs. Art. 12. Un séjour d’une année dans le lieu de sa naissance rend à un homme le droit de domicile de secours qu’il a perdu , s’il n’est pas pendant ce temps à la charge publique. OBSERVATIONS. posent sa famille a les mêmes droits à attendre des fruits de son travail, puisqu’on satisfaisant aux conditions prescrites pour acquérir domicile de secours, chacun d’eux jouit de l’avantage commun de la loi. Art. 11. Le lieu où un homme a sa famille, son ménage établis, le lieu où il est attaché par les liens du sang et de la nature, doit être regardé comme son véritable domicile. Le comité a cru devoir ajouter la condition que cette famille ne serait pas à la charge publique, parce que, sans cela, il résulterait que l’assistance donnée à une femme et à des enfants serait un droit pour un mari absent, et qui d’aucune manière n’est utile à la municipalité où on lui laisserait des droits, et parce qu’au contraire cette famille, contribuant à l’utilité de la communauté dont elle ne tire pas de secours, doit communiquer tous ses droits au mari ou père qui en est le chef, et qui est toujours supposé contribuant lui-même au soutien de cette famille. Mais il a paru nécessaire de fixer le domicile de secours du mari dans le lieu d’habitation de la femme, pour confirmer l’intention des précédents articles , en ne présentant pas ce moyen de séparation des ménages, et en liant au contraire leur assistance au sentiment qui naturellement leur doit être cher. Les dispositions contraires à celles contenues dans les précédents articles entretiendraient d’ailleurs le vagabondage. Art. 12. La nature ayant, pour ainsi dire, fixé le droit de domicile dans le lieu de la naissance, il ne peut être erdu que pour l’avantage e la société, que pour opposer un frein puissant au penchant funeste qu’ont les hommes à la paresse, à l’incurie, à l’inconstance, penchant que la perspective d’un avenir cruel suffit à peine pour réprimer. Ce droit difficile à perdre doit, par le même principe, être facile à recouvrer. Les bras d’un père sont facilement ouverts au retour d’un fils égaré : d’ailleurs, comme il a déjà été dit, l’exercice de ce droit en laisse un plus grand à la liberté individuelle, et favorise le sentiment indéfinissable, mais précieux à entretenir, qui nous attache et nous appelle au lieu de notre enfance, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.] 461 PROJET DE DÉCRET. Art-13. Le droit de domicile de secours ne pourra se recouvrer dans un lieu où il aura déjà été acquis, qu’aux mêmes conditions qui l’auront donné la première fois. Art. 14. Les mêmes conditions énoncées dans les articles précédents, auront lieu pour l’enfant dont les parents sont inconnus. Art. 15. Tout soldat, après six ans de service, sans reproche, pourra choisir dans toute l’étendue du royaume le lieu où il aura droit aux secours publics; en conséquence, et pour une seule fois, il lui sera accordé des lettres de domicile par la municipalité où il déclarera vouloir se fixer pendant la première année de son congé; cette seule formalité lui donnera le droit de domicile do secours. Art. 16. Les personnes en état de domesticité acquerront le domicile de secours dans le lieu de domicile de leurs maîtres, s’ils y ont séjourné pendant deux années, ou dans le lieu où elles se trouvent, si elles y ont servi deux ans de suite, soit un, soit plusieurs maîtres. Art. 17. Un homme qui, arrivé à l’âge de la vieillesse ou des infirmités, sans avoir acquis de domicile, sera réduit aux secours pu-• OBSERVATIONS. sans blesser toutefois le Jirincipe de justice qui déend de mettre à la charge d’une commune un individu à qui elle ne doit rien, parce qu’il n’a rien fait pour elle. Art. 13. Le développement des articles précédents en servira à celui-ci; nous ajouterons seulement que l’intention de la loi étant toujours de laisser à l’homme la facilité de rentrer dans ses foyers, elle doit nécessairement mettre plus d’obstacle à la faculté de recouvrer le droit de domicile de secours dans une autre municipalité que celle de sa naissance. Art. 14. Le préjugé seul peut faire regarder le bâtard avec défaveur; il est plus vrai de dire que la société lui doit les secours qu’il avait droit d’attendre de parents qui le méconnaissent ; si la loi doit veiller au maintien des mœurs, si elle doit s’efforcer de diminuer le nombre des enfants abandonnés, ce n’est pas en traitant avec sévérité, avec injustice, ces pauvres enfants innocents de leur malheur, qu’elle y parviendra. Le droit naturel, la simple raison les associent donc au droit de tout autre individu. Art. 15. Cette distinction honorable et utile pour l’homme qui a servi sa patrie, a paru au