BAILLI AGE BU QUESNOY. Nota. — Les cahiers du clergé et du tiers-état manquent aux. Archives de l’Empire, — M. le marquis de La Jonquière, naguère secrétaire général de la préfecture de Lille, et maintenant préfet de l’Aude, a mis une obligeance extrême à faire rechercher ces deux documents dans tout le département du Nord : malheureusement on n’a pu les retrouver. CAHIER De Vordre de la noblesse du bailliage du Ques-noy (l). L’an 1789, le 20 du mois d’avril, en vertu des lettres de convocation qui ordonnent aux trois ordres du bailliage du Quesnoy d’élire ses représentants aux Etats libres et généraux du royaume, et leur confier tous les pouvoirs et instructions qui leur seraient nécessaires pour tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, l’ordre de la noblesse de ce bailliage donne, par ces présentes, à ses députés aux Etats généraux qui doivent s’ouvrir à Versailles le 27 du présent mois d’avril, les pouvoirs et instructions tels qu’ils suivent. Considérant que Sa Majesté, par le résultat de son conseil du 27 décembre 1788, et par la lettre de convocation du 19 janvier dernier, a manifesté des intentions qui offrent au patriotisme toute liberté de s’abandonner à son zèle, et que Sa Majesté a pris l’engagement de ne point établir d’impôts sans le consentement des Etats généraux assemblés pour remédier au désordre actuel, en prévenir le retour, et déterminer les bases d’une constitution favorable à la nation, en conciliant l’autorité du monarque avec la volonté générale ; en conséquence de cette déclaration, qui consacre les droits nationaux, la noblesse du bailliage du Quesnoy charge expressément ses députés de démanteler : OBJETS GÉNÉRAUX. Art. 1er. Que le premier acte des Etats généraux soit d’adresser au Roi des remerciments qui expriment à Sa Majesté toute la vénération et la reconnaissance dont les a pénétrés pour sa personne sacrée le retour des Etats généraux. Art. 2. Que l’ordre de la noblesse ne voulant pas mettre trop de difficultés dans le vœu que ses députés doivent porter aux Etats généraux, dans la crainte où. il est que des pouvoirs trop limités ne puissent y produire de scission, il les charge de faire tous leurs efforts pour conserver l’usage d’opiner par ordre, comme étant la forme ancienne et constitutionnelle du royaume, en leur permettant cependant d’accéder à la réunion des trois ordres, et à l’opinion par tête, si les deux tiers de l’ordre de la noblesse y consentent. Art. 3. Qu’il ne sera établi aucun impôt direct ou indirect sans le consentement de la nation assemblée, et qu’aucune loi civile, criminelle, ou règlement général de police ne pourra être considéré comme loi constitutionnelle, qu’autant que (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque impériale. les arrêts ou règlements auront été consentis pat la nation assemblée. Art. 4. Que les Etats généraux s’assembleront à des époques déterminées; qu’ils fixeront eux-mêmes, ne fût-ce que provisoirement, le mode de leur convocation et de leur composition à l’avenir, ainsi que le terme de leur retour qui ne pourra pas excéder celui de cinq ans. Art. 5. Que les Etats généraux ne puissent accorder d’impositions ni subventions, que depuis l’époque d’une assemblée nationale jusqu’à une année au delà de celle qui devra lui succéder; de manière cependant que si le retour périodique de ces assemblées ne s’effectuait pas au terme fixé, tous les impôts et subsides précédemment consentis cesseront d’être exigibles et seront éteints de plein droit dès le jour que les Etats généraux auraient dû être assemblés, avec défenses dès à présent, comme pour lors, à tous receveurs, commis, collecteurs ou préposés à la recette des deniers publics, de les percevoir ou prétendre, à péril d’être poursuivis comme concussionnaires, et punis suivant la rigueur des ordonnances. Art. 6. Que les lois relatives aux impôts directs ou indirects seront adressées aux cours qui en doivent connaître, à titre seulement de promulgation, et qu’il ne sera adressé auxdites cours, dans l’intervalle d’une tenue des Etats généraux à l’autre, que celles relatives au civil, au criminel ou à la police générale du royaume. Art. 7. Que, dans aucun cas, il ne pourra être établi de commissaires pour juger au civil ou au criminel, à l’exception des conseils de guerre, et que tout magistrat ou autre qui accepterait