[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1791.) 531 devrait être supportée par les départements: elle doit être à la charge du Trésor public. M. Brülat-Savarin. J’appuie l’améndement ; les départements frontières, pour être plus exposés aux irruptions de l’étranger, ne doivent pas l’être à plus de dépenses; leur position les rend déjà assez malheureux. Un Membre demande la question préalable sur l’amendement. (La question préalable est rejetée et l’amendement de M. Hervrin est décrété.) (Le projet de décret du comité est mis aux voix et décrété, sauf rédaction.) L’ordre du jour est un rapport des comités diplomatique , militaire et des recherches sur les moyens de pourvoir à la sûreté tant extérieure qu’intérieure du royaume. M. Alexandre de l�ameth, rapporteur des comités. Messieurs, des alarmes presque universelles se sont répandues sur la sûreté extérieure de l’Etat ; diverses circonstances, et surtout la conduite de nos émigrants chez les nations voisines, ont paru leur donner quelque consistance. Vos comités diplomatique, militaire et des recherches ont été réunis pour examiner l’origine de ces inquiétudes et pour en apprécier la réalité. Ils ont chargé deux de leurs membres de vous présenter le résultat de leur opinion; vos dispositions connues pour le maintien de la paix, la nécessité de concilier la dignité nationale avec une sévère économie, la nécessité de maintenir la confiance publique en ravissant tout espoir à ceux que de folles et coupables espérances pourraient armer encore contre notre repos: voilà les guides que nous avons suivis, et que vous retrouverez, Messieurs, dans le développement des mesures qu’ils nous ont dictées. Vous avez déjà pris, Messieurs, des moyens puissants pour maintenir la tranquillité dans l’intérieur du royaume; vous avez attaqué surtout la véritable base de toutes les résistances, lorsque vous avez décrété qu’il serait immédiatement procédé au remplacement des prélats qui n’ont pas prêté leur serment: mais il existe une liaison intime, il existe une action et une réaction continuelles entre les efforts intérieurs des ennemis de la Révolution, et ceux qui pourraient être tentés sur nos frontières. Tout ce que vous avez fait pour maintenir, dans l’intérieur, l’exécution de vos lois, sert à déconcerter des projets qui ne seront jamais tentés sans l’espoir de trouver, au milieu de nous, un parti prêt à les soutenir. Tout ce que vous ferez pour opposer à l’invasion une défense imposante sera propre à déconcerter ceux, qui, en nourrissant parmi nous le trouble et les divisions, fondent leur espoir sur les efforts des ennemis auxquels ils voudraient livrer leur patrie. Ne croyons donc point avoir fait assez quand nous avons paré à l’une ou à l’autre attaque do nos ennemis; notre surveillance doit les embrasser du même regard; notre plan de défense doit être combiné pour les repousser également. Il serait difficile d’arrêter des idées fixes, de fonder une opinion certaine sur les spéculations, sur les notions imparfaites et contradictoires dont s’alimente en ce moment l’inquiétude publique. Au milieu des agitations inséparables d’une grande Révolution, les esprits sont disposés à recevoir tous les mouvements que des intérêts divers cherchent à leur imprimer. Les nouvelles éloignées, les faits obscurs de la politique sont, plus que d’autres, sujets à s’altérer en circulant au milieu des erreurs et des passions. En laissant de côté les rumeurs incertaines, tout ce que nous connaissons de réel parmi les faits sur lesquels les conjectures actuelles sont fondéees, c’est premièrement les intentions, certainement hostiles et les efforts plus ou moins actifs, mais nullement abandonnés, des Français réfugiés chez les nations voisines. Secondement, les réclamations de quelques* uns des princes possessionnés en Alsace, contre les décrets qui ont prononcé l’abolition ou le rachat des différents droits féodaux. En supposant même que ceux-ci préférassent, aux négociations loyales et avantageuses, qui ont dû leur être proposées, une guerre dont ils seraient certains d’essuyer les premiers désastres, les uns et les autres, n’ayant pour eux ni la raison, ni la force, ne mériteraient pas une attention sérieuse, si Ton ne veut supposer leurs prétentions soutenues par des puissances plus redoutables. Mais, loin d’avoir à cet égard des faits positifs, l’on ne peut plus raisonner que sur les plus vagues conjectures. Il est facile de concevoir qu’une grande révolution, opérée subitement dans l’un des pays de l’Europe où Je pouvoir absolu semblait être le plus solidement établi, a dû faire naître des inquiétudes parmi ceux qui l’exercent chez les autres peuples ; il est facile de concevoir que tous envisagent avec effroi le succès d’une Révolution qui peut devenir l’exemple du monde : mais leur intérêt est-il véritablement de la contrarier les armes à la main? Mais le danger qu’ils redoutent ne serait-il pas plus pressant lorsqu’ils l’auraient provoqué? Mais une querelle imprudente ne porterait-elle pas, au sein de leurs Etats, cette fermentation et ces idées de liberté, que le penchant de la nature rend victorieuses aussitôt qu’elles ont été conçues? Dénoncer à leurs peuples la Révolution qui rend les Français é�aux et libres, ne serait-ce pas leur inspirer l’espotr et le courage de les imiter? En vain des observateurssuperficiels voudraient-ils tirer quelques inductions de ce qui s’est passé près de nous. Un peuple égaré parle fanatisme, conduit par des chefs livrés à L’ambition et à l’intérêt; l’exemple d’une ville conquise en un moment, et qui n’opposait à des soldats que l’intérêt de sa cause et le spectacle de sa vertu, quelle comparaison peuvent-ils offrir avec une nation, où des millions d’hommes sont déterminés à périr pour Ja liberté qu’ils ont conquise, où quelques malheurs que l’on suppose, la multitude des ressources, la durée des résistances, l’influence qu’exerce sur une armée cette immense population que la liberté anime et rend éloquente, réuniraient contre la tyrannie toutes les chances des événements, et vaincraient bientôt, par l’opinion, ceux qui n’auraient pas été détruits par les armes! Il est donc difficile de concevoir que la prudence la plus ordinaire puisse compatir avec ces vues que l’inquiétude du patriotisme suppose à quelques princes de l’Europe. Les conjectures qu’on pourrait asseoir sur une rivalité* politique, sur la crainte que peut imprimer l’accroissement prochain de notre puissance et de notre prospérité, auraient-elles plus de vraisemblance? Devons-nous penser qu’alarmés des progrès incal-