comité un hommage rendu à cette profession de dévouement, et par là un nouvel engagement pour s’y livrer. Art. 16. Deux motifs ont déterminé le comité à cette proposition : 1° un domestique est, dans le lieu où il sert son maître, utile à la société, il consomme et travaille ; 2° il peut être considéré comme une sorte d’addition à la famille de son maître, comme sa famille elle-même; il partage donc ses droits. La loi doit aussi le protéger contre l’inconstance de son maître, ou de ses maîtres ; elle le fait en exigeant deux ans de domesticité dans lemême lieu, n’importe combien de maîtres il a servi. Art. 17. Un homme est malheureux, qu’il ait été négligent ou coupable, dès l’instant qu’il est sans ressource; dès l’instant que, PROJET DE DÉCRET. blics, sera admis à l’asile des non domiciliés dans la maison publique la plus voisine. OBSERVATIONS . frappé des infirmités de l’âge, il a besoin de secours, ce besoin est un droit, et l’humanité ordonne qu’on l’assiste. Mais que ce secours soit réduit au plus strict nécessaire, que son sort ne soit pas assez doux pour devenir le but des espérances, des oisifs et des vagabonds : c’est une précaution que la juste crainte d’une foule d’abus rend indispensable, et qui ne semble dure que quand on ne l’examine pas avec toutes ses conséquences. On opposera peut-être à la rigueur de cet article, proposé par le comité, que l’usage, la nécessité, le perfectionnement même de la main-d’œuvre, la fluctuation du commerce et de l’industrie forçant beaucoup d’ouvriers et artisans à se transporter fréquemment d’un lieu à un autre, pourraient les exposer à se trouver, dans l’âge de l’infirmité, assimilés aux vagabonds par le secours qui leur serait donné, tandis que toute leur vie employée au travail l’aurait été à l’utilité publique. Nous répondrons à cela que, sans doute, les lois dures et sévères des corps et métiers doivent être détruites ou modifiées avant l’exécution de cette loi de domicile , puisque, empêchant beaucoup d’ouvriers de se livrer aux différents genres de travaux auxquels ils seraient propres, elles les forcent souvent à rester sans travail, et par conséquent à réclamer des secours. Nous ajouterons que l’homme, qui aura travaillé, sera pourvu de certificats des municipalités où il aura fait sa résidence, qui attesteront qu’il s’est rendu utile, et qu’il n’a oint été à la charge pu-lique, seule condition exigée. D’ailleurs, la loi une fois établie engagera à l’avenir les ouvriers, qui sont accoutumés d’errer d’une ville à l’autre, à se fixer pendant un intervalle assez long pour remplir la condition exigée par la loi, s’ils prétendent au secours. On peut d’ailleurs hardiment prononcer qu'un homme qui, arrivé dans l’âge des infirmités, ne s’est pas procuré un domicile, et n’a pas recouvré celui de sa naissance, qui est sans femme, sans enfants, est un vagabond ; ainsi il doit être traité comme tel, même dans le moment où il a besoin des secours de la société, pourvu toutefois que ces secours ne lui soient point refusés, et qu’ils ne soient pas insuffisants : mais 462 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.] PROJET DE DÉCRET. OBSERVATIONS. PROJET DE DÉCRET. OBSERVATIONS. ces deux conditions essentielles étant remplies, il est bon, il est utile à la société que la différence du traitement qu’il éprouvera serve d’exemple et de leçon. Cet homme enfin, en le considérant le plus favorablement, a joui sans prévoyance de tous les avantages que lui a donné son travail, et il faut encourager la prévoyance, et comme vertu, et comme économie pour l’Etat. Le comité n’ignore pas qu’il se trouvera des cas où cet homme pourra arriver sans domicile à l’âge des infirmités par une suite de malheurs dont vraiment il ne sera pas coupable; mais ces cas seront rares, et leur possibilité ne peut détruire la nécessité ae la loi ; et c’est dans ces cas infiniment peu communs, que la charité publique, que l’humanité individuelle suppléera aux secours publics. Art. 18. L’homme non Art. 18. Quand l’abus ne domicilié qu’un accident ou peut pas suivre le bienfait, une infirmité, suite de son le législateur doit se livrer travail, mettrait hors d’état aux douces impulsions de de gagner sa vie, sera reçu la bienfaisance. Tel est le dans l’asile des domiciliés motif qui a dicté au comité du département où cet acci-cet article prescrit impé-dent lui sera arrivé. rieusement par l’humanité. Un accident tel que nous l’avons supposé répond d’ailleurs des mœurs de l’homme ; celui qui est blessé par hasard ne vient pas à l’hôpital par spéculation ; celui qui est blessé à son travail n’est ni un fainéant ni un vagabond ; une autre raison qui doit être