64 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Legendre : La Convention nationale a senti que trop longtemps les principes avaient été oubliés pour s’occuper des individus. Nous nous sommes tous ralliés, nous avons juré que jamais nous n’oublierions les principes; s’ils étaient sur un roc escarpé, il faudrait y gravir à travers les rochers et les ronces les plus aiguës. On ne se justifie pas en récriminant; il n’est peut-être pas un individu qui ne pût faire un reproche à Le Bon. Je demande son arrestation provisoire, qu’un rapport soit fait à son sujet, et qu’il lui soit donné toute facilité pour y répondre. (On applaudit). Clauzel : Le Bon a dit qu’il n’avait fait que suivre les ordres du comité de salut public; ce comité ne peut donc pas être son juge. Je demande que ce soient les comités de sûreté générale et de législation qui soient chargés de faire le rapport concernant Le Bon. Monmayou : Je ne suis ni accusateur, ni accusé; je suis juge; mais je n’ai point entendu l’accusateur. L’accusé ne s’est pas défendu; il nie les faits; il y a quelques jours qu’un de vos membres avouait ceux qu’on articulait contre lui : vous n’avez pas ordonné son arrestation; le roi David n’a pas été arrêté. Je ne vois pas que vous deviez non plus prononcer l’arrestation de Le Bon jusqu’à ce que vous ayez entendu le rapport; ce serait préjuger en quelque sorte que de prononcer avant ce moment. Rovère : Le Bon ne peut pas siéger au milieu de nous. Du Bouchet : Tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit démontré qu’il est coupable. Le Bon a déclaré qu’il avait suivi les ordres du comité de salut public. Vous n’êtes donc pas convaincus qu’il soit coupable, vous ne pouvez pas le faire arrêter (1). (2) : Si les principes que deux des représentants ont avancés étaient vrais, il s’ensuivrait que jamais on ne pourrait atteindre un prévenu; d’après tous ces principes, on ne doit se saisir d’un homme que quand il est démontré qu’il est coupable; il faudrait donc attendre que le procès fût fait et parfait; car ce n’est qu’alors que la preuve complète est acquise; et ce délai ne serait-il pas funeste ? Le coupable n’en profiterait-il pas pour s’échapper ? Dès qu’un homme est prévenu d’un grand crime, l’intérêt public exige qu’on s’assure de sa personne et qu’on le mette sous la main de la loi; cela ne préjuge rien; cela n’empêche pas qu’il ne se jutifie. Je crois donc que l’assemblée doit maintenir le décret d’arrestation contre Le Bon. Charrier : Je demande à remettre la discussion sous son vrai point de vue : je ne crois pas que la motion faite de rapporter le décret d’arrestation soit appuyée; si elle l’était, je parlerais contre; mais il est un principe qu’on a avancé, et que je crois important de relever. On a dit que Le Bon prétendait n’avoir fait que (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 376. (2) J. Paris (n° 580) cite Thirion parmi ceux qui appuient la proposition Legendre. suivre les ordres du comité de salut public; quoi ! parce que, dans ce cas, Le Bon aurait des complices, s’ensuivrait-il qu’il ne serait pas coupable ? Je demande donc que le décret soit maintenu : ce n’est pas ici un jugement, mais un moyen nécessaire pour s’assurer de la personne de Le Bon jusqu’à ce qu’un jugement soit porté sur les reproches qu’on a articulés contre lui. On a demandé ensuite si le rapport sera communiqué à Le Bon, ou non. Pour décider cette question, il ne faut que se reporter aux bases sur lesquelles ce rapport sera établi. Le Bon sera entendu, et ce sont les interrogatoires, les pièces qu’on fournira contre Le Bon, celles qu’il fournira en sa faveur, qui serviront de bases à ce rapport, et si, après l’avoir entendu, il a quelque chose à ajouter pour sa défense, on l’écoutera. Turreau : Il est étonnant que, dans le moment où le gouvernement révolutionnaire a besoin de conserver toute sa force, où nous sommes entourés des débris d’une conspiration horrible, on veuille nous faire adopter des principes contraires au gouvernement révolutionnaire. Qu’avons-nous fait ? nous avons prononcé l’arrestation de Le Bon, prévenu de divers crimes : cela ne l’empêchera pas de se justifier, s’il a des moyens