386 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE lia Convention décrète mention honorable du civisme de cette section, insertion au bulle-tion du discours de l’orateur et de la réponse qui lui a été faite par le président (1). 30 Léonard Leblois, ci-devant journaliste à Saint-Domingue, annonce qu’il est au moment de succomber sous les efforts de l’intrigue et de l’aristocratie de ce pays, qui cherche à se venger des coups qu’il n’a cessé de lui porter depuis 1789 : il demande d’être mis sous la sauve-garde de la loi, et que le comité de sûreté générale prenne connoissance des faits qu’on lui impute. La pétition est renvoyée au comité de sûreté générale (2). [Paris, 1er flor. 11 ] i(3). Citoyens représentants du peuple français, Je viens vous dénoncer un nouvel attentat des colons blancs contre un de leurs irréconciliables ennemis, un défenseur des citoyens de couleur. Indignement persécuté dans la colonie par ces rebelles à toutes les lois et aux sentiments de la nature et de la raison, ruiné, emprisonné, déporté par eux, il m’était encore réservé d’éprouver en France, dans ma famille et jusque sous l’égide de la Convention nationale, l’effet redoutable de leur acharnement de leur influence. En vain l’assemblée nationale, d’après l’intime conviction de ma conduite pure et révolutionnaire, avait décrété par sa loi du 17 août 1792 que mes oppresseurs seraient poursuivis, la justice dont l’assemblée nationale me couvrit alors ne m’a pas empêché de devenir victime de nouvelles persécutions; les colons blancs de cette espèce ne perdent jamais l’espoir de la vengeance, et la perte d’un ami de l’humanité est le triomphe de leurs âmes. Il y a 4 mois, à mon retour des colonies, j’ai passé par Orléans pour me rendre auprès de la Convention; né dans cette ville, je restai quelque temps chez mon père, étant exténué par les traversées successives que les suppôts de l’assemblée coloniale me faisaient éprouver. Dans cette ville, un colon blanc, ennemi implacable des hommes du 4 avril, et devenu par suite de son caractère souple et intrigant, administrateur du département, me suscita de concert avec un autre individu également attaché au système rebelle de ces colons, la persécution la plus atroce. Je fus inopinément frappé par le comité de surveillance de la commune d’un mandat, les scellés furent apposés et répandirent l’effroi chez un père vertueux, patriote, dont le second fils était à l’agonie dans l’appartement même où les gendarmes firent leur subite apparition. Mais cette fois je parvins devant le comité, je lui parlai, mes accusateurs furent confondus. Je les accusai à mon tour, le mandat fut révoqué et la levée (1) P.V., XXXVI, 155. (2) P.V., XXXVI, 155. J. Sablier, n» 1282; Ann. patr., n° 481; Sans-Culotte n° 436; Mess, soir, n° 617; C. Eg., n° 617, p. 209. (3) F7 47711. des scellés confirma au comité que si j’étais malheureux, j’étais pur et injustement persécuté. Je me suis après cet événement rendu à Paris. La Convention nationale, instruite par Gouly, organe de son comité de marine et des colonies, de ma conduite révolutionnaire à St-Domingue et de la ferme et constante défense que j’y ai pris des citoyens de couleur contre leurs oppresseurs, a décrété le 11 ventôse que la loi du 29 août rendue en ma faveur par l’assemblée législative, serait exécutée littéralement, que le conseil exécutif me conférerait un emploi à St-Domingue et qu’enfin il me serait accordé une somme déterminée à titre de subsistance jusqu’à mon départ. Couvert de deux lois et de l’estime précieuse des représentants de la République, je me suis rendu à Orléans par permission du ministre, pour y demeurer en attendant l’exécution de la loi du 11 ventôse. C’est là où ces mêmes colons blancs viennent encore au mépris des lois de s’acharner à me faire perdre l’estime publique par leurs calomnies et leurs intrigues nombreuses dont, pendant mon absence, ils s’étaient prémunis et environnés pour m’accabler dans cet endroit. Je vous le déclare avec douleur représentants, cette