m (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 novembre 1790-1 la nation, de l’exécuteur suprême delà loi, a été, dans ces moments d’une fureur généreuse, l’objet de sa vénération et de ses soins persévérants? Savez-vous que ce peuple irrité a montré à Mmo de Castries, respectable par son âge, intéressante par son malheur, la plus tendre sollicitude, les égards les plus affectueux? Savez-vous que le peuple, en quittant cette maison, qu’il venait de détruire avec une sorte d’ordre et de calme, a voulu que chaque individu vidât ses poches et constatât ainsi que nulle bassesse n’avait souillé une vengeance qu’il croyait juste? Voilà, voilà de l’honneur, du véritable honneur, que les préjugés des gladiateurs et leurs rites atroces ne produiront jamais 1 Voilà quel est le peuple : violent, mais exorable; excessif, mais généreux; voilà le peuple même en insurrection, lorsqu’une Constitution libre l’a rendu à sa dignité naturelle, et qu’il croit sa liberté blessée 1 Ceux qui le jugent autrement le méconnaissent et le calomnient; et quand ses serviteurs, ses amis, ses frères, qui ne se sont voués à sa défense que parce qu’ils l’honorent profondément, repoussent les blasphèmes que l’on profère à chaque instant dans cette Assemblée contre lui, ils obéissent à leur premier devoir, ils remplissent une de leurs saintes fonctions. Nous avons trop tardé; ne souffrez pas que le temps que nous a emporté ce coupable débat passe pour la pu érile explosion d’une colère oiseuse et stérile; faites dans votre sein un exemple qui démontre que votre respect pour la loi n’est ni tiède ni simulé, qu’enlin,M. Roy soit conduit en prison. M. Malouet paraît à la Iribune. (On ferme la discussion.) M. Malouet insiste pour la parole. MM. Goupil et Prieur l’interrompent : il veut s’adresser au président ; on le rappelle à l’ordre. M. le Président le somme de se soumettre au décret qui vient de fermer la discussion. Il veut encore parler; on demande qu’il soit chassé de la tribune. M. le Président. La motion qui est en délibération consiste à ordonner un emprisonnement de trois jours. Si M. Malouet a un amendement à proposer, il a le droit de le faire. M. Malouet. Si l’emprisonnement d'un de vos membres est nécessaire au rétablissement de l’ordre, je suis le premier à m’offrir et j’ai trop bonne opinion du membre estimable qui est accusé pour... (Il s'élève des murmures.) M. le Président. Votre amendement... M. Malouet. Je déclare que j’ai toujours respecté tous vos décrets, mais que je m’élèverai toujours contre les calomnies, contre les tyrannies que vous exercerez envers vos membres... Puisqu’on regarde la punition de M. Roy comme un moyen de rétablir l’ordre, en adoptant les principes que M. Barnave a développés sur la nécessité de l’établir partout et hors de cette Assemblée, j’espère que l’Assemblée voudrabien aussi prendre des moyens pour l’établir au Palais-Royal, aux Tuileries, alors j’adopterai sa motion. Mais si vous isolez ses conclusions des motifs qui les précèdent, si vous sévissez contre un de vos membres et que vous laissiez impunis les désordres extérieurs, elle est profondément injuste. ( Plusieurs voix crient à M. Malouet : Allez à Dhôtel-de-ville!) Je demande que vous ayez égard aux circonstances qui nous environnent, que vous preniez toutes les mesures propres au rétablissement de la paix, et que vous décidiez que le dégât fait dans la maison de M. de Castries sera payé par la nation, M. d’Estourmel. Bien certainement... M. le Président. Avez-vous un amendement à proposer? M. d’Estourmel. Oui, monsieur... Bien certainement, rien n’est si affligeant que le spectacle que nous donnons ea ce moment au public qui nous environne. M. le Président. Votre amendement? M. d’Estourmel. Mon amendement est que la peine de trois jours de prison soit conmuée en celle de huit jours d’arrêts... (Il s’élève de longs murmures , accompagnés du bruit très longtemps prolongé