428 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 octobre 1790.] Franche-Comté, avait été, pour la Lorraine, une véritable contribution de gabelle, seulement à prix inférieur; ce qui ne laissait les habitants de cette province en débet vis-à-vis de la nation, que de la différence du prix des deux gabelles. Calcul fait de la recette qui a dû résulter de ces approvisionnements faits pour la Lorraine en Franche-Comté et en Alsace, on a reconnu que leur valeur pouvait se monter à celle d’un approvisionnement de quatre mois, qui aurait eu lieu à l’ancien prix des gabelles de Lorraine. Il a paru juste, en conséquence, de n’en demander aux contribuables de cette province le remplacement, qu’à raison de douze mois, au lieu de seize dans toutes les parties limitrophes de l’Alsace et de la Franche-Comté. Le même effet pouvant avoir eu lieu, quoique d’une manière moins complète dans l’ancienne province des trois évêchés, et dans les parties de Lorraine qui s’y trouvaient enclavées, et qui, touchant à l’étranger, ont pu et dû être approvisionnées, partie par le sel étranger, partie par le sel étranger, partie par le sel de l’Alsace : il a paru raisonnable, si la Lorraine éprouvait une modération de quatre mois, d’en accorder une des deux aux trois évêchés, à la portion de Lorraine y enclavée, et au Clermontois ; c’est à quoi le comité vous propose de pourvoir par quelques changements de l’article 3 du projet de décret. Les députés de Franche-Comté ont représenté que non seulement leur province n’avait point cessé jusqu’au premier avril de fournir le même revenu à la nation par la consommation du sel, mais que même, depuis le premier avril jusqu’à présent, lo sel des autres provinces n’a point, ou presque point pénétré dans la leur, et que les habitants ont continué de s’approvisionner aux salines presqu’au même prix que par le passé, de sorte qu’il est possible, ajoutent-t-ils, que la nation n’ait rien perdu sur le débit de son sel dans cette province. Le rapporteur en expliquant vos intentions d’après vos principes, a déclaré à Messieurs les députés de Franche-Comté que pourvu que les contribuables de leur province eussent fourni au Trésor public depuis te premier avril, à raison de la consommation du sel, les deux tiers de ce qu’ils lui payaient anciennement, vous les regarderiez comme quittes, puisque vous n’avez voulu imposer que sur ce pied : de sorte que vous ne leur demanderiez, en aucun cas, que la différence. � Il leur a fait observer que c’était le sens positif de la dernière disposition de l’article 3 du projet de décret qui fait la réserve suivante: « sauf « pour chaque département, chaque district et « chaque communauté, en tout pays de gabelles, « les sommes que l’on justifierait avoir payées « depuis l’époque indiquée, au grenier de son « arrondissement, lesquelles seront passées en « moins imposé et attribuées dans chaque com-« munauté aux contribuables qui justifieront «■ avoir pris le sel au grenier. » Il est très certain qu’en vertu de cet article, si les trois départements de Franche-Comté se trouvent avoir pris aux salines pour sept cent quinze mille livres de sel, ce qui formera la valeur des deux tiers de ce qu’ils y prenaient dans le même espace de temps, ils recevront en moins imposé la valeur totale de leur contribution. MM. les députés du département du Cantal et de celui de la Haute-Loire ont exposé que le prix du sel dans leurs départements n’était baissé que d’environ un sixième, de sorte que s’ils étaient obligés de remplacer la gabelle sur le pied des deux tiers ou seulement de moitié de leur ancienne contribution, ils éprouveraient un dommage manifeste. La même réponse, le même recours à votre justice; la même participation au moins imposé, préparé par votre prévoyance, selon le droit que les faits locaux donneraient à leurs provinces, leur ont été offerts par votre comité. Les difficultés qui s’étaient présentées, Messieurs, sont donc aplanies; et si elles ne l’étaient pas toutes, on aurait encore, pour empêcher qu’il résultât aucun mal de celles qu’on