\ / [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ! |*r nivôse an H.- î 21 décembre 1793 Le représentant du peuple Lequinio écrit de Rochefort et fait part des mesures qu’il a prises pour contenir les prisonniers rebelles qui rem¬ plissent les prisons de Fontenay-le-Peuple, où il vient de faire un court voyage. Renvoyé au comité de Salut public (1). Compte bendu du Moniteur universel (2). On lit une lettre de Lequinio, représentant du peuple, écrite de Kochefort, le 24 frimaire. Elle est ainsi conçue : « Citoyens mes collègues, je viens de donner des ordres que les modérés pourront trouver barbares; je dois vous en rendre compte. « Quatre à cinq cents brigands, faits prison¬ niers, encombrent les prisons de Fontenay-le-Peuple. Je viens d’être instruit par un courrier extraordinaire que m’ont dépêché les adminis¬ trateurs, qu’une portion de l’armée de Cha-rette, que l’on dit composée de 10 à 12,000 hommes, et qui a forcé quelques-uns de nos avant-postes, s’avançait dans le canton, et qu’ils avaient des craintes que les rebelles ne vinssent, une seconde fois, attaquer leur ville; je leur ai donné ordre sur-le-champ de faire fusiller, sans forme de procès, tous les prison¬ niers brigands, à la première apparition de l’ennemi. Voici sur quoi j’ai fondé cet ordre sanguinaire : le décadi dernier, j’étais à Fonte¬ nay, au sein d’une réunion d’envoyés des Socié¬ tés populaires circonvoisines, venus pour y pro¬ pager les principes républicains et y développer le feu patriotique, si nécessaire dans ce pays surtout ; tandis que le peuple s’abandonnait à l’allégresse et à la fraternité, les prisonniers s’insurgèrent et faillirent étrangler tous les habitants de la geôle. La municipalité me fit avertir du danger, j’y courus; je descendis tout le premier dans la prison; je brûlai la cervelle (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 9. (2) Moniteur universel [in0 93 du 3 nivôse an II (lundi 23 décembre 1793), p. 374, col. 3). Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 403. D’autre part, le Mercure universel (2 nivôse an II (dimanche 22 décem¬ bre 1793), t. 35, p. 29, col. 1] rend compte de la lettre de Lequinio dans les termes suivants i « Rochefort, 24 frimaire. Lequinio, représenlanl du peuple à la Convention nationale. (Suit le texte de la lettre de Lequinio que nous reproduisons ci-dessus d'après le Moniteur). « Levasseur (Sarlhe). Il y a quinze jours, je fus envoyé par le comité de Salut public à l’armée de l’Ouest. Arrivé à Saumur, j’appris que 700 brigands prisonniers, détenus dans les prisons, criaient hau¬ tement : Vive le Roi! Craignant que, dans le cas où les rebelles attaqueraient cette ville, des malveil¬ lants n’ouvrissent les prisons et que ces 700 coquins ne leur soient livrés, je donnai l’ordre de les conduire à Orléans, attachés deux à deux. Ceux qui les escor¬ taient me dirent : « S’ils se révoltent en route, que ferons-nous? — - Fusillez-les, répondis-je. » En effet, les brigands se sont révoltés et ont été fusillés. « Cette mesure, prise le 12 frimaire, était d’autant plus importante, que le 13 les rebelles attaquèrent Angers. « J’observe en outre qu’il serait bon de renouveler les autorités constituées de ces contrées. « Renvoyé au comité de Sûreté générale. » lre SÉRIE, T. LXXXII. au plus audacieux; deux autres payèrent de leur vie l’alarme qu’ils venaient de causer, et cette horde rentra dans l’ordre; je formai sur-le-champ, pour juger tous ces scélérats, une Commission militaire beaucoup plus expéditive que le tribunal criminel, embarrassé, malgré lui, de mille formes; mais j’ai cru qu’en cas d’attaque extérieure, il fallait, dès le premier instant, détruire sans ménagement ce foyer d’insurrec¬ tion, que le voisinage de l’armée rendrait auda¬ cieux et infiniment dangereux au salut public, dans cette cité spécialement où. le fanatisme et l’aristocratie sont loin d’être anéantis. Tels sont les motifs de ma conduite. Si vous la blâmez, rendez, du moins, justice à l’intention. Je dois, au reste, vous dire que, sans des mesures pa¬ reilles, jamais vous ne finiriez la guerre de la Vendée. C’est le modérantisme abominable des administrations qui a formé la Vendée; c’est le modérantisme des administrateurs et des généraux qui l’entretient. J’ai crié partout qu’il ne fallait plus faire de prisonniers; et, s’il m’est permis de le dire, je voudrais qu’on adoptât les mêmes mesures dans toutes nos armées; nos ennemis alors, usant du réciproque, il serait impossible désormais que nous eussions des lâches. Je crois qu’un décret pareil serait le salut de la France. C’est à vous à juger si j’ai tort. Quant à là Vendée, cela est indispensable, si vous voulez en finir; tout est glacé dans ce pays; presque toutes les administrations sont à changer; mais il faudrait y envoyer des répu¬ blicains d’ailleurs : car l’on n’y trouve que des honnêtes gens, et ces messieurs vont comme la tortue : cependant, le peuple est là ce qu’il est ailleurs, essentiellement juste et bon; et mon voyage, quoique très court, me prouve qu’il est disposé à recevoir toutes les impressions répu¬ blicaines qu’on voudra lui donner, quand la franchise et le vrai civisme les lui porteront. « Signé : Lequinio. » Suit le texte de l'arrêté de Lequinio, d'après un document des Archives nationales (1). Copie de l'arrêté du citoyen Lequinio, repré¬ sentant du peuple, portant établissement, à Fontenay-le-Peuple, d’une Commission mili¬ taire pour juger les brigands contre-révolu¬ tionnaires détenus dans les prisons (2). Fontenay-le-Peuple, 21 frimaire, l’an II de la République française, une et indi¬ visible. Nous, représentant du peuple envoyé dans les départements, instruit du nombre des brigands de la Vendée faits prisonniers et qui encombrent les prisons de cette commune. Considérant que l’on n’aurait dû faire aucun prisonnier de cette espèce, que l’état de crise et de guerre civile où se trouve le département, et les mesures de salut public, prescrivent de détruire tous les scélérats qui s’opposent au bonheur et à l’affermissement de la République; (1) Archives nationales, carton AFn 171, pla¬ quette 1402, pièce 19. (2) Cet arrêté n’est pas mentionné dans le Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public de M. Aulard. P