d’être juge en pareille circonstance, sera dénoncé à la nation pour être poursuivi extraordinairement; et que s’il était jugé utile d’établir un tribunal auquel pourraient être portés des cas particuliers ou extraordinaires, ou dans lequel pourrait être jugée la conduite des tribunaux ordinaires, ce tribunal devrait être préalablement reconnu par la nation. Art. 8. Que, dans toutes les provinces où il n’y a pas d’Etats provinciaux, il en soit établi pour la répartition et levée des impôts consentis par les Etats généraux, sous la réserve des droits particuliers de certaines provinces, pour suivre, conformément aux règlements qui y seront arrêtés, les parties de l’administration, et que la composition desdits Etats sera conforme aux coutumes, capitulations et traités des provinces, si elles ne préfèrent adopter un plan d’uniformité avec les autres provinces du royaume. Art. 9. Que lesdits Etats provinciaux formeront des cahiers pour être présentés à chaque tenue des Etats généraux, lesquels contiendront l’état circonstancié de la population de la province, le genre de son commerce, de ses productions, et 504 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage du Quesnoy.] i [Etats gén. 1789. Cahiers.] des moyens d’amélioration que leur auront dictés leur zèle, leur expérience et les connaissances locales, sans préjudice néanmoins aux cahiers que les Etats provinciaux sont autorisés à présenter au Roi dans l’intervalle d’une tenue à l’autre. Art. 10. Qu’il sera fixé un fonds annuel à la disposition desdits Etats provinciaux, pour accorder des secours en cas d’événements fâcheux, et qu’ils en rendront compte aux Etats généraux. Art. 11. Que si la guerre venait à être déclarée dans l’intervalle d’une tenue à l’autre, il serait pourvu nôan moins aux dépenses for cées , à la d éfense et aux approvisionnements, par un emprunt dont les Etats généraux fixeront la quotité, et qu’il ne pourra être établi que par un édit qui déterminera en même temps l’époque d’une convocation des Etats généraux, laquelle ne pourra néanmoins être différée au delà du terme de trois mois. Que dans le cas de minorité et de régence, les Etats généraux seront appelés dans un délai de six semaines, ou deux mois ; et pour assurer l’exécution de cet article, les députés pourraient proposer aux Etats généraux que dans ce cas seulement tous les députés qui auraient composé les Etats généraux à la session qui aurait précédé immédiatement ledit événement, pourraient se rassembler sans nouvelle convocation ni élection. Art. 12. Que tout arrêt d’évocation sera prescrit, attendu que chacun doit plaider devant ses juges naturels, à moins que les parties ne préfèrent la voie de l’arbitrage. Art. 13. Qu’on s’occupera sans délai de la réformation des lois civiles et criminelles, et surtout des lois criminelles ; qu’il sera nommé par les Etats généraux des commissaires pour la rédaction d’un nouveau code. Art. 14. Que provisoirement il sera statué par les Etats généraux, à compter de cette année : 1° Que l’instruction criminelle soit publique, sauf à demander l’avis des plus habiles magistrats pour juger s’il serait convenable, dans certains cas, de mettre quelques restrictions à cette disposition; 2° Que les accusés auront un conseil ; 3° Que les enfants ne soient pas punis des crimes de leurs pères, et qu’en conséquence la peine de la confiscation des biens d’un coupable soit abolie ; 4° Qu’il soit décidé provisoirement que, dans aucun cas, il ne sera décerné de peine capitale sur un véhémentement soupçonné, et qu’aucune peine capitale ne puisse être infligée arbitrairement, et d’après l’exemple d’arrêts rendus par d’autres juges en circonstances pareilles ; qu’il n'y aura, dès ce moment, de jugements rendus qu’en conséquence du texte littéralement suivi d’une loi écrite. Art. 15. Qué la liberté individuelle étant le premier des biens et le plus inviolable des droits, les lettres de cachet seront abolies, et les prisons d’Etat supprimées, et les ordres pour la suppression des états-majors des prisons d’Etat expédiés pendant la tenue même des Etats généraux. Qu’aucun citoyen ne puisse en conséquence être privé de sa liberté que pour être remis, dans l’espace de temps fixé par les Etats généraux, dans une prison légale, entre les mains de ses juges naturels, pour être jugé suivant la loi. Que de plus, l’élargissement