24 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1789.] M. Bunel, avocat du Roi au bailliage d’Amiens, renonce généreusement au prix de son office quand il sera supprimé. M. Jourdain d’Héricourt fils , âgé de 16 ans, a demandé à son père la permission de faire à la nation le sacrifice de la somme de 2,000 livres qu’on venait de placer sur sa tête dans l’emprunt national , et M. Jourdain d’Héricourt père observe que c’est la première demande que lui ait faite son fils. Un de MM. les secrétaires rend compte de différentes adresses de félicitations, remerciements, adhésion aux arrêtés et autres demandes: de l’assemblée générale des communes de Saint-Malo, qui adhère à tous les décrets de l’Assemblée nationale, sans néanmoins préjudicier aux droits et franchises de la province, et à celui notamment de la ville de Saint-Malo, de pouvoir se garder elle-même, et de ne recevoir aucune garnison militaire dans ses murs; du comité patriotique de Limoges, qui se loue des précautions qu’il a prises, de concert avec l’intendant, la municipalité et la milice bourgeoise, pour assurer les subsistances, et qui est parvenu à soulager beaucoup les indigents, au moyen d’une souscription qui a procuré 30,000 livres, laquelle somme a été employée à distribuer le pain à un prix modique, aux plus nécessiteux ; le comité expose que la somme de 30,000 livres n’étant pas*suffisante , il serait nécessaire de lui procurer de nouveaux secours dans un instant où la ville est menacée de disette, promettant de tenir compte des avances qui lui seraient faites, soit en grain, soit en argent ; Du comité électif de la ville de Bernay qui, en présentant l’hommage de sa respectueuse confiance et de son adhésion à tous les décrets de l’Assemblée, sollicite un secours de 3.680 livres, pour acheter du grain dont la ville de Bernay est sur le point de manquer , et demande une remise de 3,000 livres sur les impositions; De la ville d’Arles, qui annonce la prestation du serment des deux régiments de cuirassiers du Roi, et de Diesbach Suisse, selon la nouvelle formule sanctionnée par le Roi, le 14 août ; De la ville d’Albin en Rouergue, qui adhère aux arrêtés du 4 et jours suivants, et les a fait insérer dans ses registres; De M. Hugues de la Garde, président de la chambre des comptes de Dauphiné, quia fait un abandon général à ses vassaux de ses droits féodaux, tant réels que personnels, universels et particuliers, et autres, sans indemnité ; Du sieur Jean-François Magenthies, qui propose d’élever une statue équestre à la gloire de Louis XVI, comme restaurateur de la liberté française, et fait sa soumission de fournira tous les frais de ce monument , dont il désigne l’élévation au milieu de la place Royale de la ville de Toulouse; De la ville de Bagneux-les-Juifs, en Bourgogne, qui félicite, remercie, adhère, etc. Même adresse fêla ville de Saumur; Des officiers du régiment de Beauvoisis, qui , pénétrés d’admiration et de respect pour l’Assemblée, expriment leurs vœux sur la réforme des abus dans l’administration militaire ; de la ville du Blanc en Berry, félicitation, remerciement et adhésion: demande d’une justice, royale; De la ville de Ja Voulte en Vivarâis; mêmes objets que la précédente. M. le comte de La Rouzièrc , député d'Auvergne, écrit à M. le président pour annoncer que sa santé ne lui permettant pas de continuer ses fonctions, il demande à l’Assemblée nationale la faculté de se retirer et l’autorisation de se faire remplacer par son suppléant. � M. le Président rappelle l’ordre du jour. Il s’agit de prononcer sur la validité du décret qui ordonne que l’on ira aux voix par appel nominatif sur la rédaction présentée par un de MM. les secrétaires. Plusieurs membres demandent la parole, mais on veut aller aux voix. M. le Président fait lire le projet d’arrêté; comme il y a quelques changements, nous allons en donner copie. Articles constitutionnels. L’Assemblée nationale a reconnu par acclamation et déclaré à l’unanimité