ville de ma naissance est le refuge de bien des intrigants, les colons dont je parle avec le caractère souple et adroit qu’on leur connaît en France y ont acquis une influence étonnante, le peuple est bon à Orléans mais il n’est pas instruit, il semble qu’il existe un système de persécution contre ceux qui osent se charger d’une tâche aussi auguste; la Société populaire semble ignorer que c’est là son plus bel apanage; dominée par quelques individus qui ne s’occupent qu’à des personnalités contre l’un et l’autre, qui ne chérissent exclusivement que leurs personnes, elle ne donne au peuple qui l’écoute avec le besoin et l’envie de s’instruire, que le spectacle de ses divisions et non celui des vertus morales et politiques. J’ai osé dire à sa tribune ces grandes vérités, mais la foudre est tombée sur moi et je suis couvert de ses ruisseaux. Osez attaquer le vice par des généralités, les vicieux s’en font soudain l’application, se lèvent en masse, vous accusent de les apostropher, la patrie n’est plus rien, l’orgueil, l’amour propre sont tout, et les vérités sont pour eux des injures qu’il faut punir. C’est donc en vain que j’ai voulu faire entendre ma voix contre les horreurs dont les colons et leurs partisans m’ont flétri publiquement. Si je repoussais leurs traits envenimés, je tenais, disaient-ils, des discours incendiaires, si je m’appuyais de mes écrits pour la cause de la liberté, de mes principes et des décrets qui les avaient justifiés, j’étais un intrigant qui voulait diviser les patriotes, qui avait par ses intrigues trompé le Comité de salut public sur les colonies et extorqué à la Convention la loi du 11 ventôse, comme à l’Assemblée Législative celui du 24 août. Nicole, l’un de ces furieux, m’a crié en pleine société populaire : « Va, scélérat, retourne à St-Domingue avec tes beaux décrets, l’arbre pour te pendre à ton arrivée est tout planté !... Forcé de céder à cette lave brûlante de persécution, sachant que clandestinement j’étais dénoncé par ces adroits intrigants à un comité de surveillance composé de patriotes vertueux, mais peu éclairés, que l’on provoquait avec impudeur la dénonciation, qu’on écrivait secrètement par-386 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE lia Convention décrète mention honorable du civisme de cette section, insertion au bulle-tion du discours de l’orateur et de la réponse qui lui a été faite par le président (1). 30 Léonard Leblois, ci-devant journaliste à Saint-Domingue, annonce qu’il est au moment de succomber sous les efforts de l’intrigue et de l’aristocratie de ce pays, qui cherche à se venger des coups qu’il n’a cessé de lui porter depuis 1789 : il demande d’être mis sous la sauve-garde de la loi, et que le comité de sûreté générale prenne connoissance des faits qu’on lui impute. La pétition est renvoyée au comité de sûreté générale (2). [Paris, 1er flor. 11 ] i(3). Citoyens représentants du peuple français, Je viens vous dénoncer un nouvel attentat des colons blancs contre un de leurs irréconciliables ennemis, un défenseur des citoyens de couleur. Indignement persécuté dans la colonie par ces rebelles à toutes les lois et aux sentiments de la nature et de la raison, ruiné, emprisonné, déporté par eux, il m’était encore réservé d’éprouver en France, dans ma famille et jusque sous l’égide de la Convention nationale, l’effet redoutable de leur acharnement de leur influence. En vain l’assemblée nationale, d’après l’intime conviction de ma conduite pure et révolutionnaire, avait décrété par sa loi du 17 août 1792 que mes oppresseurs seraient poursuivis, la justice dont l’assemblée nationale me couvrit alors ne m’a pas empêché de devenir victime de nouvelles persécutions; les colons blancs de cette espèce ne perdent jamais l’espoir de la vengeance, et la perte d’un ami de l’humanité est le triomphe de leurs âmes. Il y a 4 mois, à mon retour des colonies, j’ai passé par Orléans pour me rendre auprès de la Convention; né dans cette ville, je restai quelque temps chez mon père, étant exténué