provisoire soit toujours accordé en fournissant caution , excepté dans le cas où le détenu serait prévenu d’un délit qui entraînerait une peine corporelle. Que, particulièrement, les membres des Etats généraux seront déclarés personnes inviolables pendant la tenue desdits Etats, et que toute procédure civile contre eux sera suspendue pendant ladite tenue, ainsi que quinze jours avant et quinze jours après. Art. 16. Que toute personne aura la liberté de publier ses opinions, puisque l’homme ne peut être considéré comme libre quand sa pensée est esclave, et la liberté de la presse devra être permise, à la condition que quiconque fera imprimer un ouvrage sera tenu de signer son manuscrit, sinon que l’imprimeur en répondra, ou le vendeur dans le cas d’une impression étrangère, à effet d’être poursuivi suivant la rigueur des lois portées sur l’impression, et la vente des livres contre la religion et les bonnes mœurs, et sauf aussi les autres réserves qui pourraient être jugées convenables par les Etats généraux. Art. 17. Qu’on ne pourra, sous aucun prétexte, violer le secret confié à la foi publique par la voie de la poste, et que les intendants et administrateurs des postes seront responsables aux Etats généraux de leur conduite à cet égard, pour être poursuivis extraordinairement, s’ils abusent de la confiance publique. Art. 18. Que les propriétés de tous les genres soient assurées de manière que, sous aucun prétexte, on ne puisse inquiéter aucun citoyen dans sa personne, son. honneur, ses biens et ses droits légitimes, ni le poursuivre ailleurs que dans les tribunaux ordinaires. Que tout ministre qui se sera permis d’expédier et de faire exécuter des ordres contraires aux droits nationaux ou privés, en soit responsable et puisse être dénoncé, soit aux tribunaux ordinaires, soit aux Etats généraux assemblés, pour être ensuite jugé légalement s’il y a lieu. Tout droit de propriété étant ainsi reconnu inviolable, nul ne pourra en être privé, même dans le cas de nécessité publique, qu’il n’en soit indemnisé au plus haut prix possible et sans délai; mais hors ledit cas de nécessité publique bien constatée, nul ne pourra être privé de ses propriétés ou droits, quand même on lui offrirait le plus haut prix possible, sans son consentement. Le rachat involontaire, c’est-à-dire, qui ne se ferait pas du plein gré du possesseur de droits quelconques, est également une entreprise sur la propriété, parce qu’aucun citoyen ne doit être autorisé à évincer un autre de ce qu’il possède, quelle que soit la valeur de la somme qui lui serait donnée pour compenser cette destination. Art. 19. Qu’il ne sera expédié aucun arrêt de surséance sous aucun prétexte, ces sortes de grâces étant au détriment des créanciers, et par conséquent contraires à la propriété. Que quiconque aura fait faillite sera privé de l’état civil aussi longtemps qu’il n’aura pas justifié, par-devant ses juges naturels, des pertes involontaires qu’il aura essuyées, et le ministère public devra poursuivre les banqueroutiers frauduleux, d’après la notorité ou sur une simple dénonciation. Art. 20. Qu’à la nation assemblée en Etats généraux appartient exclusivement le droit de consentir les impôts et les emprunts, et d’en fixer la quotité, la condition et la durée ; en conséquence, qu’à moins d’objets particuliers, tels que nouveaux chemins à ouvrir, dessèchements ou autres établissements locaux, pour lesquels une province en particulier pourrait consentir un impôt ou emprunt sur elle-même, toute imposition mise et prorogée sans cette condition, ou accordée au 505 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage du Quesnoy.] gouvernement hors des Etats généraux par une ou plusieurs provinces, villes et communautés, sera nulle, illégale, et qu’il sera défendu, sous peine de concussion, de les répartir, asseoir et lever ; et pour mieux imprimer dans les esprits cette vérité importante, il serait essentiel d’annoncer dans l’intitulé de tous mandements d’impôts ou tarifs de droits : De par le Roi, impôts ou droits consentis dans l'assemblée des Etats généraux tenue le... pour être perçus jusqu’en... Que les fonds qui auront été versés au trésor , public par la nation soient assignés à mesure fixée aux dépenses des différents départements, et que les ministres qui en seront chargés soient tenus de rendre public