[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 70$ tous dépêche un de ses membres, le citoyen Groudal aîné, qui vient en poste et qui vous re¬ mettra sous ce pli toutes les pièoes que nous avons trouvées. « Il y a quelque temps que le vent d’est souf¬ fle; il a desservi les traîtres de Toulon, et le génie des sans-culottes qui veille nous a fait arriver ce matin, par force, dans notre port, un bâtiment anglais. Le capitaine a déposé que le bâtiment qu’il commande avait été pris en der¬ nier lieu par un vaisseau anglais de 74; que ce bâtiment venait de Bastia en Corse, chargé de nos braves défenseurs malades; qu’il fut con¬ duit à Livourne où il a pris le commandement. Là on débarqua les malades; il fut chargé de 53 moutons et 20 bœufs pour porter à l’infâme ville de Toulon. On lui remit aussi cinq soldats du bataillon ci-devant Vermandois, qui avaient été pris, les seuls qui n’étaient point malades. Il partit, et par un événement que le ciel qui tient pour nous fit naître, ce bâtiment a été forcé d’entrer dans notre port. Nous u’avons pas manqué alors, malgré la pluie et la mer en cour¬ roux, de nous transporter à bord de ce bâtiment, partie dans des chaloupes, courant le port ou dans les vagues. Nous avons trouvé les lettres que ce paquet contient et que le capitaine, quand il s’est vu perdu, avait jetées à la mer. Vous jugerez de leur importance, et si la surveillance que nous portons et avons portée dans cette occasion est utile à la République. « Le citoyen Coudai vous donnera, de vive voix d’autres renseignements. Nous sommes tous de véritables sans-culottes, sans fortune, et portés nuit et jour à tout ce qu’il faudra faire pour aider à terrasser nos ennemis et à faire triompher cette République qui était dans nos cœurs avant la Révolution et que nous défendrons jusqu’à la mort. « Nous ne vous laisserons pas ignorer qu’il est arrivé plusieurs bâtiments dans notre port, venant de Toulon. Notre surveillance n’a ja¬ mais été en défaut, et si nous nous sommes tus, c’est que l’ancien comité de surveillance géné¬ rale du département doit vous en avoir fait part. « Nous ne vous laisserons pas ignorer encore que, depuis le mois d’août (vieux style) que nous sommes formés en comité, nous n’avons cessé de faire des dépenses, soit pour voyages et frais de bureau assez conséquents, toujours à nos frais. Nous venons encore de nous cotiser pour faire une somme à notre député. Nos moyens sont petits; nous nous sommes adressés au district pour lui demander qui doit supporter ces frais. Il nous a répondu que ce que la loi accorde pour indemnitif n’est que pour les comités de surveillance générale du département; quant aux frais de bureau, que c’était à la commune à les supporter. - « Nous sacrifierons bien tout ce qui nous reste; mais nous vous le répétons, nos moyens sont petits et de véritables sans-culottes; ils seront bientôt épuisés. Vive la République. « Signé : Doumet, F.-St-Marat Maillit; F. Paget, Peyronnet, François Jour¬ dan, Pierre Rey. « Pour copie conforme. « Signé : Voulland, député, membre du comité de sûreté générale de la Convention. » Copie textuelle d’une lettre du sieur Ccdonnem sans lieu de départ et sans date . Mon cher général, je me suis acquitté de la commission que vous m’aviez donnée à Gibraltar pour les Talleyrand et pour Mme de Chabannes, avec qui j’ai présentement la satisfaction d’être réuni. Votre souvenir leur a fait grand plaisir, et je leur ai trouvé les mêmes sentiments que vous . m’aviez inspirés. Ils se joignent à moi dans ce moment, pour vous féliciter sur votre arrivée à Toulon, et sur la mission que vous avez remplie. Honorable en elle-même, elle le sera encore plus par la manière dont vous vous en acquittez.; Soyez, je vous prie, bien persuadé de l’in¬ térêt que nous prendrons à vos lumières ; il est d’autant plus utile, qu’il est réuni à l’intérêt général, à celui de tout ce qu’il y a encore de Français amis des bons sentiments. J’ai toujours pensé que le salut de notre pauvre patrie, s’il est encore permis d’avouer pour tel un pays souillé de tant de crimes, ne pouvait venir