SÉANCE DU 19 FRUCTIDOR AN II (5 SEPTEMBRE 1794) - N°* 51-52 271 IX. Le comité central de gouvernement et le comité de police générale de la République, communiquent directement avec toutes les agences et tous les comités pour l’action et la surveillance qui leur sont confiées. La législation du tout dépend de la représentation nationale seule, qui est directement instruite par les comités respectifs. X. Il sera établi une censure nationale pour les fonctionnaires publics, et une censure fraternelle pour tous les citoyens. Le dernier degré de la censure nationale sera un tribunal national qui pourra suspendre de fonctions, exiler, ostraciser tout fonctionnaire qui sera devenu nuisible ou dangereux à la République, par ses défauts, ou même ses vertus, ses talens. Le dernier degré de la censure fraternelle, sera l’appel des citoyens devant leurs sections respectives. XI. Il sera fait une déclaration de la morale républicaine : cette déclaration sera la base de la censure nationale pour les fonctionnaires publics, et de la censure fraternelle pour les citoyens. Les fonctionnaires qui y manqueront habituellement et essentiellement, seront soumis aux peines les plus sévères de la censure nationale; si elle fait découvrir des traîtres ou des hommes suspects, elle les renverra à l’examen des tribunaux ordinaires : les citoyens ne seront soumis qu’à des invitations privées ou publiques. XII. Dans chaque section de la République, il sera construit un amphitéâtre capable de contenir la section du peuple français qu’elle renferme. La représentation nationale communiquera directement avec chaque section de la République, toute les décades, par une instruction sur la révolution et les succès de la guerre de la liberté des peuples contre la tyrannie. Cette instruction sera rédigée d’après les vues proposées à la représentation nationale par son comité de morale et d’instruction publiques, et arrêtées par elle avant la rédaction. Cette rédaction lui sera définitivement soumise : après cela, ces instructions étant envoyées, seront lues, chaque jour, durant chaque décade, aux citoyens de tout âge et de tout sexe, qui se trouveront réunis, à une heure désignée, dans le lieu d’assemblée de chaque section. Un institut pour former des lecteurs s’occupera des moyens révolutionnaires de rendre la langue française le langage universel de tous les lieux de la République. LANTHENAS demande, par motion d’ordre, le renvoi au comité de Législation du projet sur le gouvernement révolutionnaire, qu’il a fait distribuer à la Convention le 16 thermidor. Il pense que la déclaration des principes du gouvernement révolutionnaire, pour servir de garantie aux droits et à la liberté du citoyen, que renferme ce projet, aurait prévenu les agitations qu’on a dernièrement excitées dans la Convention, si elle l’avait eu consacrée. La motion est adoptée (78). 51 La section de Grenelle [sic] fait passer le procès-verbal dressé à raison d’une explosion qui vient d’avoir lieu par une imprudence, mais qui n’a occasionné aucun accident. Elle ajoute que la malveillance empoi-sonneroit cet événement et qu’elle s’empresse d’en donner le détail. Insertion au bulletin, et renvoi au comité de Salut public (79). [Les commissaires civils de la section des Invalides, au citoyen président de la Convention nationale ] (80). Citoyen Président, Un léger accident arrivé à Grenelle a causé des inquiétudes aux habitans de cette section, pendant un instant; craignant qu’on ne répande des bruits inquiétans parmi le peuple, relativement à la poudrerie, et que ces bruits ne parviennent à la Convention, nous nous empressons de t’envoyer le procès-verbal qui constate ce fait. Section des Invalides Ce jourd’hui dix-neuf fructidor, l’an deux de la République une et indivisible, à dix heures du matin, je, commissaire du comité civil de la section des Invalides, étant devant l’hôpital militaire, ayant entendu un bruit assez fort, ayant vu une fumée assez considérable s’élever du côté de la poudrerie de Grenelle, suis accouru à ladite poudrerie, où