[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [S septembre 1790.1 589 L’Assemblée accepte la démission de M. Pelle-rin et renvoie les pouvoirs *de M. Maupassant à l'examen de son comité de vérification. M. de Rostaing, au nom du comité militaire , propose un projet de décret qui est adopté en ces termes * « L’Assemblée nationale a décrété : 1° que le bouton uniforme des gardes nationales de France sera conforme à l’empreinte annexée à la minute du présent décret, portant une couronne civique, au milieu de laquelle sont écrits les mots : là loi et le roi, avec le nom du district en entourage entre la couronne civique et le cordon du bouton; « 2° Que dans les districts où il y a plusieurs sections, elles seront distinguées par un numéro placé à la suite du nom du district; « 3» Que l’uniformité ne sera point détruite, quelle que soit la qualité du bouton, doré sur bois, surdoré sur os, sur moule de cuivre, ou massif, chaque citoyen restant le maître de choisir la qualité qui lui conviendra le mieux. » M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur la liquidation de la dette publique et sur les assignats. M. de SLablache (1). Vous connaissez tous, Messieurs, l’importance de la question qui nous agite. On vous a dit vrai, lorsque l’on vous présente cette question, comme devant décider le sort de l’Etat, la restauration de nos finances, l’ordre, le repos, la liberté, la Constitution : tous ces grands intérêts reposent et vont dépendre peut-être du parti que vous adopterez ; une fois pris, il ne faudra plus regarder en arrière; tous les retours deviendraient impossibles, le salut ou la perte, c’est là ce que vous allez bientôt prononcer. Je viens, Messieurs, acquitter ma conscience, acquitter mon devoir, en vous soumettant quelques observations ; si vous les jugez fausses, si vous les jugez inutiles, je ferai des vœux pour que mon opinion ne soit qu’un vain songe, et ce que j’ambitionnerai le plus alors sera de m’être égaré. Votre comité des finances n’a pas cru devoir prononcer un vœu, dans cette grande question. Il a voulu s’étayer de vos lumières, il a voulu s’entourer de l’opinion publique, et lui laisser le temps de se former: la question est donc entière. Et peut-être pour la considérer sous toutes ses faces, aurait-il été utile qu’il vous eût été fait deux rapports : l’un dans le sens des assignats, l’autre dans celui des quittances de finance, auxquels se seraient ralliés les membres qui se détermineront pour l’un ou l’autre de ces partis. Quant à moi, Messieurs, mon opinion déjà connue n’a point varié, et je l’avouerai, cherchant la vérité, désirant le bien par-dessus tout, dans les différents discours qui ont été prononcés à cette tribune, et qui presque tous ont été pour appuyer une émission d’assignats de plus de deux milliards, je n’ai rien entendu qui m’ébranlât; mais, en revanche, il m’a semblé que l’on avait négligé de vous présenter tout ce que cette opération peut avoir d’effrayant et de meurtrier. Lorsque M. l’évêque d’Autun agita le premier cette question, et proposa d’appeler concurremment tous les créanciers de l’Etat à l’acquisition (1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du discours de M. de Lablacbe. des biens nationaux, à raison du capital au denier vingt de leurs titres, je fus et je suis resté presque entièrement de son opinion. Le comité des finances a pensé que la dette exigible seule devait être remboursée ; et, malgré l’avantage que pouvait procurer un plus grand nombre d’acquéreurs, j’ai senti tout ce que l’on pouvait dire en faveur de cette mesure, et je me suis rangé à la majorité de cette opinion. Mais aujourd’hui, Messieurs, ce n’est plus avec les créanciers seuls que l’on vous propose de traiter: c’est la France entière, que vous allez frapper à la fois, c’est d’un bout du royaume à l’autre que va s’étendre votre opération ; c’est toutes les fortuües, c’est tous les individus, c’est toutes les propriétés que vous allez atteindre, puisque les assignats deviendront forcément la propriété de tous ceux qui possèdent quelque chose ; c’est donc sous ce point de vue que nous devons envisager la question. Il me semble, Messieurs, qu’il est un objet que l’on a négligé de vous présenter, et qui n’a été indiqué que légèrement. On vous a toujours montré ces assignats sortant du Trésor national, acquittant la dette publique, et devant sur-le-champ s’anéantir et se dissoudre dans cette monnaie territoriale, qui est le but de leur création et le terme de leur durée. Si leur carrière était aussi courte, il serait inutile d’en suivre la marche, et nous aurions peu à nous inquiéter des effets qu’ils pourraient produire; mais vous voyez déjà, Messieurs, à combien d’usages étrangers à cette destination ils vont servir, lorsque vous leur appliquerez le titre de monnaie, et lorsqu’il sera impossible de les repousser : suivons-les donc un instant dans la route qu’ils vont parcourir, et voyons ensemble s’ils laisseront des traces funestes ou bienfaisantes de leur passage. Je vais, Messieurs, me rendre aussi clair qu’il me sera possible. On nous a dit, et on a eu raison de nous dire qu’aujourd’hui en finance, ce qui n’était pas entendu de tout le monde, n’était entendu de personne ; et je vais essayer de compter par mes doigts comme la bonne femme dont vous parlait ces jours derniers un de mes digues collègues. Je demanderai d’abord, Messieurs, à chacun de vous, si vous croyez, si vous pensez, si vous espérez, que, lorsqu’il existe une différence entre l’assignat et l’écu, n’y ayant en émission que 330 millions d’assignats dans tout le royaume : si vous espérez, dis-je, que lorsque cette émission se sera accrue jusqu’à deux milliards et demi, l’assignat s'élèvera jusqu’au niveau de l’argent effectif? permettez-moi, Messieurs, d’en douter un instant et de raisonner dans cette hypothèse. Je connais, Messieurs, tout ce que l’on oppose à ce fait incontestable : les uns disent, ce n’est point l’assignat qui perd, c’est i’écu qui gagne. D’autres vous disent : cette différence vient du défaut de vente des biens nationaux, vendez-en seulement pour quelques millions, et vous verrez l’assignat recherché, vous le verrez s’élever et surpasser la valeur du numéraire. Vain sophisme, Messieurs. Sans doute, il faut vendre ces biens; sans doute, il faut les vendre promptement, et les sortir des mains des municipalités, où iis périront sans utilité pour la chose publique : mais n’espérez pas, malgré cette nécessité, que l’assignat se soutienne sans une perte considérable.