[Assemblée nationale.] ARCHIVES PAR] de la jeunesse. Croit-on que le ressort de l’hon-neur conduira toujours ces juges? Craignez de multiplier trop ces présidiaux en miniature, dont le nombre est effrayant. En suivant le calcul de votre comité, il faudra 4,980 juges de paix pour les campagnes, et plus de 20,000 pour tout le royaume; si vous ne les payez pas, vous vous exposerez à l’inconvénient incalculable de la négligence. D’après cela, je me bornerai, pour cette session seulement, à établir des juges pacificateurs. Rendre la justice n’est que la seconde dette de la société. Empêcher les procès, c’est la première . Il faut que la société dise aux parties : Pour arriver au temple de la justice, passez par celui de la concorde. J’espère qu’en passant vous transigerez. Je voudrais que les juges de paix fussent autorisés à poser les scellés; cela éviterait le déplacement des juges des tribunaux de districts. Je les autoriserais à faire arrêter un homme trouvé en flagrant délit, à la charge de le renvoyer, dans les 24 heures, devant les juges de districts. On ne peut se familiariser avec l’idée d’un juge qui n’aurait pas le pouvoir de faire arrêter quelqu’un, lorsque le délit se serait, pour ainsi dire, passé sous ses yeux. Je désirerais aussi que les juges de paix exerçassent les fonctions tutélaires, et que les assemblées de familles se tinssent devant eux ; je ne leur accorderais pas la moindre compétence en matière réelle, et cela pour abréger la marche de la procédure, parce que la partie qui aurait été condamnée, conservant toujours l’espoir d’un second jugement, ne manquerait pas de recourir aux tribunaux de districts. Voici, en conséquence, le projet de décret que je vous propose. J’adopte les deux premiers articles du comité. « Art. 3. Les juges de paix seront autorisés à apposer les scellés en cas de décès et de faillite. « Art. 4. Ils feront arrêter provisoirement les malfaiteurs pris en flagrant délit, à la charge de les renvoyer, dans les 24 heures, devant les juges des districts. « Art. 5. Ils exerceront les fonctions tutélaires, et feront tenir devant eux les assemblées de familles, toutes les fois qu’il s’agira de quelque délibération domestique. » M. Chabroud. La qustion n’est pas de savoir si on instituera des juges de paix, mais seulement quelles fonctions on pourra leur attribuer. Un premier opinant a observé que s’ils passaient les termes de conciliation et de simple arbitrage, ils ne seraient plus juges de paix; c’est à cela que je m’arrête, et je crois que cette opinion doit être totalement renversée. A mon sens, si vous établissez des officiers chargés uniquement de conciliation et d’arbitrage, vous manquez absolument votre but. Toutes les fois que la médiation pourra être sans efficacité, toutes les fois que vos juges ne feront qu’inviter les parties à la paix, vous ne remplirez pas l’objet que vous vous proposez. Voulez-vous avoir de véritables juges de paix? donnez-leur une véritable compétence; c’est le seul moyen de prévenir les procès, et de retenir dans leurs campagnes ces utiles habitants, obligés d’abandonner leur charrue pour aller suivre des procès dispendieux. Au surplus, je voudrais que cette compétence fût très modique ; qu’ils ne fussent chargés que de prononcer sur des affaires personnelles qui n’excédassent pas 25 livres ; alors vous ferez valoir la médiation : mais, crainte d’erreur, vous abandonnerez le jugement aux tribunaux. Ensuivant SMENTAIRES. [7 juillet 1790.] 