par les traversées successives que les suppôts de l’assemblée coloniale me faisaient éprouver. Dans cette ville, un colon blanc, ennemi implacable des hommes du 4 avril, et devenu par suite de son caractère souple et intrigant, administrateur du département, me suscita de concert avec un autre individu également attaché au système rebelle de ces colons, la persécution la plus atroce. Je fus inopinément frappé par le comité de surveillance de la commune d’un mandat, les scellés furent apposés et répandirent l’effroi chez un père vertueux, patriote, dont le second fils était à l’agonie dans l’appartement même où les gendarmes firent leur subite apparition. Mais cette fois je parvins devant le comité, je lui parlai, mes accusateurs furent confondus. Je les accusai à mon tour, le mandat fut révoqué et la levée (1) P.V., XXXVI, 155. (2) P.V., XXXVI, 155. J. Sablier, n» 1282; Ann. patr., n° 481; Sans-Culotte n° 436; Mess, soir, n° 617; C. Eg., n° 617, p. 209. (3) F7 47711. des scellés confirma au comité que si j’étais malheureux, j’étais pur et injustement persécuté. Je me suis après cet événement rendu à Paris. La Convention nationale, instruite par Gouly, organe de son comité de marine et des colonies, de ma conduite révolutionnaire à St-Domingue et de la ferme et constante défense que j’y ai pris des citoyens de couleur contre leurs oppresseurs, a décrété le 11 ventôse que la loi du 29 août rendue en ma faveur par l’assemblée législative, serait exécutée littéralement, que le conseil exécutif me conférerait un emploi à St-Domingue et qu’enfin il me serait accordé une somme déterminée à titre de subsistance jusqu’à mon départ. Couvert de deux lois et de l’estime précieuse des représentants de la République, je me suis rendu à Orléans par permission du ministre, pour y demeurer en attendant l’exécution de la loi du 11 ventôse. C’est là où ces mêmes colons blancs viennent encore au mépris des lois de s’acharner à me faire perdre l’estime publique par leurs calomnies et leurs intrigues nombreuses dont, pendant mon absence, ils s’étaient prémunis et environnés pour m’accabler dans cet endroit. Je vous le déclare avec douleur représentants, cette ville de ma naissance est le refuge de bien des intrigants, les colons dont je parle avec le caractère souple et adroit qu’on leur connaît en France y ont acquis une influence étonnante, le peuple est bon à Orléans mais il n’est pas instruit, il semble qu’il existe un système de persécution contre ceux qui osent se charger d’une tâche aussi auguste; la Société populaire semble ignorer que c’est là son plus bel apanage; dominée par quelques individus qui ne s’occupent qu’à des personnalités contre l’un et l’autre, qui ne chérissent exclusivement que leurs personnes, elle ne donne au peuple qui l’écoute avec le besoin et l’envie de s’instruire, que le spectacle de ses divisions et non celui des vertus morales et politiques. J’ai osé dire à sa tribune ces grandes vérités, mais la foudre est tombée sur moi et je suis couvert de ses ruisseaux. Osez attaquer le vice par des généralités, les vicieux s’en font soudain l’application, se lèvent en masse, vous accusent de les apostropher, la patrie n’est plus rien, l’orgueil, l’amour propre sont tout, et les vérités sont pour eux des injures qu’il faut punir. C’est donc en vain que j’ai voulu faire entendre ma voix contre les horreurs dont les colons et leurs partisans m’ont flétri publiquement. Si je repoussais leurs traits envenimés, je tenais, disaient-ils, des discours incendiaires, si je m’appuyais de mes écrits pour la cause de la liberté, de mes principes et des décrets qui les avaient justifiés, j’étais un intrigant qui voulait diviser les patriotes, qui avait par ses intrigues trompé le Comité de salut public sur les colonies et extorqué à la Convention la loi du 11 ventôse, comme à l’Assemblée Législative celui du 24 août. Nicole, l’un de ces furieux, m’a crié en pleine société populaire : « Va, scélérat, retourne à St-Domingue avec tes beaux décrets, l’arbre