[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 janvier 1791.] 332 les dépositions, et ils serviront seuls à la conviction. » M. Malouet. Ici s’applique l’amendement que j’ai propo.-é hier, et qui résulte des deux projets de décret de MM. Tronchet et Goupil. Je ne demande pas que la lecture des dépositions soit faite devant le juré avant le débat. La déposition écrite étant communiquée à l’accusé, il est bien évident qu’il retirera le pari i le plus favorable à sa cause; mais je demande que, dans le cours du débat, l’accusé ou son conseil, et même l’accusa' teur public, puissent exiger que l’on rédige par écrit les nouveaux faits, les nouvelles circonstances qui seront exposes par les témoins, ainsi que leurs aveux ou désaveux. Je pense, comme le comité, qu’il serait dangereux de lier les témoins par leur première déposition. Il faut leur laisser la faculté de la modifier, et même de la réduire sans qu’ils puissent être pris à partie; mais je pense aussi qu’il faut assurer à l'accusé et à la société la poursuite certaine des faux témoignages. Le voici : « Il sera libro, dans le cours du débat, à l’accusé ou à son conseil, aiusi qu’à l’accusateur public, de requérir qu’on rédige par écrit les nouveaux faits, les nouvelles circonstances, aveux ou désaveux que pourraient faire les témoins, lesquels auront la liberté de rétracter ou de modifier leur première déposition écrite, sans pouvoir être pris à partie. Mais dans le cas où ils persisteront dans leur première déposition, ou si, dans le débat, ils articulent de nouveaux faits qui puissent être argués de faux, l’accusation en faux témoignage pourra être intentée, soit par l’accusé, soit par I’ac' usateur public. » Je demande qu’il soit délibéré sur les deux articles en même temps, car si vous commencez par décréter que rien ne sera écrit dans le débat, on m’opposera ce premier décret. M. Buzot. Le résultat de l’amendement du préopinant serait l’écriture entière du débat. Il n’y aurait pas un fait qui ne parût important à l’accusé, à ses amis, ou à son conseil. Cbaeun des jurés aura la faculté de prendre note des faits dont il se trouvera le plus frappé. On pourra pratiquer ce qui se fait en Angleterre; le juge avertit les jurés qu’un tel fait est intéressant, pour qu’ils en prennent note; d’après cette observation, je demande la question préalable sur l’amendement de M. Malouet. M. Tronchet. Ce n’est point ici le moment d’examiner l’amendement qui vous a été présenté par M. Malouet, ceux qui pourrai nt rentrer dans Je même sens, et celui que je vous avais présenté. Je me réduis en ce moment, et en réservant tous autres amendements, à l’unique que-tion d’examiner l’amendement qui consiste à supprimer la lecture publique des dépositions. Je dis que si l’on adopte un pareil amendement, c’est détruire la conviction murale et ôter aux juges le meilleur moyen de se déterminer sur la conviction des preuves testimoniales ; je dis que c’est ôter à l’accusé le plus sûr moyen de défense pour prouver qu’il est innocent. M. Duport, rapporteur. Y os comités sont unanimes pour dire que les dépositions seront lues en public. M. Tronchet. Je n’ai pas dû compter sur cette déclaration-là; mais je sais que le projet de décret, t‘d qu’il nous a été présenté, et qui paraissait complet, ne donnait que la communication à l’accusé, et cela 24 heures, disait-on, avant de comparaître. Si l’on nous fait décréter que les dépositions seront communiquées par écrit à l’accusé avant qu’il comparaisse, alors mon objection lomb»; mais je finis par avouer que je n’entends pas ces mots par lesquels on finit l’article : « Et le débat servira seul à la conviction ». Une pareille phrase est à mes ye x absolument insignifiante; car jene connais pas, dans une conviction morale, quelle est la différence entre le débat et la déposition. Le débat n’est rien sans la déposition, cornu e la déposition n’est rien sans le débat, puisque la conviction du juré n’est que le résultat de la déposition et du débat. M. Duport, rapporteur. Je retire cette dernière disposition. L’article 3 est décrété dans ces termes : Art. 3. « L’examen des témoins et le débat seront faits ensuite devant le juré, de vive voix et sans écrit. » M. Goupil de Préfeln. Je demanda à proposer un article additionnel, et la permission de faire une observation sur celui de M. Malouet. C’est ici le moment de mettre l’un et l’autre sous les yeux de l’Assemblée, pour qu’elle juge lequel des deux mérite son approbation. Voici l’article : « Si dans les déclarations faites par un témoin en présence du juré, l’accusé ou son conseil remarque quelque cnose qui puisse servir, soit à infirmer le témoignage, soit à l’éclaircissement ou à la justification de l’accusé, ils pourront requérir que la réfaction par écrit eu soit faite; et cela ne pourra leur être refusé. » Plusieurs membres demandent la question préalable. M. Duport, rapporteur : Ce n’est ni par oubli, ni par négligence que vos comités ne vous ont point présenté de dispositions sur cet objet; mais je vous prie d’observer que la disposition que l’on vous demande n’est autre chose que l’écriture entière. Or, je demande à l’Assemblée si, en rejetant l’écriture du débat, elle n’a pas décidé précisément que les dires de l’accusé, de ses conseils et dos témoins ne seront pas écrits. Si on écrit ce qu’ils disent, on écrit le débat; si on écrit le débat, il faut renoucer aux jurés. M. Begnaud {de Saint-Jean-d'Angély). Je crois que M. Malouet a mis dans son amendement une trop grande latitude, et que M. le rapporteur y a opposé un refus trop absolu. Il résulterait de l’amendement de M. Malouet, par la disposition naturelle de tous les individus intéressés au débat, ta nécessité presque absolue de tout écrire, si le directeur du juré était obligé d’adhérer à toutes les demandes qui lui seraient faites. Il est au contraire, comme l’a dit M. le rapporteur, dans l’essence de cetie institution de laisser à ce directeur toute la latitude possible pour la découverte de la vérité : aussi je voudrais que lorsque le témoin on même l’accusateur publie désireront qu’une al légation du témoin ou de l’accusé, qu’une portion du nébat enfin soit constatée par écrit, ils aient alors la faculté de le requérir, et que le directeur du juré, qui ne peut avoir