[États généraux.[ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juin 1789.] i M. le Président a fait lecture de la lettre du R!oi,que M. de Brézé lui a fait tenir. Elle est de la teneur suivante : ' « Je vous préviens, Monsieur, que la séance que j’avais indiquée pour demain lundi n’aura lieu que mardi à dix heures du matin, et que la salle ne sera ouverte que pour ce moment. « Signé : LOUIS. « 21 juin 1789. i « Je charge le grand-maître des cérémonies de vjous faire tenir ma lettre. » Au dos est écrit : « A Monsieur Bailly, Président de l’ordre du tiers-état. » i M. le Président a ajouté qu’il avait accusé la réception de cette lettre àM. de Brézé. ; Plusieurs membres de l’Assemblée, absents de la séance du 20 de ce mois, par maladie ou par t|’autres empêchements insurmontables, ont demandé à prêter actuellement le serment délibéré ét prêté dans cette séance. L’Assemblée l’ayant Approuvé, il a ôté fait lecture de l'arrêté qui avait été pris. Cette lecture faite, les membres absents lors de lja séance, ont déclaré y adhérer, et ont prêté le serment délibéré. ; Quelques-uns de MM. les suppléants s’étant à l’instant présentés, et ayant demandé à adhérer â l’arrêté par leur signature, l’Assemblée le leur a accordé. MM. les députés absents et MM. les députés suppléants ont signé. Jeannet le jeune , Joyeux, curé de Saint-Jean-de-Chatellerault ; Belzais de Courmesnil, Castai-gnède, F.-R. Guérin, Picart de la Pointe, ûutrou du Bornier, Duvivier, Tronchet, Brillat-Savarin, Guillaume, Boissonnot, Armand, l'abbé Duplaquet ; Prévost, Gantheret, de Villars, Lavenue, Couder, J.-C. Perdry, Arnoult, de Laforge, Eumblot, Hano-teau, Telliêr, Ango, G. Lelai, Despatys de Cour-teilles, Douchet, Basquiat, de Mugriet, Lefort, J$aige, Magallon, député de Saint-Domingue, Bal-lard, curé du Poiré, Perier, Hutteau, Bouillotte, guré d’Arnay-le-Duc ; Peyruchaud, Ratier, Meunier duBreuil, Dillon, curé du Vieux-Pousauges , Ailard-ûuplantier, Renaud, Millet de Belleysle, P.-J. Nicodème, Yernin, Monsinat, Louis Lejeans, Michel Roussier, Mercier-Terrefort, adjoint, Royer, curé de Chavannes, député suppléant, Dartis de Marcillac, député suppléant, Febviel, député suppléant, Lesnier, député suppléant, Ruamps, député suppléant, Lacreteile, député suppléant de la ville de Paris, le Deiste de Botidoux, député suppléant. J Signé .-BAILLY, président; Camus, secrétaire; Pison du Gàlland Ris, secrétaire. IM. le Président a dit que M. Laffon de La-ibat, commissaire d’une partie de la noblesse i Guyenne, opposant au mandat et à l’élection îs députés de la sénéchaussée de Guyenne, ad-is dans la Chambre de la noblesse, demandait i nom de ses commettants que les députés de noblesse qu’il représentait fussent admis, et que contestation fut jugée par l’Assemblée natio-de. M. Laffon de Ladébat a remis ses pouvoirs sur le bureau. { L’examen de la contestation a été renvoyé au comité de vérification, pour en être fait rapport à l’Assemblée. Une députation de MM. les représentants du clergé ayant été annoncée, l’Assemblée a chargé quatre de ses membres de la recevoir hors de la porte du lieu de la séance. La députation est entrée, accompagnée des personnes chargées de la recevoir. Elle a salué l’Assemblée, qui s’est levée, et a rendu le salut. Noms de MM. de la députation. MM. L’évêque de Chartres (de Lubersac). L’abbé d’Abbecourt (Decoulmiers.) Le François, curé de Mutrecy. Thibault, curé de Souppes. De Champeaux, curé de Montigny. Mathias, curé d’Eglise-Neuve. Ayant été invités à prendre séance dans les places du clergé, ils se sont assis, ainsi que les membres de l’Assemblée. M. l’Évêque de Chartres a dit : Messieurs, la majorité de l’ordre du clergé ayant pris la délibération de se réunir pour la vérification commune des pouvoirs, nous venons vous en prévenir, et demander sa place dans