SÉANCE DU 19 FRUCTIDOR AN II (5 SEPTEMBRE 1794) — N08 49-50 269 et Louis Guillon, à chacun la somme de 150 L, à titre de secours, et pour les aider à retourner dans leur domicile. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (74). 49 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Finances et des Secours réunis, sur la pétition de la citoyenne Jeanne Ricard, veuve Coûtera, qui n’ayant d’autres moyens de subsister, qu’une pension de 310 L sur les ci-devant clergé et économats qui a été supprimée par la loi, se trouve dans un état très déplorable, fort âgée et très infirme, décrète ce qui suit : Il sera payé, sur le vu du présent décret, par la trésorerie nationale, à titre de secours annuel, la somme de 310 L, à la citoyenne Jeanne Ricard, veuve Coûtera. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (75). 50 Un membre [Lanthenas] présente un projet de décret sur le gouvernement révolutionnaire. Renvoyé au comité de Législation (76). [Projet de décret sur le Gouvernement révolutionnaire, présenté par F. Lanthenas, imprimé par ordre de la Convention nationale ] (77). TITRE PREMIER Déclaration de principes du gouvernement révolutionnaire; garantie des droits et de la liberté du citoyen. ARTICLE PREMIER. Le gouvernement révolutionnaire, celui qui peut sauver la patrie sans exposer sa liberté, et que la Convention nationale rétablit en ce moment, consiste dans la centralisation de tous les moyens de défense de la République contre ses ennemis extérieurs, et de tous ceux de vigilance et de force contre ses ennemis du dedans, et dans l’organisation prompte (révolutionnaire) de tout ce qui peut augmenter l’amour du peuple pour la liberté, démasquer les hypocrites, animer les patriotes foibles, soutenir les énergiques, empêcher les extravagances de la folie ou les atrocités des scélérats, faire régner la justice seule et impartiale du peuple, récompenser les vertus, (74) P.-V., XLV, 79-80. C 318, pl. 1 283, p. 42, minute de la main de Menuau. Décret n° 10 755. Bull. 20 fruct. (suppl.). (75) P.-V., XLV, 80. C 318, pl. 1 283, p. 43, minute signée de la main de Menuau. Décret n° 10 754. Bull. 20 fruct. (suppl.). (76) P.-V., XLV, 80. (77) C 318, pl. 1 283, p. 66, imprimé 12 pages. Moniteur, XXI, 687-688. Ann. R.F., n° 278; F. de la Républ., n° 429; J. Mont., n° 129. punir le crime, l’aristocratie invétérée, pardonner l’erreur des patriotes, avec une égale énergie et toute l’utilité possible, pour la cause de la liberté et l’intérêt de la patrie. II. Le gouvernement révolutionnaire n’est point une dictature : quelque explication, quelque signification que l’on donne à ce mot, c’est l’effet simple de l’éveil du corps politique, sur des dangers imminens; c’est l’activité, la réunion, l’emploi de toutes ses forces; c’est la vigilance, la multiplication et la permanence des travaux; c’est enfin le dévouement de tous les citoyens, de toutes les fortunes, de tous les bras, au salut de la patrie. III. La forme donnée au gouvernement révolutionnaire a été inspirée par les circonstances les plus périlleuses : ces circonstances n’ont point permis que l’on exposât l’Etat à l’essai de la constitution que le peuple venoit d’accepter. La représentation nationale a pris sur elle seule de sauver la France. Elle le devoit aux fonctions et aux devoirs qui découlent de son essence même dans le corps politique : elle l’a fait jusqu’à présent avec un succès qui surpasse toutes ses espérances; elle continuera, avec le secours de la Providence, qui est le génie de la liberté des peuples. IV. La représentation nationale est plus particulièrement, sous le gouvernement révolutionnaire, le centre de l’opinion publique, de la morale et de l’instruction républicaine. Elle répand la lumière et dirige les sentimens des bons, en même temps qu’elle imprime la terreur aux méchans et qu’elle les punit. Sous le gouvernement révolutionnaire, tout ce qui tend à avilir la représentation nationale et à diminuer ainsi la majesté du peuple, est réprimé avec plus de vigilance et puni avec plus de sévérité. V. La chute des derniers conspirateurs qui, quoique très médiocres en courage et en talens, ont pu