de quelque poids, c’est que des cas pareils , devant être extrêmement rares , n’entraîneront jamais une bien grande dépense. Art. 19. Les secours gra-Art. 19. Voilà encore un tuits sont dus à tout homme ces cas °ù la justice malade qui se trouve sans lais.se parler l’humanité. La ressource, qu’il soit domi-société ne doit envisager cilié ou non. dans le malade, quel qu’il soit, qu’un être souffrant à qui sont dus tous les secours dont il a besoin, quel que soit son caractère, quelles que soient ses mœurs, quelle qu’ait été sa conduite passée. Le comité ense donc que les secours oivent être administrés aux malades avec une parfaite égalité, et qu’il ne doit y avoir dans les hôpitaux qui leur sont destinés, que les distinctions rendues indispensables par les différences d’âge et de sexe. Ce projet de décret, auquel il sera peut-être jugé convenable d’ajouter quelques articles, a semblé au comité remplir assez généralement toutes les conditions exigées et nécessaires dans cette grande question de domicile de secours, dont on ne peut se dissimuler les difficultés et l’importance. TITRE YI. — Vues de prévoyance. Ce n’est pas tout que d’assurer des secours à l’indigence dans les eas, trop fréquents dans la vie, d’accidents ou d’infimités, de pourvoir au sort des nombreuses familles, de protéger l’enfance abandonnée, d'assurer des retraites à la vieillesse sans ressources ; c’est sans doute un devoir impérieux de la société, que celui d’assister la pauvreté; mais celui de la prévenir n’en est pas un moins sacré et moins nécessaire. Toutes les fois que la société met un de ses membres eu état de se passer de secours, elle s’enrichit, et de ceux qu’elle ne donne pas, et de ceux plus complets qu’elle peut ainsi accorder aux malheureux sans moyens. Elle profite plus encore, elle se fortifie de l’espèce d’énergie que l’homme indépendant porte avec lui, et qu’il est si rare, si difficile, nous dirons même si peu possible, de trouver dans celui dont l’existence est toujours troublée par l’inquiétude et le besoin. Le système de secours proposé par le comité, a pour objet, dans l’assistance des indigents, d’encourager le travail, de détruire la fainéantise et le vagabondage, de régénérer les mœurs, d’entretenir et d’animer les affections naturelles qui naissent des liens du sang, de réveiller toutes les vertus sociales sur lesquelles repose le bonheur de la société. Pour toutes ces fins, il doit encore encourager la prévoyance. L’homme qui, dans l’âge de la force et du travail, envisage avec sagesse l’époque où les ressources lui manqueront ; qui, fier • de l’idée qu’il peut se suffire à lui-même dans les temps de disette, se ménage les moyens de ne pas recourir à la bienfaisance publique, est un citoyen honnête, vertueux et utile. Un tel homme est sans doute laborieux, attaché à sa patrie, à ses devoirs, à sa famille ; son exemple entraînera beaucoup d’imitateurs ; il aura une influence certaine sur la conduite de ses enfants ; car si le fils de l’homme qui meurt à l’hôpital voit dans les secours publics son patrimoine assuré, le fils de celui qui aura porté toute sa vie un caractère élevé, généreux et fier, ne dégénérera pas communément des vertus de son père. Cette vertu précieuse et recommandable, par laquelle l’homme honnête ne veut devoir qu’à lui son existence et ses ressources, est particulièrement la vertu d’un peuple libre ; elle est celle que ses institutions doivent le plus encourager. Mais vainement l’artisan, l’ouvrier commun, les hommes enfin de la classe qui peuplent le plus .habituellement les maisons de secours, à qui l’assistance publique est le plus nécessaire, voudraient-ils, par une économie journalière sur leur salaire, se ménager des ressources pour l'avenir ; si ces épargnes ne peuvent pas être avantageusement placées et accrues de l’intérêt et des chances qui peuvent lui être appliqués, ces économies modiques, accumulées en masse, seront bientôt dans des circonstances impérieuses, dissipées avec une sorte de nécessité, et ne présenteront mémo, après un long temps, si elles sont conservées intactes, qu’une ressource insuffisante. Il convient donc à l’Efat de préparer des moyens qui, donnant à ces épargnes toute [Assemblée national*.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [31 août 1790.] 