chaque année, par la voie de l’impression, le compte détaillé de la recette et de la dépense, afin d’éclairer la nation, et que les administrateurs coupables de prévarication puissent être dénoncés à la nation et légalement poursuivis. Après que la constitution aura été reconnue et irrévocablement fixée, les députés s’occuperont de déterminer la dette royale, et ensuite ils la déclareront nationale, sans rien changer aux conditions des emprunts ; et pour assurer l’exactitude du payement, ils pourront proposer de statuer provisoirement, que tous les impôts actuels momentanément autorisés continueront à être payés , mais seulement pendant le cours de la tenue des Etats généraux , et non après , voulant qu’alors il n’y ait d’autres contributions _ que celles qui auront été établies par ladite assemblée avant sa première séparation. Si cependant il était reconnu nécessaire de consentir, dès le commencement, un emprunt modéré pour subvenir aux besoins du moment, les députés pourront s’en rapporter, à cet égard, à la sagesse des Etats généraux. Les députés s’occuperont de l’examen rigoureux des réductions dont chaque partie de la dépense sera susceptible, de la situation des finances, et des vrais besoins de l’Etat ; et ils seront autorisés à consentir qu’il soit substitué aux impôts maintenant établis, d’autres mieux combinés, moins onéreux et d’une perception moins dispendieuse. Art. 21. Les députés auront le pouvoir indéterminé de concourir à régler tout ce qui sera proposé aux Etats généraux sur les améliorations de tous les genres et suppressions des principaux abus. Ils insisteront en particulier : Sur le maintien de la religion; Sur le respect dû au culte ; Sur le rétablissement de la discipline ecclésiastique, et sur ce que les archevêques, évêques, curés et tous autres bénéciers résident dans leurs diocèses, paroisses et bénéfices; Sur l’amélioration du sort des curés de campagne et de leurs vicaires ; Sur les moyens à prendre pour le maintien des bonnes mœurs ; Sur l’éducation nationale; et ils demanderont, à cet égard, que les collèges, écoles gratuites et hôpitaux soient surveillés par les Etats provinciaux, et qu’il soit pourvu à leur entretien par une portion suffisante des biens ecclésiastiques. Ils supplieront Sa Majesté de ne pas réunir à l’avenir sur une même personne plusieurs bénéfices ou offices ecclésiastiques , civils et militaires. Les députés s’en rapporteront à la sagesse des Etats généraux pour statuer sur la vénalité des offices ; et en cas qu’on la proscrive, ils insisteront pour que tout magistrat justifie, avant d’en être pourvu, qu’il possède une propriété quelconque, dont la valeur sera déterminée, afin d’en écarter les sujets dont la misère pourrait faciliter la corruption, et d’avoir des juges qui puissent vivre décemment et ne soient pas avides d’émoluments. Ils demanderont qu’on s’occupe des moyens d’établir dans tout le royaume l’uniformité des poids et mesures, et il leur sera remis un mémoire particulier à ce sujet (1). Ils demanderont que toutes les lois sur le port d’armes, réunies en une seule, soient remises en vigueur, et qu’on s’occupe des moyens les plus efficaces pour en maintenir l’exécution. Art. 22. Ils s’en rapporteront de même à la sagesse des Etats généraux pour prononcer, en parfaite connaissance de cause, sur l’aliénabilité des domaines et sur les échanges d’iceux. Art. 23. Les députés delà noblesse déclareront qu’elle renonce à tous privilèges qui puissent la soustraire à la plus juste égalité dans la répartition des impôts consentis par les Etats généraux ; mais en déclarant aussi qu’elle ne reconnaîtra jamais en France qu’un seul ordre de noblesse, ils s’efforceront de maintenir la fixation des rangs, les immunités non pécuniaires, et les droits dont la noblesse a joui dans tous les temps. Ces distinctions tiennent à la constitution de la monarchie, et en ont toujours fait la force. En conséquence , dans les Etats provinciaux qui seront établis, tous les nobles possédant des propriétés doivent y être admis, attendu que, du moment qu’on fait corps avec la noblesse, on doit avoir place dans cet ordre, car il serait injuste que celui qui jouit de la noblesse acquise et transmissible fût encore dans le cas de faire d’autres preuves. Par une suite nécessaire de ces principes, il résulte que l’ordonnance militaire, qui