40o /Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 février 1791.] évanouir ce criminel espoir et pour rassurer entièrement les bons citoyens. Celte mesure vous est indiquée dans le projet de décret que vos comités des rapports et des recherchas vous ont présenté à la suite du compte qu’ils vous ont rendu des troubles de Nîmes. Le délai prudent qi e vous avez ci u devoir mettre au rapport de l’affaire de Nîmes adonné de l’audace aux factieux. Le jugement que vous prononcerez va la leur faire perdre. Leurs tentatives impuissantes les auraient déjà découragés sans les instigations perfides qu’ils reçoivent d ici même et auxquelles votre décret va sans doute ôter tout crédit. Je demande, Mo isieur le président, que ces dif-fé entes pièces soient renvoyées aux comités des rapports et des recherches réunis pour en faire le rapport demain à l’ouverture de la séance. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Je vous prie de considérer, Me-sieurs, que dans un moment où les mouvements sont violents, la seule nouvelle de l’envoi d’une force imposante dans le département duGard peut empêcher les funestes effets des rassemblements qui ont lieu dans ce pays. Le moindre retard peut occasionner les plus grands malheurs ; une heure perdue peut coûter la vie à plusieurs de nos frères et de nos concitoyens. Je demande que M. le président soit chargé de se retirer sur-le-champ par devers le roi, pour le prier de donner des ordres nécessaires pour faire passer dans le département du Gard les troupes nécessaires pour rétablir l’ordre, (L’Assemblée décrète la motion de M. Regnaud et ordonne le renvoi aux comités des rapports et des recherches réunis, pour en faire le rapport demain, des pièces déposées par M. Voulland.) M. le Président lève la séance à 3 heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du mardi 22 février 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresses contenant la prestation du serment civique prêté par des fonctionnaires publics ecclésiastiques. Adresses de gardes nationales qui se sont engagées avec serment de se porter sur les frontières, du moment qu’elles seront informées qu’elles sont menacées de quelque invasion. Adresse des juges du tribunal du district de Saint-Pons, département de l’Hérault, qui, dès les premiers moments de leur installation, présentent à l’Assemblée nationale l’bommage d’une respec-tm usereconnaissance et d’un dévouement absolu. Adresse du directoire de Dijon, contenant une délibération de la huitième compagnie du second bataillon de la garde nationa'e de Dijon, par laquelle elle offre des services extraordinaires pour remplacer les volontaires, qui, dévoués au maintien de la Constitution, ont renouvelé leur serment de voler sur les frontières au-devant de nos ennemis, dans le cas où ils tenteraient une contre-révolution. Adresse de la société des amis de la Constitution établie à Autun, qui expose que le principal moyen de dissiper tous les orages qui se forment autour de nous, serait de supplier le roi de faire connaître, parle manifes'e le plus authentique, aux puissances voisines ses véritablessentiments. Adresse de la commune de Plassac en Blayais, qui annonce que son curé n’a pris aucune part à la déclaration de plusieurs ecclésiastiques du Blayais, contre le serment civique, et qu’il s’est empressé de prêter le serment selon les formes prescrites. Adresse de la municipalité de Châtillon-sur-Seirie, qui annonce que tous les fonctionnaires publics de cette ville ont prêté le serment civique; elle fait hommage à l’Assemblée d’une délibération imprimée, qu’elle a faite pour repousser un écrit incendiaire répandu sous le nom de l’évêque de Langres. Adresses des curés et vicaires du canton d’As-pres-les-Vignes, district de Serre, département des Hautes-Alpes, du curé de No're-Dame-des-Trois-Moutiers, au district de Loudun, qui expriment une admiration respectueuse pour la Constitution civile du clergé, et qui se sont empressés de prêter le serment civique. Adresse du maire de Champeuil, département de Seine-et-Oise, qui fait hommage à LAssemblée du discours imprimé, prononcé par le curé de cette paroisse, lors de la bénédiction du drapeau de la garde nationale. Adresse du maire de Vergigny, près Saint-Florentin, qui présente le discours imprimé, prononcé par le curé de la paroisse, lors de la prestation de son serment. M. le Président donne lecture à l’Assemblée d’une lettre des administrateurs du département du Doubs, par laquelle ils font part de l’élection faite, le 14 de ce mois, de la personne de M. Seguin, ci-devant ctianoine de l’église métropolitaine de Besançon, et président du département du Doubs, à l’évêché métropolitain de ce département. ( Applaudissements .) M. l’abbé Colaud delà Salcette fait part à l’Assemblée que tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics, et autres non fonctionnaires, ont prêté le serment civique dans le district de Briançon, departement des Hautes-Alpes. M, le Président. Avant de passer à l’ordre du jour, je dois rendre compte à l’Assemblee que, conformément aux ordres qu’elle m’a donnés, je me suis transporié chez le roi; je lui ai mis sous les yeux la lettre des administrateurs du département du Gard et le décret que l’Assemblée a rendu ce matin. Le roi m’a fait connaître qu’il allait, en conséquence du décret de l’Assemblée, donner les ordres nécessaires pour faire passer dans le département du Gard des forces suffisantes capables de réprimer les efforts des malveillants. L’ordre du jour est la discussion de l'affaire de Mmes (1). (1) Voyez ci-dessus, séance du 19 février 1791, pages 299 et 323, le rapport de M. Alquier et les divers documents sur cet objet. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 406 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES ]22 février 1791.] M. le Président. La discussion va s’ouvrir sur l’affaire de Ni nés. J’observerai, à cet égard, que, par un décret en date du 11 mai 1790, l’Assemblée nationale a mandé M. de Marguerittes à la barre pour rendre compte de sa conduite et de celle de la municipalité. Toutefuis, pour ne pas suspendre l’exercice du droit qu’a chaque, représentant de la nation d’en stipuler les intérêts dans l’Assemblée, l’Assemblée décréta, le 17 du même mois, qu’elle autorisait M. de Marguerittes à reprendre sa place, sauf, au moment où elle s’occuperait du rapport du comité des recherches sur l’affaire de Nîmes, à l’appeler de nouveau à la barre pour îépondre aux demandes qui pourraient lui être faites au nom de l’Assemblée. Aux termes de ce décret, je demande à M. de Marguerittes, maire de Nîmes et membre de l’Assemblée nationale, qui a demandé le premier la parole, de déclarer s’il entend opiner comme député ou parler comme maire de Nîmes. M. de Teissier de Marguerittes. C’est comme maire de Nîmes que je demande la parole, non pour me justifier ni trois de mes collègues, mais pour mettre sous les yeux des représentants de la nation de grandes et de terribles vérités et défendre mes concitoyens opprimés. M. le Président. Dans ces conditions, j’invite M. de Marguerittes à se rendre à la barre. M. de Teissier de Marguerittes (1), à la barre. Mes-ieurs, la municipalité de Nîmes a été inculpée dans le rapport de vos comités; je dois la justifier à vos yeux et me justifier moi-même; ces deux devoirs sont également sacrés ponrmoi. J’ai contracté cet engagement solennel mais pénible, puisqu’il me contraint à divulguer les torts de plusieurs de mes concitoyens. Cependant, je ne perdrai pas de vue que les officiers municipaux sont les pères communs et que, loin d'aggraver les fautes, ils doivent chercher à les pallier, aies excuser même, sans nuire toutefois à ce qu’ils doivent à la justice et à la vérité. Je dirai tout ce que je croirai nécessaire pour repousser les inculpations que l’on s’est permises contre des magistrats intègres. Je réparerai le silence de M. le rapporteur sur 32 pièces essentielles dont il n’a pas cru devoir faire mention. Je tâcherai de faire connaître ce qui a produit les excès incroyables et les atrocités commises dans la ville de Nîmes. Je mettrai l’Assemblée dans le cas de discerner le degré de confiance que méritent quelques citoyens avides de domination, qui se sont décorés despotiquement du titre d’amis de la Constitution , comme si tous ceux qui ne sont pas compris dans leur agrégation doivent être regardés comme les ennemis de cette même Constitution. Fortsd’une approbation surprise, enorgueillis du décret qui a mandé le maire de Nium s a la barre, tiers de leur impunité et d’une information dans laquelle on n’a pas voulu faire entendre aucun des nombreux témoins qui doivent constater les entreprises très répréhensibles du mois de mai et les assassinats, pillages et dévastations du mois de juin; ils osent appeler indifféremment crime ou vertu, trahison ou patriotisme, tout ce qui blesse ou favorise leurs intérêts. Ils osent proposer de traiter en coupables, et des magistrats qu’ils ont (1) Le Moniteur De doone qu’une très courte analyse de ce discours. calomniés après avoir méconnu leur autorité, et les nombreux infortunés qu’ils ont injustement opprimés. Ils les désignent sous Ih nom d’aristocrates et de mauvais citoyens. Mais pour vous faire connaître, Messieurs, de quel côté sont les coupables, il suffira de vous montrer le nombre et la qualité des victimes. Vous ne verrez point sans indignation des étrangers arriver, à la fois et avi c une célérité incroyable, de 8, 10, 12 lieues, et au nombre de plus de 15,000 hommes armés, contre le vœu exprès d’une ni un ici i alité dont leur première opération a été de proscrire les membres et dont ils étaient chargés d'apporter la tête et les dépouilles; vous ne verrez pas sans indignation que quelques-uns de ces officiers municipaux ont été injuriés, maltraités, excédés de coups, par des gardes nationales mêmes, et que plusieurs ont échappé comme par miracle au fer et au feu des assassins; vous ne verrez pas sans indignation que ceux qui taxent les officiers municipaux de faiblesse et de pusillanimité les ont abandonnés à deux reprises, avec le drapeau rouge, dès qu’il y a eu le moindre danger. Ah! sans doute, lorsqu’une grande puissance intervient au nom de la Constitution et de la liberté, ce ne doit être que pour calmer les esprits, désarmer les oppresseurs, rendre la paix, la vie et la liberté aux opprimés, prévenir en un mot tous les malheurs, et non pour... Mais n’anticipons pas sur le récit des cruels événements qui ont déshonoré et obscurci l’aurore de la liberté dans ma patrie. Quant à moi, Messieurs, que dps folliculaires ont traduit aux yeux de la France entière comme Fauteur des excès que je n’ai cessé de prévenir par ma présence ou d'arrêter en exposant mes jours, je trouverai sans peine la réponse, à tant de calomnies, dans le simple exposé des faits, appuyé de pièces justificatives. Les preuves ré té'ées de l’amour et de la reconnaissance de 40,000 de mes concitoyens, la paix et la concorde que j’avais rétablies dans ma patrie, la réconciliation des soldats de Guyenne et des habitants : voilà des faits positifs contre lesquels viendront se briser 1 s efforts des malveillants et des calomniateurs. Quant à mes principes, ils ont été et seront toujours les mêmes. Donner, comme citoyen, comme représentant de là nation, l’exemple de l’obéissance à la loi ; comme magistrat, la faire exécuter ponctuellement : telle est ma profession de foi. J'ai toujours pensé qu’on pouvait être à la fois sage, conciliant et bon patriote; ennemi de la licence qui se permet tout et ami de cette liberté précieuse qui ne peut, dans une grande monarchie, subsister sans ordre, sans pouvoir exécutif suprême, investi de la plus grande autorité, sans respect pour la loi et sans subordination; j’ai pensé que l’on pouvait être partisan de la justice et d’une égalité bienfaisante en faveur du mérite et des talents, mais boitement opposé aux intrigues, aux insurrections et à tous ces moyens imaginés pour tromper sur ses véritables intérêts un peuple franc, sensible, bon et généreux, aujourd’hui l’instrument des factieux, demain leur victime. Obligé de mettre de l’ordre dans cette discussion, je diviserai mon opinion en quatre parties. Je démontrerai d’abord la partialité de l’information et la nécessité de renvoyer la cause à un tribunal étranger au département du Gard. J’établirai ensuite la fausseté de certains faits 407 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 février 1791.] allégués contre le maire et les officiers municipaux de Nîmes; je tâcherai d’être précis; mais, souvent, pour repousser une calomnie de quelques lignes, il faut de longs détails (1) et une discussion fort étendue. J’exposerai en troisième lieu tout ce qui a précédé et accompagné les événements du mois de mai, les seuls qui puissent me concerner. Enfin je retracerai les horreurs des fatales journées des 13, 14, 15 et 16 juin, et je prouverai, par le résumé des faits, où l’on doit chercher les vrais coupables. PREMIÈRE PARTIE. Sur l'information et le renvoi à un tribunal êtrangev au département du Gard. Il est, Messieurs, un reproche général que j’ai à faire contre le rapport de vos comités; ses assertions ne sont fondées que sur un commencement d’information qui n’a pas été commu'û-qué aux accusés, qui ne porte aucun caractère certain aux yeux de la justice puisqu’elle ne contient que les dispositions d’un seul parti; d’ailleurs, d’après l’ancien et le nouvel ordre de choses, une information est incomplète et improbante jusqu’après le récolement des témoins et leur confrontation aux accusés, qui doivent les connaître pour pouvoir les récuser. Il est constant, aussi, que plusieurs membres du club ont été à la fois dénonciateurs (2) et témoins ; et ce reproche est bien autrement important que celui fait aux procès-verbaux envoyés par la municipalité de ne pas contenir les interpellations d’usage. Cet oubli a paru suffisant à M. le rapporteur pour mettre de côté tous ces procès-verbaux, et cependant on sait que les officiers municipaux ne peuvent pas procéder sous d’autres formes et qu’un verbal a toujours suffi en justice pour constater un fait. Ainsi, si d’un côté les verbaux sont regardés comme non-avenus, de l’autre, le rapport n’a d’autre fondement qu’une procédure informe et incomplète, et dès lors, ce qui est avancé par le comité ou par la municipalité, ne doit être regardé que comme un p aidoyer respectif et ne peut fournir matière à un jugement qui doit avoir pour hase des preuves complètes et des pièces légales. Il faut donc renvover à un antre tribunal. L’Assemblée l’a déjà préjugé ainsi en refusant la lecture de l’information faite à Montauban, par la raison, disait M. Viellard, rapporteur : « que ce n’est pas dans une ville où l’esprit de « parti s’est si violemment manifesté, qu’on « peut se flatter que les informations aient été « faites avec impartialité. » Il fut en conséquence décrété, malgré les efforts de M. de Ca-zalès, que l’information commencée devant les juges de Montauban relativement aux troubles arrivés dans cette ville, demeurerait comme non-avenue, et qu’il n’en serait pas même fait lecture à l’Assemblée. Il est une observation plus décisive encore relativement à l’information faite à Nîmes. (1) On doit les pardonner à celui qui est obligé de réparer l’omission d’un grand nombre de faits importants, et de 32 pièces plus essentielles les unes que les autres. (2) Ce fait est établi par les signatures apposées à la dénonciation que le club jacobite de Nîmes a adressée à l’Assemblée nationale le 4 mai, Le procureur du roi commence le 10 mai à informer contre les prétendus auteurs des troubles du 3 du même mois; il fait entendre un grand nombre de témoins, parmi lesquels plusieurs sont membres du club et signataires de la dénonciation de la municipalité. Le 13, le procureur de la commune est chargé par le conseil général de dénoncer au procureur du roi : « que des factieux projetèrent, vers la « fin d’avril, d’exciter une querelle entre des « citoyens, des bas officiers et soldats du régi-“ ment de Guyenne, sous prétexte d’arracher à « des volontaires des cocardes blanches qu’ils « avaient toujours portées depuis la formation