433 Futilité dont elles sont susceptibles, encouragent à les multiplier et préparent aiDsi, et une économie à ses finances, et à tous ses membres des moyens de satisfaire le plus complètement leurs vues de prévoyance. Ce n’est pas par des lois précises que la société peut arriver à une telle fin ; les vertus ne se commandent pas par les lois ; elles n’en dépendent que parce que les jnœurs d’un empire étant toujours dirigées par sa Consiitution, les vertus sont elles-mêmes formées par les moeurs, et nous avons à cet égard le droit d’attendre une révolution salutaire. Ce n’est qu’en préparant à la prévoyance une exécution facile de ses sages intentions, que la société peut contribuer à la faire naître et à l’étendre. Elle doit ne rien négliger pour instruire tous ses membres des avantages qu’ils peuvent se promettre d’une sage économie, leur en montrer les emplois différents, leur indiquer combien elle est liée à leur bonheur, à leurs sentiments ; et comment ainsi elle en fait des citoyens plus recommandables et plus utiles. D j tels moyens, les seuls que la société puisse efficacement employer, auront bientôt leur effet prompt et entier sur un peuple libre, qu’il ne faut qu’éclairer pour le conduire au bien, et pour la complète institution duquel aucun moyen ne doit être épargné. Les calculs des probabilités, des chances, des cumulations d’intérêts sur lesquels peut être fondée l’utilité des épargnes, sont peu connus en France ; quelques auteurs ont écrit sur cette matière, généralement peu entendue, et restée jusqu’à présent à l’intelligence des savants ou à l’usage des agioteurs. Et tandis que ces calculs, appliqués avec la plus soigneuse étude dans les combinaisons des loteries, présentent au peuple, et surtout au peuple des villes, l’appât le plus perfide, le plus ruineux et le plus dangereux pour la société, aucun établissement, aucune instruction n’indique à cette classe utile et laborieuse comment elle pourrait appliquer ces calculs à son avantage, et ne lui en fournit les moyens. Quelques établissements d’assurances, formés à Paris depuis quelques années, out fait participer la classe aisée de la société à une partie des avantages que des établissements pareils répandent en Angleterre, en Russie, en Allemagne, etc., et sans examiner ici si les conditions de ces polices d’assurances sont ou non trop exigeantes pour les assurés, on ne peut disconvenir que ces établissements soient utiles ; et les lumières une fois répandues, la concurrence les ramènera bientôt au taux juste, d’où naîtra un résultat réciproque et égal d’avantages, sans lesquels ils ne pourront subsister. Mais ces établissements, et presque tous ceux de cette nature existants jusqu’ici en Europe, doivent avant d’être utiles à ceux qui y ont recours, l’être à un nombre plus ou moins grand d’actionnaires, qui, répondant sur leurs fonds de la solidité des engagements, doivent sans doute recevoir, et l’intérêt de leurs mises premières, et celui des chances qu’ils courent ou qu’ils peuvent courir, et le fruit de leurs peines. Cette rétribution, incontestablement juste, est cependant incontestablement aussi une diminution des avantages que les calculs donnent aux assurés pour leurs mises, diminution d’autant plus pénible, que les mises sont plus faibles. Il serait donc important de voir établir en France des caisses d’épargne dont les frais d’administration seraient aussi faibles que possible, et dont les avantages multipliés, combinés sous différentes vues, tourneraient toutes au profit de ceux qui y placeraient et au profit de la chose publique. Ces caisses présenteraient une grande utilité à toutes les classes de la société, et il est indubitablement vrai que plus elles recevraient de mises, plus elles présenteraient de chances, et par conséquent d’avantages à ceux qui y auraient recours. La connaissance du meilleur parti à tirer des épargnes est une science si utile à la prospérité d’un Etat et au bonheur des citoyens, que nous ne doutons pas que votre comité de Constitution n’en fasse entrer l’enseignement dans le plan général d’éducation qu’il vous soumettra. Mais votre comité de mendicité, se tenant toujours dans les bornes que vous lui avez prescrites, ne considère ici que l’avantage qui en résulterait pour les classes indigentes, trop oubliées jusqu’ici dans tous les calculs, qui peuvent faire jouir plus heureusement de la vie; et ce n’est que sous ce rapport qu’il vous en soumet l’idée. Il y voit, pour le malheureux qui peut faire quelque économie, et qui, dans quelque instant de sa vie, jouit d’un moment d’aisance, le moyen de se préserver à jamais de la misère, et d’en préserver ses enfants. Il y voit ia source d’un travail plus actif, d’une richesse plus grande dans la nation, d’une force, d’une énergie plus prononcées dans tous les individus; enfin un complément de moyens d’éteindre la mendicité. Il y volt la possibilité de donner à l’agriculture une grande activité, par les prêts à terme que ces caisses bien régies pourraient faire. Il y voit de toutes