82 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { ?! 1793 - « Il fallait du sang pour punir tant de for¬ faits liberticides et nationicides ; il en faut encore pour prévenir ceux qui les suivraient. « C’est de ce moment seules que les mânes de Le Peletier, de Marat, de Chalier et de tant d’autres glorieux martyrs de la liberté, com¬ mencent à s’apaiser. « Représentants, ce n’est pas la mort d’une poignée de conspirateurs qui pourra couper tous les fils du complot le plus exécrable qui soit entré dans le cœur humain, il faut une héca¬ tombe de traîtres pour pouvoir guérir toutes les blessures de la patrie égorgée par des enfants dénaturés. « L’aristocratie n’a pas renoncé à ses com¬ binaisons ténébreuses. Son aliment favori est le meurtre et le carnage; la chute des 21 têtes, celle de l’impudique Antoinette, des crapuleux habitants du palais infernal, n’a fait qu’al¬ lumer sa fureur, et peut-être, en ce moment, elle médite de renverser la plus ferme colonne de la liberté. « Il est encore des ennemis non moins dan¬ gereux : ce sont les infâmes déprédateurs pu¬ blics; n’épargnez donc point, législateurs, tous ces vampires de la patrie; faites scruter ces fortunes scandaleuses qui ne cessent d’insulter à la misère publique, et ne refermez les tom¬ beaux que lorsque nos ennemis intérieurs les plus perfides de tous y seront engloutis. . « Représentants, les jours de grâce sont pas¬ sés, que le glaive vengeur se promène sur toutes les têtes coupables, que nul criminel ne soit épargné; un grand peuple attend de vous de grandes mesures. « N’oubliez jamais le mot sublime du pro¬ phète Marat : « Sacrifiez, disait -il, 200,000 têtes « et vous en sauverez un million. » « Représentants, vous avez décrété un jour de repos par chaque décade. Songez-y bien, les malveillants ne connaissent pas les jours de re¬ pos. « Que chacun de nous soit un comité de sur¬ veillance. Les 48 sections de la plus grande com¬ mune de la République ne vous abandonneront jamais, triompher ou périr avec vous, voilà leurs vœux; la section de Guillaume-Tell en prend ici l’engagement solennel et vous demande que l’anniversaire du supplice des vingt -un soit ap¬ pelé le jour expiatoire (1). . « Boulland, président ; Thibault, secré¬ taire. » (lj Applaudissements, d’après le Moniteur uni¬ versel [n° 54 du 24 brumaire an II (jeudi 14 no¬ vembre 1793), p. 219, col. 1] et d’après le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 420, p. 291). Ces deux journaux ajoutent que les péti¬ tionnaires furent admis aux honneurs de la séance. D’autre part, d’après le Journal de la Montagne [n° 164 du 23e jour du 2e mois de l’an II (mardi 13 novembre 1793), p. 1210, col. 1} et d’après le Journal de Perlet [n° 417 du 23 brumaire an II (mercredi 13 novembre 1793), p. 346], la pétition de la section de Guillaume-Tell fut renvoyée au comité d’instruction publique. D'après Y Auditeur national [n° 417 du 23 brumaire an II (mercredi 13 novembre 1793), p. 2] et d’après les Annales patriotiques et littéraires [n° 316 du 23 brumaire an II (mercredi 13 novembre 1793), p. 1466, col. 1], elle fut renvoyée au comité de Salut public. Extrait du procès-verbal du 15 brumaire de la section de Guillaume-Tell, Van II de la Répu¬ blique une et indivisible (1). Appert par ledit procès-verbal qu’il a été arrêté dans l’ assemblée générale de la section, qu’il serait fait une adresse de félicitations à la Convention nationale relative aux circonstances actuelles; qu’en conséquence il a été nommé une députation de vingt membres pour porter ladite adresse le dixième jour de la seconde dé¬ cade. Pour copie conforme : -> Androt, secrétaire adjoint. La commune de Charenton-Saint-Mauriee, dé¬ partement de Paris, a apporté l’argenterie de son église pesant 105 marcs 6 onces; le cuivre qu’elle a déposé pèse 427 livres. « Bientôt, a-t-elle dit, nos cloches converties en canons n’importune¬ ront désormais que l’ennemi; et nos fers trans¬ formés en piques achèveront de lui faire mordre la poussière. » Le citoyen Vassel, curé de eette commune, a abdiqué ses fonctions. Mention honorable, insertion au « Bulletin » et renvoi aux inspecteurs de la salle pour le dépôt de l’argenterie et des autres métaux (2). Suit le discours prononcé au nom de la com¬ mune de Charenton-Saint-Maurice (3). « Citoyens représentants, « Les bons exemples produisent toujours leurs effets. La commune de Charenton-Saint-Mau-rice, dont vous voyez ici les députés, a aussi reconnu que l’or et l’argent employés dans nos temples étaient une superfluité consacrée par un superstitieux orgueil, car si l’œil du curieux imbécile en était ébloui, celui du pauvre ne s’ou¬ vrait que pour lui faire sentir plus profondé¬ ment sa misère. En conséquence, elle fait hom¬ mage à la patrie de toute son argenterie qui, réunie à celle que sont venus lui offrir les ci-devant frères de la charité, administrateurs de l’hôpital et animés du même esprit, forme un poids de 105 marcs 6 onces, et le cuivre, que nous allons déposer, pèse 427 livres. « Nous espérons, en même temps, que nos clo¬ ches, converties en canons, n’importuneront désormais que l’ennemi, et que nos fers, trans¬ formés en piques, achèveront de lui faire mor¬ dre la poussière. « Pour moi, citoyens législateurs, il y a trois jours que j’étais encore curé de cette commune. Je gémissais depuis longtemps en secret des abus que l’erreur avait attachés à ma profes¬ sion; je n’osais me déclarer hautement de peur d’éveiller le fanatisme; mais aujourd’hui que je puis faire entendre ma voix sans redouter ses atteintes, je déclare, dans le sein de la Convention, que je renonce pour toujours à tout titre et à toute fonction ecclésiastiques. Je sens que je puis être plus utile à la République dans (1) Archives nationales, carton G 280, dossier 769. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 175. (3) Archives nationales, carton G 278, dossier 741. [Convention nationale.] tout autre emploi qu’elle voudra bien me con¬ fier et que je m’efforcerai de remplir en vrai et sincère républicain. « Vassel, orateur de la députation. » Compte rendu du Moniteur universel (1). La commune de Charenton-Saint-Maurice apporte 426 livres pesant de cuivre et 205 marcs d’argent. Le curé de cette commune, qui est à la tête de la députation, annonce qu’il a re¬ noncé aux fonctions curiales. La commune de l’Ile-Saint-Denis a apporté en offrande patriotique toute l’argenterie de son église, et a demandé à se nommer désormais l’Ile-Franciade. Mention honorable, insertion au « Bulletin » et renvoi au comité d’instruction publique (2). Suit l’adresse de la commune de Vile-Saint» Denis (3). « Citoyens représentants, « Le jour de la philosophie luit enfin sur la France et tous les hochets du fanatisme se con¬ vertissent de toutes parts en supports pour la liberté. « La commune de l’Ile-Saint-Denis ne sera pas la dernière à vous apporter son offrande patriotique. Calices, patènes, ciboires, soleils et autres jouets superstitieux de toute espèce, voilà ce qu’elle vient déposer à votre barre. Ces richesses ne sont pas très considérables, mais le denier du pauvre est aussi précieux que les trésors du riche, le tout consiste dans l’in¬ tention, et celle de notre commune est pure. « Il ne reste plus de traces de fanatisme; je me trompe; il en existe encore et nous venons vous prier de les faire disparaître, c’est le nom saintement incivique que nous avons le malheur de porter. Déjà le chef-lieu de notre district a reçu de vous le nom de Franciade; accordez-nous la même régénération et que nos citoyens, fâchés de s’être éveillés dans l’Ile-Saint-Denis, puissent s’endormir patriotiquement dans l’Ile-Franciade. « Alexandre Guastalla; Darme. » L’administrateur provisoire et les employés de l’administration des domaines nationaux