étant arrivé, j’ai trouvé les citoyens Paillard, inspecteur, et Leroux directeur; lesquels m’ont déclaré que le bruit et la fumée avoient été occasionnés par l’explosion d’un petit baril rempli de poussier, enseveli dans les décombres du platelage, et qui n’a pu prendre feu que par l’outil de l’ouvrier occupé à le décombrer; lequel ouvrier a été le seul blessé grièvement, et deux autres ouvriers l’ont été très légèrement. De quoi j’ai dressé le présent procès-verbal, le plus promptement possible, afin de tranquiliser les esprits, en disant la vérité. Fait à Grenelle, le 19 fructidor, l’an 2 de la République une et indivisible. Signé à l’original, d’HERBÉ, commissaire ; Paillard, inspecteur, Leroux, directeur. Pour copie conforme à l’original. Signé, Go-zaud, secrétaire-greffier (81). 52 SEVESTRE, au nom du comité de l’examen des Marchés : (79) P. V., XLV, 80. F. de la Rêpubl., n° 429; M.U., XLIII, 319; J. Perlet, n° 713; J. Univ., n° 1 746; Ann. R.F., n° 278; J. Paris, n° 614; Ann. Patr., n° 613; C. Eg., n° 748; Gazette Fr., n° 979; J. Fr., n° 711; Rép., n° 260; J. Mont., n° 129. (80) Bull. 19 fruct. Débats, no 715, 323-324. Moniteur, XXI, 685. (78) Moniteur, XXI, 687. (81) Bull. 19 fruct. 272 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Le citoyen Pelletier, cultivateur à Neufchâ-tel, district de Laon, département de l’Aisne, avait été nommé en 1792 commissaire par le département pour approvisionner l’armée du Centre, qui manquait totalement de fourrages. Il paraît qu’à cette époque il rendit des services importants à cette armée, puisque les représentants du peuple Bellegarde, Delmas et Dubois-Dubais lui ordonnèrent, par un arrêté du 28 août 1792, de continuer ses fonctions de commissaire tant que le même mode d’approvisionnement serait continué. Il les cessa lors de l’entrée de l’armée dans la Belgique, en novembre suivant. Le département lui faisait des avances; il justifiait de l’emploi par des bordereaux d’achats, faits en présence de deux officiers municipaux de la commune dans laquelle ils avaient eu lieu, et c’était sur ces bordereaux que le département de la guerre remplaçait dans la caisse du district les sommes qui en avaient été tirées. En 1793, Pelletier, qui n’était plus commissaire, devient fournisseur pour son compte sur des marchés librement passés entre lui et les administrateurs militaires qui en avaient le droit; aucune plainte ne s’est élevée contre la qualité, le poids ou la mesure de ses fournitures. Il ne pouvait y en avoir pour le prix, puisqu’il était réglé de gré à gré dans les soumissions acceptées. Un système de désorganisation s’établit; il devait attaquer à la fois toutes les branches du gouvernement. Les conspirateurs avaient partout des agents qui, subsituant la manière de voir de leurs propres complices à l’opinion publique, parvinrent à égarer beaucoup de bons citoyens, et se servirent de leur erreur pour exercer la tyrannie la plus terrible. En juin 1793, on provoqua contre Pelletier des dénonciations de tout genre. Le procureur général du département de l’Aisne, Pottofeux, maintenant traduit au tribunal révolutionnaire, et fortement prévenu, par des témoignages multipliés, d’avoir été l’agent du triumvirat que vous avez renversé, dominait toutes les administrations. A l’aide de quelques affidés, notamment de quelques prêtres qui tenaient de lui les places qu’ils occupaient, il dominait l’opinion. Il en profita pour exercer et faire exercer contre le citoyen Pelletier les vexations les plus inouïes. Après l’avoir envoyé, sur plusieurs inculpations absurdes, à l’accusateur public du département, peù satisfait sans doute du peu de succès de l’information qui lui fut renvoyée, quoiqu’elle eût dû l’être à l’accusateur public, il fit lancer contre lui un mandat d’arrêt. Pelletier se sauva dans le sein de la Convention nationale; il réclama sa justice; il donna au comité, auquel vous l’avez renvoyé, son adresse à Paris, où il attendit patiemment le résultat d’un examen approfondi. Dès qu’on sut par le comité lui-même qu’il était saisi