418 (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 févvrier 1790.] L’article 6 est ensuite adopté avec l’addition de M. Boutteville-Dumetz. M. le Président. L’article 8, qui devient le 7, est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale décrète que l’on ne pourra, d’après les six articles ci-dessus, revenir sur les élections déjà faites. » M. le baron d’Allarde trouve cette réaction insuffisante et demande qu’il soit bien entendu que les articles décrétés ne préjudicient point aux élections déjà faites. M. Démeonicr, rapporteur , modifie le texte de l’article 7 qui est mis aux voix et adopté. M. le Président donne lecture du décret tel qu’il résulte des propositions du comité de constitution et des amendements qui ont été admis. 11 est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète : « Art. 1er. Dans les assemblées de communautés, et dans les assemblées primaires les trois plus anciens d’entre ceux qui savent écrire pourront seuls écrire au premier scrutin, en présence les uns des autres, le bulletin de tout citoyen actif qui ne pourrait l’écrire lui-même ; et lorsqu’on aura nommé des scrutateurs, ces scrutateurs pourront seuls, après avoir prêté le serment de bien remplir leurs fonctions, et de garder le secret, écrire, pour les scrutins postérieurs, les bulletins de ceux qui ne sauront point écrire. « 11 ne pourra être reçu aucun autre bulletin que ceux qui auront été écrits, ou par les citoyens actifs, ou par les trois plus anciens d’âge, ou par les trois scrutateurs dans l’assemblée même, et sur le bureau. « Art. 2. Pour être citoyen actif ou éligible, il n’est pas besoin de payer, dans le lieu même, la quotité de contribution directe, exigée par les décrets antérieurs ; il suffit de la payer dans quelque partie du royaume que ce soit. « Art. à. Les membres des assemblées des communautés et des assemblées primaires prêteront individuellement le serment patriotique; le président prononcera la formule, et les citoyens actifs, appelés l’un après l’autre, répondront, en levant la main : Je te jure. « Art. 4. Dans tous les lieux où des comités, élus librement par la commune, remplissent les fonctions municipales conjointement avec les anciennes municipalités, les opérations relatives à l’exécution du décret de l’Assemblée sur la formation des municipalités nouvelles, seront faites par les officiers municipaux et les comités conjointement ; dans les lieux où d’anciennes municipalités électives ou non électives sont restées en possession des fonctions municipales, quoique des comités élus librement s’y soient établis, elles procéderont aussi à l’exécution du décret concernant les nouvelles municipalités, conjointement avec les comités librement élus ; dans tout autre cas, les comités élus librement, seront chargés seuls de l’exécution du décret relatif aux nouvelles municipalités. Art. 5. Lorsque les nouvelles municipalités seront formées, les comités permanents, électoraux et autres, sous quelque dénomination que ce soit, ne pourront plus continuer aucune fonction municipale; les compagnies armées sous le titre de milice bourgeoise, gardes nationales, volontaires, ou sous toute autre dénomination, ne se mêleront ni directement, ni indirectement de l’administration municipale, mais obéiront aux réquisitions des officiers municipaux, en conformité des décrets de l’Assemblée nationale. « Art. 6. Dans les lieux où l’on ne perçoit aucune contribution directe, soit parce qu’elle a été convertie en impositions indirectes, soit par toute autre cause, il est décrété, jusqu’à la nouvelle organisation de l’impôt, que tous les citoyens qui réuniront d’ailleurs les autres conditions prescrites par les décrets de l’Assemblée, seront réputés citoyens actifs et éligibles: excepté dans les villes, ceux qui, n’ayant ni propriétés, ni facultés connues, n’auront d’ailleurs ni profession, ni métier ; et dans les campagnes, ceux qui n’auront aucune propriété foncière, ou qui ne