de « la légion. » « Que quelques bas officiers et soldats de ce ré-« giment, malheureusement séduits, se livrèrent, « le sabre à la main, ce qui eut lieu le dimanche « 2 mai, sur le grand cours, vers les 6 heures « du soir; « Qu’au moment où l’action fut engagée on « tâcha d’attirer le régiment dans la querelle en « invitant les soldats à sortir des casernes et de « la citadelle pour voler au secours de leurs « camarades et de les rendre ainsi complices, à « leur insu, du massacre projeté; « Que des conspirateurs, postés dans les envi-« rons et arm«s, attendaient l'instant favorable « pour se mêler parmi eux et envelopper, dans « le massacre, tous ceux dont ils voulaient se « défaire; « Que, comptant sur des secours étrangers, « sollicités et promis, ils auraient, sans doute, « porté leurs excès plus loin, si la vigilance des « officiers municipaux, la fermeté et la prudence « de MM. les officiers du régiment de Guyenne « n’avaient pas arrêté les progrès de l’insurrec-« tiou et si le corps du régiment, loin de se « laisser entraîner, n’avait témoigné son indi-« gnation et n’avait promis, avec serment, de « livrer les coupables; « Que le 3 mai, une nouvelle émeute éclata « sur la place des Récollets, alarma de nouveau * les citoyens et que les officiers municipaux « s’y étant transportés pour faire cesser le dé-« sordre, un particulier tira deux coups de pis— « toi et sur le groupe où ils étaient; « Que, pendant ces deux jours, des particuliers « criaient dans les rues que c’était le moment « de couper la tête du maire et de la promener « par la ville au bout d’une baïonnette; « A cet effet, M. le procureur de la commune « est chargé de se retirer devers M. le procu-< reur du roi eu la sénéchaussée et siège prési-« dial de Nîmes pour lui remettre un extrait de « la présente dénonciation, de le requérir d’ad-« rninistrer en témoins toutes les personnes qui « pourront avoir connaissance des faits ci-des-« sus, circonstances et dépendances, lesquelles « personnes lui seront indiquées par ledit pro-« cureur de la commune. Ce dernier est chargé « encore de lui fournir toutes les pièces et mé-« moires nécessaires pour la conviction des court pables; « Délibéré, en outre, que la présente aéra im-« primée, que des extraits en seront envoyés à « l’Assemblée nationale et au roi. » Il semblait que le devoir du procureur du roi était d’accueillir, avec l’impartialité de son ministère, la dénonciation du conseil généra! ; mais il demande d’abord une autorisation du commissaire départi, en exécution de la déclaration du 2 octobre 1703; il veut, de plus, que le procureur de la commune se soumette formellement 408 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 122 février 1791.] à la garantie : l’unique but de ces difficultés était d’écarter la plainte. D’après ce refus, on lui fait signifier un acte; il réitère les mêmes difficultés. On s’adresse de part et d’autre à M. le garde des sceaux; la réponse du chef de la justice détruit les minutieuses objections du procureur du roi ; on y trouve ces paroles remarquables : « Il « est des occasions, rares à la vérité, où il vaut « mieux fermer les yeux sur les désordres que « de risquer d’accroître le mal en travaillant à « le réprimer; peut-être eût-il été désirable de « n’entamer aucune procédure; ces considéra-« tions ne vous ont sûrement pas échappé; vous « aviez balancé les avantages et les inconvé-« nients d’une information lorsque vous avez « rendu votre première plainte, et je vois, par « votre dernière lettre, que vous venez d’en « rendre une nouvelle : l’existence de ces deux « plaintes, l’instruction à laquelle elles vont « donner lieu, paraissent exiger que vous sui-« viez également, et avec l'impartialité de votre « ministère, sur la dénonciation des officiers « municipaux, etc. » Forcé dans ses derniers retranchements, le procureur du roi fait assigner 21 témoins; 2 seulement sont entendus. D’après le délai qui s’était écoulé, d’après la considération importante que le conseil général de la commune n’avait jamais entendu s’ériger en poursuivant, ni devenir partie contre des concitoyens, mais seulement indiquer au ministère public un délit royal et patent, et l’aider à connaître les auteurs, fauteurs et participes, conformément à l’usage observé dans tous les temps par le bureau de police de Nîmes, relativement aux délits qui venaient à sa connaissance et qui se trouvaient de la compétence du présidial, le conseil général de la commune délibère en conséquence le 9 juin et adresse un extrait de sa délibération à M. le garde des sceaux. Instruit de cette délibération, le procureur du roi fait suspendre l’audition des témoins indiqués par la municipalité et continue avec %èle l’information contraire. Les tristes événements du mois de juin ayant occasionné, le 17 du même mois, un décret qui charge le présidial de Nîmes d’informer sur les troubles des mois de mai et juin, circonstances et dépendances , le procureur du roi laisse toujours de côté les excès et les témoins indiqués par le conseil général et m* fait entendre que ceux du parti contraire et leurs adhérents; cependant, ils faisaient partie des circonstances et dépendances. Il est résulté de cette partialité que 14 catholiques ont été décrétés de prise de corps, tandis qu’il n’y a pas eu un témoin d’entendu, pas une information de faite contre aucun des protestants qui ont assassiné 300 catholiques ; bien plus, malgré des actes réitérés depuis 7 mois, des accusés n’ont pu être admis à leurs faits justificatifs; d’autres à prêter leur premier interrogatoire (1); des veuves et des orphelins n’ont pu faire accueillir leurs plaintes; les actes de déni de justice adressés à l’Assemblée sont déposés depuis plusieurs mois au comité des recherches qui n’a donné aucun ordre relatif, et M. le rapporteur n’a pas cru devoir en faire mention. Cependant, les sieurs Folacher, Descombiès et (1) Voyez l’adresse de la veuve de Guiraud à l’Assemblée du 17 août. Elle se plaint de s’être retirée plusieurs fois inutilement devant la partie publique pour implorer son ministère contre les assassins connus de son mari, et de n’avoir trouvé aucun officier de justice qui ait osé donner les actes nécessaires. 13 autres citoyens de Nîmes ont été décrétés et sont emprisonnés sur le vu des charges acquises par cette information. Mais qu’elle soit partiale ou non, n’est-il pas au moins évident que, pies les charges obtenues contre les accusés étaient graves, plus ils avaient intérêt de les affaiblir, plus la justice devait, pour me servir des expressions de vos comités de constitution militaire parlant par l’organe de M. Rabaud, s'incliner pour accueillir l'infortuné et tendre la main aux opprimés , plus la justice devait leur prêter son secours pour établir et assurer leurs moyens de défense. Cependant, le sieur Folacher est détenu depuis plus de cinq mois dans une prison empruntée hors du département; il n’a pas prêté encore son premier interrogatoire, malgré deux actes signifiés à M. le procureur du roi, pour qu’il eût à le faire traduire dans les prisons de Nîmes (1). Le sieur Descombiès languit depuis plus de six mois dans les fers, et quand la plus grande célérité a été apportée dans les moyens d’amener sa détention, il ne peut obtenir depuis le 23 août d’être écouté, lorsqu’il travaille à recouvrer sa liberté; les suppôts de la justice intimidés ou menacés ont refusé de signifier aux magistrats les actes de déni de justice. Le sieur Vimont, avocat de l’accusé, a bravé pour défendre son client les fureurs des factieux; il a fait lui-même (2) les fonctions d’huissier et a pris sur lui de presser judiciairement la lenteur partiale des magistrats, le désistement de quelques-uns et un peu plus de liberté pour les huissiers; voilà tout le fruit de cet acte de persévérance; en sorte que ce qui a été fait pour l’accusé a précisément tourné contre lui; cependant, que demandait-il? l’exécution de la loi, de la plus sage de vos lois, de cette loi, l’objet de voire empressement et de vos plus chères espérances, de cette loi bienfaisante qui, réformant ce que notre ancien Gode avait de révoltant, a voulu que la justification de l’accusé marchât de pair avec son accusation. Que demandait le sieur Descombiès? La permission de prouver son innocence; et cette permission, il n’a pu l’obtenir, et cette demande a été rendue inutile par une coupable morosité; et quand on s’est trouvé forcé de prononcer ou d’agir, on l’a rendue sans effet par des désistements successifs et par des chicanes de forme, et cependant la captivité des prisonniers s’est toujours prolongée, et cependant on a toujours entendu des témoins administrés par le parti dominant, en même temps que l’on rejetait les plaintes des opprimés. Eh! comment a-t-on pu continuer les informations dans une ville où un parti s’est rendu redoutable en usurpant toute l’autorité, en s’emparant de toutes les armes, de toutes les munitions, en faisant fondre (3) plus de 500,000 balles étayant 80,000 cartouches à sa disposition? dans une ville où le procureur du roi a rejeté les plaintes des veuves Gas, Deymond, Bouzanquetet Guiraud, et de tant d’autres dont on a massacré les maris, de tant de fils infortunés dont on a massacré les pères; dans une ville où l’on a forcé les portes des prisons, ces asiles sacrés du malheur, pour maltraiter un (1) Ici, la lecture de ces actes a été faite par M. le rapporteur qui n’en avait pas fait mention. (a) Le maire de Nîmes a demandé la lecture de ces actes passés sous silence; ils ont été lus par M. le rapporteur et un de MM. les secrétaires. Leur date est au mois d’octobre. (3) Appert, le verbal du 11 septembre, coté n® 46, dont M. le rapporteur n’a pas fait mention. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 février 1791.) 409 prévenu qu’on a été sur le point de sacrifier? clans une ville où son avocat a été menacé de la fatale lanterne, s’il continuait à le défendre, et obligé de partir sous 24 heures; dans une ville où un citoyen a été rudement frappé par un factieux, pour avoir dit que ce prévenu était un honnête homme, et où ce prétendu crime l’a fait mettre en prison sans autre forme de procès, ainsi qu’y ont été mis avant lui 150 autres catholiques ; dans une ville où l’on dicte des lois aux juges et où leurs jours ont été menacés pour avoir accordé l’élargissement d’un prisonnier légèrement accusé, arrêté sans décret (1) dans la maison d’un ami, dans un département voisin, et traduit à Nîmes, comme un grand criminel, avec une escorte formidable; dans une ville où cet accusé a été obligé, après l'élargissement ordonné, d’attendre dans la prison et de se travestir en servante pour échapper à la rage de ceux qui l’avaient fait priver de sa liberté; dans une ville enfin où le pouvoir arbitraire et un despotisme inquisitorial, devancés par la terreur et cachés sous le masque trompeur du patriotisme, ont frappé tous ceux qu’ils ont cru contraires à leurs desseins pernicieux. La raison et la justice exigent donc impérieusement que l’information commencée à Nîmes soit continuée par un tribunal étranger à la ville de Nîmes, à son département, et surtout aux passions qui exaltent et égarent les citoyens. La raison le veut : car dans une ville où subsistent deux partis aigris, où celui qui est opprimé est contraint de courber son front humilié sous le sceptre de fer de l’oppresseur, les témoins entendus, les juges qui les entendent partagent presque nécessairement la prévention, ou la haine, ou la crainte. Les opprimés se plaignent qu’on n’a voulu appeler en témoignage que les membres du club ou les personnes qui lui sont attachées. Les oppresseurs trouvent le plus grand danger (pour eux sans doute) que l’on fasse déposer aucun de ceux qui ont signé les délibérations des catholiques, c’est-à-dire le plus grand nombre des citoyens actifs. La justice veut pourtant que lorsqu’il s'agit de suivre les traces du crime, et surtout de ces crimes atroces et multipliés dont la ville de Nîmes a été le théâtre, ceux-là soient appelés en témoignage qui sont appelés à jeter du jour sur les faits, et ceux-là (quelle que soit à leur égard l’opinion du moment) sont témoins nécessaires. Il faut donc qu’ils puissent être entendus ; ils doivent l’être à la diligence de l’officier chargé de l’accusation publique; mais peuvent-ils être entendus au milieu des troubles et des menaces, sous les yeux de gens intéressés à leur fermer la bouche, parce qu’ils ont constamment refusé d’accueillir leurs plaintes, quoique la justice et le décret du 17 juin leur en fissent un devoir impérieux ? Ce décret ordonne d'informer sur les troubles arrivés à Nîmes, LES CIRCONSTANCES ET DÉPENDANCES. Peuvent-ils être entendus par des juges qui, devenus en quelque sorte parties intéressées dans l’affaire par leur déni de justice, ne peuvent voir qu’à travers le nuage de la prévention? D’ailleurs, dans le choc d’opinions, n’est-il pas à craindre que des témoins alarmés ne s’éloignent ou ne se taisent, et, ce qui serait plus fâcheux encore, que d’autres ne se laissent arracher, par fai-(1) Le sieur Vignes, négociant, a été arrêté avec scandale le 27 juin, et le décret n’a été lancé que le 11 juillet. Ce fait essentiel a échappé à l’exactitude de M. le rapporteur. blesse, des déclarations fausses ou mensongères? N’est-il pas à craindre que les juges, froissés entre les deux partis, ou cèdent à celui qui domine, ou regardent comme un grand effort de courage l’abdication de leurs fonctions ? Et voilà précisément ce qui vient d’arriver à Nîmes. Plusieurs magistrats du nouveau tribunal, placés entre l’alternative de violer leurs devoirs ou de s’exposer aux fureurs des factieux, ont fini par délaisser l’instruction et par déclarer qu'ils s’abstenaient ; d’autres ont paru ne chercher des preuves que d’un côté, et ont repoussé, par de vaines chicanes, celles qui étaient offertes et indiquées par l’autre. Cependant la justice veut essentiellement que les accusés aient le droit de se défendre, elle veut que leur sûreté soit complète, leur tranquillité absolue, pendant le cours de l’instruction qui doit faire éclater leur innocence on manifester leurs crimes. Jusqu’au jugement, ils sont citoyens; la détention qui enchaîne leur liberté n’est-elle pas déjà un mal assez grand? Faut-il qu’elle devienne le prétexte d’une nouvelle vexation, ou le moyen d’intercepter leurs cris, et de les réduire à l’impossibilité de se défendre ? Ces vérités sont sensibles; elles sont dans 1e cœur de tous les membres de cette Assemblée ; c’est sur elle que se fonde la demande des prisonniers, des veuves, des orphelins et des officiers municipaux de Nîmes. Je parle à des législateurs, et ils ne souffriront pas que la loi sacrée qui protège l’accusé, méconnue à Nîmes depuis six mois, soit plus longtemps, soit impunément outragée. Je parle à des hommes et ils ne seront pas insensibles aux cris déchirants des veuves et des orphelins. Hélas ! depuis huit mois, ces infortunés n’ont pu faire constater encore, ni la perte de leurs médiocres propriétés, ni faire décréter les assassins de leurs pères et de leurs époux, ni obtenir, au moins, que si les barbares ne payent pas de leurs têtes, ils payent au moins de leurs fortunes les dévasiations et les pillages dont ils seront prouvés les auieurs. Pour épargner de nouveaux crimes, ces familles honnêtes se sont expatriées; elles gémissent moins des cruautés inouïes dont elles ont été l’objet que des calomnies répandues sur leur compte. Après avoir fait périr plus de 200 citoyens , qui n’avaient pris aucune part aux troubles, ni aux combats, on les poursuit avec acharnement jusque dans le sein des tombeaux; on voudrait massacrer leur honneur comme on a massacré leur corps ; on leur prête des projets de contre-révolution et de guerre civile ; on intercepte tous louis moyens de justification, et le directoire du département du Gard annonce tranquillement que la cause du patriotisme est justifiée et que la preuve des attentats est suffisamment acquise. Et cependant, le sieur Fajon, ancien lieutenant criminel, lui qui a fait l’information incomplète que l’on oppose aux opprimés, et dans laquelle on ne découvre pas la moindrre trace des vols, des assassin its