exige quatre générations pour entrer au service, doit être abolie; il est inconséquent et injuste d’en exclure le noble, < et à plus forte raison celui qui, ayant trois générations, est également reconnu gentilhomme. Les députés demanderont la suppression de tous les moyens d’acquérir la noblesse à prix d’argent, et ils sven rapporteront aux Etats généraux pour les précautions à prendre pour qu’elle ne soit accordée qu’à titre de récompense, à des services distingués et constatés. Art. 24. Les députés proposeront ensuite de demander une constitution militaire conforme au génie de la nation, sujette à moins de variétés, qui dépendent uniquement des fantaisies de quelques particuliers ; une composition dont la solidité garantisse la durée, qui assure l’Etat, et fixe les récompenses et l’avancement de la noblesse, de manière qu’elle ne soit pas le jouet des changements de ministres, et que les grâces militaires ne soient plus prodiguées aux intrigants, tandis qu’elles sont refusées aux services les plus distingués. La noblesse pauvre, méritant une attention particulière en raison du peu de moyens de fortune qui lui sont ouverts, les députés seront expressément chargés de se concerter avec les autres députés de son ordre sur toutes les possibilités de soulager cette respectable et intéressante portion de nos concitoyens. La noblesse du bailliage se confie sur tous ces objets au zèle de ses députés, mais elle les charge expressément de ne voter ni sur l’impôt ni sur l’emprunt, de ne vérifier, constater ni reconnaî-(1) Ce mémoire est de M. le vicomte üubuat. [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 506 tre le montant de la dette publique, ni de s’expliquer sur les moyens d’y satisfaire, avant que le principe de la nécessité du concours de la nation pour la formation des lois générales, les mesures à prendre pour assurer la liberté individuelle et la propriété, ainsi que la périodicité des Etats généraux à termes rapprochés, et la responsabilité des ministres, n’aient été solennellement et irrévocablement établis. Art. 25. Les députés demanderont ensuite : 1° La suppression des privilèges exclusifs qui seraient reconnus nuisibles ou abusifs, et dont l’utilité n’aurait pas été ou ne serait pas déterminée par des circonstances particulières, sauf à indemniser, s’il y a lieu. 2° La suppression des tribunaux d’exception, tels que les bureaux des finances, les tribunaux connus sous le nom d’élection, juges des traites, et sièges des maîtrises des eaux et forêts, avec réunion de leurs juridictions contentieuses aux juges royaux ordinaires, et de leurs attributions administratives aux Etats provinciaux. 3° La suppression des -monts-de-piété, sauf à pourvoir, par les Etats provinciaux, aux moyens de remplacer ces établissements d’une manière plus utile. 4° La suppression des loteries. - 5° La suppression des anticipations et des acquits au comptant. 6° La suppression des capitaineries et réserves des chasses des gouverneurs et officiers des garnisons, qui s’étendent sur les terres des seigneurs. 7° La suppression des emplois, tant es que militaires, sans fonctions et résidence. 8° La suppresion, sans délai, de l’impôt perçu pour le remplacement de la corvée, l’entretien des chemins devant être payé par ceux qui les usent. Get impôt devrait être converti en celui d'un droit par barrière, comme dans le Hainaut autrichien ; ces barrières seraient affermées au plus offrant, la perception en serait facile et point dispendieuse. Les députés pourront consentir la suppression (des douanes et barrières dans l’intérieur du royaume, et leur reculement aux frontières, pourvu que cette opération ne pût jamais servir de prétexte d’introduction dans cette province de la gabelle et autres droits dont elle est exempte, et pour lesquels elle est abonnée, ni préjudicier à la libre culture du tabac. Ils demandent qu’il soit pourvu à la police des grains par un règlement solide, qui n’expose jamais le peuple à manquer, ou payer excessivement cher cet objet de première nécessité. Ne permettre, en conséquence, son exportation à l’étranger qu’ après avoir pourvu abondamment à la subsistance du royaume, par l’établissement de magasins. Ils s’en rapporteront à la sagesse des Etats généraux sur les dispositions à statuer en faveur des nègres. _ Art. 26. Les députés demanderont que les fonctions