de la sonnette du président .) Il est indécent de m’interrompre. Je demande que l’Assemblée soit rappelée à l’ordre... Je motive mon opinion, premièrement, sur ce que l’Assemblée, ayant voulu punir un membre pour une expression semblable à celle qui est échappée à M. Roy, ne l’a condamné qu’à trois jours d’arrêts; secondement, sur le proverbe que vous savez tous : prima gratis, secunda débet, tertia solvet. La faute dont il s’agit n’est que la seconde de ce genre. M. Prieur. Elle est la troisième, car celles de MM. de Faucigny etde Guilhermy l'ont précédée. M, dEstourmel. Je demande, de plus, que la motion de l’arrestation soit entièrement supprimée, et que, si l’Assemblée persistait dans la résolution d’envoyer M. Roy en prison, il lui soit permis de s’y rendre lui-même. (Le premier amendement de M. d’Estourmel, relatif à la commutation de la peine de prison en celle des arrêts, est écarté par la question préalable.) M. d’Ambly. Il n’est pas de la dignité de l’Assemblée de faire entrer des gardes dans son sein. Je demande que M. Roy soit envoyé en prison sur sa parole d’honneur. M. Roy. Je déclare que je porterai le plus grand respect à la décision de l’Assemblée. Je suis prêt d’avance à me rendre à la prison de l’Abbaye-Saint-Germain, pour y rester le temps que l’Assemblée jugera nécessaire. On adopte le second amendement de M. d’Es-tourmel, et le décret est ainsi rendu : « L’Assemblée nationale décrète que M. Roy, député du ci-devant bailliage d’Angoulême, se rendra, dans le délai de vingt-quatre heures, aux prisons de l’Abbaye, et y demeurera pendant trois jours. » M. de Foucault. Et de M. de Mirabeau, qu’en ferons-nous ? M. de Marinais. Je demande qu’il soit condamné à huit jours d’arrêts, pour les propos qu’il a tenus à la tribune. 422 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {13 novembre 1790.1 M. Goupil veut répondre. (Des cris extraordinaires , partant du côté droit étouffent sa voix.—- On décide de passer à l'ordre jour.) Une députation de la municipalité de Paris est admise à la barre. M. Bailly, maire, qui la préside, prend la parole et dit : « Messieurs, la municipalité de Paris, qui est votre ouvrage, qui est née de la Constitution que vous avez donnée à la France ; la municipalité à qui des circonstances n’ont pas permis de se présenter encore devant vous, pour vous offrir et ses hommages et l’assurance de sa fidélité, a cru que vous pouviez cependant la reconnaître, lorsqu’elle vous apporterait une preuve de vigilance et de zèle pour le bien public. C’est sa sollicitude qui l’amène, et c’est aux pères de la patrie qu’elle [s’adresse pour réclamer de leur sagesse le moyen d’assurer la tranquillité publique. » Il donne ensuite lecture de l’arrêté ci-après : MUNICIPALITÉ DE PARIS. CORPS MUNICIPAL. Extrait du registre du corps municipal du 13 novembre 1790. « Le corps municipal, alarmé de la fréquence des combats singuliers dans la capitale, considérant comme un de ses premiers devoirs d’empêcher le retour des désordres dont il gémit en ce moment et dont les suites peuvent être si funestes : « A arrêté qu’il serait, à l’instant, député vers l’Assemblée nationale pour la supplier de porter le plus tôt possible contre les duels, une loi qui rappelle puissamment les citoyens aux règles de la morale, et les préserve à jamais des suggestions d’un sentiment incompatible avec le caractère d’un peuple libre et juste. Signé : Bailly, maire DE Joly, secrétaire greffier. Certifié conforme à l’original : Signé : DE JOLY, secrétaire greffier. M. le Président répond : « L’Assemblée nationale vient de s’expliquer sur une pétition semblable à celle que vous venez lui présenter. Elle n’a jamais douté de votre vigilance à maintenir l’exécution des lois et la tranquillité publique, et elle est persuadée que vous eussiez été les premiers à exercer cette noble fonction, si les circonstances l’eussent permis. Elle ne saurait vous peindre sa