commis à main armée par des soi-disant patriotes sur plus de quatre cents catholiques, le sieur Fajon est forcé lui-même de rendre hommage à la vérité, dans le discours qu’il a prononcé comme président du nouveau tribunal. « Le patriotisme, dit-il. a ses excès ; il a son « fanatisme comme la religion ; ils peuvent l’un « et l’autre porter à des violences , à des attentats , [Assemblée nationale.] « à des meurtres: ah! cette idée me rappelle les « malheurs de notre ville. » Le sieur Fajon déclare bien authentiquement que ceux qu’on ;>p elle dans Nîmes patriotes se sont portés à des violences, à des attentats , à des meurtres-, et cependant, depuis huit moR, aucun témoin d’entendu, aucune information pour connaître les patriotes auteurs de ces violences , de ces attentats, de ces meurtres. Non, Messieurs, non, vous ne souffrirez pas qu’une pareille injustice souille plus longtemps le règne de la liberté, de cette liberté, objet de vos vœux et de vos espérances. Quoi donc! La liberté, cette plante vivace et bienfaisante que les soins et les travaux des Français ont si heureusement fécondée dans le nouveau monde, ne serait-elle pour les habitants de Nîmes qu’une plante fatalequi n’y pût croître qu’au milieu des tombeaux, sur des monceaux de cendres, arrosée du sang de m( s infortunés concitoyens et abreuvée des larmes des veuves et des < rphelins réduits à la misère, aux larmes, au désespoir et au silence? Car, on voudrait leur enlever la dernière consolation du malheureux, le triste droit d’élever une voix plaintive, et de réclamer auprès des représentants de la nation, avec une confiance nui ne sera pas trompée, sans dou'e, la justice et l’impartialité qu’on leur a constamment refusées dans leur patrie. Oserait-on mettre en avant, pour justifier tant d’atrocité, le prétexte imposant de servir une Constitution qu’on déshonore? M. Thouret vous l’a annoncé, la Constitution est déshonorée, si le rétablissement de l’ordre n'est pas son propre ouvrage. Présentez donc au peuple ce grand bienfait. On a dit souvent, et avec raison, que son salut était la suprême loi. 11 est temps de lui apprendre, pour son propre intérêt, que la tranquil-liié pudique, fruit de la justice, mais d’une justice sévère, est le suprême bien. Que le grand nombre des coupables ne soit donc pas un motif toujours efficace pour leur assurer l’impunité: car autrement, on multipLerait les forfaits, on entasserait les victimes, pour arracher une amnistie. Cette impunité dont on jouir. dt augmenterait l’audace des factieux et finirait par épuiser la patience de3 opprimés, car c’est un terme à toutes 1 s vertus. L’intérêt de la Constitution qui ne peut s’achever qu’au sein de la justice et de la paix, exige donc impérieusement qu’une fausse pitié, une clémence mal entendue ne suspende pas plus longtemps le glaive de la loi. Ne souffrez pas que des attentats aussi atroces que multipliés aient souillé impunément cette Révolution, l’objet de votre amour et de votre vénération. Ah I Messieurs, voilà ce que des législateurs doivent appeler unanimement le plus saint des devoirs. J’ajoute encore : lors même que les victimes auraient été coupables, leurs assassins n’en seraient pas moins criminds ; ils ont violé à la fois la justice, vos décrets et l’huraanité. Hâtez-vous, Messieurs, de confier à des juges libres et impartiaux et de fixer dans une ville désintéressée, l’instruction de tous les délits sans aucune exception dont il importe à la société qu’on acquière la preuve. La procéd re déjà commencée éclairera ce tribunal de votre choix, les témoins, loin des cris de la haine it delà prévention, parleront librement le langage de la vérité; ils déclareront ce qu’ils ont vu ; ils seront confrontés avec les accusés qui, sûrs d’être écoutés dans leur défense, jetteront, par la discussion, un nouveau jour sur les preuves; les injustices [22 février 1791.] que l’intrigue, les circonstances, l’aigreur des esprits ont amenées seront réparées, les auteurs des crimes seront connus et le jugement qui interviendra sera d’autant plus imposant que votre sagesse aura écarté d'avance toutes les objections que l’animosité aurait formées de part et d’autre contre lui, dans le foyer de la division. En voilà sans doute assez pour établir la nécessité d’un renvoi à un autre tribunal et pour prouver le degré de confiance que les législateurs doivent à une information incomplète et partiale (1). SECONDE PARTIE. Réponse aux reproches faits à la municipalité, soit dans le rapport , soit dans l'adresse du club. Le plus important de tous est la substitution de la cocarde blanche à la cocarde nationale, faite suivant le club, le 18 avril, tandis que le contraire résulte de la notoriété publique, delà déposition d’une foule de témoins, du témoignage unanime des représentants de la commune, mais surtout du certificat original de 60 officiers de la légion qui attestent que la cocarde blanche n’a donné lieu à aucune réclamation jusqu’au 2 mai, quelle n'avait jamais excité ni plaintes ni murmures et que l'on portait indistinctement la cocarde blanche ou la cocarde aux trois couleurs. Il est donc bien évident que les cocardes blanches qui ont servi de prétexte aux malveillants n’ont pas été la cause des mouvements excités les 2 et 3 mai, puisquecette cocarde a été arborée à Nîmes, en novembre 1788, comme le signal du patriotisme et de la liberté; puisqu’en août 1789, époque de la formation de la légion, des volontaires arborèrent la cocarde blanche, puisque les dragons l’ont portée assez longtemps et puisque (1) Dans cette information monstrueuse, inconnue aux accusés, aux officiers municipaux, et dont le maire n’a pu prendre une idée que par la lecture rapide faite au comité, on trouve plusieurs faits dont la date a été altérée, pour accuser la municipalité d’une négligence coupable. On y trouve aussi les déclarations de plusieurs honnêtes témoins qui déposent avoir vu le maire de Nîmes, les uns une fois, d’autres plusieurs, assister au club Cabrit, dont la première séance n’a eu lieu que le 19 mai, c’est-à-dire huit jours après le départ du maire pour Paris. Voilà pourtant l’information à peine commencée, dans laquelle M. le rapporteur a puisé les reproches faits à la municipalité. Voilà la pièce informe qui a servi de prétexte à la destitution prononcée, en février 1791, contre les officiers municipaux de Nîmes qui avaient donné itérativement leur démission en juin, juillet, août et novembre 1790; voilà l’information qui a servi de base au jugement contenu dans le préambule du décret du 26 février 1791, et qu’un article postérieur du même décret déclare comme non-avenue; on conçoit difficilement comment une information, dont la partialité est aussi révoltante et que l’Assemblée veut qu’on regarde comme non-avenue, peut avoir fourni matière à un jugement contre les officiers municipaux; c’est ce que M. Garat l’aîné a essayé, mais inutdement, de représenter à l’Assemblée, qui n’a pas même voulu, en 1790, entendre la lecture de celle faite à Montauban. A la raison péremptoire de l’alibi, M. de Marguerittes en a ajouté une autre non moins puissante: « J’ai toujours pensé, a-t-il dit, que nos bailliages nous avaient députés pour assister aux séances de l’Assemblée et non à celles d’une infinité de clubs ; en conséquence, je n’ai jamais été membre d’aucun, pas même du club monarchique, quoique mon nom soit inscrit dans plusieurs listes imprimées. » ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (22 février 179l.] 411 plusieurs compagnies ne l’ont jamais quittée depuis ce moment : fnitessentiel, décisif et notoire, qui serait attesté par 40,000 témoins <4 q i l’est notamment par les 14, 15, 16, 17, 20, 21, 28, 32, 38, qui déposent n’avoir jamais porté d’antre cocarde depui-la formation de Purs compagnies, et par soixante officiers de la légion. Qm penser, après cela, de l’assertion du club, adoptée par M. le ranporteur, que le 18 avril des légionnaires substituèrent à la cocarde nationale la cocarde blanche, et, interprétant criminellement par leurs discours, cette marque de ralliement particuliers ils cherchaient à mettre en opposition dans l'esprit du peuple, l'Assemblée nationale et le roi ? L’Ass mblée a remarqué sans doute la perfidie du mot substituèrent, qui semble indiquer que réellement quelques légionnaires ôtèrent la cocarde nationale pour prendre une cocarde blanche; mais il est avéré que plusieurs compagnies de la légion n’ont jamais porté que des cocardes b'anches depuis leur formation; et j’ajoute que plusieurs membres du club, qui composaient l’ancien conseil permanente! avaient en cette qualité la direction de la légion, ont toléré pendant plusieurs mois, lorsqu’on montait la garde en leur présence à l'hôtel de ville, que ces mêmes compagnies portaient la cocarde blanche, et ce fait est positif. Qu’en conclure ? Rien de contra re au zèle patriotique des membres du conseil permanent, parce qu’il était assez indifférent dans Nîmes de porter une cocarde ou de n’en pas porter, de la porter blanche ou aux couleurs de la nation, parce que les unes et les autres étaient également le signal des patriotes, parce qu’on ne faisait aucune distinction. Je me garderai donc bien d’appliquer au conseil permanent la réflexion qui suit ce paragraphe calomnieux. Notre municipalité (dit le club) témoin comme nous (ils l’avaient souffert pendant six mois) de cet acte séditieux et ne pouvant en ignorer tout le danger, au lieu d'arrêter le mal dans sa source... L’Ass' mblée n’a pas oublié, sans doute, que la source des cocardes blanches remontait en novembre 1788, ensuite au mois d’août 1789, c’est-à-dire huit mois avant la formation de la nouv« lie municipalité et sous le règne du conseil permanent. Il ne doit rester aux esprits impartiaux, d’après cette explication, aucun doute sur la conduite ne la municipalité, que M. le ranporteur vous a annoncée comme répréhem-ible d’avoir laissé arborer à Nîmes la cocarde blanche, et sur les intentions pures des citoyens de Nîmes qui la portaient. Mais, vous a dit M. le rapporteur, les officiers municipaux sont au moins répréhensibles de ne l’avoir pas défendu plus tôt. M. le rapporteur a oublié, sans doute, que la proclamation du roi, qui défend la cocarde blanche, est postérieure d’un mois à n lie de la municipalité. J’avoue que ce n’est pas sans surprise que j’ai entendu vous proposer, au nom de vos comités, une disposition contraire à la déclaration des droits. Il est dit, articles cinq et huit-. « Tout ce qui n’est pas défendu par la loi, ne « peut être empêché, et nul ne peut être contt traint à taire ce qu’elle n’ordonne pas. » « Nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi « établie et promulguée antérieurement. » C’est un fait positif que la proclamation du roi, qui interdit les cocardes blanches, n’a eu lieu à Paris que le 28 mai, et u’a été affichée au Languedoc que le 13 juin. On pouvait donc porter, à cette époque, des cocardes blanches, sans être répréhensible ; la loi qui les a défendues est donc postérieure de 6 semaines à la proclamation de la municipalité du 29 avril, qui défend toutes les distinctions et très expressément les cocardes qui ne sont pas aux couleurs de la nation. La proclamation du roi est encore postérieure de 18 jours à la dislribution d<- 94 douzaines de cocardes aux couleurs de la nation, faite par la municipalité: donc la municipalité ne peut être répréh nsible aux yeux des législateurs, pour n’avoir pas déféré à une loi qui n’existait pas encore; donc le reproche fait par M. le rapporteur est anéanti, donc la phrase insérée dans le préambule du décret relativement à la cocarde blanche, ne peut plus (1) subsister. Le mai , planté devant la porte de la mairie a donné lien à une seconde calomnie ; je prie l’Assemblée de se rapneler les faits que j’ai eu l’honneur de lui affirmer en arrivant du Languedoc, et dès le moment que j’ai eu connaissance du décret qui de mandait le maire de Nîmes à la barre. J’ai dit, et j’affirme sur mon honneur que ce mai était orné de rubans aux couleurs de la nation, fait attesté par une foule de témoins et qui n’a pu être contredit par aucun, malgré tous les soins qu’on a pris à cet égard, ce fait essentiel répond à la calomnie suivante, insérée dans l’adresse du club ; « Dans ce moment, il se passait chez le maire « une scène encore plus scandaleuse : la veille, « 2 compagnie-, où les gens séduits ou égarés « sont en grand nombre, avaient élevé un mai « devant sa porte et le maire les avait (2) ras-« semblés chez lui, le di nanche, à déjeuner; « quelques-uns vinrent en cocardes blanches, et « le sentiment de la reconnaissance l’emportant « sur celui de son devoir, il souffrit que ce signe « antipatriotique fût gardé sous s«*s yeux, eu se « contentant de le désavouer vaguement; les « cocardes restèrent. » Autant de mots, autant de calomnies ; et d’abord je n’ai jamais souffert chez moi de cocardes blanches : dès 1 ■ lendemain de mon in-tallation, je n’ai cessé de dire hautement qu’il ne fallait pas de distinction entre légionnaires; que la cocarde nationale que je portais était la seule qui lût portée à Paris, la seule que le roi lui-même eût adoptée, « en déclarant que le roi et la nation ne faisaient qu’un et é'aientinséparables # etqu’enfiu ma qualité de maire de Nîmes et surtout de représentant de la nation ne me permeitait pas d’en souffrir d’autres en ma présence. Il est encore une vérité qui frappera les représentants de la nation, c’est que successivement le sombre des cocardes blanches avait tellement diminué dans Nîmes (au lieu d’augimmt r comme on l’a faussemenlavancé), que le dimanche 2 mai, sur la promenade du cours, qui est le rendez-vous des citoyens, il n’y avait pas en tout 50 cocardes blanches; en sorte que, faute de trouver à maltraiter des porteurs de cocardes, on sabra les citoyens qui n’en avaient point ou qui en avaient aux couleurs de la nation : fait essentiel, attesté par une foule de témoins, notamment par les 14, 15, 17, 20, 21, 28, 38 et 56. (1) Le côté gauche jugeant seul a pensé autrement et a donné un effet rétroactif à la loi. (2) Dans le précis imprimé à Paris, par les soins de M. Habaud, et distribué à domicile, on lit, page 13 : M. le maire donna à déjeuner à 30 des Légionnaires à cocardes Hanches ; ce qui est une calomnie de plus. 412 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 février 1791.) II est un autre fait qui m’est personnel et qui a été répété, quoique faux, d’après l’adresse du club, avec tant de complaisance, dans les mille et un journaux qui font circuler chaque jour les calomnies les plus atroces, qu’il exige de ma part une réfutation aussi simple que positive; je veux parler du prétendu déjeuner , inventé par la perfidie, publié par la méchanceté et adopté sans preuve. Je commence par déclarer hautement, solennellement, que non seulement je n’ai pas invité, ni même donné à déjeuner, ni même don é de l’argent pour se régaler (quoique ce soit l’usage), aux citoyens qui ont planté le mai, devant ma porte ; je fais plus : je déclare colomniateurs aux yeux de la nation, et ceux qui ont avancé ce fait faux, dans l’adresse présentée à l’Assemblée, et ceux nui l’ont répété dans un précis historique des désordres arrivés à Nîmes, précis imprimé chez l’imprimeur de l’Assemblée nationale et envoyé avec affectation au domicile de chaque député: j’ai sommé les uns et les autres de prouver le fait, et leur silence est une preuve authentique qu’ils m’ont indignement calomnié auprès de l’Assemblée nationale. Le club ose appeler scène scandaleuse la plantation d’un mai en face de l’hôtel du maire, mais cet usage est général en Languedoc ; il est d’usage encore de présenter dans un plat un bouquet et un gâteau; en prenant le bouquet et un morceau de gâteau on donne ordinairement une somme suffisante pour indemniser des frais et payer les réjouissances. Certainement, en me conformant à l'usage, en donnant de l’argent, je n’aurais fait qu’une chose toute simple, point répréhensible, et dans aucun cas je ne pouvais être responsable de la somme donnée ; heureusement pour moi, dès la’ veille de mon installation, j’avais suivi, conjointement avec mes collègues, des principes qui ne nous