739 pas à pas le projet de votre comité, il me semble qu’il est quelquefois allé trop loin. En étendant ainsi la compétence, il est tombé dans les inconvénients qui dénaturent absolument cette institution. Je voudrais que les juges de paix se bornassent à juger des faits locaux sur lesquels les juges de district ne peuvent prononcer avec autant de connaissance de cause. Par exemple, un particulier a causé du dommage dans un champ; qui pourra mieux le constater que le juge de paix? Je demande seulement que les juges de paix soient arbitres et juges; qu’ils aient le contentieux sur les choses et non sur les personnes; enfin qu’ils puissent anéantir tous les procès jusqu’à la concurrence de telle somme qu’il vous plaira fixer, pourvu qu’elle soit modique. M. Dubois de Crancé. Je demande qu’on ne se borne pas à écouter des avocats ; il faut entendre aussi des laboureurs qui peut-être ont à se plaindre des anciens tribunaux. M. Dufraïsse-Duchey. Je demande la parole, pour soutenir l’avis du comité. Si, comme le prétendent quelques opininants, on établissait un bureau de concorde qui n’eût aucun droit de juger, ce serait un établissement nul ; les juges de paix doivent juger souverainement jusqu’à 25 livres et jusqu’à 50 livres, sauf l’appel. Quant à leur salaire, je crois qu’il faut leur en accorder un ; mais pour ne pas exciter la cupidité et charger les peuples, il doit être modique. M. d’André. Si la discussion se continue de cette manière, elle durera jusqu’à demain, sans que nous puissious arriver à un résultat certain. Quelques-uns prétendent que les juges de paix doivent définitivement juger jusqu’à la concurrence de 50 livres, d’autres jusqu’à 25 livres. Je crois qu’il est une question préliminaire : les juges de paix connaîtront-ils des matières contentieuses ? M. de Montiosier. Les fonctions d’arbitres sont absolument incompatibles avec celles de juges contentieux. Si vous confondez ces deux parties, vous établissez une tyrannie et l’arbitraire le plus terrible et le plus dangereux : je demande qu’il y ait dans chaque canton un juge de paix et un juge contentieux. M. Thouret. J’appuie l’opinion qui tend à fixer l’état de la délibération. En faisant quelques réflexions préliminaires sur les articles, je n’ai pas prétendu qu’on dût les discuter tous ensemble, et dans le moment même; mais j’ai seulement voulu jeter quelque clarté sur l’ensemble du plan. On demande la clôture qui est prononcée. L’article 1er proposé par le comité est ensuite mis aux voix et adopté sans changement. M. Thouret, rapporteur, donne lecture de l’article 2 ainsi conçu : « S’il y a une ou plusieurs villes dans le canton, ces villes auront un juge de paix et des prud’hommes particuliers; et dans les villes qui contiendront plus de 4,000 âmes, il y aura un juge de paix par deux sections ou divisions d’assemblées primaires. » M. Oural l’aîné. On ne peut entendre autre chose par ces mots : juges de paix , que des juges conciliateurs; je demande donc qu’il soit décidé 740 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [T juillet 1790.] si on les investira d’une juridiction contentieuse, avant de statuer sur leur nombre dans chaque canton. M. d’André. Vous venez de décréter qu’il y aurait des juges de paix ; l’article qu’on vous propose est une suite nécessaire du premier ; mais je pense que le comité n’a point assez examiné les localités ; il y a des cantons dont le chef-lieu est une ville plus petite que certains villages ; il y a beaucoup de villes murées où il n’y a pas plus de 300 habitants, et je crois qu’il serait inutile de mettre dans ces villes un juge de paix particulier. Si l’on établissait un juge pour la ville et un pour les cantons, il en résulterait que l’habitant de la campagne serait souvent obligé de traverser la ville où il y aurait un juge de paix, pour aller trouver son juge, qui serait à rautre extrémité du canton ; je voudrais que dans les villes où il y aura 4,000 âmes, il fût établi un juge de paix, et dans celles où il y en aurait 6,000, un par paroisse, de manière cependant que chaque paroisse contienne 3,000 habitants. M. Garat l'aîné. Je sens bien qu’il y aurait de véritables inconvénients à obliger l’habitant des campagnes à quitter ses foyers pour aller chercher son juge dans les districts; mais, sans avoir recours à de nouveaux fonctionnaires publics, ne pouvez-vous pas procurer aux habitants des campagnes des juges à leur portée ? Pourquoi ne leur donneriez-vous pas pour juges leurs officiers municipaux ? En vain opposerait-on leur défaut de lumières ou de connaissance