cependant faire du gouvernement révolutionnaire l’instrument de leur ambition et de leur scélératesse, montre les défauts que ces conspirateurs avoient eux-mêmes, à dessein, donné à sa première organisation; tandis que nos victoires, la punition même rapide de ces perfides et de leurs complices, et l’anéantissement de tous leurs complots, démontrent les avantages de ce gouvernement. Il s’agit donc seulement, après être sorti de grands dangers, de profiter de l’expérience et de corriger ce qu’on y avoit introduit de défectueux. VI. D’autres avantages pour la perfection du gouvernement révolutionnaire, qui résultent de la chûte de ces conspirateurs, c’est de connoître maintenant la véritable origine des prétextes dont se sont couvertes les diverses factions que la Convention nationale a déjouées, d’y mettre un terme, de les anéantir, et de rendre à la représentation nationale I’unité de sentimens et d’action, que ces factions lui avoient ravie. VII. Robespierre, ce tyran d’odieuse mémoire, fonda lui-même l’esprit ultra révolutionnaire, en 1792 (vieux st.); à la veille de la chute des Hébert et des Chaumette, il soufloit encore de toutes ses forces cet esprit; après la punition de scélérats, il a défendu et excité en secret tous leurs sectateurs ou complices; et publiquement, il se paroit de modération ! Robespierre s’est 270 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE couvert de tous les masques, à l’exemple de tous les usurpateurs. VIIL La nuit du 9 au 10 a manifesté pour l’Europe, l’univers même et la postérité, la grandeur de la représentation nationale de France, et démontré à ses calomniateurs eux-mêmes, la pureté des hommes qui la composent. Cette nuit anéantit les préventions, les haines, l’esprit de parti; elle étouffe les serpens jetés par l’aristocratie et le royalisme dans le sein de cette assemblée, pour la diviser, armer tous les patriotes de la République les uns contre les autres, et ruiner après fort aisément la France et la cause de la liberté des peuples. IX. Au milieu des tempêtes de la révolution, lorsque toutes les factions s’agitoient ensemble; quand le vrai et le faux servoient également dans les mains des conspirateurs pour tramer la perte de la liberté et la ruine de leur patrie, alors tout patriote se rangea selon que sa position, ses lumières, ses sens, son tempérament indépendant de lui-même, et le tourbillon épais des passions, de préjugés, d’erreurs, et de mensonge, flottant dans l’opinion, lui représen-toient les dangers, l’intérêt et le bien de la liberté, de l’égalité, de la République, et lui faisoient reconnoître, en de-çà ou au delà, vers ce côté ou vers un autre, les attaques ou les pièges de l’ennemi, le péril plus imminent, le succès plus certain. X. Quand une révolution est faite au profit de la liberté, personne ne peut demander compte des moyens à quiconque y a coopéré de bonne foi. Tout révolutionnaire, pur d’intention, a également servi le génie de la liberté, la providence, qui, par son bras, frappoit la tyrannie. Les soldats de la patrie se reprochent-ils ce qu’ils ont fait de bonne foi dans la mêlée ? non : ils s’embrassent et se pardonnent. S’il y a eu des traîtres, on les recherche; ils sont reconnus, ils sont punis. XI. Tel est le principe qui guidera aujourd’hui le gouvernement révolutionnaire. Sa force se centuple par l’union à jamais indestructible des bons citoyens, et par l’épuration plus facile des mauvais; par la possibilité de faire concourir à l’énergie de ce gouvernement les institutions républicaines que toutes les factions ont éloignées, et que les derniers conspirateurs sur-tout vouloient empêcher; enfin, par l’accélération révolutionnaire de l’organisation de ces institutions. XII. Ces institutions sont principalement tout ce qui a rapport au développement de la morale et de l’instruction publiques; à la formation d’un système d’instruction qui porte la lumière, du centre même de la représentation nationale, sur tous les points de la République; aux moyens d’épurer les fonctionnaires publics, d’écarter des places la trahison, l’immoralité, l’impéritie et l’extravagance; à ceux d’accélérer et