tiendront pas une ferme ou une métairie de trente livres de bail. « Art. 7. Il ne pourra, sous prétexte de l’inobservation des articles ci-dessus, être procédé à de nouvelles élections dans les lieux où elles se trouveront faites. » M. le marquis de Foucault. On avait indiqué une époque pour que le comité féodal fît son rapport sur le rachat des droits féodaux. Il est important que l’Assemblée s’occupe incessamment de cet objet. Il n’est plus temps de dissimuler, je serais coupable si je tardais encore, que ma province (le Périgord) est en feu ; les gens sans propriétés dépouillent les propriétaires... On demande à revenir à l’ordre du jour. L’Assemblée, consultée, consent à entendre M. de Foucault, qui fait lecture de trois lettres à lui adressées, et dont voici très exactement la substance et presque toujours les expressions : Première lettre. « Les paysans armés se sont transportés chez moi; ils m’ont tenu sur la sellette pendant vingt-quatre heures, et m’ont forcé à renoncer à des rentes échues. Si l’on avait seulement attaqué mes girouettes, je garderais le silence... Un usurier, reconnu à Paris pour un scélérat, m’a fait saisir réellement pour une somme dont je n’ai pas reçu le quart... » Seconde lettre. « M. de Bar a été brûlé ; il s’est réfugié à Sarlat. Un garde du corps, son neveu, a été mis en prison. Trois prisonniers ont été délivrés. M. de Bar, poursuivi, a été arrêté ; on l’a assommé de coups ; par intervalles, on délibérait de le pendre. Un escadron de troupes a marché ; le prévôt se dispose à des exécutions. On parle d’abattre les girouettes : voilà la triste situation de notre province. » Troisième lettre. « La famille de Mirandolle a reçu la visite de deux communautés attroupées ; les girouettes sont attaquées; on sonne continuellement le tocsin ; le peuple ne se desenivre pas... » M. de Foucault n’indique pas la signature de ces lettres. Tel est, dit-il, l’état de ma province. Je demande un décret confirmatif de l’arrêté du 6 août sur les droits féodaux, et qu’il soit ordonné aux gardes nationales de protéger la perception des cens et rentes. Voici son projet de décret : « L’Assemblée nationnale prenant en considération les réclamations qui lui sont faites par plusieurs provinces où des particuliers, dont les fonds sont assujettis à des rentes annuelles ou des droits couservés, refusent de s’acquitter de leurs engagements, déclare que par ses décrets du 6 août, par lesquels elle a aboli les droits féodaux personnels, elle a décidé que les rentes seraient rachetables à l’avenir. « Qu’elle n’a pas entendu différer ni empêcher le paiement des rentes et tous droits non suppri- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [3 février 1790.) 419 més que peuvent devoir les tenanciers et censitaires, et qu’ils continueront à les payer comme ci-devant, non seulement jusqu’à ce que l’Assemblée ait statué, comme elle se propose de le faire incessamment, sur le mode et prix du rachat desdites rentes, mais encore jusqu’à ce que le rachat soit effectué réellement par les redevables. « En conséquence, l’Assembléenationaleordonne aux municipalités de faire connaître et publier aussitôt le présent décret, et de tenir la main à ce qu’il ne soit exercé aucune violence contre les personnes qui reçoivent ou réclament les rentes qui leur sont dîtes, ni contre les tenanciers qui veulent s’acquitter de leurs obligations. » M. de Lachèze. Ces excès sont connus au Quer-cy; six personnes y ont été tuées. Le mal empire, il arrive à son comble; on en veut à toutes les propriétés. Je vous supplie, je vous conjure, au nom de ma province, de prendre ce mal en considération. M. Gourdau. 