que les commissaires départis exercent dans les provinces, relativement ’à l’administration, soient, attribuées aux Etats provinciaux ; que la juridiction contentieuse soit, sans restriction, rendue aux tribunaux ordinaires, et que les détails et relations militaires soient confiés aux commissaires des guerres. OBJETS PARTICULIERS AU BAILLIAGE DU QUESNOY. Art. 27. Les députés de la noblesse de ce bailliage réclameront, en vertu des droits incontesla-[Bailliage du Quesnoy.] blés rappelés par les traités, la conservation des abbayes en règle, en supprimant à l’avenir, non-seulement l’abusive exception pour les cardinaux, mais même les pensions qu’un nouvel usage, contraire au droit et au bien, enfin qu’un abus révol-lant a introduit sans plus de mesure que de justice. Ces revenus, donnés à des étrangers, sont autant de torts faits aux pauvres, et pris sur le bonheur des habitants des campagnes, car il s’ensuit que les soins charitables et bienveillants des abbayes et prévôtés sont forcément restreints. Il ne doit être prélevé sur ces biens ecclésiastiques que ce qui serait attribué avec le concours des Etats provinciaux, et du consentement nécessaire du clergé (qui ne le refuseraient certainement pas) pour l’extirpation de la mendicité, pour l’établissement d’hôpitaux et de maisons d’é ducation, enfin pour des secours dus à l’humanité. Les députés dénonceront à Sa Majesté et à la nation assemblée l’arrêt du conseil du 20 décembre 1788, rendu du propre mouvement, ordonnant le-séquestre de la prévôté d’Haspres, située en Hainaut, comme une atteinte formelle portée aux propriétaires de l’abbaye de Saint-Vaast. Les députés s’assureront, d’une manière invariable, qu’aucuns des deniers provenant des biens ecclésiastiques ne puissent jamais, et dans aucuns cas quelconques , être employés à des objets étrangers à la province. Il en résultera qu’au moyen de ces secours fournis par les biens ecclésiastiques, et des revenus connus dans la province sous le nom de table des pauvres , il pourrait être ordonné aux paroisses de se charger de leurs pauvres, et d’en répondre ; et que l’inutile dépôt de mendicité, au moyen de ces établissements, serait supprimé. Les députés demanderont aussi que les placards de l’empereur Charles-Quint et de Philippe IV, roi d’Espagne, des 21 février 1547 et 21 juillet 1628, concernant la domanialité du droit d’eau et de vent, soient restreints à la Flandre maritime, pour laquelle seule ils ont été portés, et qu’ils ne puissent pas servir de prétexte pour s’emparer des propriétés et des rivières, qui, en Hainaut, appartiennent aux seigneurs. Ils observeront aussi qu’au mépris d’un arrêt du conseil d’Etat du Roi, du 24 février 1769, concernant la navigation de Picardie, Cambrésis et Hainaut, les intendants de cette province, malgré l’article 5 dudit arrêt, et malgré les réclamations réintérées des propriétaires des bâtiments et terrains pris ou dégradés pour la construction du canal dans l’étendue du ressort de la prévôté et comté de Valenciennes, n’ont pas fait faire l’estimation des terrains, etc., d’après laquelle ils auraient dû être indemnisés ; lesdits députés dénonceront cette injustice, et demanderont qu’il y soit pourvu. Ils demanderont encore que l’on indemnise les propriétaires des terrains qui ont été anciennement pris pour les fortifications des villes. Ils demanderont, de plus, que l’on pourvoie, sans retard, au remboursement des engagistes des terrains dépendants de la forêt de Mormal, que Sa Majesté a réunis à son domaine. Ils demanderon t aussi la révocation de l’ordonnance de 1669, relativement à la défense de bâtir sur les héritages qui environnent la forêt de Mormal. Ils demanderont qu’on examine avec attention la question qui s’est élevée sur les inconvénients ou les avantages qu’il y aurait à modérer les ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage du Quesnoy.] 