parts l’intérêt public servi par les avantages mêmes de l’intérêt particulier. G’est dans ces vues qu’il vous propose d’ordonner à votre comité de finances de s’entendre avec lui et avec votre comité d’agriculture, pour vous présenter le mode de caisses d’épargnes distribuées par départements, qui réunissent le plus d’avantages pour l’emploi de tous les deniers d’économie. G’est dans ces vues qu’il vous propose d’ordonner qu’il soit adressé à tous les départements, et par eux aux districts et aux municipalités, une courte notice de quelques exemples réunis des divers avantages que pourraient procurer aux citoyens pauvres et laborieux des épargnes bien placées. Ges exemples, calculés au taux de l’intérêt à 4 0/0 et d’après un ordre de mortalité moyen, par un mathématicien habile, ont été très approuvés par l’Académie des sciences. On sait que l’application peut varier à l’infini ; mais que la connaissance de ceux les plus généralement utiles est une instruction bien salutaire pour les habitants des campagnes, pour la classe des ouvriers dans les villes, qui, familiarisés d’avance avec ces idées, en profiteront dès que ces institutions auront lieu. Ainsi, ces exemples font voir ce que, dans un certain nombre d’années, l’épargne d’un, de deux, de dix sols par jour, peut procurer d’avantages ; quelle somme placée à tel ou tel âge, peut, à tel autre, donner à celui qui la place, l’assurance de n’avoir jamais recours à l’assistance publique; quelle mise doit faire une fois, et quelle mise doit annuellement renouveler celui qui veut assurer à un enfant uu établissement certain à tel ou tel âge, combien un certain nombre d’individus réunis doivent placer, pour s’assurer des secours en maladie et convalescence, quelle épargne assure aux veuves de quoi subsister. Enfin, ces exemples réunis présentent les moyens, et d’abandon uer ces sommes à la chance des morta- 464 [Assemblée nationale.] lités, et d’en conserver le retour à la famille de ceux qui les placent. Projet de décret. 1° Le comité de mendicité, de concert avec le comité de finances et celui d’agriculture, présentera à l’Assemblée nationale le pian d’une caisse d’épargne à établir par département, qui réunisse le plus d'avantages pour l’intérêt des particuliers qui voudront y placer, et qui leur présente les moyens les plus utiles, et sous le plus grand nombre de rapports, de satisfaire leurs vues de prévoyance. 2° Le comité de mendicité fera parvenir aux directoires de départements, de districts et aux municipalités, la notice qu’il a soumise à l’Assemblée, de divers exemples qui peuvent pénétrer la classe indigente et laborieuse des citoyens, de l’utilité des mises d’épargnes. EXEMPLES du produit des épargnes , selon leurs diverses applications (1). Il faut se rappeler que tous les exemples ci-après n’ont pour objet que le placement des épargnes que peut faire la classe la moins aisée de la société. I Placement conservant la propriété du fonds , pour celui qui place et pour ses héritiers. Un sol d’économie par jour fait, au bout de l’an, une somme de 18 livres 5 sols, en comptant 365 jours dans l’année, et si, de plus, on tient compte de 1 intérêt à 4 0/0 par an, l’épargne journalière d’un sol montera à la somme de 18 livres 12 sols 2 deniers 3/4. La simple épargne de 10 sols par jour produirait donc au bout de l’an la somme de 182 liv. 10 sols et dans un établissement qui tiendrait compte des intérêts journaliers sur le pied de 4 0/0 l’an, cette même épargne de 10 sols produirait au bout de l'année 186 liv. 2 s. 3 d. 3/4. Il suit de là qu’un homme qui économiserait chaque jour un sol, ou qui porterait à la fin de chaque année une somme de 18 livres 5 sols à la caisse destinée à recevoir les mises d’épargne, aurait ou laisserait : Au bout de 10 ans une somme de ........................... 2191. 2s.3d. Au bout de 20 ans une somme de ............................ 543 9 » Au bout de 30 ans une somme de .... . ................... . .. 1,023 11 » Au bout de 40 ans une somme de ............................ 1,734 4 4 Au bout de 50 ans une somme de ............................ 2,786 3 6 Au bout de 60 ans une somme de ............................ 