des voix, comme points fondamentaux de la monarchie française : 1° que la personne du Roi est inviolable et sacrée; 2° que le Trône est indivisible; 3° que la couronne est hérédilaire de mâle en mâle, par ordre de primogénilure, à l'exclusion absolue des femmes et de leur descendance. M. Biauzat observe qu’il ne s’agit pas de statuer sur ce droit, mais d’aller aux voix, c’est-à-dire pour savoir si on rejetterait ou si on admettrait la proposition que M. le président a faite hier. M. Regnaud ajoute qu’il a d’abord été résolu hier de faire ces deux appels, s’il y avait lieu, sans désemparer, et que ce n’est qu’à cause du jeûne que M. le président a levé la séance. M. le Président répond que l’Assemblée n’a pas encore déclaré l’incertitude du décret, et qu’il s’agit de savoir si l’on appuiera les réclamations en faveur du décret. M. Dupont de Nemours. L’intérêt de la France a été parfaitement senti lorsque l’Assemblée s’est montrée disposée à déclarer qu’il n’y avait lieu de délibérer; nous n’avons voulu nuire aux droits de personne, et nous avons voulu conserver avec une sage incertitude une liberté encore plus utile. Il est sensible que le doute, dans une circonstance si importante, est un bonheur pour nous et pour l’Europe; il est sensible que le doute, dans une circonstance si importante, est commandé par une foule de considérations qui doivent nous garder de prononcer sur des événements qui peut-être n’arriveront jamais. Ne décidons pas ce qui peut être ne sera jamais à décider, et ce qu’au besoin nos enfants décideront anssi bien que nous. On vous a dit que cette grande querelle ne serait pas jugée par des décrets ; et par qui donc? L’Espagne elle-même nous a montré qu’on ne peut être Roi d’une nation malgré elle. Profitons de cette leçon, et mettons dans la nécessité de mériter de plus en plus notre estime ceux qui peuvent prétendre à régner sur nous. M. de Cazalès. Pour concilier le vœu de l’Assemblée avec la clarté et la dignité avec laquelle une nation doit déclarer la succession à la couronne, je vous propose une seconde fois [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1789.] 25 d’ajouter à la rédaction de l’article que, le cas arrivant pour l’exécution du traité d’Utrecht, il y serait statué par une convention nationale convoquée à cet effet. M. le vicomte de Macaye, député de Labour, considère la question sous les rapports de commerce, et de communication des provinces méridionales, frontières de l’Espagne ; il trouve inutile et dangereux de la traiter dans ce moment où le Roi d’Espagne peut, au premier signal, faire cesser toutes les relations d’intérêts, de spéculation, qui font subsister une partie du royaume; il ajoute que le fameux négociateur anglais qui avait conclu le traité de commerce faisait, dans ce moment des efforts pour engager 1 Espagne à traiter de commerce avec son pays. La discussion se prolonge. Enfin , plusieurs membres prétendent que le décret est rendu, et qu’il n’y a pas lieu à discuter. M. de Dazalès. Je maintiens aussi que, dans la séance d’hier, lorsque l’on alla aux voix, il n’y avait point de doute. Je demande que l’on pose ainsi la question : L’Assemblée veut-elle revenir contre le décret prononcé ? (Le tumulte et la confusion sont extrêmes dans l’Assemblée.) M. le Président parvient enfin à poser la question en ces termes : Acc'epte-t-on la proposition faite la veille par le président? oui, ou non? Il est procédé à un premier appel nominal. Le recensement des suffrages fait, la proposition de M. le président est acceptée à la pluralité des voix. M. le Président, en conséquence de ce résultat, prononce que l’Assemblée nationale accepte la proposition qu’il lui avait faite, et que d’après cette décision, il va être procédé au second appel nominal sur l’admission ou la réjection du projet arrêté par le bureau de Constitution. Il est fait lecture alors dudit projet modifié, et sur-le-champ procédé à l’appel. Le résultat en est que la majorité