l’Assemblée. M. le Président a répondu : MM. les députés de l’ordre du clergé aux Etats généraux seront reçus avec tout l’empressement et le respect qui leur est dû. Leur place ordinaire de préséance est libre pour les recevoir. La députation a salué l’Assemblée, qui s’est levée pour rendre le salut : elle a été accompagnée par les membres qui avaient été chargés de la recevoir. MM. de l’ordre du clergé ayant été annoncés, l’Assemblée a chargé seize de ses membres de les recevoir hors la porte du lieu de la séance; ils sont entrés, accompagnés des membres de l’Assemblée chargés de les recevoir. Ils ont salué l’Assemblée qui s'est levée, a rendu le salut et a témoigné sa sensibilité par des applaudissements réitérés. MM. du clergé ont pris séance dans leurs places, adroite du président. M. Cefranc de Poinpignan, archevêque de Vienne, s’est placé immédiatement à côté du président, à l’invitation de l’Assemblée. Il a dit : Messieurs, nous venons avec joie exécuter l’arrêté pris par la majorité des députés de l’ordre du clergé aux Etats généraux . Cette réunion, qui n’a aujourd’hui pour objet que la vérification commune des pouvoirs, est le signal, et je puis dire le prélude, de l’union constante qu’ils désirent avec tous les ordres, et particulièrement avec celui -de MM. les députés des communes. M . le Président a répondu : Messieurs, vous voyez la joie etles acclamations que votre présence fait naître dans l’Assemblée. C’est l'effet d’un sentiment bien pur : l’amour de l’union et du bien public. Vous sortez du sanctuaire, Messieurs, pour vous rendre dans cette Assemblée nationale, où nous vous attendions avec tant d’impatience. Par une délibération où a présidé l’esprit de justice et de paix, vous avez voté eette réunion désirée. La France bénira ce jour mémorable; elle inscrira vos noms dans les fastes de la patrie, et elle n’oubliera point surtout ceux des dignes pasteurs qui vous ont précédés, et qui vous avaient annon- 442 [États généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1789.1 cés et promis à notre empressement. Quelle satisfaction pour nous, Messieurs! Le bien, dont le désir est dans nos cœurs, le bien auquel nous allons travailler avec courage et avec persévérance, nous le ferons avec vous, nous le ferons en votre présence : il sera l’ouvrage de la paix et de l’amour fraternel. Il nous reste encore des vœux à former : je vois avec peine que des frères d’un autre ordre manquent à cette auguste famille; mais ce jour est un jour de bonheur pour l’Assemblée nationale; et, s’il m’est permis d’exprimer un sentiment personnel, le plus beau jour de ma vie sera celui où j’ai vu s’opérer cette réunion, et où j’ai eu l’honneur de répondre au nom de cette auguste Assemblée, et de vous adresser ses sentiments et ses félicitations. M. l’archevêque de Vienne a dit qu’il remettait sur le bureau la liste imprimée des membres du clergé qui avaient voté pour la vérification des pouvoirs en commun. 11 en sera annexé un exemplaire au procès-verbal. M. Decoulmiers, abbé d'Abbecourt (1). Dignes représentants de la classe la plus nombreuse de nos frères et de nos compatriotes, j’ai attendu avec impatience l’événement d’une délibération qui devait nous réunir, et resserrer de plus en plus les liens d’une union qui doit affermir le trône, consolider la dette et le crédit national. Nous sommes tous citoyens, amis, frères; la générosité et la loyauté sont le partage des français. Tranquilles sur nos possessions, ce serait vous insulter, Messieurs, que d’en demander la garantie. Enfants d’une même famille nous serons honorés d’en partager les charges; le moment de notre réunion doit être le plus beau de notre vie : si parmi nous il doit se trouver encore de la rivalité, ce ne sera que lorsqu’il s’agira de prouver notre respect au meilleur des rois, et notre amour