permettaient pas d’encourager des réjouissances dans le moment où la stagnation du commerce et des fabriques augmentait chaque jour la détresse de 10,000 de nos concitoyens; nous supprimâmes les repas de société, même d’étiquette, à l’installation des officiers municipaux, nous voulûmes consacrer ce jour par un acte de bienfaisance; nous voulûmes que, au lieu de fêtes et de réjouissances qui semblent insulter à la misère du pauvre, il recouvrât dans le même instant les vêtements dont le besoin impérieux de la faim l’avait fait se dépouiller, pour assurer sa subsistance et celle de sa famille En effet, les officiers municipaux et les notables ont remboursé les avances du mont-de-piété et ont fait rendre, par MM. les curés, et les membres du consistoire protesta t, à la fois et sans distinction d'opinions religieuses , les nombreux gages qui y étaient déposés pour les prêts de 5 livres et au-dessous (t). Fidèle à mes principes qui ne me permettaient (1) Qu’il me soit permis d’observer que c’est au zèle et à la bienfaisance de l’évêque de Nîmes et de quelques citoyens, parmi lesquels j’ose me nommer, que la ville de Nîmes doit l’établissement, non d’un mont-de-piété proprement dit, mais d'un prêt gratuit de charité, établissement dont j’annonce avec confiance les avantages multipliés aux représentants de la nation, persuadé que leurs soins paternels les multiplieront dans le royaume. En effet, on y reçoit et l’on y rend, sans aucuns frais, les effets déposés ; on avance gratuitement une somme proportionnée, et pour le terme fixé par le citoyen indigent lui-même; des administrateurs bienfaisants (et ces places sont recherchées d’avance) fournissent charitablement à tous les frais quelconques. pas d’encourager et de provoquer de folles dépenses dans un moment de détresse générale, je demandai à mes concitoyens la permission de payer les fiais de la musique du régiment; ce que je fis sur-le-champ, moyennant 21 livres. J’ajoutai, que, dans un moment de calamité, il ne fallait ni repas ni réjouissances; que l’amour et l’attachement ne se payaient que par l’amour et que je doterais une pauvre et vertueuse fille d'agriculteur qu'ils choisiraient eux -mêmes. Sur leurs observations qu’ils étaient de deux quartiers différents, Mme de Marguerittes se chargea de doter la seconde. Je partis peu de jours après ; les choix n’étaient pas faits encore et la somme n’a pas été comptée. M. le rapporteur, convaincu que l’invitation chez le maire et le déjeuner prétendu donné étaient dénués de preuves, n’a fait aucune mention de cette inculpation; mais il a eu soin de rapporter quelques dépositions qui annoncent qu’on a vu, le dimanche, des légionnaires boire et manger à la porte du maire. La réponse est simple. A mon arrivée à Nîmes, on établit un corps de garde dans une salie basse de mon hôtel pour contenir l’affluence d’-s citoyens. Le mai ayant attiré beaucoup de monde, les volontaires qui le gardaient restèrent 24 heures de suite, et burent et mangèrent dans le corps de garde qui donne sur la rue, mais ce fut à leurs dépens. On a vu que j > m'étais contenté de promettre la dot de deux filles. C’est encore une fausseté d’annoncer que la maison du maire est gardée en ce moment (et la date de l’adresse est du 4 mai), jour et nuit , par les compagnies malveillantes ; ce sont ses suppôts ordinaires. J’affirme que ce fait est faux et que ni la nuit du 2 au 3 mai, ni le 4 mai, jour où l’adresse fut rédigée et envoyée, ni les jours suivants, personne n’a monté la garde chez moi. J’ajoute qu’un homme fort riche de la ville et membre du club, s’étant oublié le 2 mai jusqu’à dire hautement dans la rue « qu’il fallait couper la tête du maire et la porter au bout d’une baïonnette », fait dénoncé le 13 mai par le procureur de la commune au procureur du roi au présidial, « qui n’a pas daigné en informer »,mais dont la preuve est acquise par la déclaration solennelle de « 4 témoins » , consignée dans les procès-verbaux remis aux comités des recherches, les citoyens indignés voulaient faire justice de ce propos incendiaire si le maire, lui-même, n’avait représenté comme un insensé celui qui était capable de tenir un pareil discours. Cependant, ce propos s’étant répandu, un grand nombre de citoyens de toutes les classes vinrent m’offrir de m’accompagner partout et de monter la garde jour et nuit dans ma maison. J’ai refusé constamment cette nouvelle marque d’intérêt et d’attachement. Je dirai plus, la prudence exigeait certaines précautions; on parlait d’étrangers arrivés secrètement dans lavilje; des troupes armées (1) se présentaient de nuit dans les faubourgs ; l’inquiétude était générale et cependant je ne me suis reposé sur personne du soin de veiller et. d’assurer la tranquillité publique. Fier et fort du témoignage d’une conscience irréprochable, ferme et tranquille, malgré les manœuvres, les menaces et les propos incendiaires des malveillants, je parcourais, la nuit, les différents faubourgs de la ville, accompagné de deux hommes seulement; on a souvent regardé (1) Notamment le dimanche précédent. | Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 février 1791.J 413 comme téméraire celte sérénité inaltérable, mais celui qui a passé sa vie entière à faire du bien à ses concitoyens, doit-il redouter les entreprises de quelques malveillauts? Non, sans doute; il ne doit craindre que les calomnies, et surtout la prévention qui les fait accueillir. Il est essentiel de repousser victorieusement une autre assertion calomnieuse, dont les suites pourraient être daulant plus dangereuses qu’elle a été répandue dans le royaume avec une proL fusion incroyable et distribuée à tous les membres de l’Assemblée, à leur domicile. On y lit : « Les troubles qui s’étaient élevés au moment de la tenue des assemblées primaires faisaient craindre de nouveaux désordres pour celle de l’assemblée électorale, et malheureusement la municipalité, « déjà suspecte de connivence avec les ennemis du bien public », venait de donner plus de fondement à ces soupçons. Le 4 mai, elle avait concédé aux sieurs François Froment et Fotacher un terrain inculte, sous la seule condition d’en payer les charges ; et c’est par cette concession que ces 2 hommes, connus pour être les chefs du parti antipatriotique, furent dans le cas d’être élus. » Si l’envie de nuire n’avait pas aveuglé les commissaires du club, en compulsant les registres de la maison commune, ils n’auraient pas osé présenter comme un acte de connivence ce qui n’était qu’un acte de justice, ce qui n’était que l’exécution des déclarations du roi et des arrêts de la cour des aides, ce qui était enfin l’ouvrage de l’ancienne municipalité et le complément d’une adjudication faite les 2 et 3 décembre 1789 et 2 janvier 1790, à 34 citoyens, parmi lesquels se trouvaient Folacber et Froment, c’est-à-dire quatre mois avant l’installation des nouveaux officiers municipaux. Les baux passés, et qui ont été compulsés par le club, contiennent le narré très long de toutes les formalités qui ont été observées, des renvois faits par les nouveaux officiers municipaux, et établissent que « personne autre 11’a fait de condition meilleure ». Enfin, ce qui prouve la noirceur de la calomnie, c’est que sans cette adjudication même, le sieur Folacher payait depuis longtemps plus de charges qu’il ne fallait pour être citoyen actif. Les certificats les plus authentiques, ensemble l’extrait du bail passé, sont remis au comité des recherches et démontrent la noire perfidie des dénonciateurs. C’est cependant d’après une simple adresse rédigée par eux, par eux les ennemis connus de la municipalité, que sou chef a été mandé à la barre pour rendre compte de sa conduite et de celle de la municipalité, sans avoir été entendu, sans avoir au moins daigné lire les procès-verbaux qu’il avait adressés à M. le Président de l’Assemblée et qui étaient arrivés deux jours avant le décret; car il résulte des cotes, mises dans les bureaux de l’Assemblée, que les procès-verbaux rédigés par les officiers municipaux les 2, 3 et 4 mai, sont parvenus exactement à leur adresse le 9 ei 10 mai, puisqu’on voit en tête : R. le 9, R. le 10 A lire. Et cependa n t, par quelle fatalité ces piècesintéressantes, ainsi cotées, adressées à M. le Président de l’Assemblée, n’ont-elles pas été mises sous les yeux des représentants de la nation, avant de rendre le décret du 11 ? Par quelle fatalité n’a-t-on lu le 11 que l’adresse calomnieuse du club dénonciateur du 4 mai, qui ne parle pas de la réconciliation (1) et de la réunion subite de fous les citoyens, consignée dans les détails envoyés, le même jour 4 mai, à l’Assemblée nationale par les représentants de la commune? Ils annonçaient que le calme était rétabli, « pour l’activité infatigable, par la fermeté et le courage de M. le maire. » Ce n’était pas sans doute pour donner occasion à un honorable membre de dire : « Gomment qualifier (1) l’insouciance de la mu-« cipalité? Au moment où il se passede pareils évé-« nements; nous les apprenons, nonpar le maire , « mais par un club patriotique. Je demande si le « courrier de la municipalité n’aurait pas dû « précéder tous les autres ; je demande, dis-je, « comment les amis de la paix peuvent excuser « une pareille conduite; et je conclus en disant « que l’Assemblée a le droit de mander à la barre « le maire de Nîmes, et qu’il y a preuve suffi-» santé pour lui ordonner de rendre compte de « sa conduite. » Si l’Assemblée n’avait pas adopté l’avis de cet honorable membre, ije lui dirais à mon tour : Eh ! quoi, vous, représentant de la nation, vous, par-iisant zélé de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, vous qui vous êtes montré l’apôtre de la liberté individuelle de chaque Français, vous osez déclarer qu’une dénonciation sans pièces justificatives, sans légalisation, sans aucune marque d’authenticité, vous paraît une preuve suffisante pour mander à la barre le chef d’une commune importante, à l’effet par lui, de venir rendre compte de sa conduite et de celle de la municipalité! Mais le décret qui le prononce n’est-il pas déjà une inculpation publique? N’esi-ce pas compromettre avec légèreté l’autorité et le nom du chef d’une municipalité, que de le forcer à la nécessité d’une justification? Un maire n’a-t-il pas « sa force dans l’opinion publique, sa « principale dignité dans le respect et l’amour de « ses concitoyens ? Et n’est-ce pas surtout dans « les circonstances critiques qu’il est essentiel « de lui conserver ces deux titres si puissants « pour opérer le bien » ? Je lui dirais : Vous qui avez conclus pour mander à la barre le maire de Nîmes, le il mai, sur la simple dénonciation d’un club composé de malveillants, qui voulaient se soustraire à l’autorité légitime et cherchaient à dominer sur Je pouvoir administratif, ou plutôt à l’envahir par fouies sortes de moyens; vous qui ne vous êtes pas informé préalablement s’il n’existait pas dans les archives de l’Assemblée un compte-rendu par la municipalité de Nîmes, vous concluez, le 11, à mander son maire à la barre, et, le lendemain 12, vous faites déclarer par un autre décret de l’Assemblée que des officiers municipaux, mis en prévention, pour les faits les plus graves, tels que l’assassinat u’un officier respectable, consommé sous leurs yeux, et presque entre leurs bras, tels que l’invasion à main armée d’une citadelle « sont inviolables, et que des officiers pu-« blics ne doivent point être provisoirement hu-« miliés sur une simple dénonciation, avant « d’être entendus, et qu’il ne fallait pas surtout « enlever des administrateurs à une commune « qui avait besoin de leur présence » ! Quel contraste entre vos principes de la veille et ceux du lendemain ! Que de fatales consé-(1) Le 26 février, jour du jugement, M. Barnave a réitéré le même reproche, détruit victorieusement ci-après; et lorsque M. de Marguerittes a demande à diverses reprises la parole pour rétablir la vérité des faits, on a crié: Aux voix ! (1) Elle avait eu lieu à trois heures, et le courrier ne part qu’à six. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |22 février 1791.J 414 [Assemblée nationale.] quences sont résultées de cette variation ! Que de regrets amers doivent suivre un avis inconsidéré, quand on pense que les 2, 3 et 4 mai, des factieux tentèrent vainement, à plusieurs rej ri-ses, d’exciter à Nîmes une guerre civile, d’armer les soldais de Guyenne contre les habitants, une partie de la légion contre l’autre partie, les citoyens contre les citoyens, de faire arriver une horde indisciplinée d’étrangers; et quand on voit que tous ces projets destructeurs ont été connus, prévenus, arrêtés, rendus vains et infruct ieux par la vigilance continuelle des ofticiers municipaux et de leur chef, qui, pour lécompensc a été mandé à la barre ! Si l’on jette ensuite les yeux sur les cruels événement des 13, 14, 15, 16 et 17 juin, sur plus de 100 maisons pillées et ravagées, sur plus de 300 citoyens enlevés à leurs familles, et froidement, tranquillement massacrés, apiès les avoir arrachés de leur dem-ure et des bras de leur femme et de leurs enfants, alors on est justement indigné contre les calomniateurs du maire de Nîmes. On lit encoie dans l’adresse, et ce reproche a été adopte par M. le rapporteur: « Malgré le désordre affreux qui règne depuis « trois jours, les troupes n’ont point été requises, « leur service même a été refusé par le maire, « et la loi martiale n’a point été publiée... Ce « n’est qu’à la sollicitation du chef du régiment « de Guyenne, aussi digne citoyen que respec-« table militaire, que la loi martiale vient enlin « d’être publiée. » La réponse à cette fausse allégation qui ne tend à rien moins qu’à inculper le moire et les ofticiers municipaux de Nîmes, d’une négligence coupable, se trouve consignée dans la déclaration de M. de Bonne lui-même et de tous les officiers du régiment, en date du 6 mai, et par conséquent anterieure au décret du 11, déposée depuis longtemps au comité des recherches et passée sous silence par M. le rapporteur. « Nous soussignés, lieutenant-colonel et nous « lieutena t en premier au régiment de Guyenne, « ceititions par amour pour la vérité que, nous « étant rendus 1- lundi 3 mai sur les 7 heu es, « à l’hôtel de ville, nous fini s part à MM. les « offiiiers municipaux de l’accident arrivé à un « grenadier du régiment de Guyenne, qui venait « d êire blessé dangereusement d’un coup de « fusil au bras, pur un quidam qu’il n’a pu re-« connaître; nous ajoutâmes que d’autres sol-« dats avaient reçu ues blessures moins consi-« durables; que, dans ces circonstanc s, et pour « éviter de grands malheurs, il paraissait conve-« nable de prendre les précautions nécessaires « pour ca mer les esprits et empêcher que les « attroupements ne vinssent à recommencer. « Que M. le maire nous répondit que MM. les « officiers municipaux, après avoir fait tout ce « qui était en leur pouvoir pour faire cesser ces « rixes particulières, sans être assez heureux « pour y parvenir, étaient occupés à rédiger une « proclamation de la loi martiale, pour la faire - « publier sans délai, quelque les circonstances « leur parussent critiqi.es et dangereuses, vu que « les membres de la légion et les soldats du régi-« ment de Guyenne qui devaient faire EXÉCUTER la « loi martiale étaient ceux contre lesquels il fcil-« lait la proclamer-, que cette même considé-«< ration les avait ar; étés la veille, mais qu’il était « imp issible de reuvuyer à un pms long terme. « Sur quoi, nous, officiers, ci ûmes devoir observer « à MM. les officiers municipaux que les soldats « étaient rentrés dans leur quartier, et que « vu « les circonstances » et l’approche de la nuit, on « pouvait attendre jusqu’au lendemain ; que (- d’ailleurs nous ne venions pas réclamer la pro-« cia nation de la loi martiale, mais seulement « nous concerter sur les moyens les pins propres « à calmer l’effervescence générale et que nous « élions les premiers à demander que si quel-« qu’un de nos soldats ou sous-officiers avait été t la cause de l’émeute de dimanche, ils fussent «punis: après quoi nous nous retirâmes; et « étant au bas de l’e-calier de l’hôtel de ville, « M. de Lamillianchère remonta pour réitérer à « MM. les