11 n’est qu’un moyen de ramener le calme et la paix ; c’est de travailler sans délai et sans obstacle à la constitution. M. de Fumel. Les troubles s’étendent aux provinces voisines. Dans l’Agénois, une petite ville a battu le tambour; les citoyens ont pris un gentilhomme qui avait payé une rente à son suzerain ; ils lui ont fait rendre la quittance, et donner encore une pareille somme ; ils ont mangé cet argent sous les fenêtres du château. M. Goupil de Préfeln. Le comité féodal n’a pas cessé de s’occuper de l’objet qui lui est confié; mais je dois rappeler à l’Assemblée qu’il a reçu d’elle l’ordre de ne présenter son travail qu’après la constitution. J’appuie la motion de M. de Foucault. M. Dubois de Craucé. Dans ma province (la Champagne), où règne une tranquillité parfaite, le paysan, chargé d’une redevance en blé, la regarde comme servitude personnelle, quand elle n’est pas attachée à sa terre : en conséquence, il ne croit guère au rachat. 11 est indispensable d’éclairer le peuple. Mais ce qui peut réellement occasionner le trouble, c’est que les seigneurs font assigner leurs vassaux. M. Duport. Avant que les comités des finances, des domaines et ecclésiastique puissent vous faire des rapports, il faut que le comité féodal vous présente les bases du rachat des droits féodaux. Je demande que ce rapport soit fait le plus tôt possible. M. de la Galissonnière demande l’ajournement à demain. M. Rewbell. Le véritable objet du travail du comité féodal consiste dans la distinction des droits rachetables et des droits abolis avec indemnité. Le décret demandé par M. de Foucault n’éclairerait pas le peuple, ne remédierait à rien et augmenterait le trouble. M. de Foucault. Il faut bien que je me fasse payer pour que je paie. M. Chasset rend compte de l’état actuel du travail du comité féodal, et annonce qu’il pourra présenter son rapport vendredi ou samedi prochain. Ce rapport est ajourné à samedi, deux heures. M. Defermon. Dans le moment où les ci-devant privilégiés de Bretagne s’empressent à adhérer et à prêter serment à la constitution, la nouvelle chambre des vacations du parlement de Rennes refuse d’enregistrer les décrets et de remplir les fonctions qui lui sont attribuées. Je prie l’Assemblée d’ajourner à demain le rapport que je dois présenter au sujet de ces faits. Cet ajournement est adopté. M. Dupont. Vous avez pris notre bras droit pour le mettre à votre tête; M. Bureaux de Puzy était chargé avec nous de la division du royaume. Le brave et courageux M. Gossin, notre infatigable camarade M. Dubochet, et moi qui marche après eux, nous ne pouvons suffire à ce travail. 11 faut donc remplacer M. Bureaux de Puzy. S’il nous était permis de diriger votre choix, nous vous indiquerions M. de Phéline. M. de Phéline, est admis à remplacer M. Bureaux de Puzy comme adjoint au comité de constitution, pour la division du royaume. M. le Président lève la séance après avoir indiqué celle de demain, 3 février, pour 9 heures et demie du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du mercredi 3 février 1790 (1). M. le vicomte de Noailles donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Target propose de faire une addition au premier article du décret sur les municipalités adopté dans la dernière séance. Cette addition ayant été reconnue nécessaire est mise aux voix et décrétée en ces termes : « Il ne pourra être reçu aucun autre bulletin que ceux qui auront été écrits, ou par le citoyen actif, ou par les trois plus auciens d’âge, ou par les trois scrutateurs, dans l’assemblée même, et sur le bureau. » M. le Président annonce que M. de Phéline, nommé pour le remplacer au comité de constitution, ne peut accepter cette place, étant absent. M. le Président propose M. le baron de Cernon, qui est agréé. MM. Joyeux, députe de C batelier ault, et De-launay, député de Caen, demandent un congé pour s’absenter pendant un mois : l’Assemblée le leur accorde. M. le Président dit ensuite qu’il a présenté à la sanction du Roi le décret de l’Assemblée nationale, relatif aux impositions de 1790, et dont l’objet est de distinguer avec exactitude le service de cette année d’avec celui de l’année 1791; Sa Majesté a promis de le prendre en considération. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.