Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juillet 1789.] 231 veulent que la déclaration soit mise à la tête de la constitution, pour assurer invariablement les droits de l’homme, avant d’établir ceux de la société ; d’autres veulent que cette déclaration soit mise à la suite de la constitution, pour en être comme le résultat. It n’y arien de décidé à cet égard ; il est arrêté seulement que la constitution contiendra une déclaration des droits de l’homme. On s’occupe ensuite de régler les formes d’après lesquelles l’Assemblée travaillera à la constitution. Il y a à cet égard des motions diverses, qui toutes se réduisent à deux avis différents. Le premier avis est que tous les objets de la constitution soient d’abord divisés et classés, ensuite renvoyés aux bureaux pour y être discutés séparément. Le résultat de chaque bureau sera ensuite porté à un comité, qui en fera l’analyse et en proposera le résultat unique, qui sera soumis à la discussion et à la décision de l’Assemblée nationale. Le second avis a été qu’il soit formé un comité de huit membres pris proportionnellement dans les trois ordres. Ce comité formera un plan général et détaillé de la constitution. Il en fera le rapport à l’Assemblée, où chaque partie sera successivement soumise à la discussion. Ces deux avis donnent lieu à de longs débats. M. Pélion de Villeneuve trouve le moyen suivant plus efficace : établir un comité composé de huit membres choisis au scrutin, suivant la proportion établie parmi les ordres; le charger d’un plan de constitution, qui passera ensuite sous les yeux de l’Assemblée. Un membre veut que l’on fasse marcher la déclaration des droits avec la constitution de la monarchie. M. le comte de Crîllon. La société la plus éclairée et la plus patriotique qui ait jamais été réunie chez aucun peuple de l’univers doit s’occuper d’un ouvrage aussi important que celui de la constitution d’une monarchie. Ce travail demande une activité prudente, et veut qu’on éloigne avec soin tout ce qui pourrait porterie caractère de la précipitation; j’adopte donc rétablissement d’un comité formé au scrutin dans les trois ordres, avec un second comité d’examen, qui révisera le plan de la constitution proposée par le premier. M. Barrère de Vîeuzac. Je pense que, dans la crise funeste où l’on se trouve, le temps presse d’arrêter préalablement les articles principaux de la constitution, laissant à des temps plus calmes tous les articles qui entraîneraient dans de longues discussions. La constitution est déjà faite dans tous les esprits; ce ne peut être ici un enfantement laborieux; peut-être n’est-ce que l’ouvrage d’un jour, parce qu’elle est le résultat des lumières d’un siècle. Hâtez-vous donc d’en faire une ébauche concise et provisoire, sauf à lui donner dans un temps de calme et de fermeté les développements convenables. M. pionnier. 'Vous avez nommé un comité pour l’ordre du travail, et le comité a rempli cette tâche. Etablira-t-on un comité de constitution ? Mais les autres membres seront sans activité et ne profiteront pas de leurs lumières. Il serait plus facile de traiter chaque article dans les divers bureaux, dont les opinions seraient rapportées à un bureau de correspondance, qui les réunirait pour les faire juger par l’Assemblée. Quant à la déclaration des droits, elle ne doit pas être métaphysique, mais claire et simple. Dans le moment il faut s’occuper des pouvoirs et du règlement sur la forme de délibérer. M. Chapelier. Les données sur la constitution sont dans nos cahiers ; les pensées et les vœux de nos commettants y sont déposés. Un comité peut les rédiger, et nous verrons si le plan proposé remplit ou contrarie nos pensées et nos mandats ; un petit nombre facilite le travail ; les bureaux examineront, l'Assemblée prononcera. M. Buzof. Point de bon plan de constitution s’il n’est rédigé par un petit nombre. Une seule personne qui pourrait combiner les droits de l’homme en société suffirait. Je vote pour un comité de huit personnes instruites du droit public, dégagées de préjugés et d’intérêts personnels. Un député de la noblesse résume les diverses motions. Des peuples amis de la liberté, dit-il, durent à