officiers municipaux que, loin de récla-« mer la proclamation de la lot martiale, nous » les priions d’attendre les événements du len-« demain; à quoi MM. les officiers municipaux « consentirent, sur la promesse respective que, « de grand malin, tous les officiers du régiment « de Guyenne se rendraient aux casernes et que « MM. les ofticiers municipaux doubleraient pen-« dant la nuit les patrouilles, dont l’ordre fut * donné devant nous à deux compagnies de la « légion, par M. le maire. « ANimes ce 6 mai 1790, signé : Le chevalier de Bonne-Lesdiguière , chevalier de Lamillianchère. « Pour rendre hommage à la vérité, les offi-« ciers du régiment de Guyenne certifient que « M. le maire et MM. les officiers municipaux se « sont portés avec zèle, et avec la plus grande « activité, partout où leur présence était néces-« t-aire, pour mettre le bon ordre, le calme et « ta paix, n’ayant [tas craint de s’exposer au « danger qui paraissait imminent pour eux. » Suivent les signatures. D'après cette pièce authentique, comment qualifier l’audace de lauieur du Pré is historique envoyé à domicile, qui ose dire page 15 : « que « le lieutenant-colonel vint à I hôtel de ville « signifier au maire que s’il ne faisait pas inces-« samment proclamer la loi martiale, U ne ré-« pomiait ni de son régiment, ni des suites? Il « exigea même, ose-t-on ajout' r, que le maire se « fît accompagner de deux compagnies de Bonne « et non pas de celles de la Croix. Cet acte de « rigueur et de patriotisme de M. de Bonne, « décida le retour de l’ordre. » On ne se permet aucune réflexion, même sur ce propos piété faussement (1) à M. de Lesdt-guièie, ainsi que sur la mauvaise plaisanterie relative aux compagnies de la Croix. D'ailleurs est-il fondé , le repioche fait aux officiers municipaux de Nîmes, de n’avoir pas publié le lundi maiin la lot martiale, et de n’avoir pas employé les moyens de rigueur qui étaient en leur pouvoir pour dissiper un attroupement de quelques cultivateurs qui se dispersèrent par le chemin, à la première injonction du maire, sans avoir commis aucun dégât, ni d’autres excès que de courir après un garde national qui, la veille, leur avait donné des coups de sabre? Ehî qui leur fait ce reproche? Les mêmes membres vous ont dit : « La loi devient sans force lorsque ceux « qui sont chargés de la faire exécuter n’ont pas « la confiance du peuple; dans une ville surtout, « où deux partis s’entrechoquent, des officiers « municipaux dont la principale puissance con-<• siste d ns la considération personnelle qu’ils « inspirent, ne peuvent espérer la tranquillité, (1) Le maire de Nîmes a préféré lire la lettre du lieutenant-colonel à M. le président du comité des recherches, qui déclare que le procès-verbal de la municipalité est plus vrai que tout ce qu'il pourrait dire. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 février 1791.] 415 '< si, toujours obl'gés d’employer la force, ils ne « peuvent compter sur les moyens de persuasion « et de confiance. » Qui leur fait ce reproche? Ceux-là même qui, instruits du pillage de l’hôtel de Gastries, n’ont pas même songé à demander à M. le maire de Paris, pourquoi dans un attentat aussi contraire aux décrets de L’Assemblee et au respect qui est dû à des législateurs suprêmes dans le lieu de leur résidence et à la déclaration des droits de l’homme et du c toyen, la loi martiale n’avait pas été publiée ? Ce qui a rendu inutile et par conséquent dangereuse, la présence de l’infatigable garde nationale parisienne. Qui leur fait ce reproche? Ceux qui ont reproché « aux corps administratifs de Nancy de ne « s’être pas servi de leur ascendant sur les « troupes pour les ramener à l’obéissance et « d’avoir consenti à faire battre la générale dans « la matinée du 31 ». Ainsi, des principes contradictoires sont mis en avant et sont proposés pour servir de base aux décrets de l’Assemblée suivantque leur application est favorable ou nuisible à tel ou tel parti. Loin du théâtre des insurrections et des troubles, qu’il est aisé de dire: à Toulon, M. d’Albert a montré une fermeté trop inflexible; à Marseille, M. de Beausset était attache à l’ancien système , à Nancy, les officiers municipaux ont montré une coupable inertie dans les moments périlleux; à Nîmes, le maire a trop compté, au mois de mai, sur les moyens de persuasion et de confiance, et en juin, les officiers municipaux se sont cachés, ont pris la fuite, tandis que huit d’entre eux, frappés, injuriés, excédés ne coups pendant trois jours, ont échappé, comme par miracle au fer et au feu des assassins; ainsi, suivant qu’un homme en place peut être soupçonné de regretter intérieurement quelques parties de l’ancien système, il est également dangereux pour lui d’employer les moyens de la rigueur ou de la conciliation. Loin de vous, Messieurs, le dangereux exemple de souffrir qu’on ose scruter les intentions pour calomnier jusqu’aux actes de bienfaisance; nul n’est à l’abri des accusations qui s’attachent à la pensée; les discours publics, les seules actions d’uu homme en place appartiennent à l’examen et à la justice des hommes. Eh! n’est-il pas encore trop facile à des ennemis cachés, certains de l’impunité, d’envenimer les actions les plus innocentes, je dirai même les plus prudentes et les plus sages? Que fera donc un homme en place? Ce qu’il ferai... 11 se pénétrera bien de l’étendue de ses devoirs ; convaincu que les moyens doux, justes, légaux sont préférables eu général aux moyens violents, à ces remèdes extrêmes qui sont, aux yeux des gens de bien, le plus grand des malheurs, il s’exposera aux traits de la calomnie, mais il emploiera dans le principe les voies de la persuasion, pour maintenir le bon ordre et terminer tous les débats en rapprochant tous les esprits. Environné d’écueils cachés, un bon pilote municipal prend conseil des circonstances ; il n’écoute que sa conscience et ses lumières ; contrarié par les bourrasques des factions contraires, il dirige constamment la marche du vaisseau politique vers le purt de la concorde; il poursuit sa route invariablement, il maintient la paix et l’équilibre par une vigilance continuelle, ou les fait renaître par des soins assidus et une stricte impartialité, loin de lui le désir d’une glaire aussi fausse qu’instantanée, plus loin encore tout triomphe éclatant et sanguinaire ; il ne veut devoir qu’à la prudence mêlée de fermeté, qu’à l’esprit de con-ciiliation mêlé de sagesse, le calme et le bonheur de sa patrie ; satisfait de l’avoir préservé des plus grands malheurs, il ne calcule pas les dangers personnels qu’il a courus, ni ceux que lui préparent la calomnie et les factieux dont il a déjoué les projets. Prêt à faire le sacrifice de sa fortune et de sa vio, il ne fait jamais celui de sou honneur ; et comme il n’aspire qu’au suffrage de sa conscience, la plus douce récompense des bonnes actions, il sait se contenter de sa propre estime et du jugement impartial du plus grand nombre de ses concitoyens. Ainsi faire le bien sans intérêt, empêcher l’explosion des deux volcans alimentés par la haine et par la jalousie de diverses compagnies de la garde nationale, prévenir, au mois de mai, par son activité et sou dévouement patriotique, le carnage et les pillages qui ont eu lieu au mois de juin, voilà un des crimes du maire de Nîmes, qui vous a été dénoncé par M. le rapporteur. Vous verrez bientôt, Messieurs, dans le précis des événements du mois de mai, combien la circonspection était nécessaire avant la publication de la loi martiale, et vous donnerez peut-être des éloges à celui-là même que vous avez cru devoir mander à la barre p .ur rendre compte de sa conduite. Il paraît superflu de relever également plusieurs fausses allégations. C’est par cette raison qu’on ne s’arrête pas à la dénonciation faite par le club, de certains libelles qu'il a même adressés au comité des recherches ; mais la plupart de ces ouvrages avaient été imprimés et répandus en novembre et décembre, pendant le régime du conseil permanent et trois mois avant L'installation de la nouvelle municipalité , ils ne circulaient même plus à cette dernière époque; quant aux placards et autres feuilles infâmes, on affirme qu’elles n’ont point été imprimées à Nîmes; on a fait chez les libraires et chez les imprimeurs des recherches aussi multipliées qu’infructueuses; on a employé vainement tous les moyens pour en découvrir les colporteurs : serait-il donc impossible que cet écrit fût venu du dehors, comme tant d’autres que l'on fait circuler dans le royaume, que dis-je? Sous les yeux et même dans le sanctuaire de l’Assemblée nationale. Quant aux placards manuscrits, malgré les perquisitions les plus exactes, le procureur de la commune n’a rien pu découvrir à ce sujet ; et n’en sera-t-il pas de cette allégation comme des prétendues cocard.es noires surmontées d'une croix blanche? Oq ne peut se dispenser de dire que, le vendredi 14 mai, les sieurs Louis Salies et Marc-Antoine ûarlac, notaire, se présentèrent au corps municipal et lui remirent, aux noms des citoyens actifs composant le club des amis de la Constitution, une pétition portant que, malgré l’ordonnance qui interdit toute autre cocarde que la nationale, il s’en prépare un grand nombre de noires surmontées d'une croix blanche , ce qui ne peut que faire présumer de coupables desseins. Les officiers municipaux font des recherches pour découvrir ces cocardes noires, surmontées d’une croix blanche, cocardes que l'on accusait les catholiques de faire fabriquer pour indiquer une nouvelle croisade. Il e?i résulté des informations, qu’en même temps que le même jour où le club dénonçait à la municipalité età la France entière, par ses folliculaires (1) stipendiés, ces nouvelles (1) Voyez le n° 293 de l’Assemblée nationale et commune de Paris, du lundi 24 mai. On sait quel eu est 416 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 février 1791. J cocardes, on répandait avec profusion, dans la capitale, des lettres de Nîmes des 13 et 14 mai, dans lesquelles on annonçait que les ennemis de la liberté étaient parvenus à y égarer les esprits à un tel point, « qu’il n’était question que de croi-ii sade et de guerre de religion ; que ce n’était plus <• la cocarde "blanche qui était devenue la couleur « des fanatiques, qu’il était question d’arborer « la cocarde noire avec une petite croix blanche « au milieu, etc. » Il a été avéré qu’il n’avait été fait qu'une seule cocarde noire, surmontée d’une croix blanche, « par le sieur Vessière, ouvrier « non catholique ; que c’était un membre du club « des amis de la Constitution, lequel a signé la « pétition contre ces mêmes cocardes, qui la lit « commander et payer par le sieur Avy, son com-« mis » ; il est avéré, enfin, que la pétiiion fut présentée au corps municipal le 14 mai après midi; que la vente de cette cocarde, par le sieur Vessière n’a eu lieu que le même jour 14, à 9 heures du matin; qu’il n’y a eu que celle-là de vendue dans toute la ville et que les prétendues lettres de Nîmes insérées dans les journaux qui parlent « du fanatisme hypocrite de la croix et « etdessuggestionsdes prêires etdes catholiques, « sont datées du même jour 14 ». Cette manœuvre employée par les ennemis de la municipalité, et dont M. le rapporteur n’a (1) fait aucune mention, jette un grand jour sur les prétendus placards, sur les cris indécents contre la nation, qui n’ont été entendus que du club et de ses adhérents : et certes, qui peut se flatter d’éviter toujours de pareils pièges et d’échapper aux entreprises des calomniateurs, et aux filets adroits qu’ils ne cessent de tendre autour des magistrats intègres ? Il est encore un reproche fait au maire de Nîmes par M. le rapporteur, auquel il sera facile de répondre, en remettant sous les yeux de l'Assemblée les propres paroles prononcées par M. de Marguerittes, « et consignées dans le procès-verbal « coté n° 1. » Voici le reproche fait par M. Alquier : Pourquoi M. de Marguerittes averti, et par les obligations qui lui sont imposées, comme maire, et par les devoirs plus pressants encore attachés à son titre de député à l'Assemblée nationale, « n’a-t-it pas dissipé les alarmes que l’on voulait « faire naître sur la liberté du monarque, lui qui « avait été témoin de la séance mémorable du « mois de février »? M. le rapporteur ajoute, quelque temps après : «■ Le maire de Nîmes n’a pas fait ce que la le principal rédacteur, ou celui qui a fourni l’article de Nîmes. (1) Ici, M. le rapporteur, fatigué du refrain si souvent répété, et c’est encore une des pièces passées sous silence dans le rapport, a pris la parole pour observer qu’il n’a pas rendu compte à l’ Assemblée d’un grand nombre de pièces qui ne lui avaient pas paru aussi esentielles qmaux parties. A quoi M. le maire de Nimes a répliqué que M. le rapporteur s’était appesanti avec complaisance sur certains détails minutieux, concernant quelques bouteilles de vin bues à leurs dépens, par des ouvriers, à la porte du maire, aurait pu regarder, comme oigne des regards de l’Assemblée, un procès-verbal qui constatait qu’un membre du club (qui avait signé lui-même la dénonciation faite à la municipalité de cocardes noires surmontées d’une croix blanche comme do signe d’une nouvelle insurrection) avait commandé, le jour même de la dénonciation, l’unique cocarde de cette espèce faite à cette époque. L’Assemblée n’a pas jugé ce fait aussi peu important qu’il a paru à M. Alquier, et l’a témoigné. « prudence exigeait de lui pour prévenir les trou-« blés, et sa conduite, vraiment répréhensible, « justifie (1) le décret du 11 mai, qui le mande à « la barre. » Voici la réponse extraite d’un discours, inséré en entier dans le procès-verbal ci-devant mentionné, remis au comité et prononcé par M. le maire de Nîmes devant les citoyens rassemblés : ce passage fut interrompu plusieurs fois (dit le journal de Nîmes n° 26, également joint aux pièces) par des applaudissements réitérés et des cris de vive le roi , plus souvent réitérés encore. « Membre de l’Assemblée nationale, j’ai été, « citoyens, l’heureux témoin de cette scène inté-« ressame. J’ai vu le meilleur des rois venir de a lui-même, sans faste, sans appareil, s’unir avec « les représentants de la uation de la manière la « plus intime, et manifester le désir le plus ardent « de ne professer avec tous ses sujets qu’une seule « opinion, qu’un seul intérêt, qu’une seule vo-« lonté. « J’entends encore retentir à mon cœur ces « expressions sincères de l’amour d’un bon prince, « uniquement occupé des moyens de rétablir le « calme et l’union, et d’assurer la félicité de son «< peuple, de ce peuple qui lui est si cher et dont « on lui dit qu’il est aimé quand on veut le con-« soler de ses peines. » Quoi! M. le rapporteur avait entre ses mains le procès-verbal; il en a fait mention dans son rapport, et il a pu se permettre un pareil reproche ! il a pu ..... Ce simple exposé justifie complètement le maire de Nîmes, et le dispenserait de toutes réflexions sur les autres inexactitudes qui se trouvent dans le rapport : en voici encore une bien frappante : Le 4 mai, dit M. le rapporteur, la ville était TRANQUILLE, la loi martiale fut publiée. Ici, Messieurs, la prévention se montre au grand jour : je somme, je défie M. le rapporteur de citer aucune preuve de celte prétendue tranquillité. Il ne peut la mettre en avant, que pour inculper la municipalité en lui prêtant le tort de n’avoir pas publié la loi martiale le lundi soir, quand il y avait du trouble, et de l’avoir publiée ensuite le lendemain 4 mai, quand tout était tranquille. Je crois avoir démontré, Messieurs, l'impossibilité et le danger de publier la loi martiale, avant le mardi matin (2). Mais tout était-il tranquille le mardi (comme le dit M. le rapporteur), quand on a publié la loi martiale? La négative est prouvée et les procès-verbaux qui constatent divers attroupements séditie ux, notamment dans les faubourgs, et par les déclarations qui constatent l’envoi de certains émissaires dans l’Avaunage et la Gardo-nenque; enfin il est prouvé qu’il y avait du désordre le mardi matin, par l’adresse même du club dénonciateur. Cette autorité ne paraîtra pas suspecte de favoriser la municipalité; elle est signée Rabaud-Dupui , et c’est d'après cette pièce unique que le maire de Nîmes a été mandé à la barre. On lit dans cette pièce datée du 4 mai : Voici le troisième jour que le désordre dure. Tout n’était donc pas tranquille le mardi ; les troubles avaient commencé le dimanche 2 mai à 6 heures (1) On sait que ce décret a été rendu sur une simple adresse du club de Nîmes qui n’était étayée d’aucune pièce justificative, et qu’on a laissé de côté, sans les lire, les procès-verbaux de la municipalité que l’on accusait de garder un silence coupable. (2) M. Rabaud en est convenu lui-même, dans sa réplique. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 février 1791. J du soir; ils ont duré trois jours : ils subsista;ent donc encore Le mardi quatre à 11 heures du matin ; donc tout n'était pas tranquille quand on a publié la loi martiale. Mais où M. le rapporteur a-t-il puisé cette inculpation? Où, Messieurs? Dans un précis imprimé chez Baudouin et distribué à domicile par les soins de MM. RabaudetVoulland. Voilà l’unique source du fail inexact avancé par M. le rapporteur, qui a cru cependant, devoir passer sous silence un très grand nombre de procès-verbaux ou de délibération du conseil général de la commune, parce que trop de raison ( dit-il ) ont dû les lui faire rejeter. Il avait sans doute des raisons contraires pour admettre le précis de M. Rabaud. Certains procès-verbaux de la municipalité, cependant, ont trouvé grâce devant M. le rapporteur; le premier renfermait quelques détails dont il a fait usage pour aggraver les torts de quelques prisonniers à pouf rouge, tandis qu’on ne trouve aucune mention, dans le rapport, des autres faits contenus dans le même verbal, qui établissent les excès commis à main armée par plusieurs soi-disant patriotes à pouf blanc, contre certains ofticiers municipaux qui ont failli succomber sous leurs coups. Le second verbal est relatif à une descente faite par la municipalité chez une demoiselle soupçonnée (dit-on) de mener une joyeuse vieav eu, dans l’élection des officiers municipaux, la part qu’ils pouvaient y prétendre'; c’était surtout (et il est impossible d’en douter) l’ambition trompée de quelques hommes, « plus amis de la domination que de la liberté, » qui aspiraient aux places du district et du département, et qui, pour satisfaire le désir de dominer, commencèrent à faire jouer les ressorts politiques et religieux, et jetèrent entre les citoyens de Nîmes ces semences de haine et d’animosité qui ont germé avec une rapidité inconcevable, et dont ils ont su profiter si habilement pour parvenir à leur but. Ce tableau préliminaire de la disposition des esprits et des véritables causes des troubles survenus à Nîmes était essentiel pour prouver aux représentants delà nation et à la France entière, que les soi-disant, « amis de la Constitution » dans Nîmes n’étaient pas toujours les amis » de l’ordre et de la tranquillité publique; » et que l’époque de l’établiss -ment du club a été l’épo-!ic fatale des entreprises les plus répréhensibles. n elùt, c’est depuis ce moment qu’on a vu se manifester une insubordination presque complète dans la légion, une division fatale entre les volontaires. C’est depuis ce moment quel’on n’a cessé d’emp!oyer toutes sortes de manœuvres pour corrompre quelques soldats et sous-officiers du régiment de Guyenne, et leur persuader que la municipalité, les prêtres, les nobles, les catholiques, étaient rebelles aux décrets de l’Assemblée nationale, et que les anciens privilégiés surtout étaient la cause que « l’augmentation de paye » ordonnée par les décrets de l’Assemblée nationale, « n’était pas encore effectuée (1) ». C’est ainsi que l’on a préparé les mouvements dangereux du mois de mai, apaisés par la fermeté et le courage des officiers municipaux, et les scènes sanglantes du mois de juin. En effet, une partie des anciennes compagnies, soutenues par le club, et dont les capitaines se trouvaient membres de cette association, affectèrent une espèce d’indépendance des officiers municipaux, et commencèrent à soutenir hautement que \e conseil permanent subsistait encore, et que c’était lui seul qui avait droit de diriger la lésion. Vainement les décrets de l’Assemblée avaient supprimé tous les « conseils permanents électoraux et autres, sous quelque dénomination que ce puisse être ». C’était bi n évidemment vouloir déclarer les gardes nationales indépendantes des municipalités, tandis que les décrets de l’Assemblée ont toujours consacré le principe de leur subordination. On ne s’en tint pas à des prétentions aussi exagérées; on se permit bientôt les entreprises les plus répréhensibles ; l’état-major de la légion indiquait, chaque jour, à l’ordre, la compagnie qui devait faire les patrouilles de nuit et se (1) Circonstance décisive. (1) M. le rapporteur n’en a fait aucune mention. 424 lAgfcmLléc nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 122 février 1791.1 rendre à l’hôtel de ville; chaque compagnie passait à son tour; quand celui des dernières compagnies reçues arriva, une de celles affidées au club se permit de faire des contre-patrouilles avec des armes chargées, ce qui pouvait occasionner les événements les plus funestes si ces différentes patrouilles s’étaient rencontrées. Le maire, instruit d’un acte d’insubordination aussi contraire à la tranquillité publique, et ne voulant pas donner trop d’éclat à une démarche des plus répréhensibles, se contenta de marcher toute la nuit avec deux de ses collègues, à la tête des patrouilles faites par la compagnie qui était de garde; il était averti, par des émissaires de la marche de la contre-patrouille, et après s’être séparé de ses collègues, et avoir fait retourner à l’hôtel de ville la compagnie de garde, il alla trouver la compagnie réfractaire; le capitaine était à la tête ; quelques sages et prudentes réflexions lui firent comprendre le danger et les suites funestes de son entreprise. Il convim rie ses torts, et le maire crut, pour un bien de paix, ne devoir point dresser de procès-verbal. Le colonel de la légion, instruit par le maire de tout ce qui s’était passé, annonça hautement la nécessité d’un règlement capable de maintenir i a police et la subordination ; ce règlement ne pouvait être que provisoire et ne devait avoir d’effet que jusques après l’organisation des gardes nationales annoncée par l’Assemblée. Les officiers municipaux se concertèrent avec plusieurs officiers de la légion et, le 13 avril, on publia le règlement dont quelques articles ont été improuvés dans le rapport. Vainement les rédacteurs de l’adresse du club avancent que, depuis la publication du règlement pour la légion, la division n’a cessé de s’accroître de légionnaire à légionnaire, et de citoyen à citoyen ; il est certain au contraire que, dès le mois d’août, septembre et octobre 1789, il s’éleva plusieurs différends parmi les membres de la légion, et le règlement n’a été fait qu’en avril dernier ; il est certain que ces différends ont occasionné des divisions, une insubordination qui plusieurs fois a contraint les colonels à donner leur démission; il est certain encore que ces divisions ont toujours été le fruit de l’ambition du parti le moins nombreux qui voulait dominer en choisissant exclusivement dans son sein les chefs de la légion comme il avait désiré de dominer dans la municipalité, comme il a cherché à dominer dans le district et le département. Dans le directoire du département, sur neuf membres, on compte six protestants. Ici, Messieurs, se présente une obervation importante: tant que le plus petit nombre a vu ses affidés diriger la légion et le conseil permanent, tant qu’il a maîtrisé la ville, on a joui de quelque tranquillité, parce que le plus grand nombre ne voulait que la paix, sans s’embarrasser d’une domination dont ü était peu jaloux; ce ne fut que d’après les abus multipliés d’un pouvoir despotique qu’il voulut balancer l’influence de la force armée, et partager au moins l’autorité; cette juste prétention fut bientôt le signal de la division et des entreprises les plus répréhensibles de la part de ceux qui voyaient avec peine échapper de leurs mains une autorité, objet unique de leur ambition démesurée. Eh! comment pouvaient-ils se plaindre d’un règlement nécessaire pour empêcher une scission entre légionnaires, d’un règlement proclamé par quelques officiers de la légion et le colonel; l’état-major n’avait-il pas proposé lui-même, au mois de mars, un règlement qui n’avait eu l’approbation que de quinze compagnies, sur quarante-cinq , et qui, par conséquent, avait été rejeté par une très grande majorité; le conseil général de la commune, pour ramener l’ordre, la discipline et l’uniformité de principes, si nécessaires dans un corps spécialement destiné à maintenir la tranquillité publique, crut devoir déférer aux demandes réitérées d’un grand nombre de légionnaires qui sollicitaient un règlement capable de rappeler l’entière légion aux principes et aux lois de l’obéissance. Telles sont les raisons qui déterminèrent le conseil général de la commune à faire un règlement provisoire qui fut préalablement communiqué par le procureur de la commune au commandant de la légion et à plusieurs officiers et capitaines. De règlement provisoire fut agréé sur-le-champ par la majorité de la légion; les anciennes compagnies, qui avaient paru d’abord vouloir le rejeter, s’y soumirent ensuite, mais ce fut un nouveau sujet de ressentiment. Quelques jours après, un sous-officier, membre du club, ayant manqué à la discipline, le jugement de sa faute fut déféré unanimement, et en exécution du règlement, au conseil général de la commune, réuni à MM. les officiers de l’état-major de la légion, et à MM. les capitaines. Il est donc évident que ce m’est pas le règlement provisoire qui a occasionné les troubles survenus à Nîmes, puisque son exécution a été réclamée par les officiers dissidents eux-mêmes, et membres du club, « comme le seul' « moyen de maintenir la discipline et la subordi-« nation ». Cependant, on avait engagé les villes circon-voisines à écrire à la municipalité de Nîmes, comme à un corps composé d’antipatriotes. Le nom d’amis de la Constitution , pris par les membres du club, ne devait-il pas donner lieu de penser que, si ceux qui contrôlaient ouvertement toutes les opérations de la municipalité étaient appelés les amis delà Constitution , il fallait bien que cette municipalité ne comptât parmi ses membres que des ennemis de cette Constitution, et de là, tous les malheurs qui ont affligé la ville de Nîmes ; en effet, Saint-Hyppolite, Àlais, Vezeno-bres, écrivent des lettres pleines de menaces, une entre autres du 15 avril , où l’on annonçait la venue de 12,000 Cévenols, bien robustes et bien armés ; on menaçait des ennemis de la Constitution qui n’existaient que dans les libelles des calomniateurs, et il est essentiel de remarquer que les délibérations des catholiques de Nîmes sont postérieures à ces lettres peu fraternelles. À cette même époque, et le 13 avril, on avait répandu dans la capitale un libelle incendiaire, dans lequel on attribuait faussement aux catholiques de Nîmes un infâme placard et l’assassinat de quatre protestants faits le jour même où l’on avait appris la nomination de M. de Saint-Etienne à la présidence. On affecta de répandre dans Nîmes et dans ses environs une quantité prodigieuse deeepamphlet, et, pendant que les officiers municipaux s’occupaient des moyens de repousser cette calomnie atroce, un grand nombre de citoyens actifs s’assemblèrent dans l’église des Pénitents et prirent cette délibération devenue depuis trop fameuse. Les commissaires des délibérants suspendirent, pendant onze jours, la communication qui devait [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 février 1791.) être faite au corps municipal. Elle n’eut lieu (1) que le 1er mai, eu l'absence du maire, et la veille du jour fixé pour son départ. Getie circonstance suffit pour répondre à tout ce qu’on a débité contre lui à ce sujet. Que si l’on demande pourquoi les officiers municipaux de Nîmes, après le départ du maire.n’ont pas manifesté, par quelque acte authentique, combien ils improuvaient cette délibération, je répondrai qu’après avoir pris le 22 avril une délibération « tendant à rappeler les habitants de « Nîmes à cet esprit de fraternité qui seul peut « affermir la prospérité publique, à les inviter « à jouir en paix des bienfaits de la Constitution, » ils renvoyèrent à l’Assemblée nationale, ainsi qu’à toutes les municipalités du royaume. Je répondrai que la municipalité de Nîmes n’avait pas cru devoir exposer son autorité à être méconnue en improuvant hautement un acte fait par plus de3, 000 citoyens actifs représentant la plus grande partie de la commune; je répondrai, enfin, que loin de blâmer cette prudente circonspection, suggérée par amour de la tranquillité, on devrait peut-être donner des eloges à la sage prévoyance qui a fait tenir à la municipalité de Nîmes, au mois de mars, et parles mêmes motifs qui ont déterminé les décrets de l’Assemblée nationale des 1er et 14 juin, une conduite absolumentsemblable, dans une circonstance aussi critique; j’aurai l’hoaneur de rappeler à l’Assemblée que, d’après l’avis de son comité de Constitution, elle avait rendu, le 1er juin, un décret pour casser les élections faites dans les assemblées primaires tenues à Colmar, et en ordonner de nouvelles, en se conformant à l’exécution littérale des décrets. Cependant, l’exécution de celui du lor juin ayant occasionné quelques mécontentements dans le pays, et même du trouble dans l’assemblée des électeurs du Haut-Rhin, séant à Belfort, les électeurs envoyèrent, par un courrier extraordinaire� l’Assemblée une adresse contenant le tableau des inconvénients qui pouvaient résulter de l’exécution du décret du 1er juin; sur quoi l’Assemblée nationale, convaincue que la paix et la tranquillité étaient préférables à tout , a rendu, le 14 juin, un décret qui autorise les électeurs du département du Haut-Rhin, à continuer leurs opérations « sans pouvoir être arrêtés par les « dispositions du décret du 1er juin, relatif aux « assemblées primaires de la villede Colmar ». La municipalité de Nîmes ayant suivi cet exemple, je me garderai bien d’ajouter aucune autre réflexion et, sans m’arrêter à quelques autres faits de peu d’importauce, je passe aux événements du mois de mai. Ici commence le récit des circonstances les plus critiques où se puisse trouver un officier municipal. Je réclame toute l’attention de l’Assemblée, à laquelle j’affirme sur mon honneur que je ne vais avancer aucun fait dont je n’aie été le témoin ou le principal acteur. Le dimanche 2 mai, sur les 6 heures du soir, 5 soldats et sous-officiers du régimentde Guyenne et quelques légionnaires des compagnies nos 1 et 17 insultèrent à la promenade et maltraitèrent des citoyens paisibles; ils fondirent à coups de sabre sur des hommes désarmés, et non seulement sur ceux qui avaient des cocardes blanches , mais sur ceux qui n’en portaient aucune , mais sur ceux qui en portaient aux couleurs de la nation, ce qui prouve que Jes cocardes 425 blanches ont servi de prétexte aux malveillants, dont un des chefs, dénoncé par plusieurs témoins, avait annoncé la veille qu’on « verrait le lendemain un grand événement » ; ce même malveillant, protestant et caporal de la même compagnie n° 1, est convenu que non seulement il devait la vie à MM. les officiers municipaux, mais déplus qu’il régalait gratuitement les soldats et sous-ofticiers du régiment de Guyenne, aveu important qui jette un grand jour sur les moyens (1) employés pour occasionner une insurrection; le prétexte même d’arracher les cocardes blanches était d’autant plus maladroit qu’il était notoire que la municipalité avait rédigé une proclamation pour les défendre; que le conseil général de la commune, qui seul avait la direction de la légion, était assemblé dans le moment, pour en prendre connaissance, et que, par conséquent, la défense serait proclamée le lendemain. Mais les ennemis de la tranquillité publique s’étaient concertés pour que le dimanche 2 mai il y eût à Nîmes, comme à Marseille, à Montpellier et dans d’autres villes, une violente insurrection. Il est échappé au rédacteur de l’adresse du club un aveu bien important. « Il ne paraît pas douteux, dit-il, que le dimanche 2 mai fut le jour fixé à l’avance pour causer un grand désordre dans la ville; le bruit en courait sourdement, on se le disait à l’oreille. » Eh! oui, sans doute, le jour était fixé. Mais par qui ? Le procès-verbal ne permet pas d’en douter ; il suffit de lire les déclarations des 5, 18, 21, 22, 24,25, 32, 51 et surtout des 17, 18, 19 et 2ü® témoins. Le simple exposé des faits ne laissera d’ailleurs aucune incertitude à cet égard. Les premiers coups de sabre donnés, l’alarme devient générale ; on court à l’hôtel du maire l’avertir qu’il y a Une émeute sur le grand cours, il se rend à l’hôtel de ville, il y trouve le nommé Roger le fils, ensanglanté d’un coup de sabre à la tête, et déclarant à MM. les officiers muni-nicipaux « que sur le cours une partie du peuple était dans une émotion extraordinaire contre des soldats de la garnison, l’un desquels lui a asséné le coup dont il a été trappe. » Sur-le-champ, le maire requiert la compagnie de garde de le suivre; il laisse une partie des officiers municipaux à l’hôtel de ville pour donner des ordres, il se rend avec quelques-uns de ses collègues sur la promenade; ils y trouvent un peuple immense et plusieurs femmes en pleurs qui criaient : qu'on assassinait leurs frères , leurs maris, leurs enfants. Le premier soin du maire, en entrant dans la foule, fut d’exhorter les citoyens au nom de la loi et du roi de se retirer paisiblement ; ce que plusieurs exécutèrent ; d’autres entouraient les officiers municipaux; des femmes surtout demandaient justice avec une fureur incroyable. On sait que l’imagination vive, le caractère impétueux des peuples méridionaux donnent à leurs passions un degré d’énergie inconnue dans les autres parties du royaume. Le maire devançait ses collègues ; il parvint seul à cent pas de la maison du sieur La Coste, négociant; il aperçoit plusieurs citoyens ensanglantés et le peuple extrêmement irrité contre des sous-officiers et soldats du régiment de Guyenne et contre quelques volontaires ; il aperçoit ceux-ci poursuivant, le sabre à la main, le peuple qui se défendait à coups de pierre, et dont le nombre gros-(1) Voyez la délibération du conseil général, qui cons-taie le départ annoncé par le maire. (1) M. le rapporteur n’en a pas fait mention. 