que du côté du Midi; je le pense plus que jamais. C’est de l’Angleterre, réunie à l’Espagne et à Naples, que je l’attends; et l’idée que vous pourrez y contribuer, ajoute, mon cher général, à l’attachement que je vous ai voué. « Tout le monde rend justice à la conduite de lord Hood. Cet amiral s’est couvert de gloire, et c’est à lui que l’on doit le succès le plus mar¬ quant, et peut-être le seul vraiment décisif de toute cette campagne. Je la regarde comme finie partout ailleurs ; mais il y a lieu de se flat¬ ter qu’elle ne l’est pas en Provence, et que bientôt toute cette province sera au pouvoir des troupes alliées. « Les nouvelles publiques font présumer que leur nombre va s'augmenter de plus en plus ; et s’il s’élève, comme on le présume, jusqu’à environ 40,000 hommes, rien n’y résistera. Il y a même lieu de croire qu’on trouvera dans plu¬ sieurs parties de l’intérieur des dispositions favo¬ rables. « Peut-être serait -il avantageux, pour les faire éclore et en tirer un grand parti, qu’il y eût un prince français à portée de se montrer au moment qu’on le jugerait convenable. Celui auquel vous savez combien je suis dévoué, pourrait mieux que personne remplir cette vue avec un succès dont les suites seraient inappré¬ ciables ; et il se conformerait à toutes les mesures qui pourraient être nécessaires pour se concerter avec le plan de votre gouvernement. Je ne puis pas développer davantage cette idée, et je me borne à vous en faire entrevoir les avantages, qui s’accroîtraient infiniment par les disposi¬ tions où nous savons que sont les nombreux catholiques du Vivarais et du Bas-Languedoc. « Vous me feriez un grand plaisir, mon cher général, si, après en avoir causé avec les ami¬ raux, vous me faisiez apercevoir quelles peuvent être sur cela les façons de penser; et sans citer ni compromettre, je pourrais laisser espérer qu’en cas que l’on voulût tourner ses pas vers cette partie ou ses environs, on n’aurait point. à craindre de contrarier ou déplaire. Vous m’en¬ tendez assez, et sûrement vous ne trouverez pas. qu’il y ait de l’indiscrétion à vouloir avant tout sonder le terrain. Au reste, je ne vous demande aucune démarche, et je n’ai moi -même aucune 710 [Convention nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { JS àéœmbnim miBSion ; je vous communique seulement l’idée qui m’est venue, dans l’espérance que vous vou¬ drez bien me confier réciproquement ce que vous en pensez, et ce que vous pourrez aper¬ cevoir sans vous compromettre en aucune sorte. « Je veux, arec la même franchise, vous faire part d’une observation qui pourrait n’être pas inutile aux généraux confédérés. Il y a un moyen sûr de soumettre la Provenee. C’est de la menaeer, en cas de résistance, d’anéantir tons ses oliviers. Comme elle n’existe que par leur produit, et qu’une fois détruits, il faudrait plus de dix ans pour la régénérer, les habitants ne tiendraient pas à une pareille menace, ni au moindre commencement d’exécution. On en a déjà fait l’expérience, et vous trouverez peut-être à propos de le dire à quiconque serait dans le cas d’en profiter. « J’ài l’honneur d’être avec un sincère atta¬ chement, mon cher général, votre très -humble et très obéissant serviteur. « Signé : De Calonne. « (Suite). Voulez-vous bien présenter à lord Hood mes hommages et mon remerciement du bon accueil qu’il a fait au capitaine Curnihem. S’il était aussi à Toulon, je vous prierais de lui dire mille choses pour moi ; je serai toute la vie son obligé. « Mon adresse est chez M. Todero, banquier à Vicenee, avec une première adresse au consul anglais de Livourne ou de Gênes. » VII. Amar annonce l’arrestation de Rabaut - Saint-Étienne et de Rabaut-Pomier et PROMET DE FAIRE A BREF DÉLAI AU NOM DU COMITÉ DE SÛRETÉ GÉNÉRALE U-N RAPPORT SUR LES COMPLOTS QUI TENDENT A L’ AVILIS¬ SEMENT ET A LA DISSOLUTION DE LA CON-' VENTION NATIONALE (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Amar, cm nom, du comité de sûreté générale. Citoyens, le comité de sûreté générale est à la piste des complots et des conspirations qui se trament contre la République, et qui ont