n’aurait pu prévenir, le baume salutaire du moins imposé qui peut s’appliquer à toutes les réclamations fondées, et dont votre comité s’applaudit d’avoir pu vous procurer les moyens sans diminution sensible de la recette totale. Il finira en vous faisant remarquer que dans l’état où sont les choses et les recettes de 1790 approchant au point où elles le sont de l’ouverture des impositions de 1791, chaque semaine de retard, occasionne pour les finances une perte inévitable et peut-être une perte irrépara nie de trois millions. Les amendements, convenus dans les conférences que vous aviez ordonnées, portent sur le premier et sur le troisième article du premier décret. Les autres articles subsistent t els qu’ils ont été imprimés. M. le Président consulte l’Assemblée pour savoir si elle entend discuter le projet de décret immédiatement. L’affirmative est prononcée. M. Dupont (de Nemours ), rapporteur, lit l’article 1er en ces termes : « Art. 1er. Les diverses impositions établies par les décrets des 1.4, 15, 18, 20, 21 et 22 mars, pour indemnité de la suppression des gabelles, pour l’abonnement du droit de la marque des fers, du droit de la marque des cuirs, et pour le remplacement du droit de fabrication sur les amidons et sur les huiles, et des droits de circulation sur les huiles et savons, seront réparties conformément auxdits décrets, entre les départements et les districts qui formaient autrefois les provinces soumises à ces droits. « La répartition de l’indemnité pour chaque espèce de gabelle et pour chaque nature de droits sera faite entre toutes les anciennes provinces qui étaient soumises au même prix du sel, et à la même nature des droits, à raison de leur population. » M. Gaultier de Biauzat. Cet article est inadmissible dans ses dispositions actuelles et j’en propose ou le rejet ou la modification. Un membre dit qu’il suffit de supprimer le deuxième paragraphe. Cette proposition est appuyée et adoptée. L’article 1er est en conséquence mis auxvoix et décrété ainsi qu’il suit : « Art. 1er. Les diverses imnositions, établies par les décrets des 14, 15, 18, 20, 21 et 22 mars, pour indemnité de la suppression des gabelles, pour l’abonnement du droit de la marque des fers et du droit de la marque des cuirs, et pour le remplacement du droit de fabricatipn sur les amidons et sur les huiles, et des droits de cir-| culation sur les huiles et savons, seront réparties [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 octobre 1790.] 429 conformément auxdits décrets entre les départements et les districts qui formaient autrefois les provinces soumises à ces droits. » M. Dupont lit l’article 2 en ces termes : « Art. 2. D’après cette première répartition, la population des villes indiquant en chaque département la somme de la contribution à laquelle elles devront être soumises, cette somme sera distraite de la contribution générale, pour être imposée en chaque ville, ainsi qu’il sera décrété par l’Assemblée nationale, sur le vu de l’avis du directoire de département, qui sera tenu de demander l’opinion du directoire du district, et par celui-ci le vœu de la municipalité, conformément au décret du 22 mars. « Le surplus sera imposé, dans les campagnes, au marc la livre des impositions ordinaires, et du premier cahier des vingtièmes. » M. Gaultier de Biauzat;. Le mode que nous propose le rapporteur ne peut être suivi dans les pays abonnés pour le prix du sel et les vingtièmes ; je ferai remarquer encore que dans d’autres provinces l’exécution de cet article serait très diflicile et très lente ; enfin, il pourrait arriver que les campagnes qu’on veut soulager se trouvassent plus grevées. M. Dubois-Crancé. Les observations qui viennent de vous être présentées sont très importantes. Je demande que l’article 2 et les suivants soient ajournés à demain avec invitation au rapporteur de produire un mode différent de répartition. (Cette proposition est mise aux voix et adoptée.) (La séance est levée à deux heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du lundi 4 