147 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \ � décembre3 1793 de la garde nationale, procédé au désarmement de quelques citoyens, nous, soussignés, compo¬ sant la compagnie des grenadiers de ladite ville, avons vu avec douleur que le citoyen Pi erre-René Le Rebours, notre capitaine, était compris dans la liste et que partie de nous a été obligée par son devoir, son obéissance aux corps constitués, d’aller chez son capitaine, enlever tant ses armes particulières que celles de la com¬ pagnie qu’il avait en dépôt. Le citoyen Le Rebours en a témoigné sa sur¬ prise en se plaignant d’un procédé qui couvre de blâme sa conduite irréprochable, et s’est soumis volontairement au désarmement, en dé¬ fendant que ceux de nous présents n’apportas¬ sent aucun trouble à l’exécution d’arrêtés de corps constitués; ainsi son désarmement s’est fait sans empêchement, puis ensuite il a été ar¬ rêté et conduit à Besançon. . Nous ignorerions encore les motifs qui ont déterminé le district à faire désarmer et empri¬ sonner notre capitaine, si le présent jour, à la Société des Amis de la liberté et de T égalité, tenue extraordinairement au sujet dudit citoyen Le Rebours, nous n’y avions entendu dire au citoyen Boissard, procureur syndic du district, que notre capitaine n’avait pu faire viser Son certificat de civisme, qu’il était soupçonné d’être d’intelligence avec le courrier Philibert, arrêté porteur de numéraire (nous observons qu’il ne l’a été qu’ après le dépôt dé ses paquets à la poste, et bien éloigné d’icelle), et d’avoir porté plainte contre le district lorsqu’on allait le dé¬ sarmer. Tous les soupçons dont le procureur syndic a parlé sont insignifiants, mais ceux d’entre nous commandés pour le désarmement, présents aux plaintes du citoyen Le Rebours, certifions, en notre particulier, qu’il n’a fait que de dire qu’il était soupçonné mal à propos, qu’il était bon citoyen, s’étant toujours montré tel et en avait fait les fonctions; que puisqu’il était décidé ainsi, il se soumettait aux autorités Constituées. Connaissant le citoyen Le Rebours, qui avant et depuis le commencement de la Révolution, a donné des preuves constantes de son civisme, de son dévouement pour lé bien public, qui n’a cessé de se montrer vrai et bon patriote ën toutes occasions, auquel le directoire a donné plusieurs fois sa confiance pour les corvées et désarme¬ ments à faire dans les endroits soupçonnés et qui a montré la plus grande vigilance pour lè service dans la garde nationale, nous instruire au manie¬ ment des armes, etc.; etc. Considérant que tant le désarmement dudit citoyen Le Rebours que son arrestation ne Sont que l’effet de la malveillance dé quelques individus, puisqu’il est sans reproche; que le conseil général de cette commune l’a reconnu, tel et bon citoyen, ën lui accordant unanimement Un certificat de civisme qu’il méritait à juste ti¬ tre, qu’il lui a été confirmé par la Société popu¬ laire dont il est membre, avons arrêté dë faire la présente pétition aux citoyens administra¬ teurs du département, pour demander que le citoyen Le Rebours, notre capitaine, soit élargi des prisons de Besançon, où nous pensons qu’il est détenu mal et indûment, et renvoyé à son poste, en ordonnant que ses armes lui soient rendues. Tels sont les Vœux des soussignés, ils espèrent avec confiance qu’on fera droit sur leur réclamation. Fait à Pontarlier, le 14 avril 1793, l’an II de la République française. (Suivent 203 signatures). Pièce n° 6 (1). Citoyens représentants et eommissairës de la Convention nationale, Par votre arrêté du 25 du mois d’avril, sur une dénonciation du conseil général de la com¬ mune de Pontarlier, vous m’avez préjugé, moi citoyen Boissard, moi procureur syndic