426 [Assemblée nationale*] sissant successivement les poursuivit bientôt à sou tour; l’instant était décisif; la première mort pouvait occasionner un embrasement général ; le maire s’élance du haut du cours dans la rue ba-se; il se précipite sans hésiter nu milieu des sabres et des pierres (1). Il couvre de son corps les soldais de Guyenne et les volontaires, il parvient heureusement, par cet acte de courage et peut-être téméraire, à contenir dans le premier moment la fureur populaire et à suspendre une grêle de pierres dont les agresseurs allaient être les victimes. Cependant, les officiers municipaux travaillaient à calmer les esprits; répandus dans la foule, ils engageaient au nom de la loi les citoyens à se retirer; mais le peuple demandait à grands cris vengeance des coups de sabre donnés à des citoyens paisibles et désarmés ; il voulait que ses assassins (telles furent ses expressions) lui fussent livres. Fidèle à son poste, le maire étendant les bras leur faisait un rempart de son corps : «Justice sera rendue, disait-il; mais la loi défend de se la faire à soi-même. » Pour toute réponse le peuple répétait : qu’on nous livre nos assassins, t Eh ! bien, leur dit le maire, commencez donc par moi cette horrible boucherie; ne soui'f/ez pas que je sois le témoin de semblables forfaits ; est-ce donc pour cem que vous m’avez nommé le chef de cette commune? » Par ces paroles prononcées avec fermeté, il parvint à suspendre la fureur du peuple et fit entrer successivement dans la maison du sieur La Coste les légionnaires et les soldats agresseurs; il ordonne aussitôt rie fermer la porte ; il place un officier municipal, 12 volomaires et le capitaine de garde pour défendre l’entrée de la maison qui n’a essuyé d’autre dégât qu’une vingtaine de carreaux de vitre cassés ; le maire annonce au peuple que cette maison et ceux qu’elle renferme sont sous la sauvegarde de la loi ; dans cet instant il aperçoit un volontahe traîné dans la boue par la multitude qui voulait l’assommer parce qu’il avait donné des coups de sabre à des citoyens. Le maire et le substitut du procureur de la commune parviennent à lui non sans quelques dangers, le sauvent et le remettent entre les mains d’une patrouille bourgeoise. Le procureur de la commune (2) rend le même service au nommé Barri; cependant les officiers municipaux se dispersent au milieu de cette foule immense et, tandis que les uns se rendent vers la fomaine au-devant de quelques compagnies armées pour arrêter leur marche ou la diriger suivant le besoin, les autres tournent leurs pas vers les casernes pour annoncer aux soldats de Guyenne que leurs camarades étaient en lieu desûreté. Ceite précaution était d’autant plus pressante qu'un membre du club excitait dans cet instant les soldats de Guyenne à massacrer les citoyens, en leur disant : que le peuple égorgeait leurs camarades , et ajoutant : Courage , mes amis ; allez , frappez fort; nous vous soutiendrons. Ce fait est prouvé d’une manière irrésistible (3), (1) Ce fait et plusieurs autres ne se trouvant pas dans l’adresse du club, il n’en a pas été fait mention dans le rapport qui ne fait arriver le maire qu’après l’entrée des agresseurs dans la maison. (2) On n’en trouve aucun vestige dans le rapport. (8) Les déclarations ont été lues à l’Assemblée. Celle de M. de Salignac-Fénelon, officier au régiment de Guyenne, a fait la plus grande sensation. [22 février 1791.] aussi les témoins ont-ils élé poursuivis au mois de juin avec un acharnement inconcevable ; aussi ont-ils échappé comme par miracle à la morL mais on est parvenu à miner sourdement le crédit des sieurs Gelse et Melquiou, négociants, et capitaines de la garde nationale. Cependant les patrouilles avaient été redoublées, et les compagnies de garde renforcées; le maire parcourut lui-même les différents quartiers de la ville et des faubourgs ; la nuit fut tranquille. Le lendemain 3 mai, la pluie retenant les cultivateurs dans la ville, on craignit qu’un reste de ressentiment ne les portât à la vengeance; eu conséquence, le maire ne cessa de parcourir la ville en exhortant les habitants à la paix et à la tranquillité, et eu leur promettant une prompte justice. Le lendemain, le maire fut instruit qu’un particulier avait commandé au sieur Péret, ferblantier, 200 cartouches en fer blanc, au bout desquelles il faisait souder une grosse balle; il avait exigé qu’elles fussent prêtes pour 4 heures du soir; un pareil avis, dans de pareilles circonstances, n’était pas à négliger. Le maire chargea M. Aigon , officier municipal, de veiller, avec le capitaine de santé et deux valets de ville, sur la boutique du sieur Péret. A 3 heures environ, l’olficLer municipal voit entrer le nommé Joseph Larnac , fils aîné , volontaire de la compagnie n« 10. Il attend quelque temps pour faire la descente; il trouve l’ouvrier fabriquant les cartouches; le sieur Larnac était déjà nanti de plusieurs; à l’instant M. Aigon fait saisir, arrêter et conduire à l’hôtel de ville les sieurs Péret et Larnac ; l’exactitude du sieur Aigon dans cette circonstance a été la cause de sa proscription au mois de juin ; à peine le bruit de cet événement fut répandu, que les alarmes commencèrent : les citoyens se portèrent en foule vers l’hôtel de ville, en criant qu'il y avait quelque trahison et qu'on voulait sans doute les massacrer . Le maire arrive, leur parle avec fermeié et les fait retirer. Ce ne fut que le lundi trois mai , après midi, que le sieur Chevalier, procureur, écrivit au maire pour le prévenir que des troubles devaient avoir lieu , et le môme jour, à six heures, le maire fit publier une proclamation pour défendre aux citoyens de s'attrouper et aux volontaires de la légion ou autres de sortir armés avec quelque arme que ce soit, etc. M. le rapporteur laisse de côté la proclamation pour avoir lieu d’inculper le maire de négligence : on lit, page 34 du rapport : D'après l’avertissement de Chevalier , nulle précaution n'est prise (1). Cependant on rédigeait le procès-verbal relatif aux cartouches, en présence des sieurs Larnac et Péret; il résulte de leur aveu que Larnac, protestant et volontaire de la compagnie n° 10 (dont plusieurs membres avaient occasionné l’émeute de la veille), avait com mandé 200 cartouches pareilles au modèle et avait dit, chez le ferblantier : qu'il entendait que U. le maire entretiendrait la paix dans la ville; qu' autrement les cartouches qu'il commandait perceraient plus d'un ventre. Ce verbal contient des aveux très importants. Les balles et les cartouches saisies furent enveloppées et scellées en présence dudit Larnac, puis déposées au greffe de l’hôtel de ville en attendant que le procureur du roi du présidial (1) C’est pourtant d’après un pareil rapport que l’affaire a été jugée et le décret rendu. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 février 1791.] fît entendre les témoins, ce qu’il n’a pas jugé à propos de f-*ire depuis huit mois. L'areu de Larnac qu'il était occupé à fondre des balles , la vue de ces balles et des cartouches échauffent promptement les esprits. Sur les 6 heures du soir, il survient une rixe entre quelques personnes vers le cours Bal-lainvilliers ; bientôt ce cours, la place des Récollets et les ru*‘S circonvoisines sont couvertes de monde; le maire s’y rend en diligence, il parle à la multitude au nom de la loi et du roi et parvient à la dissiper; il rentre à l’hôtel de ville où les officiers municipaux doivent être occupés à recevoir les plaintes sur les excès commis le dimanche. Sur les 7 heures, la vue de quelques légionnaires, qui avaient maltraité des citoyens paisibles, occasionne un nouvel attroupement. Le maire prie 2 officiers municipaux de s’y rendre; le peuple se calme en les voyant; mais il témoigne quelque inquiétude sur des trou >es étrangères qui devaient arriver , dit-il, pendant la nuit. Les officiers municipaux s’efforçaient de dissiper ces fausses alarmes lorsqu*- d ux coups d*- pistolet tirés parun protestant, près du groupe où ils étaient, meitent le peuple en fureur; il est sourd à la voix des officiers municipmx; on le fait retirer par une rue, il rentre par une autre; il veut avoir vengeance de l’attentat qui vient d’être commis; menaces, prières, rien ne peut le contenir; les attroupements, les coups de pierre et de sabre recommencent en divers endroits. Les 2 officiers municipaux reviennent à la maison commune; d’après leur rapport, il fut résolu aussitôt de proclamer la loi martiale, malgré les puissanles considérations qui pouvaient en empêcher; déjà les ordres étaient donnés pour rassembler les compagnies delà égion;déjà l’on rédigeait la proclamation de la loi martiale, lorsque le lieuienant-colonel et un officier du régiment de G yenne se font annoncer et prient, vu les circonstances, les officiers municipaux de suspendre la proclamation de la loi martiale. J’ai déjà fuit lecture à l’Assemblée de la déclaration de MM. les officiers du régiment de Guyenne. J’ajoute seulement que ces messieurs voulurent bien, pour le maintien du bon ordre et d’après l’invitation du maire, passer la nuit aux casernes, avec les soldats. Yoici une des raisons. Le maire venait d’apprendre que des lettres-circulaires avaient été envoyées dans La Gardonnengue, ou lui avait offert d’arrêier les exprès et les dépêches, il avait rejeté ces propositions contraires à l’inviolabilité du secret des lettres; mais il avait pris en même temps les précautions suggérées par la prudence, il avait fait placer sur plusieurs routes des vedettes , de distances eu distances, qui devaient s’avertir respectivement au premier bruit et donner promptement les avis convenables. Cependant, le ma i vais temps, la nuit et l’éloignement des agresseurs avaient ramené le calme; le capitaine de santé vint l’annoncer à l’hôtel de ville. Le maire commanda quatre compagnies de la légion pour faire la nuit des patrouilles renforcées; il parcourut lui-mème, à la tête de ces patrouilles, les différents quartiers, laissant un officier municipal constamment de garde à l’hôtel de ville. Cette nuit fut également calme et tranquille; le mardi 4 mai, jour de marché, le maire se rend à la maison commune et de là aux casernes en traversant la ville, ; tout était paisible, il trouve 421 MM. les officiers de Guyenne rassemblés; il leâ prie de vouloir bien faire venir deux sous-officiers de chaque compagnie; l’ordre donné fut promptement exécuté. Le maire commence par rappeler la concorde qui avait toujours r gné entre le brave régiment de Guyenne et les citoyens de Nîmes; « il témoigne ses regrets sur le coup de feu reçu t la veille par un grenadier; il se félicite de « ce qu’aucun autre membre du régiment de « Guyenne n’était blessé dangereusement; il « ajoute qu’aucun citoyen n’avaii reçu de blessure « mortelle; qu’il était vrai que quelques soldats « avaient été trompés pour commencer la que-« relie; ici plusieurs voix s’élevèrent et dirent : « Nous voulons les connaître pour en faire justice « nous-mêmes. » Posté* mûrement les grenadiers et chasseurs ont dénoncé (1) eux-mêmes à leurs supérieurs trois sous-officiers et trois soldats qu'ils avaient vus la veille se porter à de grands excès contre les citoyens. Le maire leur dit : « que dans cette circon-« stance, il fallait oublier réciproquement tout « sujet de plainte, vivre en paix comme de « bons militaires citoyens et de bons citoyens « militaires; ce raccommodement doit être fou-« vrage de MM. les sous-officiers du régiment de « Guyenne et de la légion; leur exemple, tou-« jours si puissant sur leurs camarades, sera le « signal le plus certain de la concorde et de la « paix. Je vous le demande, braves militaires, « en reconnaissance d * toutes les preuves d’es-« lime, d’attachement et de prévenance que j’ai « été assez heureux de donner au régiment de « Guyenne, depuis plusieurs années, et surtout « d ms celte dernière circonstance. « Comptez sur nous, Monsieur le Maire, nous « n’oublierons jamais qu’à diverses reprises « vous avez exposé vos jours pour sauver ceux « de nos camarades. » Le maire se sépare alors de ces braves militaires qui lui donnèrent des marques de leur reconnaissance; il dit à M. le lieutenant-colonel et aux autres officiers présents : « Le régi— * ment me paraît bien disposé, ii n’y a plus de « risque à proclamer la loi m mtiale an premier « attroupement. Si j’ai besoin de renfort, je « compte sur vous et je reclamerai votre se-« cours. *> Le maire aperçoit en revenant à l’hôtel de ville quelques groupes de citoyens sans armes dont plusieurs lui déclarent qu’on avait envoyé des exprès dans la Gardonnengue et dans l’Avaunage pour faire venir des troupes étrangères. Le maire leur représente qu’aucune troupe aimée ne peut entrer sur le territoire d’une municipalité, sans une permission expresse des officiers municipaux. « Séparez-vous , leur dit-il, je réponds de tout et je veillerai pour vous. » On obéit sur-le-champ. Quelque temps après, les inquiétudes recommem èrent dans les faubourgs par où les troupes étrangères devaient arriver; les femmes surtout répandirent l’alarme, et il se forma de nouveaux attroupements (2). Le conseil général de la commune est aussitôt convoqué et le colonel de la légion, averti d’en-(1) Appert la lettre même de M. le lieutenant-colonel. (2) Cependant on lit dans le rapport, page 14, que le 4 la ville était tranquille; la loi martiale fut publiée. M. le rapporteur a copié fidèlement le précis historique; comment s’est-il permis cette assertion dénuée de preuves et a-t-il omis le verbal qui constatait les attroupements? 