de bien diriger les effets de la bienfaisance nationale en faveur de tous ceux qui y ont droit; enfin, à tout ce qui doit préparer la paix et la prospérité de la République, après qu’elle aura terrassé tous ses ennemis, en portant dès ce moment sur l’agriculture, les arts utiles et l’éducation de la jeunesse, une prévoyance éclairée, sage et nécessaire. TITRE II Esquisse des moyens du gouvernement révolutionnaire. ARTICLE PREMIER. Le centre, l’action et la surveillance du gouvernement révolutionnaire résident essentiellement dans la représentation nationale. II. La représentation nationale charge un Comité central de gouvernement de surveiller particulièrement tout ce qui a rapport à la défense extérieure et intérieure, à la fabrication des armes, aux approvisionnemens, aux munitions, etc., et à l’énergie générale du gouvernement. Elle le compose de [ ] membres, à renouveler par quart tous les mois. III. La représentation nationale charge un comité de police générale de la République, de tout ce qui a rapport aux personnes suspectes et aux conspirations tramées contre la liberté, le peuple et l’Etat. Elle le compose de [ ] membres, à renouveler par quart tous les mois. IV. La trésorerie nationale ouvrira un crédit au comité central de gouvernement de [ ] millions, et au comité de police général de la République de [ ] pour dépenses courantes et secrètes. V. La représentation nationale charge de l’action directe du gouvernement, diverses agences qui seront autant multipliées qu’il y a de parties séparées, et selon qu’elles gagneront à être sous une surveillance et une action distinctes. Elle choisit dans son sein autant de comités qu’il y a d’agences; ces comités les surveillent, les guident, suivent la législation des objets confiés à chacun, et proposent à la Convention tout ce qui leur paroît nécessaire, pour en accélérer et régler l’action. VI. La représentation nationale compose ses comités, qui prennent la désignation des agences qu’ils surveillent, de membres, renouvelés par quart tous les mois. Ces comités s’organisent par sections, de manière à multiplier et accélérer les travaux : ils sont même, s’il le faut, en permanence; la surveillance sur les agences est confiée à un petit nombre d’individus chargés d’instruire les comités. VII. Il y a une agence et un comité d’agriculture et des arts; — De morale et d’instruction publique; — De commerce et d’approvisionnemens; — Des transports, postes et messageries; — Des armes et poudres; — Du mouvement des armées de terre; — De la marine et de colonies; — Des secours publics; — Des travaux publics; — De la législation; — De la police locale du lieu et de la commune où réside la représentation nationale. VIII. L’agence de la trésorerie nationale, celle des revenus nationaux, celle de la liquidation et celle de la comptabilité, sont surveillées et dirigées par le comité des dépenses et revenus publics, composé de trente-cinq membres et divisé en quatre sections, dont la première est composée de quatre membres seulement. SÉANCE DU 19 FRUCTIDOR AN II (5 SEPTEMBRE 1794) - N°* 51-52 271 IX. Le comité central de gouvernement et le comité de police générale de la République, communiquent directement avec toutes les agences et tous les comités pour l’action et la surveillance qui leur sont confiées. La législation du tout dépend de la représentation nationale seule, qui est directement instruite par les comités respectifs. X. Il sera établi une censure nationale pour les fonctionnaires publics, et une censure fraternelle pour tous les citoyens. Le dernier degré de la censure nationale sera un tribunal national qui pourra suspendre de fonctions, exiler, ostraciser tout fonctionnaire qui sera devenu nuisible ou dangereux à la République, par ses défauts, ou même ses vertus, ses talens. Le dernier degré de la censure fraternelle, sera l’appel des citoyens devant leurs sections respectives. XI. Il sera fait une déclaration de la morale républicaine : cette déclaration sera la base de la censure nationale pour les fonctionnaires publics, et de la censure fraternelle pour les citoyens. Les fonctionnaires qui y manqueront