pour te pendre à ton arrivée est tout planté !... Forcé de céder à cette lave brûlante de persécution, sachant que clandestinement j’étais dénoncé par ces adroits intrigants à un comité de surveillance composé de patriotes vertueux, mais peu éclairés, que l’on provoquait avec impudeur la dénonciation, qu’on écrivait secrètement par- SÉANCE DU 7 FLORÉAL AN II (26 AVRIL 1794) - N° 31 387 tout, jusqu’à mes parents, jusqu’à ma propre mère, à qui un de ces hommes voulait faire convenir malgré elle que j’étais un mauvais fils, voyant qu’on ne voulait entendre ni moi ni le petit nombre de patriotes vertueux qui s’élevaient en faveur de la justice, l’aspect d’une trame si perfide dans un pays où les factions ont toujours été à la place de l’intérêt public, où la division impolitique des patriotes fait les délices des nombreux aristocrates qui y pullulent en bonnet rouge, où bien des êtres équivoques peuvent égarer l’opinon publique, versatile à leur gré, ou la représentation nationale souvent avilie et calomniée a donné la mesure de ces soi-disant patriotes, j’ai craint, dis-je, qu’un second complot mieux combiné que le premier ne tendit malgré la loi et mon innocence, à me priver subitement de ma liberté pour m’oter les moyens de stipuler mes plaintes et mes réclamations. Je demande que la Convention nationale, en renvoyant ma pétition à son Comité de sûreté générale, le charge d’ordonner que l’application de la loi du 21 ventôse relative aux colons blancs, membres ou spectateurs connus des assemblées rebelles et destructives de St-Domingue, soit faite à ces deux colons, ennemis implacables des hommes de couleur, et surtout des blancs qui les ont justement défendus. L’un d’eux nommé Gentil était secrétaire de l’infâme assemblée provinciale de l’ouest, qui a causé la ruine de Port-au-Prince, qui a méconnu l’autorité nationale en persécutant et forçant de se retirer le commissaire civil que voulait rétablir l’union entre les blancs et les hommes de couleur; l’autre nommé Labbé était un sectateur de cette assemblée rebelle, et a fait sous ses bannières une guerre culturelle et injuste à un citoyen de couleur; c’est cet homme féroce qui, dans sa première dénonciation contre moi, a dit en plein comité de surveillance que si tous les blancs avaient pensé comme lui, il ne devrait plus exister un mulâtre (*) ; et que le seul moyen d’être tranquille dans les colonies était l’anéantissement de cette race. Tels étaient en effet représentants, les principes incroyables de ces colons barbares, et ils osent encore en France se glisser dans les places administratives, poursuivre ceux qui dans les colonies eurent horreur de leurs principes, et les couvrir, dans des circonstances comme la mienne, de la défaveur publique. Je demande que le Comité de sûreté générale évoque à lui la dénonciation faite contre moi par Nicole, Labbé et Gentil et que le comité de surveillance d’Orléans, en me remettant toutes mes pièces, soit tenu de ne plus s’immiscer dans cet objet, afin que je puisse tranquillement attendre chez moi l’exécution de la loi du 11 ventôse. Léonard Leblois. (*) Le comité de surveillance est témoin que je répondis à ces mots à Labbé que s’il osait parler de même aux jacobins ou devant Robespierre, Couthon... il serait enfermé jusqu’à la paix. 31 Un membre [ESCHASSERIAUX] fait un rapport au nom du comité d’agriculture (1). ESCHASSERIAUX : Tandis que les despotes coalisés menacent nos frontières, tandis que la ligue de ces tyrans, renaissant de ses défaites, s’apprête à porter de nouveaux coups à notre liberté; tandis que la République et ses fondateurs ont chaque jour de nouveaux ennemis, de nouveaux périls à vaincre, ce sera un spectacle intéressant pour la postérité de voir les représentants d’un peuple libre, calmes, pour ainsi dire, sous le feu de l’ennemi et de la révolution, s’occuper du plus paisible des arts et proposer à la tribune nationale les moyens d’améliorer une terre que les despotes conjurés s’efforcent en vain d’envahir. Nous venons, citoyens, au