428 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (22 février 1791.] voyer à l’hôtel de ville la compagnie n° 25 dont le capitaine est logé près de la maison commune, il fui décidé unanimement qu’il y avait lieu de proc'amer la loi martiale. Le drapeau rouge fut déployé et cette loi fut publiée à haute voix dans toutes les rues et carrefours; les attroupements cessèrent. Les officiers municipaux n’avaient négligé aucun moyen pour réconcilier ensemble les citoyens et les soldats du régiment de Guyenne. Dèsïe matin, ils avaient invité quelques capitaines et d’anciens militaires retirés du ser vice et sous-officiers dans la légion à porter des paroles de paix, et à concerter avec les sous-officier s � du régiment de Guyenne les moyens de faire renaître l’union et la fraternité. Leurs soins ne furent point infructueux; après quelques démarches amicales de part et d’autre, le* officiers et soldais de Guyenne, ayant à leur tête le major et le lieutenant-colonel, des officiers et volontaires de la légion, des citoyens de toutes classes, mêlés les uns avec les autn s devant les casernes, s’embrassent fraternellement ; ils se prennent par la main, en signe de réjouissance, au nombre de 4,000 d’abord, et successivement au nombre de 12,000; ils dirigent, en dansant à la mode du pays et au son des instruments , leur marche vers motel du maire, qu’ils viennent remercier de ses soins infatigables (l)pour ramener la paix. Le maire descendit avec eux en faisant la chaîne et, parcourant successivement les rangs, il reçut les embrassements de M. le lieutenant-colonel, des soldais, des sous-officiers du régiment de Guyenne, de la légion et des citoyens, aubruit des applaudissements d’une multitude qui fondait en lai mes et qui ne cessait de crier : Vive le roi! vive la nation ! vive notre maire ! vive l'union! Depuis cet instant, et jusqu’au moment de son départ, il n’a pu se montrer dans les rues ni dans aucun lieu public sans recevoir les preuves les plus touchantes de l’amour et de la reconnaissance générale. Voilà, Messieurs, un fait positif qui répond à toutes les ca'omnies insensées dans l’adresse du club, et contre lequel ne prévaudront jamais les efforts et les dépositions des malveillants. Ils ont osé le révoquer en doute, puisqu’ils déclarent dans leur (2) lettre à M. le président de l’Assemblée : « qu’ils ont vu avec beaucoup de sur-« prise des soldats de Guyenne, des légionnaires « de plusieurs compagnies et un grand nombre « de citoyens dansant ensemble : Nous avons eri-« tendu des cris de : Vive le roi! vive la nation! « M. de Bonne (c’est le lieutenant-colonel du ré-« giment) et M. le maire les précédaient ; nous « ne pouvons vous donner aucune notion sur « cette réunion subite. » On croira sans peine que ceux qui avaient excité des soldais du régiment de Guyenne et maltraité les habitants ont vu avec beaucoup de surprise la réunion amicale des soldais de Guyenne, des légionnaires et des citoyens; ou croira sans peine que cette réconciliation a déconcerté les projets de ceux qui avaient envoyé des exprès pour rassembler et faire venir à Nîmes un grand nombre de gens armés. (1) Ce fait est constaté par un verbal oublié dans le rapport. (2) Cette pièce, émanée des adversaires de la municipalité, et qui lui est si favorable, n’a pas obtenu l’attention de M. le rapporteur auquel le maire de Nîmes n’avait cessé de le rappeler. Pour ne laisser aucun doute sur l’existence du complot qui devait être exécuté au mois df mai, comme il l’a été ensuite en juin, je ferai bientôt lecture à l’Assemblée des 24 et 25® déclarations et du rapport fait au commandant de la maréchaussée. On doit avoir fait une observation bien importante : c’est que l’adresse du club, signée le 4 mai, n’a pu partir le même jour qu’à 6 heures du soir ; c’est que la paix était faite avant trois heures; c’esl que, par conséquent, au lieu d’envoyer une adresse pleine de calomnies et propre à alarmer les représentants de la nation sur la tranquillité de la ville de Nîmes, les membres du club auraient dû faire partir la lettre contenant l'annonce du retour de la paix ; mais ils eurent grandsoindene la faire partirque le lendemain (1), et leur aveu est précis à cet égard : « Nous joi-« gnons, disent-ils, dans leur lettre du 5 mai, « 2 pièces que nous avons oublié d’insérer la « veille, et qui annonçait que tout était calme et « tranquille. » Gomment les soi-disant amis de la Constitution ont-ils pu se permettre cette misérable subtilité, digne d’un praticien? Gomment avaient-ils pu deviner à Nîmes que la lecture de leur adresse suffirait pour obtenir un décret qui manderait à la barre le maire de Nîmes, et qu’on ne voudrait pas même lire le verbal des officiers municipaux, envoyé en même temps que l’adresse du club à M. le Président de l’Assemblée nationale? Le voici, car M. le rapporteur l’a passé sous silence. « Du mardi 4 mai 1790. « Nous officiers municipaux soussignés, étant « encore assemblés à 3 heures après midi, dans « l’hôtel de ville pour recevoir les plaintes des dif* « férents citoyens etécrireàM. lePrésidenlde t’As-« semblée nationale et aux ministres, sur ce qui « s’était passé la veille et dans le courant de la « journée, on est venu nous annoncer qu’une « foule immense de citoyens réunis sur la place « des casernes venaient de se réconcilier avec les « soldats et bas officiers du régiment de Guyenne ; c enchantés de la paix qu’ils venaient de se jurer « entreeux, ils s’embrassaient, dansaient, criaient : << Vive le roi! vive la nation! et allaient bras à « bras, à l’hôtel de M. le maire, pour le remercier « de ses soins infatigables. Bientôt M. le maire, « précédé par M. Aigon, officier municipal, est « entré dans la salle et a confirmé cette heureuse « nouvelle. Dans cet instant le bruit des tambours « et des instruments a annoncé le cortège; il était « nombreux, immense, et les cris de : Vive le. roi! « vive la nation! vive la loi! vive le maire ! vive le « régiment de Guyenne! vive l'union /extrêmement « multipliés, s’élevaient dans les airs. Alors nous, « maire, accompagné de MM. les officiers munici-« paux, du substitut du procureur delà commune, « de M. le lieutenant-colonel du régiment de « Guyenne et de plusieurs officiers de ce régiment, « avons fait enlever le drapeau rouge auquel « nous avons fait substituer aussitôt le drapeau « blanc; le peuple, en le voyant, a poussé des cris « de joie et a renouvelé les acclamations de : Vive v le roi! vive la nation ! ci il a demandé une illu-(1) Trois pièces originales, omises par M. le rapporteur et signées par M. Rabaud Dupui, frère de M. Ra-baud-Saint-Elienne, ont été lues à l’Assemblée par M. de Marguerittes, et n’ont laissé aucun doute sur le projet de surprendre la religion des représentants de la nation. (22 février 1791.J 429 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « initiation générale qui a été proclamée sur-le-« champ. » Pendant que la calomnie circulait en poste et inculpait les officiers municipaux de Nîmes dans tout le royaume, la soirée fut employée dans Nîmes à danser et à se réjouir. La vide fut illuminée, excepté les maisons de la plupart des membres du club qui n’avaient pas eu sons doute encore le temps de revenir de leur grande surprise; on fit des feux de joie dans les rues, on chanta des couplets à la louange du maire, des officiers municipaux et du régiment de Guyenne ; on se félicitait, on s’embrassait, et cette journée fut l’époque heureuse de la réconciliation. Cependant, les patrouilles furent doublées pendant la nuit. Le maire et les officiers municipaux parcoururent, à leur tête, les divers quartiers de la ville, pour empêcher que les transports mêmes de la joie ne devinssent dangereux ; tout se passa dans l’ordre et l’allégresse. Le mercredi 5 mai, le premier soin du maire et des officiers municipaux fut d’aller visiter et recommand'T à l’Hôtel-Dieu le grenadier du régiment de Guyenne, blessé au bras d’un coup de feu ; un accident étranger à cette plaie a fait périr cet infortuné, le septième jour; il a été la seule victime que l’humanité ait eu à regretter à cette époque, et malgré l’appareil effrayant des plaies occasionnées par les coups de sabre, aucun autre individu n’a été blessé ni mortellement, ni dangereusement; aucune maison n’a été ni pillée ni dévastée, aucun citoyen n’a été obligé de s’expatrier, parce que les officiers municipaux avaient quelque autorité; que si l’on compare ensuite les dévastations, les pillages, les massacres du mois de juin, peut-on contenir son indignation contre ceux qui, à cette dernière époque, ont commencé par maltraiter et proscrire les officiers municipaux, pour méconnaître et envahir leur autorité ? Deux autres circonstances font mieux ressortir encore l’injustice du club, et la reconnaissance générale, pour les soins paternels des officiers municipaux, auxquels le régiment de Guyenne et 40,000 habitants publiaient hautement que l’on devait la tranquillité publique. Les sous-officiers du régiment de Guyenne et de la légion vinrent encore, au son des instruments, faire visite aux officiers municipaux et les remercier de leurs soins vigilants et de l’heureuse réconciliation qui était leur ouvrage. Le cortège étant trop nombreux pour contenir dans les salles de l’hôtel de ville, le maire parut sur le balcon, et le sieur Ramond (1), sergent-major, portant la parole au nom de tous, dans la place publique, remercia spécialement le maire de ses soins actifs pour le maintien de la concorde. Le même jour, le conseil général de la commune, pour cimenter de plus en plus l’union, décerna une médaille civique au nommé Gavanon , soldat du régiment de Guyenne, pour avoir sauvé un enfant prêt à se noyer. Les officiers municipaux le menèrent dans leur loge à la comédie, avec le jeune citoyen dont il avait conserve les jours ; l’affluence était considérable ; on représentait une pièce nouvelle en vaudeville, intitulée : L’ heureuse réconciliation, dans laquelle on ne cesse de laire l’éloge des officiers municipaux, du régiment de Guyenne, de son respectable chef et du maire, auquel i’acirice présenta une cou-(1) Un de ceux indiqués par ses camarades, pour s’être porté, le 2 mai, à des excès contre les citoyens. ronne; ce qui fut universellement applaudi; mais celui-ci la plaça sur la tête du sieur Gavanon, et les applaudissements recommencèrent. Cette pièce a été redemandée généralement, et représentée de nouveau, à la même époque, où, par un décret, l’Assemblée nationale a convoqué le maire de Nîmes à la barre; c’est encore un de ces faits contre lesquels les efforts des factieux viendront se briser, et qui répond péremptoirement à toutes les calomnies. Dans la journée, le bruit de l’arrivée de quelques troupes armées s’était répandu de nouveau; raffiuence d’étrangers habillés en gardes nationales, augmente les alarmes (1). Outre les précautions ordinaires, le maire écrit au commandant de la maréchaussée le billet suivant ; « J’apprends, dans l’instant, Monsieur, que le < peuple est alarmé sur l’arrivée prochaine d’un « grand nombre de gens armés venant des Gé-« venues et de la Gardonnengue; veuillez bien « faire partir, sur-le-champ, des personnes pru-« de n tes sur les routes d’Alais et d’Anduse et « concourir avec moi à tranquilliser les citoyens, « en employant les moyens que vous croirez les « plus convenables pour découvrir la vérité et « prévenir les malheurs qui pourraient en résul* « ter. » Nîmes, le 5 mai. « Marguerittes, maire. » Les ordres sont donnés et ponctuellement exécutés. Au relour des cavaliers, M. Duprat s’empresse d’écrire la lettre suivante à M. le maire et de lui communiquer le rapport fait par ses cavaliers : « Les sieurs Pastre et Blanc, étant partis cette « nuit, d’après votre réquisition, n’ont rien ren-« contré sur les routes d’Alais et d’Anduse-, ren-« dus au village de la Galmelte, ils ont pris des * informations dans ce lieu, près de M. le maire « relativement à la descente que l’on craignait, à « Nîmes, de la part des habitants des Gévennes « et de la Gardonnengue. Ce dernier leur a ré-« pondu qu’il avait effectivement ouï dire que « le trois et le quatre du présent mois , il avait « paS'é des gens qui avaient déclaré s'en aller « dans les Gévennes (2) pour faire descendre du « monde dans la ville de Nîmes, etc., etc. » Copie de cette lettre importante a été remise sous cote n° 17. M. le rapporteur n’en a fait aucune mention, il n’a pas jugé à propos, non plus, de lire à l’ Assemblée les déclarations faites par 2 habitants de Saint-Florent, qui prouvent, invinciblement, le projet, déjà formé au mois de mai, de faire arriver à Nîmes des étrangers armés, projet déjoué à cette époque par la prévoyance du maire; je dois réparer cette omission importante. Extrait du verbal du jeudi 6 mai 1790. « Sur ce qu’un grand nombre de citoyens se (1) A cette époque, des volontaires se rendirent chez le sieur Genton, leur capitaine, logé dans la maison du procureur de la commune; et ce fait, qui est bien étranger à ce dernier, est une des infractions à l’ordre public, dont il plait à M. le rapporteur de l’accuser. (2) La nouvelle de la publication de la loi martiale devait servir de signal pour le départ. La prudence exigeait donc, qu’avant la proclamation de cette loi, la municipalité fut assurée d’une force armée capable d’oloigner de Nîmes les étrangers en armes. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 122 février 1791.] 430 « présentèrent hier soir devant le corps munici-« pal, dans l’hôtel de ville, pour annoncer qu’il « était arrive plus de 800 gardes nationales « du côté de la Gardonnengue ou de l’Avaunage, « les uns avec des fusils, les autres avec des « sabres, les uns à pied, les autres à cheval, et « que l’alarme s’étuit répandue dans la ville; « nous nous sommes transportés successivement « dans les diverses auberges de Nîmes et, après « les interpellations faites aux maîtres auber-« gistes, ceux-ci nous ont déclaré, en elfet, qu’ils « avaient vu, à la couchée, plusieurs gardes natio-« nales étrangers au Petit Saint-Jean, dont un a « été reconnu êtie de Saint-Florent, et icelui, « mandé venir. » S’est présenté M. Rivière , lequel, après serment, par lui fait, de dire la vérité, a déclaré, de ce interpellé, s'appeler Jean-Louis Rivière, bourgeois du lieu et paroisse Saint-Florent, diocèse d’Uzès, âgé d’environ 39 ans. Interpellé, etc., interpellé, etc. Interpellé de déclarer si, dans la route, il n’a pas vu des gens attroupés et armés, et s’il en connaît les causes : « A répondu et déclaré qu’arrivé à Boucoiran, <; à l’auberge où pend pour enseigne la Croix-« Blanche, sur l’heure de 11 heures du matin, « accompagné du sieur Honoré Sugier, hôte du-« dit lieu de Saint-Florent, il demanda à se ra-« fraîchir; quVnviron une demi-heure après il « entra dans l’auberge une douzaine de bourgeois « mis décemment ; que, d’un air fort ému, l'un « d’eux lit à haute voix, dans la cuisine, iec-« ture de 2 lettres qu’il dit avoir reçues de « Nîmes; que ces lettres parlaient en détail de « 2 émeutes arrivées à Nîmes les dimanche « et lundi derniers; de la proclamation ne la loi « martiale et de la paix qui l’avait suivie de « près; qu’elles portaient encore que la munici-\ « palité était soupçonnée d’avoir pris part à L'é-\ « meute; qu’à la lecture de ces lettres, ces mes-; « sieurs paraissaient s’> chau IL r; ils délibérèrent : ■ qu’il ne fallait pas en rester là; qu’il fallait au « contraire se reunir, s’aimer et se disposer à « partir au piemier rnouv ment; qu’il ne tal lait « pas s’intim der; celui qui lisait ces letties as-« suranl qu’il aurait 10,(J0Ü hommes à sa dispo-« sitiun, mais que, n’étant pas tous armés, il l'al-« lait que les communautés se procurassent des « armes , de la poudre et des balles; que si les « communautés s’y refusaient , il lailait que tous « les gens aisés cunti limassent à cette dépense. « Interpellé de déclarer s’il connaît ces mes-« sieurs, a déclaré qu’il n’en connaît aucun : « mais qu’il ava t demandé au nommé Roustan « uit Privai, natif de Saint-Florent, va et d’ecurie « de l’auberge, qui étaient ces messieurs, et s’ils « étaient catholiques ou protestants, et quelle « était la religion de l’aubergiste, ledit Roustan répondit que celui qui avait fait la lecture « des 2 lettres était M. Labarège , colonel de la « garde nationale du heu de Vtzenobres; qu’il y « avait le maire de Ners; qu’hs étaient tous des « environs de Boucoiran, qu’ils étaient tous pro-« testants, ainsi que l’aubergiste; qu’après cette