pour notre commune patrie. M. le Président a proposé d’inviter MM. du clergé à nommer seize de leurs membres dont les pouvoirs étaient vérifiés, ou le seraient sur-le-champ, pour entrer dans le comité de vérification, et concourir à l’examen et au rapport, tant des pouvoirs qui restaient ci-devant, que de ceux qui seraient remis par MM. du clergé; ce qui ayant été accepté par l’Assemblée, ont été nommés MM. l’archevêque de Bordeaux, député de la sénéchaussée de Bordeaux ; l’abbé d’Abbecourt, député de la vicomté de Paris; l’abbé de Villeneuve, député de Marseille ; l’abbé Charrier de la Roche, prévôt-curé d’Ainay, député de Lyon; Gouttes, curé d’Àrgilliers. M. l’archevêque de Vienne a requis, au nom des députés de son ordre, la communication du procès -verbal de la vérification des pouvoirs, ci-devant faite dans l’Assemblée, afin d’en prendre connaissance et d’y faire les observations que le cas pourrait exiger. L'Assemblée a ordonné cette communication. M. Target. Messieurs, dans ce jour consacré pour jamais dans la mémoire des hommes, dans ce jour que la Providence semble avoir voulu (1) Le discours do M. Decoulmiers n’a pas été inséré au Moniteur. rendre plus solennel en convertissant le temple de la religion en temple de la patrie, il n’est poiqt d’événement heureux pour elle qu’on ne doive s’empresser de communiquer au meilleur des rois. Je vous prie donc, Messieurs, de voter pour que la liste honorable que le clergé vient de vous présenter soit mise sous les yeux du Roi, comme la marque de notre respect et le gage du bonheur public. M. Champion «le Cicé, archevêque de Bordeaux. Nous avons de bons frères qui ne sont pas ici; ils se rendront au vœu de la nation ; nous vous prions de suspendre ce mouvement de patriotisme pour leur donner le temps de se réunir à nous. M. le Président a invité, au nom de l’Assemblée, le comité de vérification à s’assembler, à six heures du soir, chez M. l’archevêque de Bordeaux et le comité concernant les subsistances, à s’asJ-sembler chez M. Hennet. Sont entrés MM. le marquis de Blacons et le comte Antoine d’Agoult, membres de la noblesse du Dauphiné, députés par les trois ordres de cette province. Ils ont été reçus avec de grands applaudissements. M. de Blacons a dit : Messieurs, la majorité du clergé ayantlevé toutes les difficultés que présentait notre mandat, nous venons vous soumettre la vérification de nos pouvoirs, et vous demander communication des vôtres. » MM. de Blacons et d’Agoult ayant remis leurs pouvoirs sur le bureau, l'Assemblée en a renvoyé l’examen et le rapport au comité de vérification. MM. de Blacons et d’Agoult ont pris séance aux places de la noblesse. La séance est levée. ÉTATS GÉNÉRAUX. SÉANCE ROYALE. Du mardi 23 juin 1789. Les députés se sont rendus à l’heure indiquée au lieu ordinaire des séances. Une garde nombreuse entourait la salle ; on avait établi des barrières ; dans les rues circonvoisines et sur l’avenue de Paris, on avait placé des détachements de gardes françaises et suisses, de gardes de la prévôté et de la maréchaussée. j Les portes ayant été ouvertes, on a d’abord! placé les deux ordres privilégiés. Les membre� de l’Assemblée nationale ont été obligés d’attendre] plus d’une heure, la plupart exposés à la pluie., L’Assemblée nationale a témoigné son méconten-i tement par des murmures réitérés. Les deux secrétaires sont allés se plaindre de l’indécence d’une attente si longue. On proposait de se retirer. M. de Brézé est arrivé ; M. le président a dit qu’il se plaindrait au Roi du manquement des maîtres des cérémonies. Les membres de l’Assemblée nationale sont entrés deux à deux, dans le plus profond silence, à dix heures et demie. L’entrée a été sévèrement interdite au public. Le Trône était placé dans le fond de la salle ; à droite était le clergé et à gauche la noblesse ;