Lycurgue, Numa, Solon, Penn, chacun en particulier, des codes qui firent l’étonnement de leur siècle et le bonheur de leur nation. M. Pison du Balland veut que ce travail se fasse par bureaux soumis au comité de correspondance. La motion de M. Pélion de Villeneuve est ainsi réduite et adoptée : « Nommer au scrutin un comité de constitution, composé de huit membres seulement, suivant la proportion établie dans les ordres, lesquels membres seront chargés de présenter un projet de constitution, qui sera discuté dans les bureaux, et reporté à l’Assemblée générale pour y être ensuite délibéré. » Pendant le dépouillement du scrutin les membres étaient rentrés dans la salle ; l’Assemblée reprend le cours de ses délibérations. M. le Président dit qu’il n’a reçu hier qu’à dix heures du soir l’arrêté pris par l'Assemblée; qu’il s’est rendu aussitôt chez le Roi pour le lui présenter ; qu’il n’a point été reçu, le Roi étant passé alors chez la reine ; que ce matin il y est retourné ; qu’il a obtenu audience de Sa Majesté ; qu’il a eu l’honneur de lui remettre l’arrêté en mains propres; et que Sa Majesté lui a répondu qu’elle en examinerait le contenu. — Un membre, au nom du comité de vérification, fait le rapport des pouvoirs de M. l’évêque de Tournai et de M. l’évêque d’Ypres. Le rapporteur du comité réduit toutes les contestations qui peuvent naître de l’élection de ces deux évêques à cette seule question : Deux évêques, étrangers par la naissance et par la situation du siège de leur évéché, mais qui ont une partie de leur diocèse sur le territoire de France, et qui possèdent des liefs dans cette même partie, peuvent-ils être électeurs ou éligibles pour les Etats généraux de France ; en un mot, être représentants de la nation ? L’avis du comité est contre les deux évêques. M. l’évcque de Tournai prend la parole. 11 parle longtemps pour défendre sa nomination. 23-2 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 juillet 1789.] Son discours donne lieu à de longues discussions qui se prolongent jusqu’à trois heures. M. le' Président propose de surseoir à la délibération, attendu qu’il est tard. En conséquence, on renvoie au soir pour prendre les voix sur cette question. Avant de suspendre les délibérations, M. le président fait annoncer à l’Assemblée le résultat du scrutin relatif à la nomination de huit membres qui doivent former le comité de constitution. La majorité des voix désigne pour commissaires MM. Mounier, de Talleyrand-Périgord, évêque d’Autun, l’abbé Sieyès, le comte de Clermont-Tonnerre, le comte de Lally-Tollendal, Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux , Chapelier et Bergasse. Séance du soir à 5 heures. On remet sur le bureau des délibérations et adresses de la commission intermédiaire des Etats du Dauphiné, des villes de Laon, Aurillac, Joigny et Hesdin. Ces divers actes expriment les sentiments d’attachement et de fidélité pour le roi, de respect et de reconnaissance pour l’Assemblée nationale, et d’adhésion à tous ses arrêtés. La noblesse des bailliages de Mortagne et de Vendôme a révoqué l’injonction faite à ses députés, et leur donne des pouvoirs illimités. Celle du bailliage de Vendôme a ajouté à cette démarche : elle a voté des remercîments aux 47 gentilshommes qui se sont rendus le 25 juin dernier dans la salle de l’Assemblée nationale. L’Assemblée a témoigné la plus vive satisfaction de la lecture de cet acte. L’insertion au procès-verbal en a été ordonnée au milieu des acclamations répétées. On renouvelle la motion pour l’éloignement des troupes ; elle est universellement appuyée. Quelques membres proposent en conséquence qu’il soit fait sur-le-champ une députation au Roi pour lui porter les vœux de l’Assemblée, et ue tout travail, toute délibération soit suspen-ue jusqu’au renvoi des troupes rassemblées autour de la capitale et du lieu des séances de l’Assemblée. M. l’abbé Grégoire, curé d’Emberménil. Messieurs, vous vous rappelez avec indignation les outrages faits au monarque par ceux qui, ayant surpris sa religion et compromis son autorité, voulaient faire régner sur les lois un prince qui ne vent régner que par les lois. Un despotisme constitutionnel voulait