octobre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Bouche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Gaultier de Biauzat. Le procès-verbal a inséré le 2e alinéa de l’article 1er du décret sur le remplacement de la gabelle, sans ajouter que cet alinéa n’a pas été adopté par l’Assemblée. Je demande que la rédaction du procès-verbal soit modifiée de manière à ce qu’il ne puisse subsister aucun doute. (L’Assemblée ordonne la modification demandée.) M. Treilhard observe que l’Assemblée a mis à l’ordre du jour, pour la séance du mardi au soir, un rapport sur la liquidation de la caisse d’escompte, elle a par là retardé sa délibération sur le troisième titre des articles proposés sur le traitement à accorder aux religieux et religieuses et aux chanoinesses; il demande que cette discussion soit remise à une séance extraordinaire. L’Assemblée décrète qu’il y aura ce soir une séance extraordinaire pour cet objet. M. le Président fait donner lecture de la lettre suivante de M. de La Luzerne, ministre de la marine : « J’ose représenter à l’Assemblée nationale combien il est urgent qu’elle se fasse rendre compte de la lettre que j’ai eu l’honneur de vous adresser le 1er de ce mois, et surtout des pièces qui y étaient jointes. Je reçois de Brest des dépêches, en date du 29 septembre, qui annoncent que, malgré la prudence et les soins des chefs, des officiers militaires, des commissaires civils envoyés par le roi, la fermentation des équipages ne se calme point. Je vous transmets copie d’une lettre de M. d’Hector, relative au départ du vaisseau la Ferme, qui a mis enfin à la voile. J’ose supplier l’Assemblée nationale de donner quelque attention au zèle, à la fermeté, à la sagesse de M. Rivière, capitaine, et de M. Duclesmeur, lieutenant de vaisseau, au soulèvement des matelots lorsqu’ils ont reçu ordre d’appareiller, à leur résipiscence postérieure, à l’aveu qu’ils ont fait spontanément que d’autres équipages les avaient travaillés à terre. On se hâte de congédier celui du Léopard , conformément au décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le roi ; mais je trahirais mon devoir, en en rendant pas compte d’un fait singulier dont m’instruit le commandant de la marine. II m’annonce qu’on distribue à chacun des hommes licenciés une espèce de certificat, ou plutôt de lettres patentes, qu’on qualifie de diplôme, et il me fait passer copie d’une de ces pièces que je transcris. Extrait des registres de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. « Au nom de la nation, de la loi, du roi et de « la partie française de Saint-Domingue, aux mu-« nicipalités, à tous les bous Français et particu-« lièrement à tous les habitants de cette con-« trée : « Soit connu que le généreux citoyen Pierre « Richeux, de Saint-Malo, matelot à 21 liv., est « un de ceux à qui la nation est redevable du « salut de la partie française de Saint-Domingue. « Le porteur du présent diplôme doit s’attendre « à trouver dans les municipalités et particuliè-* rement chez tous les habitants de la partie « française de Saint-Domingue, les secours en « tous genres que son patriotisme peut se pro-« mettre de la reconnaissance des bons Français « et de la recommandation de l’assemblée géné-« raie. « Délivré par l’assemblée générale de la parti tie française de Saint-Domingue, en exécution « de son décret du 27 août dernier, à bord du « vaisseau le Léopard , surnommé le Sauveur des « Français ; le 2 septembre 1790, par les 43 de-« grés 31 minutes de latitude nord et les 30 de-« grés 31 minutes de longitude. D’Augy, pré-« sident\ BOURGET, vice-président ; DEN1X et « Deaubonneau. Pour copie, signé : d’HECTOR. » « 11 paraît de plus, parla lettre de M. d’Hector, qu’il a été ou qu’il va être frappé une médaille, dont il me ne donne point la description, et que chacun de ces marins s’attend à la recevoir. ■ « Je ne puis prévoir quel effet produiront ces diplômes et ces médailles dans les divers quartiers où 480 hommes de mer vont se disperser. Il m’a paru, par cette raison, indispensable de vous (1) Cette seance est incomplète au Moniteur.