nom de votre comité, vous parler de l’agriculture et des campagnes. Une multitude de lois populaires sont sorties successivement des trois assemblées nationales; mais, en parcourant les travaux de ces législateurs, on n’aperçoit point un travail profond, une loi régénératrice et d’ensemble, pour tirer l’agriculture de l’inertie où l’ont tenue jusqu’ici l’ignorance et le despotisme. Il était naturel peut-être, avant de songer au moyen qui doit affermir à jamais la liberté, de la conquérir d’abord et de réduire ses ennemis. Votre comité ne vient point enseigner à cette tribune les secrets divers que l’expérience a déjà révélés à l’agriculture; nous laissons à l’industrie, qui réfléchit et travaille, à ajouter de nouvelles découvertes à celles qu’elle a déjà faites; nous ne venons point aussi vous proposer des méthodes et des préceptes aratoires; ils sont connus; il y a deux mille ans que l’on cultive la terre, à Mantoue et dans les campagnes de la Calabre, de la même manière qu’on la cultive encore dans les environs de Paris. La plume des savants modernes qui ont écrit sur l’agriculture n’a fait que retracer, expliquer ou commenter les livres de Columelle et de Virgile. La législation doit voir l’agriculture sous un aspect plus élevé et plus vaste. Parmi les moyens que nous vous présenterons pour fertiliser le sol de la République, il en est quelques-uns qui ont été employés déjà avec succès dans quelques contrées; d’autres reposent encore dans les livres et attendent la main de l’expérience. L’esprit humain n’a rien tenté en agriculture sous un régime qui enchaînait et le bras du laboureur et la pensée de l’homme de génie. D’autres lois nous ont été inspirées par la politique et la liberté. Indépendamment de la puissance des lois, nous avons cru même devoir nous servir de toute la moralité de l’opinion pour encourager le plus précieux des arts. Mais permettez à votre comité de répandre quelques lumières sur l’état de l’agriculture avant nous; le sujet est neuf pour la politique, comme une partie de la terre l’est encore pour le travail de l’homme. L’histoire et l’expérience doivent être le flambeau de la législation. (1) P.V., XXXVI, 155. SÉANCE DU 7 FLORÉAL AN II (26 AVRIL 1794) - N° 31 387 tout, jusqu’à mes parents, jusqu’à ma propre mère, à qui un de ces hommes voulait faire convenir malgré elle que j’étais un mauvais fils, voyant qu’on ne voulait entendre ni moi ni le petit nombre de patriotes vertueux qui s’élevaient en faveur de la justice, l’aspect d’une trame si perfide dans un pays où les factions ont toujours été à la place de l’intérêt public, où la division impolitique des patriotes fait les délices des nombreux aristocrates qui y pullulent en bonnet rouge, où bien des êtres équivoques peuvent égarer l’opinon publique, versatile à leur gré, ou la représentation nationale souvent avilie et calomniée a donné la mesure de ces soi-disant patriotes, j’ai craint, dis-je, qu’un second complot mieux combiné que le premier ne tendit malgré la loi et mon innocence, à me priver subitement de ma liberté pour m’oter les moyens de stipuler mes plaintes et mes réclamations. Je demande que la Convention nationale, en renvoyant ma pétition à son Comité de sûreté générale, le charge d’ordonner que l’application de la loi du 21 ventôse relative aux colons blancs, membres ou spectateurs connus des assemblées rebelles et destructives de St-Domingue, soit faite à ces deux colons, ennemis implacables des hommes de couleur, et surtout des blancs qui les ont justement défendus. L’un d’eux nommé Gentil était secrétaire de l’infâme assemblée provinciale de l’ouest, qui a causé la ruine de Port-au-Prince, qui a méconnu l’autorité nationale en persécutant et forçant de se retirer le commissaire civil que voulait rétablir l’union entre les blancs et les hommes de couleur; l’autre nommé Labbé était un sectateur de cette assemblée rebelle, et a fait sous ses bannières une guerre culturelle et injuste à un citoyen de couleur; c’est cet homme féroce qui, dans sa