de justification. Je demande le maintien du décret. Monmayou : Je retire ma motion (1). Guffroy : A l’instant où la convention nationale s’est occupée de la dénonciation portée contre Joseph Le Bon, les habitans d’Arras étoient aux portes de la Convention prêts à lui présenter une dénonciation détaillée; je demande qu’elle soit jointe aux pièces. Je ne répondrai pas à l’inculpation de Joseph Le Bon, elle est au-dessous de moi. Il sait bien qu’elle n’est pas vraie. Au reste, je n’entretiendrai plus la Convention de cette affaire. Les pièces contre Le Bon sont au comité de salut public; il sera lui-même interrogé, et, s’il oublie des faits, je saurai les lui rappeler (2). Ces différentes propositions mises aux voix, la Convention nationale rend le décret suivant : La Convention nationale rapporte son décret du 21 messidor, par lequel elle a passé à l’ordre du jour sur les inculpations faites contre Joseph Le Bon, l’un de ses membres; ordonne qu’il sera mis provisoirement en état d’arrestation; charge ses comités de sûreté générale et de législation de lui faire, dans le plus bref délai, un rapport sur les-(1) Moniteur (réimpr.), XXI, 377; Débats, n 0 681, 268-273; C. Eg., n° 714; J. Perlet, n° 679; Ann. pair., nos DLXXIX et DLXXX; Ann. R.F., n° 245; J. Lois , n° 676; Audit, nat., n° 678; C. univ., n° 945: M.U. , XLII, 250; J. Jacquin , n° 734; Rép.. n° 226; J. Sablier (du soir). n° 1 475; J. Mont., n° 95; Mess. Soir. n° 713; J.S. -Culottes. n° 534; F.S.P., n° 394. Mention in J. unie., n° 1 713. (2) Débats. n° 681, 273. Dans le Moniteur, ce texte est après le décret d’arrestation contre Le Bon et David (voir, ci-après, n° 43). 64 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Legendre : La Convention nationale a senti que trop longtemps les principes avaient été oubliés pour s’occuper des individus. Nous nous sommes tous ralliés, nous avons juré que jamais nous n’oublierions les principes; s’ils étaient sur un roc escarpé, il faudrait y gravir à travers les rochers et les ronces les plus aiguës. On ne se justifie pas en récriminant; il n’est peut-être pas un individu qui ne pût faire un reproche à Le Bon. Je demande son arrestation provisoire, qu’un rapport soit fait à son sujet, et qu’il lui soit donné toute facilité pour y répondre. (On applaudit). Clauzel : Le Bon a dit qu’il n’avait fait que suivre les ordres du comité de salut public; ce comité ne peut donc pas être son juge. Je demande que ce soient les comités de sûreté générale et de législation qui soient chargés de faire le rapport concernant Le Bon. Monmayou : Je ne suis ni accusateur, ni accusé; je suis juge; mais je n’ai point entendu l’accusateur. L’accusé ne s’est pas défendu; il nie les faits; il y a quelques jours qu’un de vos membres avouait ceux qu’on articulait contre lui : vous n’avez pas ordonné son arrestation; le roi David n’a pas été arrêté. Je ne vois pas que vous deviez non plus prononcer l’arrestation de Le Bon jusqu’à ce que vous ayez entendu le rapport; ce serait préjuger en quelque sorte que de prononcer avant ce moment. Rovère : Le Bon ne peut pas siéger au milieu de nous. Du Bouchet : Tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit démontré qu’il est coupable. Le Bon a déclaré qu’il avait suivi les ordres du comité de salut public. Vous n’êtes donc pas convaincus qu’il soit coupable, vous ne pouvez pas le faire arrêter (1). (2) : Si les principes que deux des représentants ont avancés étaient vrais, il s’ensuivrait que jamais on ne pourrait atteindre un prévenu; d’après tous ces principes, on ne doit se saisir d’un homme que quand il est démontré qu’il est coupable; il faudrait donc attendre que le procès fût fait et parfait; car ce n’est qu’alors que la preuve complète est acquise; et ce délai ne serait-il pas funeste ? Le coupable n’en profiterait-il pas pour s’échapper ? Dès qu’un homme est prévenu d’un grand crime, l’intérêt public exige qu’on s’assure de sa personne et qu’on le mette sous la main de la loi; cela ne préjuge rien; cela n’empêche pas qu’il ne se jutifie. Je crois donc que l’assemblée doit maintenir le décret d’arrestation contre Le Bon. Charrier : Je demande à remettre la discussion