507 [États gén. 1789. Cahiers.] droits établis sur l’entrée des charbons du Hai-naut autrichien. Art. 28. Enfin, après que la masse générale des impôts aura été votée pour tout le royaume, comme il devra être agité, parles Etats généraux, dans quelle proportion chaque province supportera la part de ce fardeau, c’est alors que les députés du Quesnoy prouveront avec une énergie non moins éclairée que ferme que la province du Hainaut n’est pas susceptible de payer au delà de ce qu’elle a fourni jusqu’à présent (1) ; ils observeront qu’en la surchargeant au delà de ses forces. et par sa position frontière d’un pays (2)où les peuples ne supportent aucun impôt, on doit craindre des émigrations que la proximité de l’étranger rend si faciles. Les députés feront également observer que les deux premiers ordres, dans les sacrifices pécuniaires auxquels ils ont consenti volontairement, ont eu principalement pour objet de contribuer à l’allégeance des peuples; que c’est par les retranchements des inutiles dépenses, par un meilleur ordre dans les finances, par une économie dans es moyens de perception et d’administration, et par une plus équitable répartition de l’impôt sur les habitants des villes et des campagnes, qu’il faut parvenir à rétablir la balance de la dépense et de la recette, et que c’est par la réunion de ces moyens qu’on peut atteindre au résultat que se propose Sa Majesté, qui est le soulagement de ses peuples et la prospérité de son empire. Mais si l’indispensable nécessité d’ajouter aux énormes impôts déjà supportés par les peuples est évidemment démontrée, il faut, la dette nationale une fois déterminée, que, par un plan bien conçu, un plan inaltérable dans son exécution, sa libération soit assurée à une époque fixe et connue. Art. 29. La noblesse du bailliage du Quesnoy charge ses députés déporter aux pieds du trône ses remercîments les plus sincères de l’acte de justice et de bonté que Sa Majesté a exercé envers cette province, en lui rendant le régime d’une administration d’Etats. Elle a demandé que les Etats généraux délibèrent sur l’organisation à donner aux Etats provinciaux à établir : elle désire que (1) Les députés ordinaires des Etats en Hainaut, ayant annoncé qu’ils avaient préparé un travail considérable, qui fournit dans le plus grand détail les connaissances nécessaires pour appuyer celte assertion, les députés de la noblesse en demanderont communication aux Etats. (2) Pays de Liège. cette organisation soit telle qu’ils puissent servir d’éléments aux Etats généraux, de manière à ce que cette province ne soit plus dans le cas d’être divisée, et elle croit devoir attendre le résultat de cette délibération, pour pouvoir profiter des lumières qu’elle répandra sur les changements utiles qu’il pourrait être convenable d’apporter à l’organisation de ses Etats actuels, en conciliant lesdits changements avec les droits, usages et constitutions de cette province; mais en attendant ce résultat, les nobles qui n’y ont pas été admis jusqu’aujourd’hui demandent à y avoir entrée. La noblesse de ce bailliage croit devoir observer aussi que cette province ayant des intérêts communs avec celles de Flandre, d’Artois et du Cam-brésis, qu’on peut comprendre, ainsi que le Hainaut, sous le titre de belgico-françaises, leurs usages, leurs lois, leurs privilèges et leur commerce étant en grande partie semblables, il pourrait être avantageux à toutes ces provinces de réunir à plusieurs égards leurs administrations ; leurs intérêts locaux n’en seraient pas moins réglés par leurs assemblées particulières, conformément à leurs constitutions; mais elles pourraient gagner à réunir les objets relatifs à leur soutien commun, au commerce, aux frais d’administration, et autres objets généraux. Ce projet pourrait conduire également au plan économique et avantageux de n’avoir pour toutes ces provinces qu’une seule cour de parlement. La noblesse du bailliage du Quesnoy ne pouvant se flatter que la prochaine tenue des Etats généraux apporte à tous les abus le redressement désirable, et s’attendant que sur beaucoups d’objets importants, il sera même préférable de ne statuer que provisoirement, elle termine ici ses vœux, en recommandant à ses députés de bien méditer l’esprit et les principes de ses instructions; elle s’en rapporte, au surplus, avec confiance, à leurs lumières et à ce qui leur sera dicté par la sagesse et la fermeté dont ils ne doivent jamais s’écarter. Fait et arrêté en la chambre de l’ordre de la noblesse du bailliage du Quesnoy, en présence de tous Messieurs de l’ordre de ladite noblesse, au Quesnoy, ledit jour 20 avril 1789. Signé le comte d’Espiennes ; Déhault de Lassus, secrétaire ; d’Arenberg La Marck ; Pujol ; le marquis de Vignacourt ; le baron de Carondelet-Pot-telles ; le duc de Crot ; le baron de Nédonchel président.