[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juillet 1790.] 355 d’intérêts ou arrérages échus depuis 1788 et à échoir jusqu’au 1er janvier 1791, qu’en capitaux ou effets sur les fonds publics de France portant intérêt à 5 0/0, desquels arrérages échus les intérêts courront à compter du 1er octobre prochain; et de ceux à échoir à la fin de 1790, les intérêts courront à compter du 1er janvier 1791 ; 2° d’attendre deux ans pour le commencement du remboursement, qui aura ensuite lieu en dix années, et do toucher les intérêts par semestre, sur le pied de 5 0/0 l’année. Pendant le voyage du sieur de Vismes, qui n’a duré que cinq semaines, vous avez, Messieurs, rendu un nouveau décret, qui dispense les municipalités de tout cautionnement, et qui conséquemment rend inutile l’emprunt projeté par la ville de Paris. Le sieur de Vismes, avant de rendre aux Génois le titre qui les engage, persuadé que cette opération peut être utile à vos finances, a désiré qu’elle fût mise sous vos yeux; et le comité des finances, sans émettre aucun vœu à ce sujet, a cru ne pouvoir se dispenser de vous exposer le fait qui montre au moins la confiance que de riches et habiles étrangers mettent dans la solidité de vos finances, fondée sur celle de votre Constitution. G’est une belle réponse aux ennemis de la grande Révolution, opérée par votre courage, que la démarche d’une puissance étrangère, d’une maison libre, depuis longtemps, qui s’empresse de seconder vos généreux efforts, par l’offre d'une partie de son numéraire, et qui, voulant encore participer aux arrangements que vous avez adoptés pour le rétablissement des finances, yous propose aussi de reconstituer une dette exigible à des époques rapprochées, par des annuités à de plus longs termes, mode que vous vous proposez d’employer pour opérer la libération successive de l’Etat. Get emprunt, Messieurs, que l’on est prêt à réaliser, mérite, ce me semble, surtout dans les circonstances où nous sommes, toute l’attention de l’Assemblée nationale; il vous est offert à un taux d’intérêt au-dessous de ceux consentis depuis longtemps, et à la mesure de celui que vous avez décrété pour l’emprunt national. Les époques de remboursement ne seront point onéreuses, aux moyens de vos finances. Les remboursements ne commenceront qu’à un terme où vous êtes sûrs d’avoir surmonté toutes les difficultés, et de ne plus éprouver aucun embarras pour effectuer les payements. En consentant cet emprunt, vous attirez de l’étranger un nouveau numéraire de 17,500,000 livres, dans un temps où la pénurie des espèces yous force à des sacrifices énormes, et qui, par l’entremise même de la caisse d’escompte, indépendamment des intérêts, vous ont coûté jusqu’à présent 4 à 5 0/0. Yous épargnez la sortie de plusieurs millions, qui sont dus aux Génois pour les intérêts échus quant à présent, et pour ceux qui doivent échoir jusqu’au 1er novembre 1791. Vous anéantissez les remboursements que vous aviez à effectuer d’ici en 1793, et qui forment un objet de plus de 10 millions, dont il faudrait que le numéraire passât à l’étranger. Yous prolongez les remboursements de partie des emprunts à termes fixes, et vous vous rédigez des primes et des accroissements périodiques de ces emprunts, tels que les loteries de 1780, d avril et octobre 1783, l’emprunt de 125 millions et celui de 80 millions. Vous diminuez la masse des rentes viagères, dont les intérêts énormes coûtent à l’Etat le triple des capitaux empruntés à termes fixes, et remboursables par annuités, avec les intérêts. Vous rendez à la patrie un service signalé, en rétablissant l’équilibre des changes, depuis longtemps si défavorables à toutes nos opérations commerciales. Rétablir l’équilibre des changes, c’est nous assurer aujourd’hui de vendre sur le pied de 8 à 10 0/0 plus cher toutes nos marchandises à l’étranger, de payer 8 à 10 0/0 de moins toutes nos marchandises étrangères dont nous ne pouvons nous passer. Vous donnerez à tous les étrangers, propriétaires de capitaux dans nos emprunts, un exemple qu’ils ne tarderont pas à suivre. Bientôt la reconstitution de la dette en annuités sera provoquée, et vous ne devez pas douter de l’empressement général de tous les citoyens français à se conformer à un plan aussi utile à leurs intérêts qu’intéressant pour le salut de l’Etat. Enfin, dans l’appareil de guerre