sous son vrai point de vue : je ne crois pas que la motion faite de rapporter le décret d’arrestation soit appuyée; si elle l’était, je parlerais contre; mais il est un principe qu’on a avancé, et que je crois important de relever. On a dit que Le Bon prétendait n’avoir fait que (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 376. (2) J. Paris (n° 580) cite Thirion parmi ceux qui appuient la proposition Legendre. suivre les ordres du comité de salut public; quoi ! parce que, dans ce cas, Le Bon aurait des complices, s’ensuivrait-il qu’il ne serait pas coupable ? Je demande donc que le décret soit maintenu : ce n’est pas ici un jugement, mais un moyen nécessaire pour s’assurer de la personne de Le Bon jusqu’à ce qu’un jugement soit porté sur les reproches qu’on a articulés contre lui. On a demandé ensuite si le rapport sera communiqué à Le Bon, ou non. Pour décider cette question, il ne faut que se reporter aux bases sur lesquelles ce rapport sera établi. Le Bon sera entendu, et ce sont les interrogatoires, les pièces qu’on fournira contre Le Bon, celles qu’il fournira en sa faveur, qui serviront de bases à ce rapport, et si, après l’avoir entendu, il a quelque chose à ajouter pour sa défense, on l’écoutera. Turreau : Il est étonnant que, dans le moment où le gouvernement révolutionnaire a besoin de conserver toute sa force, où nous sommes entourés des débris d’une conspiration horrible, on veuille nous faire adopter des principes contraires au gouvernement révolutionnaire. Qu’avons-nous fait ? nous avons prononcé l’arrestation de Le Bon, prévenu de divers crimes : cela ne l’empêchera pas de se justifier, s’il a des moyens de justification. Je demande le maintien du décret. Monmayou : Je retire ma motion (1). Guffroy : A l’instant où la convention nationale s’est occupée de la dénonciation portée contre Joseph Le Bon, les habitans d’Arras étoient aux portes de la Convention prêts à lui présenter une dénonciation détaillée; je demande qu’elle soit jointe aux pièces. Je ne répondrai pas à l’inculpation de Joseph Le Bon, elle est au-dessous de moi. Il sait bien qu’elle n’est pas vraie. Au reste, je n’entretiendrai plus la Convention de cette affaire. Les pièces contre Le Bon sont au comité de salut public; il sera lui-même interrogé, et, s’il oublie des faits, je saurai les lui rappeler (2). Ces différentes propositions mises aux voix, la Convention nationale rend le décret suivant : La Convention nationale rapporte son décret du 21 messidor, par lequel elle a passé à l’ordre du jour sur les inculpations faites contre Joseph Le Bon, l’un de ses membres; ordonne qu’il sera mis provisoirement en état d’arrestation; charge ses comités de sûreté générale et de législation de lui faire, dans le plus bref délai, un rapport sur les-(1) Moniteur (réimpr.), XXI, 377; Débats, n 0 681, 268-273; C. Eg., n° 714; J. Perlet, n° 679; Ann. pair., nos DLXXIX et DLXXX; Ann. R.F., n° 245; J. Lois , n° 676; Audit, nat., n° 678; C. univ., n° 945: M.U. , XLII, 250; J. Jacquin , n° 734; Rép.. n° 226; J. Sablier (du soir). n° 1 475; J. Mont., n° 95; Mess. Soir. n° 713; J.S. -Culottes. n° 534; F.S.P., n° 394. Mention in J. unie., n° 1 713. (2) Débats. n° 681, 273. Dans le Moniteur, ce texte est après le décret d’arrestation contre Le Bon et David (voir, ci-après, n° 43). SÉANCE DU 15 THERMIDOR AN II (2 AOÛT 1794) - N05 43-46 65 dites inculpations, et décrète en outre que Joseph Le Bon sera présent lors du rapport qui sera fait par les deux comités (1). 43 Un membre observe que l’intention de la Convention nationale n’est pas d’avoir deux poids et deux mesures; qu’il a été fait à David, représentant du peuple, député par le département de Paris, ainsi qu’à Le Bon, des reproches graves : il demande la même mesure contre David (2). Monmayou : Le roi David est convenu des faits qui lui sont imputés, il ne doit point y avoir deux poids, je demande qu’il soit aussi mis en arrestation, et qu’il soit fait un rapport sur sa conduite, auquel il assistera pareillement (3). La proposition appuyée et mise aux voix, la Convention rend le décret suivant : La Convention nationale décrète que David, député par le département de Paris, l’un de ses membres, sera mis provisoirement en état d’arrestation; charge ses deux comités de sûreté générale et de législation réunis de lui faire, dans le plus bref délai, un rapport sur les inculpations faites contre David, et décrète en outre que David sera présent lors du rapport qui sera fait par les deux comités (4). 