ins¬ truisent la Convention nationale qu’ils ont célé¬ bré hier, dans (la maison de) l’administration des domaines nationaux, la cérémonie de l’inau-(1) Moniteur universel jin0 54 du 24 brumaire an II (Jeudi 14 novembre 1793), p. 219, col. 3]. D’autre part, l 'Auditeur national [n0 417 du 23 bru¬ maire an II (mercredi 13 novembre 1793), p. 4] rend compte de l’adresse de la commune de Charenton-Saint-Maurice dans les termes suivants i « La commune de Charenton-Saint-Maurice dé¬ pose 105 marcs 6 onces d’argenterie et 427 livres de cuivre. Le curé de cette commune renonce pour toujours à ses fonctions. Les habitants demandent que leur commune porte désormais le nom de Cha-renton-Républieain. » (2) Procès-verbaux de la Convention , t. 25, p, 175. (3) Archives nationales, carton G 278, dossier 741. 22 brumaire an II Qt» 12 novembre 1793 ** guration des martyrs de la liberté. Cette céré¬ monie s’est passée avec l’ordre, la décence et le respect qu’inspire au vrai républicain la mémoire des citoyens qui en étaient l’objet. Au lieu du banquet qui devait suivre cette cérémonie, il offre 1,000 livres pour les veuves des défenseurs de la patrie et 3 médailles de cuivre (1). Mention honorable, insertion au « Bulletin » (2). La commune du Coudray-sur-Seine, départe¬ ment de Seine-et-Oise est venue apporter tous les ustensiles de �vermeil, argent et cuivre propres au service de son église; elle ne veut plus de prêtres, et abandonne à la République les 1,200 livres, montant du traitement de son curé. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (3). Suit l’adresse de la commu/ne de (Joudray -sur-Seine (4). « Citoyens représentants, « Il est donc venu le jour où nous pouvons librement et sans crainte exposer nos vœux, où débarrassés du lourd fardeau de la tyrannie, nous n’avons plus que le présage d’un heureux avenir. « Qu’il est doux pour nous, pères de la pa¬ trie, de vous devoir notre bonheur. Votre con¬ duite irréprochable vous met au-dessus de toutes les calomnies que peuvent vomir ces lâches es¬ claves de l’aristocratie. Daignez donc, sauveurs de la patrie, daignez accepter le tribut de notre reconnaissance, notre adhésion à tous vos sages décrets et recevoir notre serment de verser jus¬ qu’à la dernière goutte de notre sang plutôt que de souffrir que l’on porte atteinte aux lois de notre République ; nos amis, nos parents, nos enfants sont allés sur les frontières verser le leur ou repousser les monstres qui nous font la guerre, tandis que courbés sous le poids de la vieillesse nous nous trouvons heureux de par¬ tager leurs travaux en arrosant de notre sueur nos campagnes pour améliorer leurs petites pro¬ priétés et fournir les marchés. C’est avec plaisir que nous voyons ohercher tous les moyens pour alléger les peines des pau¬ vres misérables; votre décret du 14 août est un chef-d’œuvre, nous lisons tous les jours ce grand décret qui nous anime et semble nous rajeunir : nous sommes vrais et reconnaissants* nous semblons toucher au bonheur. « Mais, pères de la patrie, ce décret qui semble vouloir améliorer notre sort ne laisse pas de nous inquiéter puisqu’il est dit que ceux qui payeront comptant auront la préférence. Si cela était, n’avons-nous pas à craindre que tous ces biens soient vendus et non donnés à rente? Que dis -je, ces émigrés, ces tigres qui nous font la guerre ne rachèteront -ils pas eux-mêmes ces terres ou ne les feront-ils pas acheter par leurs vils esclaves? D’un autre côté n’avons-nous pas â craindre que quelques riches particuliers, en¬ graissés à nos dépens, viendront encore nous (1) Supplément au Bulletin de la Convention du 22 brumaire an II (mardi 12 novembre 1793). (2) Procès-verbaux de la Convention , t. 25, p. 175, (3j Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 176. (4) Archives nationales, carton C 278, dossier 741, ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j