de cette affaire, l’agent national du district de Laon, ami intime et protégé de Pottofeux, qui l’a soustrait, on ne sait pourquoi à la réquisition, déclara Pelletier émigré. Un gardien fut chargé de sa maison, s’empara du lit de la citoyenne Pelletier, à laquelle il refusa même un verre de lait de ses vaches pour un enfant de trois mois. On ne laissa à cette mère désolée que trois chemises et un déshabillé; elle fut forcée de sortir de chez elle, pour n’y rentrer que par l’effet de votre justice. Le cachet de la municipalité, qui avait servi à sceller les papiers de Pelletier, fut porté au département, où il demeura cinq jours, pendant lesquels le scellé fut secrètement violé; enfin l’agent national, dont votre comité ne secondait probablement pas les vues, déclara Pelletier émigré sans aucune forme, et voulut faire vendre ses meubles. Puis, sur les réclamations du comité, qui demandait de nouveaux renseignements, ce même agent national produisit contre lui de nouvelles accusations dont il n’avait pas encore été question pendant les neuf mois qu’il l’avait poursuivi, quoique les prétendus griefs datassent du commencement de cette affaire; en enfin il le traduisit au tribunal révolutionnaire. Votre comité, après avoir scrupuleusement examiné cette affaire, n’a trouvé lieu à aucune accusation contre ce fournisseur. Vous penserez sans doute comme lui lorsque vous connaîtrez les griefs les plus forts, et qui avaient d’abord paru mériter quelque attention, mais qui disparaissent au moyen d’une simple explication. On a reproché à Pelletier d’avoir exercé ses fonctions de commissaire en août 1792, tandis qu’il ne l’était pas; mais, indépendamment de l’arrêté des représentants du peuple du 28 août, un lettre originale, en date du 22 septembre, et signée Pottofeux lui-même, accusateur de Pelletier, prouva la fausseté de cette allégation. On lui reproche d’avoir exercé des actes arbitraires, et on ne cite à ce sujet que l’incarcération d’un cultivateur. Cet homme riche, ayant huit chevaux et des voitures, s’était entièrement refusé aux réquisitions pour les convois. Le département, en 1792, prit contre lui un arrêté sévère, que Pelletier, son commissaire, fut chargé de faire mettre à exécution; voilà le fait. Enfin (car nous ne vous entretiendrons pas des allégations futiles) on lui reproche de ne pas avoir rendu compte d’une somme de 150 000 L qu’il a touchée du département, et dont les derniers fonds lui ont été faits à la fin de mars 1793 (vieux style), pour acquitter les achats faits en 1792. Pelletier a déclaré que c’était de 161 000 et non de 150 000 L qu’il était comptable; mais, outre qu’il n’a reçu cet argent qu’à mesure de la remise des bordereaux d’achats dont nous avons parlé, et qui étaient prescrits par l’arrêté du département, il n’a pas refusé d’en rendre compte, et l’interrogatoire du mois de juin le prouve; mais il était occupé à un service très actif près des armées, et on lui a ôté tous les moyens de rendre ce compte en le privant non seulement des pièces comptables qui étaient au département, mais encore en le privant de sa liberté et de tous ses papiers. La détention de ce père de famille, qui aurait pu être utile à la République, ne fût-ce que par SÉANCE DU 19 FRUCTIDOR AN II (5 SEPTEMBRE 1794) - N0» 53-55 273 ses soins à la culture de son exploitation, dure depuis onze mois. Il a différentes sommes à réclamer pour prix des fournitures faites en exécution de ses différentes soumissions, et qu’il doit lui-même à un grand nombre de vendeurs; il avait une auberge que son absence et celle de sa femme ont perdue entièrement : sa fortune se consume, et cependant aucun grief raisonnable ne peut lui être opposé Votre comité a donc pensé que vous vous empresseriez de le rendre, lui et son épouse, à une famille éplorée qui les désire, et qu’en prenant les mesures convenables pour assurer la vérification de l’emploi de 161 000 L, dont il a déclaré devoir compter, vous rendriez au citoyen Pelletier, avec les facilités d’en justifier promptement, les moyens de jouir