44 Les enfants et héritiers de Claude-Guy Louvel, notaire à Port-Malo (5), offrent en don patriotique la valeur de plusieurs offices et rentes dont ils sont créanciers sur la République, montant à la somme de 20 110 liv. 8 sous, dont ils déposent les titres sur l’autel de la patrie. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité de liquidation (6). (1) P.-V., XLII, 306. Minute de la main de Charlier. Décret n° 10 195. Reproduit dans Bm, 15 therm. Dans C. univ. (n° 945), on lit, à la suite du décret : La Convention a rapporté de plus le décret d’ordre du jour, proposé il y a quelque temps par Barère, au nom du comité de salut public, sur les inculpations faites aux députés. Voir, ci-après, Pièces annexes et Arch. Pari, t. XC III, séance du 21 mess. II, n° 56. (2) P.-V., XLII, 306. (3) J. Fr., n° 677; C. Eg„ n° 714; Ann. R.F., n° 245; M.U., XLII, 251; Ann. pair., n° DLXXXX. D’autres gazettes attribuent la proposition à Thibaudeau. Ce sont : J. Lois, n° 676; J. Perlet, n° 679; J. Paris, n° 580; Audit, nat., n° 678; Rêp. n° 226; pour J. Jacquin (n° 734), la proposition a été faite par Monmayou et Thibaudeau. Les autres gazettes ne mentionnent pas de noms mais font état de l’intervention de « divers jacobins ». Ce sont : J. Sablier, n° 1 475; Débats, n° 681, 273; J. S.-Culottes, n° 534; F.S.P., n° 394; Mess. Soir, n° 713. Pour C. univ. (n° 945), la proposition a été adoptée à l’unanimité. Mention dans J. univ., n° 1 713; J. Mont., n° 95. (4) P.-V., XLII, 306. Décret n° 10 196. D’après C* II 20, p. 236, le rapporteur est Le Vasseur de la Meurthe. Reproduit dans B1", 15 therm.; Moniteur (réimpr.), XXI, 377. Voir, ci-dessus, n° 42, l’intervention de Monmayou. (5) Ille-et-Vilaine. (6) P.-V., XLII, 307. 45 Un secrétaire donne lecture d’une lettre du département dont Saint-Just était député (1). Ce département exprime son indignation contre ce traître, applaudit à sa punition et au triomphe de la liberté. Mention honorable, insertion au bulletin (2). 46 Un membre [BOURDON (de l’Oise)] demande l’arrestation provisoire de Héron, employé au comité de sûreté générale (3). Bourdon (de l’Oise) : Il y a déjà plusieurs mois que j’avais demandé et que la Convention avait ordonné l’arrestation de Héron, agent du comité de sûreté générale. Robespierre et Cou-thon accoururent et firent rapporter le décret; ils m’inculpèrent, alléguant que j’avais demandé la veille un acte d’accusation contre Bouchotte, d’Aubigny et autres. Je ne crois pas qu’un pareil homme puisse plus longtemps braver la justice nationale. Je demande qu’il soit mis de nouveau en état d’arrestation. Louchet ; Je suis éloigné de favoriser les intrigans : si Héron a malversé, il doit être puni, mais je crois juste d’entendre le rapport du comité dont il est l’agent. Merlin (de Thionville) : Nuis agents des comités de la Convention ne doivent rester dans ces comités quand la majorité de la Convention se prononce contre eux. Il n’y a pas besoin alors de rapport. Sans doute les membres de la Convention ont réfléchi avant de dénoncer; sans doute, quand la majorité accuse un agent, il ne mérite aucune confiance. {On applaudit) (4). Cette proposition est appuyée, et décrétée en ces termes : La Convention nationale décrète que le nommé Héron, employé au comité de sûreté générale, sera sur-le-champ mis en état d’arrestation (5). [Lacoste met sous les yeux de l’assemblée une pièce relative à Héron, qui prouve, dit-il, que, loin d’être agent de Robespierre, il a manqué plusieurs fois d’être immolé lui-même par Hanriot. Cette pièce est renvoyée aux comités (6)]. (1) L’Aisne. (2) P.-V., XLII, 307. Débats, n° 681, 273; C. univ., n° 946. (3) P.-V., XLII, 307. (4) Débats, n° 681, 273-274; Moniteur (réimpr.), XXI, 377; J. Perlet, n° 679. (5) P.-V., XLII, 307. Minute de la main de Bourdon (de l'Oise). Décret n° 10 197. Reproduit dans B"1, 15 therm.;