briser les ressorts du gouvernement, et anéantir les espérances de la nation. Les aristocrates espéraient consommer militairement leurs crimes; mais la force s’unit à la justice. Paris frémissant pensait à garantir la sûreté personnelle de ses mandataires. Le soldat français prouva que l’honneur est aussi son patriotisme, et qu’il ne pouvait être l'instrument des malheurs de ses frères. Hélas! s’il eût été animé des mêmes principes dans le temps des dissentions qui déchiraient, il y a deux siècles, le sein de la France, il eût épargné des larmes à l’humanité, et des gémissements à la postérité. Depuis l’ouverture des Etats, nous avons vécu au milieu des divisions, parce qu’on voulaitense-velir la raison sous les usages, et faire taire la justice devant l’orgueil. Nous avons vécu au milieu des vexations ..... vexations même de la part des subalternes des subalternes. On vous avait ravi la police de votre salle; des infidélités à la poste ont supprimé des envois qui devaient être remis, quel qu’en fût le contenu. On a voulu soumettre au compas de la censure les opérations de vos séances; en ce moment sont affichées, à l’entrée de cette salle, des prohibitions attentatoires à vos droits; vous avez trouvé sans cesse des intermédiaires entre le souverain et vous, tandis que vous devez travailler immédiatement avec celai à qui la nation a confié les rênes du gouvernement. Nous avons vécu au milieu des orages : qui n’a pas ouï parler des projets atroces suggérés par la fureur? C’est dans l’histoire du parlement Anglais, près d’être englouti sous les débris de son sanctuaire, qu'il faut aller chercher le modèle des attentats qu’on méditait, dit-on, contre vous ; et si les accusés n’ont pas projeté ces forfaits, au moins esl-il vrai qu’on les en a crus capables : il est des vices qui reconnaissent des bornes, mais la scélératesse les franchit toutes. Il ya donc, Messieurs, des êtres si vils qu’ils feraient rougir d’être homme, si dans cette Assemblée on nes’honorait de l’être 'H y adonc desêtres atroces qui ont l’oreille fermée à la pitié, et dont le cœur n’admet jamais les remords! 11 y a donc des perfides qui prétendent nous intimider, tandis qu’aux fureurs des pervers nous opposons tranquillement l’égide du courage, et que chacun de nous se ferait gloire d’èlre inscrit dans le martyrologe de la patrie! Jusqu’ici l’Etat, victime des déprédations dans tous les genres, n’offrait plus qu’une nation en proie à tous les maux ; le pauvre citoyen, le triste citoyen, arrosait ses fers de ses larmes, nos campagnes de ses sueurs, sans oser parler de ses droits; et l’Etat marchait à grands pas vers sa ruine. Et lorsque la France se réveille, lorsqu’après deux siècles, la famille se réunit sous les yeux d’un Roi chéri, lorsqu’un prince issu de nos Rois, vient s'asseoir au milieu de nous, et s’honorer de la qualité de citoyen; le despotisme agonisant fait un dernier effort, il lève son bras pour nous replonger dans l’avilissement et le malheur. Vainement ferait-on couler des fleuves de sang; la révolution s’achèvera. La raison étend son empire, elle resplendit de toutes parts; elle va consacrer les droits respectifs d’une nation idolâtre de son monarque, et d’un monarque qui dans l’amour de son peuple, trouvera son plus ferme appui. Ahl s’il fallait de nouveau nous courber sous le joug, il vaudrait mieux sans doute fuir avec un ministre chéri au sein de l’Helvétie ou vers les rivages de Boston, sur lesquels d’illustres chevaliers Français ont aidé à planter l’étendard de la liberté. Il est donc vrai que notre Roi est obsédé, trompé par ses ennemis et les nôtres; et qui trompe le Roi, disait Massillon, est aussi coupable que s’il voulait le détrôner. Notre devoir exige, Messieurs, que nous nous ralliions autour de lui pour le défendre et pour relever avec lui le temple de la patrie. Il y a longtemps, Messieurs, que le peuple est victime : bientôt on connaîtra les sacrificateurs. Les nommerai-je? Non. Leurs noms ne souilleront point ma bouche; mais je demande qu’un comité soit établi pour connaître et révéler tous les crimes ministériels, pour dénoncer à la France I les auteurs des maux qui affligent la patrie, pour