bientôt de sa liberté définitive (82). Un membre, au nom du comité des Marchés, propose et la Convention adopte le projet de décret suivant : La Convention nationale décrète : ARTICLE PREMIER. Les arrêtés pris par le département de l’Aisne depuis le premier septembre 1793 (vieux style) jusqu’à ce jour, dans l’affaire de Victor Pelletier, cultivateur à Neufchâtel, et fournisseur de fourages aux armées, sont annulés. II. Les scellés seront levés chez ce citoyen, et tout gardien tenu de se retirer au vu du présent décret. III. Il sera donné au citoyen Pelletier un gendarme pour aller tant à son domicile, qu’au département de l’Aisne, et par tout où besoin sera, chercher les pièces comptables qui lui sont nécessaires pour justifier de l’emploi des 161 000 L, dont il a déclaré devoir compte, comme lui ayant été avancés par le département doint il étoit commissaire. IV. Aussitôt la remise de ces pièces au bureau de la commission de commerce et d’approvisionnements, il lui en sera délivré un certificat, au vu duquel le gendarme sera tenu de se retirer. V. La commission de commerce fera passer, dans la décade de la remise de ces pièces, au comité de Salut public, l’arrêté de compte résultant de leur vérification pour y être approuvé. VI. Jusqu’à la présentation de l’arrêté de compte définitif de la commission de commerce, en exécution des articles III, IV et V, il ne pourra être délivré au citoyen Pelletier, aucune ordonnance sur les sommes qu’il peut être en droit de réclamer, en paiement des fournitures qu’il a faites à la République, en exécution de ses différents marchés avec elle. VII. Jusqu’à la même époque, il ne pourra aliéner aucune partie de ses immeubles. VIII. Le département de l’Aisne, et toute autre administration dans les bureaux de laquelle il pourrait se trouver des pièces (82) Moniteur, XXI, 701-702. utiles au citoyen Pelletier, seront tenues de les lui communiquer, même de lui en délivrer copie ou extrait en forme, suivant la demande qu’il en fera. IX. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (83). 53 Les membres, pour dépouiller le scrutin de deux comités, sont Barrot[?], Bonnet, Boissieu, Plazanet (84). 54 Un membre [Lefiot] demande que la Convention nationale déclare qu’elle n’a pas entendu par son décret du 9 thermidor, ôter à son comité de Sûreté générale le pouvoir de mettre en liberté les officiers municipaux qui prouveront qu’ils n’ont pris aucune part à la rébellion de la commune de Paris. La Convention passe à l’ordre du jour, motivé sur ce que le décret du 9 thermidor ne met hors de la loi que ceux des officiers municipaux qui ont pris part à la rébellion (85). Un membre, par motion d’ordre, consulte l’Assemblée sur l’application de la loi du 9 thermidor, qui met hors la loi les membres de la Commune complices de Robespierre. Il pense que l’intention de l’Assemblée n’est point que ceux qui prouvent qu’ils n’ont pris aucune part à la conspiration soient traduits au tribunal révolutionnaire, et languissent longtemps dans les prisons, et que le décret laisse au comité de Sûreté générale la faculté de mettre en liberté ceux dont il reconnaîtra l’innocence (86). 55 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la démission envoyée à ce comité par les citoyens Dubois et Monnot, des fonctions d’administrateurs du district de Beaume; Approuve les motifs qui ont déterminé ces démissions, et nomme, pour les remplacer, Daillier, ingénieur-géographe, et Boyer, ci-devant receveur du district (87). (83) P.-V., XLV, 81-82. C 318, pl. 1 293, p. 44, minute signée de Sevestre. Décret. n° 10 746. Moniteur, XXI, 685. J. Fr., n° 711. (84) P.-V., XLV, 82. (85) P.-V, XLV, 82-83. C 318, pl. 1283, p. 45. Décret 10 758. Rapporteur : Desrues d’après C*Il20, P-285. (86) Moniteur, XXI, 684; J. Univ., n° 1 747; Rép., n° 260; J. Paris, n° 614; J. Perlet, n° 713; C. Eg„ n° 748; J. Fr., n° 711; M.U., XLIII, 319; J.-S.-Culottes, n° 569; J. Mont., n° 129. (87) P.-V., XLV, 83. C 318, pl. 1 293, p. 46, rapporteur Oudot. Décret 10 744. J. Fr., n° 711; M.U., XLIII, 329. 18