pour but PavOissement et la dissolution de la repré¬ sentation nationale. A la suite des preuves que nous acquérons, et qui deviennent chaque jour plus frappantes, nous avons pris hier une mesure ae salut public de la plus haute importance. Après une dénonciation qui nous a été faite, nous nous sommes transportés dans le faubourg (l> Le discours d’Amar n’est pas mentionné au procès-verbal de la séance du 15 frimaire an II; mats ou en trouve un extrait dans les comptes ren¬ des de eette séance publiés par les divers journaux de l’époque. (.2) Moniteur universel [n° 77 du 17 frimaire an II (samedi 7 décembre 1793), p. 309, col. 3], D’autre part* voy. ci-après, annexe n° 1, p. 714, le compte rendu du même discours et de la d scussion qui a suivi d’après divers journaux de Pépoque. Poissonnière* oii nous avons trouvé deux des conspirateurs, Rabaut-Saint-Étienne et Rabaut - Pommier. Nous avons fait saisir leurs personnes* leurs effets et leurs papiers. Leur argent n’est rien pour la République, à quelque somme qu’il se monte, mais leurs papiers sont tout ; ce sont eux qui contiennent leurs pensées* et nous vous prions d’observer que Rabaut influençait le plus directement l’opinion publique. Noua les avons fait transférer à la conciergerie, pour que le tribunal constate leur présenee ét les juge aux termes de la loi. Nous avons cru devoir faire arrê¬ ter les deux particuliers qui leur ont donné asile. Rabaut et son frère n’étaient point, comme l’ont dit des journaux sans doutes stipendiés, à Lyon, à Bordeaux, dans le département du Gard, etc. Ils n’ont point quitté Paris, et nous acquérons la preuve que c’était d’ici qu’ils écri¬ vaient, et qu’on faisait imprimer leurs écrits dans les départements pour y corrompre l’esprit public. Nous devons le dire, il est important de prendre des mesures pour arrêter ces follicu¬ laires aux gages des ennemis de la République; ces hommes perfides et ambitieux qui, par des opinions exagérées dans les tribunes, aux sociétés populaires, cherchent à se mettre entre le peuple et vous. Ces audacieux seront démas¬ qués; ils tremblent aujourd’hui. Vos comités feront leur devoir; nous ne respectons personne. (On applandit. ) Quand la Convention s’est immortalisée, en faisant périr des tyrans qui abusaient de leur caractère et de leurs moyens pour tuer la liberté; uand nous avons eu le courage et l’énergie de émasquer les conspirateurs qui étaient au mi¬ lieu de nous, laisserons-nous des particuliers sans mission, sans autorité, usurper celle du peuple? Non, quelle que soit leur exaltation, nous dévoilerons leurs manœuvres. Nous vous devons jour par jour compte de notre conduite. Le comité vous doit la vérité, il vous la dira. Comptez toujours sur le patrio¬ tisme qui anime vos comités de salut public et de sûreté générale. La calomnie s’est attachée au premier, composé des meilleurs patriotes de la Montagne; on persécute le comité de sûreté générale. On veut vous perdre en vous divi¬ sant. Nous déjouerons toutes ces intrigues, les preuves arrivent tous les jours ; mais pour mettre de l’ordre dans le travail, et vous présen¬ ter un résultat digne de vous, il faut nous don¬ ner le temps nécessaire ; voilà tout ce que nous vous demandons. (On applaudit.) Merlin (de Thionville). La République est impérissable; le peuple, est immortel. Les comi¬ tés font leur devoir; la Convention sauvera la liberté. Quoi ! lorsque le despote est tombé sous nos coups, nous n’écraserions pas ces vils intrigants qui veulent se mettre à leur place. Représentants du peuple, marchez à grands pas dans la earrière que la révolution vous a ouverte. Les comités de Salut public et de sûreté générale ont fait arrêter deux de nos collègues avec lesquels, moi troisième, dans l’Assemblée législative, j’ai travaillé à la destruction de la tyrannie. Je demande qu’il soit permis à leurs collègues de démontrer leur innocence; et pour y parvenir, que chacun de nous ait la liberté de les aller voir au Luxembourg en montrant sa carte de député. Ils ne sont point dénoncés, mais dénonciateurs, et les coupables machinent encore impunément.