première dénonciation contre moi, a dit en plein comité de surveillance que si tous les blancs avaient pensé comme lui, il ne devrait plus exister un mulâtre (*) ; et que le seul moyen d’être tranquille dans les colonies était l’anéantissement de cette race. Tels étaient en effet représentants, les principes incroyables de ces colons barbares, et ils osent encore en France se glisser dans les places administratives, poursuivre ceux qui dans les colonies eurent horreur de leurs principes, et les couvrir, dans des circonstances comme la mienne, de la défaveur publique. Je demande que le Comité de sûreté générale évoque à lui la dénonciation faite contre moi par Nicole, Labbé et Gentil et que le comité de surveillance d’Orléans, en me remettant toutes mes pièces, soit tenu de ne plus s’immiscer dans cet objet, afin que je puisse tranquillement attendre chez moi l’exécution de la loi du 11 ventôse. Léonard Leblois. (*) Le comité de surveillance est témoin que je répondis à ces mots à Labbé que s’il osait parler de même aux jacobins ou devant Robespierre, Couthon... il serait enfermé jusqu’à la paix. 31 Un membre [ESCHASSERIAUX] fait un rapport au nom du comité d’agriculture (1). ESCHASSERIAUX : Tandis que les despotes coalisés menacent nos frontières, tandis que la ligue de ces tyrans, renaissant de ses défaites, s’apprête à porter de nouveaux coups à notre liberté; tandis que la République et ses fondateurs ont chaque jour de nouveaux ennemis, de nouveaux périls à vaincre, ce sera un spectacle intéressant pour la postérité de voir les représentants d’un peuple libre, calmes, pour ainsi dire, sous le feu de l’ennemi et de la révolution, s’occuper du plus paisible des arts et proposer à la tribune nationale les moyens d’améliorer une terre que les despotes conjurés s’efforcent en vain d’envahir. Nous venons, citoyens, au nom de votre comité, vous parler de l’agriculture et des campagnes. Une multitude de lois populaires sont sorties successivement des trois assemblées nationales; mais, en parcourant les travaux de ces législateurs, on n’aperçoit point un travail profond, une loi régénératrice et d’ensemble, pour tirer l’agriculture de l’inertie où l’ont tenue jusqu’ici l’ignorance et le despotisme. Il était naturel peut-être, avant de songer au moyen qui doit affermir à jamais la liberté, de la conquérir d’abord et de réduire ses ennemis. Votre comité ne vient point enseigner à cette tribune les secrets divers que l’expérience a déjà révélés à l’agriculture; nous laissons à l’industrie, qui réfléchit et travaille, à ajouter de nouvelles découvertes à celles qu’elle a déjà faites; nous ne venons point aussi vous proposer des méthodes et des préceptes aratoires; ils sont connus; il y a deux mille ans que l’on cultive la terre, à Mantoue et dans les campagnes de la Calabre, de la même manière qu’on la cultive encore dans les environs de Paris. La plume des savants modernes qui ont écrit sur l’agriculture n’a fait que retracer, expliquer ou commenter les livres de Columelle et de Virgile. La législation doit voir l’agriculture sous un aspect plus élevé et plus vaste. Parmi les moyens que nous vous présenterons pour fertiliser le sol de la République, il en est quelques-uns qui ont été employés déjà avec succès dans quelques contrées; d’autres reposent encore dans les livres et attendent la main de l’expérience. L’esprit humain n’a rien tenté en agriculture sous un régime qui enchaînait et le bras du laboureur et la pensée de l’homme de génie. D’autres lois nous ont été inspirées par la politique et la liberté. Indépendamment de la puissance des lois, nous avons cru même devoir nous servir de toute la moralité de l’opinion pour encourager le plus précieux des arts. Mais permettez à votre comité de répandre quelques lumières sur l’état de l’agriculture avant nous; le sujet est neuf pour la politique, comme une partie de la terre l’est encore pour le travail de l’homme. L’histoire et l’expérience doivent être le flambeau de la législation. (1) P.V., XXXVI, 155.