4,343 6 7 (1) L’Académie des sciences, consultée par le comité sur l’exactitude des calculs qui établissent ces exemples de placement, les a, dans la séance du 1er décembre, et sur le rapport de MM. Vandermonde, de Condorcet et de Laplace, jugés conformes aux vrais principes de la théorie des probabilités, et approuvés entièrement. [31 août 1790.] Celui qui pourrait économiser 2 sols, 3 sols, 4 sols. par jour acquerrait par conséquent le double, le triple, le quadruple de ces sommes, et en cas de mort, rien ne serait perdu pour les héritiers. Un domestique, un journalier, un artisan âgé de 10 ans, pourrait donc, par l’économie journalière de 10 sols, se procurer, pour l’âge de 30 ans, une somme de 2,191 livres nécessaire à un établissement, à un mariage, ou une somme de 17,3421i-vres pour vivre avec aisance et se reposer dès l’âge de 60 ans. La seule économie d’un sol par jour, faite au profit d’un enfant qui vient de naître, lui procurerait pour l’âge de 30 ans, la somme de 1,023 livres pour son établissement, et cet enfant, arrivé à l’âge de dix ans, en état de gagner quelques sols, ne fût-il que décrotteur, pourrait, par i’épargne journalière d’un sol, augmenter de 543 livres la première somme de 1,023 livres pour la même époque. Cette épargne, qu’il est possible que beaucoup d’ouvriers ne puissent pas faire journellement, peut être remplacée par un petit capital, dont les circonstances heureuses les mettent quelquefois à portée de faire emploi dans le courant de leur . vie. Ainsi un capital de 100 livres. Ou 10 payements annuels de 12 1. 6 s. 7 d. produiraient au bout de 10 ans ............... Le même capital Ou 20 payements annuels de 7 1. 7 s., 2 d. produiraient au bout de 20 ans. . . ............ Le même capital Ou 30 payements annuels de 5 l. 15 s. 8 d. produiraient au bout de 30 ans . .............. Le même capital Ou 40 payements annuels de 5 1.1s. produiraient au bout de 40 ans ...................... Le même capital Ou 50 payements annuels de 4 1. 13 s. 1 d. produiraient au bout de 50 ans ................ Le même capital Ou 60 payements annuels de 4 liv. 8. s. 5 d. produiraient au bout de 60 ans 1,051 liv. 19 s. 3 d. On sent que le même exemple peut servir à toutes les mises plus ou moins fortes. II Placement où les fonds se perdent par la mort de celui qui a placé , mais qui se bonifient par la chance des mortalités. § 1er. Il suit entre autres des calculs établis d’après les bases indiquées (en suivant l’ordre de mortalité de Northampton), qu’une personne acquerrait pour l’âge de 60 ans un capital de 5,423 liv. 8 s., ou une rente viagère de 600 liv., à une des conditions suivantes : 1° Si, étant âgée de 60 ans, elle plaçait un capital de 5,423 liv. 8 s. ; 2° Si, étant âgée de 50 ans, elle plaçait la somme de 2,643 liv. 12 s., ou qu’elle fournît à la fin de chaque année, pendant 10 ans, une prime viagère de 378 liv. 6 s. 11 d., ce qui exigerait une épargne journalière d’environ 20 s. 8 d. ; ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 148 1. » s. 6 d 219 2 3 324 6 9 480 2 710 13 4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 3790.] 465 3° Si, étant âgée de 40 ans, elle plaçait la somme de 1,387 liv. 15 s., ou à la lin de chaque année, pendant 20 ans, une prime viagère de 127 liv. 10 s., ce qui exigerait une épargne journalière d’environ 7 sols; 4° Si, étant âgée de 30 ans, elle plaçait la somme de 777 liv. 2 s. 5 d., ou à la fin de chaque année, pendant 30 ans, si elle est vivante, une prime viagère de 57 liv. 12 s. 6 d., ce qui exigerait une épargne journalière d’environ 3 s. 2 d.; 5° Si , étant âgée de 20 ans, elle plaçait une somme de 448 liv. 11 s. 11 d., ou à la fin de chaque année, pendant 40 ans, une prime viagère de 29 liv. 7 s., ce qui exigerait une économie journalière d’environ 1 s. 7 d.; 6° Si, étant âgée de 10 ans, on plaçait pour elle un capital de 274 liv. 1 s. 2 d., ou à la fin de chaque année, pendant 50 ans, si elle subsiste, une prime viagère de 16 liv. 1 s. 2 d., ce qui exigerait une économie journalière d’environ 10 d.; 7° Si, à sa naissance, on plaçait un capital de 90 liv. 3 s. 9 d., ou à la fin de chaque année, pendant 60 ans, si elle ne meurt pas, une prime viagère de 8 liv. 17 s. 3 d., ce qui exigerait une économie journalière de moins de 6 deniers. Un tel établissement offrirait donc aux hommes un moyen facile et peu coûteux d’assurer le nécessaire à leurs enfants, soit légitimes, soit naturels, ainsi qu’à leurs familles. Par un seul don de 1,000 livres fait à un enfant naissant, on pourrait lui assurer : Pour l’âge de 20 ans, une somme de 4,974 liv. ou une rente viagère de 310 livres. Ce capital, laissé encore pendant 10 ans en accumulation viagère, lui vaudrait pour l’âge de 30 ans une somme de 8,617 livres ou une rente viagère de 583 livres. S’il peut encore laisser accroître cette somme, il aura : Pour l’âge de 40 ans, une somme de 15,387 liv., ou une rente viagère de 1,166 livres. Ou pour l’âge de 50 ans, une somme de 28,979 livres, ou une rente viagère de 2,573 lièvres. Ou pour l’âge de 60 ans, une somme de 60,138 livres, ou une rente viagère de 6,653 livres. Tel homme qui travaille et