des lois ; ils seront nécessairement aussi instruits que ceux qu’on pourrait élire. D’ailleurs, lorsque l’objet n’excède pas 50 livres, il est bien rare que la raison naturelle ne suffise pas pour juger. M. Démeunïer. Je demande que l’Assemblée décrète que les juges de paix auront une juridiction contentieuse. (Cette proposition est adoptée.) M. Barnave, présente une nouvelle rédaction de l’article 2. Elle est décrétée ainsi qu’il suit : « Art. 2. S’il y a dans un canton un ou plusieurs bourgs ou villes dont la population excède deux mille habitants, ces villes ou bourgs auront un juge de paix et des prud’hommes particuliers. « Les villes et bourgs qui contiendront plus de huit mille âmes auront le nombre de juges de paix qui sera déterminé par le Corps législatif, d’après les renséignements qui seront donnés par les assemblées administratives de département. » (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GOUTTES, EX-PRÉSIDENT. Séance du mercredi 7 juillet 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. l’abbé Gouttes, ex-président , occupe le fauteuil en l’absence de M. de Bonnay, empêché. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. Dupont (de Nemours ), secrétaire , donne lecture du procès-verbal�de la séance du matin. Plusieurs membres demandent la parole sur ce procès-verbal. M. Bouche observe qu’à la séance de ce matin, M. Merceret , curé de Fontaines-lez-Dijon et député du bailliage de Dijon, a donné sa rétractation de la signature qu’il avait apposée à un écrit intitulé : Déclaration , que plusieurs membres de cette Assemblée, mais en très petite minorité, s’étaient permis de signer au sujet du décret rendu le 13 avril dernier, concernant la religion. Il dit que cette rétractation fait l’éloge des sentiments de celui qui l’a donnée et honore, en quelque façon, l’erreur dans laquelle il était tombé. Il demande que, pour rendre la rétractation aussi authentique que la signature a été publique, le nom propre de M. Merceret soit inséré dans la partie du procès-verbal de ce matin, qui renferme sa rétractation. M. l’abbé Grégoire fait la même observation et la même pétition en faveur de M. deCoul-miers, abbé d’Abbecourt, député de la vicomté de Paris, qui donna, à la séance de jeudi soir, 1er juillet, présent mois, sa rétractation de ta signature qu’il avait pareillement apposée au même écrit. Ces deux motions mises aux voix, l’Assemblée ordonne que le nom propre de M. de Goulmiers, abbé d’Abbecourt, sera inséré dans le procès-verbal de la séance de jeudi 1er du présent mois, et en tête de sa rétractation; et que celui de M. Merceret le sera pareillement dans le procès-verbal de ce matin. Le procès-verbal est adopté. Il est ensuite fait lecture d’une délibération en date du 27 juin 1790, prise par le conseil général de la commune de Marseille , par laquelle cette commune donne sa soumission d'acheter, jusqu’à concurrence de 16 millions, les biens nationaux situés dans sa ville et sur son territoire. L’Assemblée ordonne que cette délibération sera remise à son comité d’aliénation des biens nationaux et domaniaux. M. le Président. L’ordre du jour estfla suite de la discussion du projet de décret sur la fixation des sièges des évêchés et des métropoles. M. Bolslandry, rapporteur. Le comité ecclésiastique propose de fixer à Châteauroux le siège de l’évêché du département de l’Indre. M. Baucheton. Châteauroux a déjà le département; je réclame, pour les autres villes, une part équitable dans les établissements de la Constitution, et je demande que l’évêché soit établi à Issoudun; cette ville possède des églises et des bâtiments qui seront facilement appropriés pour un évêché. M. Legrand. Châteauroux est aussi bien doté qu’Issoudun au point de vue des bâtiments publics; il est au centre du département, tandis u’Issoudun est à l’extremité et fort rapproché e Bourges. (L’avis du comité est mis aux voix et adopté.) M. Bolslandry, rapporteur. Le comité propose de fixer le siège de Févêché du département de la Creuse à Guéret;