douleur profonde sur l’événement qui vous amène; vous avez pu apercevoir son agitation. Je ne saurais moi-même vous parler plus longtemps en son nom. Elle s’occupera incessamment de votre demande, et vous invite d’assister à sa séance. » M. Bailly. Nous sommes bien sensibles à l’invitation de l’Assemblée ; mais nous lui demandons la permission de retourner à l’hôtel-de-vi Ile, c’est-à-dire à notre poste et à notre devoir. (On applaudit.) M. l’abbé Brouillet propose de donner lecture d’un projet de décret sur le duel qu’il a annoncé à l’Assemblée depuis longtemps. (Voy. Archives parlementaires , tome XVIII, p. 767.) L’Assemblée ordonne simplement le renvoi aux comités de Constitution et de judicature réunis. M. le Président. Le comité des rapports a la parole pour rendre compte d’une contestation entre la municipalité de la ville de Dax et la Société des amis de la Constitution de la même ville. M. Salle, au nom du comité des rapports. Au mois de janvier de celte année, il s’est établi dans la ville de Dax une Société des amis de la Constitution ; elle s’est conformée au décret qui défend aux citoyens de s’assembler sans avoir averti la municipalité, et a obtenu des officiers municipaux de Dax une permission de tenir ses séances. Mais bientôt la municipalité, provoquée par une pétition de quelques citoyens de Dax, a dissous ia société par la force, a fait afficher sa sentence et a mis les scellés sur ses papiers. Les membres de cette .société se sont adressés au comité des rapports, qui, pour ne pas détourner l’Assemblée de ses importantes délibérations, a pensé que les voies de la conciliation et de la persuasion, qu’il a employées si souvent avec succès, suffiraient en cette circonstance. II s’est donc livré à une discussion particulière de l’affaire qui lui était soumise ; il a remarqué que la municipalité ne précisait aucun motif de sa conduite, sinon que la qualification de cette Société d'amis de la Constitution était une espèce d’accusation contre les autres citoyens d’être ennemis de la Constitution ; que cette société était une corporation, et que l’effet de ces corporations était d’opérer une scission entre les citoyens. Votre comité a pensé que la Société des amis de la Constitution ne pouvait pas être accusée d’inculper, par son nom, les autres citoyens plus que les noms des Sociétés philanthropiques, académiques, etc., ne sont parmi nous une injure et une accusation d’inhumanité ou d’ignorance pour tous les citoyens qui n’en sont pas membres. Il a cru que ces sociétés ne pouvaient pas être considérées comme des corporations ; car celles-ci, soumises à des règles intérieures prescrites par la loi, sont autorisées à faire des actes publics, tandis que les sociétés dont il s’agit ne sont que des associations particulières, soumises aux lois générales et devant être protégées par elles comme tous les autres citoyens : elles n’ont d’ailleurs aucun caractère public; elles sont libres dans la formation des règles intérieures de leur organisation ; elles propagent l’esprit public et le patriotisme, et les municipalités ne peuvent les dissoudre que dans le cas où elles formeraient dans leur sein des complots contre l’exécution des lois et troubleraient l’ordre public ; encore faudrait-il alors agir avec de certaines précautions. Deux lettres successives écrites par votre comité des rapports à la municipalité de Dax sont demeurées sans réponse ; quoiqu’il lui ait rappelé le décret qui autorise tous les citoyens à se réunir paisiblement et sans armes pour délibérer sur leurs intérêts, elle a persisté dans le refus de restituer à la Société des amis de la Constitution les papiers qu’elle lui avait enlevés et de lui permettre de tenir ses séances. En conséquence, nous vous proposons le projet de décret suivant : <- L’Assemblée nationale, considérant que, par son décret du 14 décembre 1789, il est libre à tous les citoyens de se réunir paisiblement et