qui peut encore travailler (disait feu M. de Parcieux, qui avait aussi fait de semblables calculs) mettrait là une partie de ce qu’il aurait économisé. Il laisserait croître ses économies jusqu’à ce que ses forces ne lui permettant plus un travail assidu, étayant toujours les mêmes besoins ou davantage , il fût dans le cas de jouir de leurs produits. III Placement par lequel celui qui place, renonçant pour lui-même à l'intérêt de son placement , n'a en vue que l'avantage de ceux de sa famille qui restent après lui. § Ier. L’épargne journalière d’un sol, ou 18 Jiv. 5 s. payés à la fin de chaque année de la vie d’un homme, produirait à sa mort, en quelque temps qu’elle arrive : S’ilestâgéde20ans,unesommede. 848 1. 8s S’ilestâgéde25ans,unesommede. 766 2 S’ilestâgéde30ans,unesommede. 686 7 S’ilestâgéde35ans,unesommede. 607 15 S’iiestâgéde40ans,unesommede. 530 11 lro Série. T. XVIII. Un père, chargé de famille et âgé de 30 ans, se procurerait donc en mourant la consolation de laisser un héritage de 13,727 livres à sa femme et à ses enfants par l’économie journalière de 20 sous. § II. Un homme pourrait n’assurer à son enfant ou à sa femme une somme ou une rente, que dans le cas seulement où il viendrait à mourir avant eux. Supposons, par exemple, qu’un homme âgé de 30 ans, voulût assurer une rente viagère de 600 livres à un enfant qui vient de lui naître. Il aurait à payer une somme totale de 1,801 liv. 4 s., ou à la fin de chaque année une prime de 245 liv. 18 s., qui cesserait, soit par sa mort, soit par celle de son enfant, et exigerait seulement pendant le temps de leurs deux vies unies, une épargne journalière de 13 s. 5 d. 1/2. Pour assurer cette même rente à sa femme, si elle est âgée de 20 ans, il aurait à payer une somme totale de 2,296 livres, ou à la lin de chaque année, une prime de 210 liv. 4 s. 6 d. qui cesserait, soit par sa mort, soit par celle de sa femme, et n’exigerait, pendant la durée de l’union qu’une épargne journalière de 11 liv. 6 s. Enfin, il assurerait fa même rente à une mère âgée de 50 ans, moyennant un prix total de 1,156 liv. 16 s. ou un payement annuel de 125 liv. 1 s. 6 d. qui cesserait, soit par sa mort, soit par celle de sa mère, et n’exigerait qu’une épargne journalière de 6 liv. 10 s. Si la mère, âgée de 50 ans, préférait un capital à la rente viagère de 600 livres, ce capital serait de 5,720 liv. 14 s. 8 d. ; il serait pour la veuve de9,0701iv.2s.etpourl’enfantde9,659 liv. 9s.2d. IV Placement à l'usage de ceux qui voudraient s'assurer dans les villes des secours en maladies et en vieillesse. § Ier. La dépense d’un pauvre malade, en la calculant haut, est, dans les hôtels-Dieu, de 20 sols par jour, celle d'un convalescent est de 10 sols, celle d’un vieillard, par mois, est de 10 livres. Sur 100 personnes de chaque âge, à compter dès l’âge de 20 ans, jusqu’à celui de 60, il y a toujours 3 malades et 2 convalescents. Il suit de là que l’homme qui voudrait s’assurer les secours absolument nécessaires dans ces deux cas, sans être à charge à l’Etat, devrait fournir, chaque année, à un établissement institué à cet effet, une contribution d’environ 14 liv. 12 s. 9 d. ou de 10 liv. 6 s., s’il voulait avoir 20 sols par jour à dépenser dans la convalescence, ce qui exigerait précisément l’épargne journalière d’un sou, en comptant 366 jours dans l’année. On voit déjà à Paris quelques exemples d’associations pareilles, mais très peu nombreuses. § II. Mais l’individu qui voudrait acquitter, par un seul payement, cette dernière assurance jusqu’à l’âge de 60 ans, n’aurait qu’à payer : S’il est âgé de 20 ans, qu’un prixtolal de ............ 279 1. 14 s. 4 d. S’il est âgé de 30 ans ...... 252 17 2 S’il est âgé de 40 ans ...... 199 3 7 S’il est âgé de 50 ans ...... 126 8 4 Et pour s’assurer 10 livres par mois, ou 120 Ii-30 [Assemblée nationale! ARCHIVES PARLEMENTAIRES* |lor septembre 1790.] 466 vres de rentes annuelles, dès l’âge de 60 ans, il ne serait nécessaire de fournir qu’un payement total : À l’âge de 20 ans, de ..... 90 l. » s. » d. A l’âge de 30 ans, de ..... 155 8 » A l’âge de 40 ans, de ..... 277 11 3 A l’âge de 50 ans, de ..... 