habituellement et essentiellement, seront soumis aux peines les plus sévères de la censure nationale; si elle fait découvrir des traîtres ou des hommes suspects, elle les renverra à l’examen des tribunaux ordinaires : les citoyens ne seront soumis qu’à des invitations privées ou publiques. XII. Dans chaque section de la République, il sera construit un amphitéâtre capable de contenir la section du peuple français qu’elle renferme. La représentation nationale communiquera directement avec chaque section de la République, toute les décades, par une instruction sur la révolution et les succès de la guerre de la liberté des peuples contre la tyrannie. Cette instruction sera rédigée d’après les vues proposées à la représentation nationale par son comité de morale et d’instruction publiques, et arrêtées par elle avant la rédaction. Cette rédaction lui sera définitivement soumise : après cela, ces instructions étant envoyées, seront lues, chaque jour, durant chaque décade, aux citoyens de tout âge et de tout sexe, qui se trouveront réunis, à une heure désignée, dans le lieu d’assemblée de chaque section. Un institut pour former des lecteurs s’occupera des moyens révolutionnaires de rendre la langue française le langage universel de tous les lieux de la République. LANTHENAS demande, par motion d’ordre, le renvoi au comité de Législation du projet sur le gouvernement révolutionnaire, qu’il a fait distribuer à la Convention le 16 thermidor. Il pense que la déclaration des principes du gouvernement révolutionnaire, pour servir de garantie aux droits et à la liberté du citoyen, que renferme ce projet, aurait prévenu les agitations qu’on a dernièrement excitées dans la Convention, si elle l’avait eu consacrée. La motion est adoptée (78). 51 La section de Grenelle [sic] fait passer le procès-verbal dressé à raison d’une explosion qui vient d’avoir lieu par une imprudence, mais qui n’a occasionné aucun accident. Elle ajoute que la malveillance empoi-sonneroit cet événement et qu’elle s’empresse d’en donner le détail. Insertion au bulletin, et renvoi au comité de Salut public (79). [Les commissaires civils de la section des Invalides, au citoyen président de la Convention nationale ] (80). Citoyen Président, Un léger accident arrivé à Grenelle a causé des inquiétudes aux habitans de cette section, pendant un instant; craignant qu’on ne répande des bruits inquiétans parmi le peuple, relativement à la poudrerie, et que ces bruits ne parviennent à la Convention, nous nous empressons de t’envoyer le procès-verbal qui constate ce fait. Section des Invalides Ce jourd’hui dix-neuf fructidor, l’an deux de la République une et indivisible, à dix heures du matin, je, commissaire du comité civil de la section des Invalides, étant devant l’hôpital militaire, ayant entendu un bruit assez fort, ayant vu une fumée assez considérable s’élever du côté de la poudrerie de Grenelle, suis accouru à ladite poudrerie, où étant arrivé, j’ai trouvé les citoyens Paillard, inspecteur, et Leroux directeur; lesquels m’ont déclaré que le bruit et la fumée avoient été occasionnés par l’explosion d’un petit baril rempli de poussier, enseveli dans les décombres du platelage, et qui n’a pu prendre feu que par l’outil de l’ouvrier occupé à le décombrer; lequel ouvrier a été le seul blessé grièvement, et deux autres ouvriers l’ont été très légèrement. De quoi j’ai dressé le présent procès-verbal, le plus promptement possible, afin de tranquiliser les esprits, en disant la vérité. Fait à Grenelle, le 19 fructidor, l’an 2 de la République une et indivisible. Signé à l’original, d’HERBÉ, commissaire ; Paillard, inspecteur, Leroux, directeur. Pour copie conforme à l’original. Signé, Go-zaud, secrétaire-greffier (81). 52 SEVESTRE, au nom du comité de l’examen des Marchés : (79) P. V., XLV, 80. F. de la Rêpubl., n° 429; M.U., XLIII, 319; J. Perlet, n° 713; J. Univ., n° 1 746; Ann. R.F., n° 278; J. Paris, n° 614; Ann. Patr., n° 613; C. Eg., n° 748; Gazette Fr., n° 979; J. Fr., n° 711; Rép., n° 260; J. Mont., n° 129. (80) Bull. 19 fruct. Débats, no 715, 323-324. Moniteur, XXI, 685. (78) Moniteur, XXI, 687. (81) Bull. 19 fruct.