des suffrages (54 1 voix contre 438) adopte la rédaction proposée. M. le Président prononce alors en ces termes la décision de l’Assemblée : DÉCRET. L’Assemblée nationale a reconnu et déclaré comme points fondamentaux de la monarchie française, que la personne du Roi est inviolable et sacrée; que le Trône est indivisible; que la couronne est héréditaire dans la race régnante, de mâle en mâle, par ordre de primogé-niture, à l’exclusion perpétuelle et absolue des femmes et de leur descendance, sans entendre rien préjuger sur l’effet des renonciations. M. le Président indique pour six heures et demie la réunion du soir et lève la séance. Séance du soir. M. le Président, à l’ouverture de cette séance, annonce à l’Assemblée que le Roi l’a fait avertir aujourd’hui que Sa Majesté donnerait sa réponse demain sur la demande qui lui a été faite de sanctionner les arrêtés du 4 août et jours suivants. M. le Président rappelle que l'ordre du jour est de traiter : 1° la matière des impositions; 2° l’affaire des Juifs d’Alsace; 3° une motion sur la caisse d’escompte. M. Darnaudat, membre du comité des rapports, rend compte à l’Assemblée delà détention de quelques particuliers dans les prisons de Bernay, sur le renvoi fait par le lieutenant général du bailliage d’Orbec. — L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait à ce sujet, décrète que l’affaire sera renvoyée au pouvoir exécutif, et que M. le président sera autorisé à la recommandera M. le garde des sceaux. L’ordre du jour est repris sur les moyens de pourvoir au payement des impositions, et plusieurs membres de l’Assemblée demandent la parole. Avant de les entendre, il est fait lecture du projet de décret proposé par le comité des finances, sur le sujet de la délibération. 11 est fait une liste en deux colonnes de ceux des membres qui demandent à parler pour et contre le projet, afin de suivre l’alternative. A l’instant où la discussion est sur le point de commencer, l’un des membres fait la motion de renvoyer le projet de décret dans les bureaux, pour y être examiné avant la discussion dans l’Assemblée générale. Cette proposition est combattue, et plusieurs membres observent que le projet ayant déjà été annoncé et distribué depuis quinze jours dans l’Assemblée, il est temps de s’en occuper sérieusement, à raison de l’urgence des circonstances, et ils concluent qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion du renvoi dans les bureaux. Un autre membre insiste sur cette opinion et sur le danger que l’on courrait en retardant la conclusion d’une affaire qui intéresse, sous une infinité de rapports, le salut du royaume et la tranquillité publique. Cet avis trouve des contradicteurs, et on croit pouvoir le combattre avec succès, en cherchant à prouver que le règlement qui interviendra serait d’une si grande importance et d’une application si difficile dans l’administration actuelle de chaque province, qu’il serait impossible de le former dans toutes ses parties, et de le déterminer, avant d’en avoir pesé mûrement, et discuté de nouveau la forme et le fond dans les bureaux particuliers. Il s’élève de nouveaux débats, et des motifs plus pressants pour l’avis contraire sont présentés. M. le Président pose la question préalable sur la motion du renvoi dans les bureaux. Le vœu de l’Assemblée ayant été recueilli de la manière accoutumée, elle décide que l’ordre du jour sera continué, et que le renvoi dans les bureaux n’aura pas lieu. Un membre du comité des finances demande un instant la parole pour annoncer à l’Assemblée que ce comité aura à lui rendre compte incessamment d’un projet des plus importants, et qu’il sollicite à cette occasion une séance extraordinaire. La discussion sur l’ordre du jour étant délibérée, plusieurs membres portent successivement la parole pour combattre ou pour appuyer le projet d’arrêté proposé par le comité des finances. M. Gillet de la Jacqueuiinière, après avoir fait quelques observations sur l’objet soumis à