522 14 5 Ou un payement viager annuel, jusqu’à l’âge de 60 ans : De 5 1, 17 s. 10 d. en le commençant à 20 ans. Dell 4 11 en le commençant à 30 ans. De 25 10 \> en le commençant à 40 ans. De 75 13 4 en le commençant à 50 ans. observations. L’utilité des assurances sur la vie s’étend à une infinité d’autres positions; mais on s’est borné ici à donner une légère idée des moyens qu’elles offrent pour prévenir l’indigence. On a calculé ces exemples sur le taux de 4 0|0, parce qu’il parait que depuis très longtemps on peut., autant que l’on veut, placer au-dessus de ce taux; mais dans une ville ou l’on ne pourrait faire valoir l’argent qu’à 4 0/0, il faudrait n’établir les calculs qu’au 3 1/2, ou même au 3 0/0. Les chances de la mortalité ont été calculées d’après l’ordre de la mortalité de la ville de Nor-thampton, parce que cet ordre paraît tenir assez exactement le milieu entre les divers autres ordres de mortalités qui ont été établis; mais on voit bien que, dans l’exécution, le choix de la table mortuaire devra être relatif au pays, au sexe, à la profession, à la constitution de l’individu et à la nature des assurances. Enfin, ce n’est pas ici non plus le lieu d’entrer dans le détail de toutes les autres précautions qu’il est nécessaire de prendre dans la forme particulière que peuvent avoir ces sortes d’établissements: on n’a voulu que donner une notice sommaire, que faire connaître dans les départements et dans toutes leurs parties, quelle utilité simple et grande l’ouvrier le plus commun pourrait tirer de ses épargnes. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE JESSÉ. Séance du mercredi 1er septembre 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Anthotne, secrétaire, donnelecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. M. Deïaeonr-d’AinbezH'ux, antre secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier au soir. Ces procès-verbaux sont adoptés. M.-Chasset, rapporteur du comité ecclésiastique, rend compte d’une adresse des administrateurs de la Seine -Inférieure au sujet d’un arrêt rendu par la Chambre des vacations du parlement de Rouen, le 24 août dernier. Le sieur Ledué, partie dans une contestation où le prieur de Sain t-Dignefort était intéressée, a signifié par un acte judiciaire qu’il ne pouvait se présenter à l’audience, attendu que, d’après l’article 3 du décret du 27 mai dernier, sanctionné par le roi,, il est ordonné qu’il sera sursis à l’instruction et au jugement des procès concernant les fonds à la disposition de la nation. L’arrêt a rejeté cet, te exception. Il ne pouvait en être autrement dans une cour où la seule citation d’un décret de l’Assemblée nationale cause des convulsions aux magistrats. RL Chasse* donne lecture d’un projet. M. Rcgnaud (de Saint-Jean-dé Angely). Il faudrait pourtant prendre garde de ne pas intervertir les lôles et de ne pas changer la nature de nos fonctions. Ce que propose le comité est du domaine du pouvoir judiciaire ; c’est à lui qu’il faut renvoyer l’affaire. M. Chasse*. Ce projet de décret que nous vous proposons ne statue point sur la nullité, il déclare simplement que l’arrêt contient une infraction au décret de l’Assemblée nationale et renvoie aux tribunaux ordinaires pour le jugement. C’est dans Je commencement d’une révolution, c’est dans l’origine d’institutions nouvelles, qu’il faut veiller avec grand soin aux entreprises des tribunaux. M. le Président met aux voix le projet de décret. Il est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité ecclésiastique, sur l’arrêt rendu par la chambre des vacations du parlement de Rouen, le 24 août dernier, entre le sieur Gabriel Ledué, la dame Anne Delamarre, veuve du sieur Duhamel, ci-devant seigneur de Melmont et d'Or-eher, et le prieur de Sain t-Dignefort, au sujet des droits en litige entre eux sur les marais d’Or-cher, ledit arrêt, rendu, nonobstant le décret du 27 mai précédent, sanctionné le 28 par le roi, qui porte, article 3, qu’à compter du jour de la publication dudit décret, et pendant quatre mois après la formation des directoires des départements, il sera sursis à l’instruction et au jugement de toutes les causes, instances et procès mus et à mouvoir entre quelques personnes que ce soit, concernant les droits et fonds qui ont été déclarés être à la disposition de la nation., « Déclare que ledit arrêt est une infraction formelle au sursis ordonné par ledit décret; en conséquence décrète que le roi sera prié d’ordonner ce qui conviendra pour l’exécution dudit décret, et que les pièces adressées au comité ecclésiastique seront remises au garde des sceaux. » M. Pinte ville de Cernon , membre du comité de Constitution, dit que les élections faites dans le district de Mucidan ont été irrégulières et qu’il y a lieu d’en ordonner de nouvelles. Eu conséquence, il propose un projet de décret qui est adopté eu ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution, décrète que les électeurs du distriet de Mucidan se réuniront dans le bourg de Benevent, pour y procéder à la nomination des administrateurs de ce district ; déclare nuiles les élections faites par la précédente assemblée desdits électeurs. * (1) CeUo séance est incomplète au Moniteur.