222 [Assemblée nationale.] officiers et en vérifiant sur les lieux les faits allégués sur les choses mêmes. Ce travail est nécessaire au plan de défense pour lequel je demande la réuDion d’une conférence. Enfin, quand on jette les yeux sur la nouvelle carrière qui va s’ouvrir à l’instant où le roi reprendra ses fonctions, la nécessité de cette conférence se fait sentir encore plus vivement. Le roi doit être considéré comme revenant d’un long vovage, durant lequel il s’est opéré des changements immenses dans l’Empire, changements qui toujours lui ont été présentés dans un sens contraire à leur objet. Il serait lui-même le plus malheureux des mortels, s’il ne prenait pas la ferme résolution d’appuyer, par tous les moyens qui leur seront confiés, et par son plein assentiment, la Constitution actuelle de l’Empire. Cette voie lui est ouverte de s’assurer l’affection des Français. S’il a des inquiétudes sur la bonté de certaines lois, qu’il les présente; il en ale droit: mais qu’il sache que ce n’est pas dans la confusion de l’anarchie, et dans l’exaltation où elle jette les meilleurs esprits, qu’il éclairera ses doutes, et qu’il en obtiendra l’amélioration. Ses plus grands ennemis sont ceux qui l’alarment sur sa puissance, et qui, voulant gouverner pour eux-mêmes, se parent à ses yeux d’une hypocrite sollicitude sur le pouvoir royal. Tant que le roi sera le chef de la puissance exécutrice d’un Empire comme la France, il sera revêtu par cela même d’un grand pouvoir. La seule fonction de faire régner les lois est une source intarissable de gloire ; elle conduit à l’environner d’estime et de vénération. Le régime de la liberté est fait pour les bons caractères, pour les hommes ambitieux d’une place distinguée entre les bienfaiteurs du genre humain. Nul n’est plus intéressé que le roi à reconnaître que l’empire de la raison, le seul qui convienne aux chefs des nations, est vivement réclamé par la très grande majorité des Français. Il n’y a pas un homme de bon sens qui ne lui prédise les plus accablantes infortunes pour lui et ses descendants, s’il ne s’applique pas sérieusement à consolider laRévolution. Les lois feront raison des ennemis intérieurs ; mais c’est au parti que le roi prendra contre ceux du dehors qu’on jugera de ses intentions. Il ne tient qu’à lui de détruire toutes les alarmes, de dissiper toutes les haines particulières, de rétablir la sécurité sur les frontières, et de procurer ainsi à toutes les parties de la Constitution ce jeu libre et non interrompu, seul propre à l’éclairer sur ses défauts. Il faut donc que le roi connaisse parfaitement et l’état des forces dont il a le suprême commandement, et les opérations que les circonstances exigent, afin que rien ne s’oppose aux mouvements et aux résolutions qu’il doit diriger dès que l’activité lui sera rendue. Enfin, il est un autre objet sur lequel il importe de faire l’Europe entière juge de nos dispositions : je parle des prétentions des princes étrangers dans les départements du Rhin et de la Moselle. Comment se fait-il qu’il ne soit pas encore sorti du cabinet des affaires étrangères un seul mémoire et sur la nature de ces prétentions et sur les titres que nous avons à opposer à ce qu’elles auraient d’extrême et de déraisonnable? Quoi ! dans les querelles d’Etat à Etat, les despotes ne dédaignent pas le tribunal de l’opinion publique ; et nous gardons le silence, et nous n’avons pas encore répandu sur cette querelle les lumières qui doivent la faire juger ? Comment expliquer une telle insouciance ? [S septembre 1791.] On ne peut pas douter que la nation ne veuille être juste : il faut donc éclairer sa justice ; il faut que ce procès soit mis en état d’être universellement jugé, et que les démarches du roi pour procurer aux princes les dédommagements qui leur sont dus ne soient pas exposées aux critiques de l’ignorance et de la mauvaise foi. Quand on a trouvé le point où la justice s’arrête, rien n’empêche d’être généreux: éclairons-nous donc sans plus tarder; et si cesprétentions sont réservées pour servir de prétexte à une guerre, comme alors les négociations seront infructueuses, hâtons-nous d’amener la discussion au point où l’injustice ne poufra plus échapper au grand jour. Je n’ai parlé ni de l’armée des émigrants, nides entreprises pour lesquelles les mécontents semblent compter sur leurs propres forces. Leur secret ne nous est pas encore révélé; si leur parti est aussi nombreux qu’ils l’annoncent, à quoi sert de temporiser? Ils ne renonceront à leurs desseins que lorsque l’armée de la liberté les aura couvaincus de leur faiblesse. Je me résume. Nous devons établir pour certain qu’on projette des hostilités contre nous, en haine de notre Révolution et de notre Constitution libre. Nous devons, en conséquence, nous occuper avec la plus grande activité des moyens de défense les plus importants et les plus efficaces. Rien ne nous doit ralentir à cet égard, jusqu’à ce que toutes les apparences hostiles, dont nous pouvons craindre d’être l’objet soient entièrement dissipées ; et nous devons hâter ce moment, puisque la crainte qu’on nous inspire est déjà un germe d’hostilité aussi fâcheux à plusieurs égards que le serait une agression effective. Nous devons nous mettre en mesure de faire cesser tout procédé contraire au droit des nations, et demander la réparation de toutacte quelconque, par lequel la nation serait insultée, et sa souveraineté méconnue. Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « Art. 1er. L’Assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre se réunira sur un point de la frontière avec MM. de Rochambeau, de Luckner, les chefs du génie, de l’artillerie, et deux commissaires étrangers, et que, dans des conférences établies, il sera arrêté un plan d’opération pour la défense de toutes les parties de l’Empire. « Art. 2. Décrète, en outre, que les minisires du roi seront requis de préparer tous les mémoires, documents nécessaires pour éclairer l’Europe sur les prétentions des princes possessionnés dans les ci-devant provinces de Lorraine et d’ALâce, et qu’immédiatement après que la Constitution sera acceptée par le roi, les négociations s’entameront sur cet objet entre le chef de l’Empire germanique et les parties intéressées. » Plusieurs membres : L’impression du discours ! M. Prieur. Si l’Assemblée veut consentir à l’impression du discours, je n’ai rien à dire; si elle veut aller aux voix sur-le-champ sur le projet de décret, je demande la parole. Plusieurs membres : L’ajournement à jeudi. M. Martineau. Je demande le renvoi au comité militaire. Plusieurs membres : Non ! non! ARCHIVES PARLEMENTAIRES.