dont nos ennemis nous menacent, l’Assemblée ne voudra pas repousser vers ces puissances ennemies les capitaux que l’on cherche à placer et qu’elles pourraient employer contre nous, et ne manquera pas de sentir combien il est heureux de pouvoir prouver à l’Europe qu’il existe encore des nations assez sages pour nous aidera nous défendre contre les tentatives de puissances mal intentionnées. Telles sont, Messieurs, les considérations que j’ai dû vous présenter, sur la proposition du sieur de Vismes, comme fondé de la procuration des Génois, et je conclus à ce que le projet de décret (dont je vous donnerai lecture si vous l’ordonnez) soit envoyé pour l’examen, à vos comités des finances et de l’aliénation des domaines nationaux, pour, sur leurs prompts rapports, être par vous ordonné et décrété ce qu’il appartiendra. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, vu les propositions faites par un nombre de capitalistes génois; considérant Futilité d’attirer en France du numéraire effectif, et d’éloigner les remboursements qui nécessitent une extraction de numéraire, jusqu’à concurrence des intérêts et des capitaux à termes fixes, dus à l’étranger : Considérant qu’il est intéressant de convertir en annuités les remboursements qu’exigent plusieurs emprunts à termes fixes, auxquels sont attachés des primes et des accroissements de capitaux, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. La municipalité de Paris est autorisée à passer, au nom de la nation, une constitution de 70 millions de capital aux capitalistes génois, dont la soumission lui a été présentée et a leur fondé de procuration. Art. 2. Le capital de 70 millions sera fourni, un quart en espèces ou matières d’or et d'argent, et trois quarts, tant en lettres de change et intérêts échus et à échoir jusqu’au 1er janvier 1791, qu’en capitaux de créances sur l’Etat liquidées et produisant intérêt au denier vingt, et en capitaux des emprunts effectués, sous la condition de remboursements à termes fixes et constitués dans les emprunts de Gênes. Art. 3. La constitution de 70 millions ci-dessus sera stipulée remboursable pour les principaux en 24 payements, de six mois en six mois, dont 356 {Assemblée nationale.] le premier sera effectué au 1er juillet 1793. Le second au 1er janvier 1794, et ainsi de suite. Art. 4. Les annuités comprendront les intérêts dégradatifs et partie des capitaux. Art. 5. Les capitaux qui seront fournis en espèces ou matières d’or et d’argent, conformément a l’article 2, porteront intérêt à 5 0/0, à compter du quartier dans lequel ils seront versés dans le Trésor public et les intérêts échus, dont la quittance sera donnée pour comptant dans ledit capital de 70 millions, porteront intérêt à compter du 1er octobre prochain : à l’exception de ceux dont l’échéance n’arrive qu’au dernier décembre 1790, dès que l’intérêt ne courra que du 1er janvier 1791. Art. 6. Lesdites annuités seront stipulées en lettres de change sur Gênes, au change qui sera stipulé et convenu. Art. 7. L’Assemblée nationale déclare, en conséquence, les bois nationaux destinés à être exploités pour le compte de la nation, spécialement hypothéqués au payement desdites annuités, jusqu’à leur parfait payement. Art. 8. La municipalité de Paris fera verser dans le Trésor public les espèces et matières d’or et d’argent, jusqu’à concurrence de 17,500,000 livres, au moment de la délivrance des annuités ; elle donnera le bordereau des intérêts, dont la quittance sera délivrée pour comptant par les prêteurs et celui des capitaux des créances qui compléteront le payement des 70 millions, lesquels seront publiquement anéantis. Art. 9. La municipalité de Paris est aulorisée par le présent décret à effectuer pareille constitution jusqu’à concurrence de 140 millions, aux conditions énoncées au présent décret. M. Delley d’Agier. Je suis membre du comité d’aliénation, et j’observe en cette qualité que cette affaire lui est parfaitement étrangère. M. de Lachèze. M. d’Allarde lui-même nous a dit que cette proposition avait été réglée par le comité des finances ; je ne conçois pas pourquoi on en demande le renvoi à ce comité. J’ajoute qu’il me paraîtrait nécessaire qu’un membre nous indiquât les motifs qui Pont fait rejeter. M. Démeunier. Le rapport de M. d’Allarde ne mérite pas d’occuper l’Assemblée. Le rapporteur n’a pas observé que cette proposition, faite par les Génois à la municipalité, ne l’a été ni au gouvernement, ni à l’Assemblée ; d’ailleurs, nous n’avons pas besoin d’argent. M. d’Allarde. Si vous n’avez pas besoin d’argent, pourquoi l’achetez-vous donc si cher? M. Démeunier. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour. (Gette proposition est adoptée.) M. Merlin, député de Douai , fait à l’Assemblée, au nom des comités d’agriculture, de féodalité et des domaines, le rapport suivant sur les droits de voirie et plantations d'arbres dans les chemins publics (1). Messieurs, par l’article 39 du titre II de votre décret du 15 mars 1790, concernant les droits féodaux, vous vous êtes réservé de prononcer sur (1) Le Moniteur se borne à faire mention de ce rapport. [26 juillet 1790.] les droits dépendants de la justice seigneuriale, et notamment sur les droits de voirie. C’est cette réserve que vos comités de féodalité, d’agriculture et des domaines viennent aujourd’hui vous rappeler, pour vous soumettre le projet de loi qu’ils ont préparé sur les droits de voirie, et singulièrement sur les plantations d’arbres dans les chemins publics. Je dis chemins publies, et par là je n’entends pas les grands chemins ou chemins royaux, qui seront, pour votre comité des domaines en particulier, l’objet d’un rapport dislinct de celui-ci; mais les chemins qu’on appelle indifféremment vicinaux ou vicomtiers , parce qu’ils conduisent ad vieos , aux villages ou bourgs. C’est sur ces chemins que les ci-devant seigneurs s’étaient attribué des droits ; c’est de ces chemins qu’ils se prétendaient propriétaires; c’est sur ces chemins que, dans plusieurs provinces, ils avaient planté des arbres, comme sur leur propriété foncière. Si ces chemins étaient effectivement une propriété pour eux, n’en doutons pas, iis l’ont conservée, et les droits qu’ils y ont exercés jusqu’à présent leur appartiennent encore; car, en détruisant la féodalité et les justices seigneuriales, vous n’avez porté aucune atteinte à la propriété foncière; vous l’avez, au contraire, respectée et mainteuue jusque dans ses moindres vestiges. Mais si les seigneurs n’ont jamais eu ni pu avoir sur les chemins publics de véritables droits de propriété; s’ils n’y ont jamais pu prétendre que la justice, si c’est de la confusion de leur qualité de justicier avec celle de propriétaire, qu’est dérivée pour eux, en plusieurs provinces, ta faculté d’y planter, il est indubitable que l’abolition de leur justice les a privés de tous leurs droits, de toutes leurs prétentions sur ces chemins, et que ces chemins sont aujourd’hui pour eux ce qu’ils sont pour tous les citoyens, c’est-à-dire que, destinés à l’usage commun de tous les individus par une espèce de consécration publique, ils n’appartiennent à personne, et dépendent uniquement de la puissance souveraine. Entre ces deux hypothèses, le choix n’est pas difficile à faire pour quiconque a médité les principes de la matière, l’histoire des justices seigneuriales, les anciens monuments de notre jurisprudence et les dispositions de nos coutumes. Les principes nous disent qu’il a existé des chemins avant qu’il existât des seigneuries ; qu’ainsi il est impossible de considérer les chemins comme des concessions seigneuriales; et que, dès lors, les droits que les seigneurs ont exercés jusqu’à présent sur les chemins ne sont ni le prix, ni l’émanation, ni la modification d’une propriété sacrifiée par eux à l’usage du public. Les principes et l’histoire nous disent, de concert, que les justices seigneuriales n’étaient, dans leur origine, que des fonctions publiques confiées en sous-ordre parle fonctionnaire suprême, par le monarque, à des agents subalternes ; que, devenues héréditaires par la force, elles n’ont pas perdu pour cela leurnatureprimitive etoriginelle defonc-tions publiques; que, dès lors, elles n’ont jamais pu prendre le caractère d’une propriété; que si elles n’ont jamais eu ce caractère, elles n’ont jamais pu, à plus forte raison, le transmettre aux objets sur lesquels elles s’exerçaient; que jamais, par conséquent, un seigneur justicier n’a pu se considérer comme propriétaire, soit de sa justice, soit des chemins soumis à sa justice; qu’il n’a jamais eu sur les chemiDs qu’un droit ou plutôt un pouvoir d'administrer, et que certainement le pou-ARCI1IYES PARLEMENTAIRES.