de la généralité de ce district, un oitoyén presque pervers et malfaisant, un fonctionnaire public dangereux et arbitraire; et, par des motifs de paix et de tranquillité, vous avëz cru devoir me suspendre par provision de mes fonctions. Citoyens commissaires, ce n’én était pas assez; si l’on eût pu reconnaître le citoyen Boissard à ces caractères d’infamie et d’indignité, il aurait encore fallu prononcer ma destitution em tière, et mon exclusion à jamais de là Société républicaine. Mais vous l’avez senti, citoyens, il y a loin encore d’une dénonciation de mots et de l’ar¬ bitraire en rumeur contre un fonctionnaire public, à cette vérité de faits bien circonstanciés et bien prouvés qui opèrent seuls une conviction intime; et comme la dénonciation qui m’a at¬ teint présentait et ne présentera toujours qu’un déluge de vèrbiage ajusté, un misérable tissu de haines, d’artifice et de mensonges, votre rudence, citoyens eommissairës, a déjà sû orner son autorité aux termes d’une suspénsion par provision seulement. Je la subis, citoyens; avec toute la résignation d’un cœur patriote; accoutumé aux sacrifices, et jusque dans l’amer¬ tume qui m’éprouve, je n’en respecterai pas moins la loi et l’autorité qui m’ont frappé. Aujourd’hui d’ailleurs, ma satisfaction est déjà telle que je commence à voir l’illusion trompeuse s’évanouir. La noire calomnie qui, jusqu’ici, m’a affligé, enveloppé, n’est plus qu’un chétif nuage que la Vérité, plus puis¬ sante, perce et dissipe victorieusement. Vous allez la reconnaître, citoyens commissaires, soit dans les témoignages, authentiques et non suspects, de mes collègues au district, soit dans les Vœux et suffrages d’un nombre de muni¬ cipalités bien prononcées en ma faveur; soit encore dans le certificat dë civisme que j’ai reçu naguère, à V unanimité et par acclamation, dë ce même conseil général qui me poursuit aussi injustement que Contradictoirement avec lui-même; et si vous daignez, citoyens, en rap¬ procher les vérités de faits qui en sortent à l’envi pour ma justification, vous ne tarderez sûreniënt pas d’y reconnaître : Que la dénonciation qui a occasionné nia suspension n’est qu’une œuvre impie de l’in¬ trigue et de la malignité ténébreuse, Un acte de fiel ët de ressentiment d’un groupe d’intéres¬ sés, heurtés et courroucés sans doute de ce qu’en un temps j’aurais pu les avoir indiqués et gênés comme étant hors de la vraie voie du patrio¬ tisme dans laquelle je n’ai pu les ramener. Vous y rencontrerez, citoyens commissaires, qüe les imputations qui m’ont été faites, sont précisément à l’inverse de tout ce que j’ai réelle¬ ment fait au vu et su de mes collègues, dans l’une et l’autre de mes fonctions de procureur de la Gommune et de procureur syndic du dis¬ trict de Pontarlier. (1) Archives nalionaîes, carton W 358, dossier 753, 2e partie, pièce 91. ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j « �mai,:c " ( 8 décembre 1/03 148 (Convention nationale.] Vous y reconnaîtrez combien ü est inconsé¬ quent et imposteur de qualifier d'intrigant un citoyen qui se fit toujours cette première maxime , de ne jamais solliciter d'aucune manière aucune place, a/ucun traitement, aucune fonction quel¬ conque. Vous y verrez à coup sûr combien encore il est plus ridicule et extravagant d’inculper un pro¬ cureur syndic d’êtro remuant, brouillon et vexant, lui dont tous les devoirs sont de surveil¬ ler, d’ éveiller, d’émouvoir un chacun, et d’exé¬ cuter envers tous, au désir de la loi et de l’auto¬ rité; moi d’ailleurs qui, dans mes fonctions suc¬ cessives de procureur de la commune et de pro¬ cureur syndio, n’ai cessé de ménager et d’entre¬ tenir la paix et l’harmonie dans l’un et l’autre et de l’un à l’autre des corps administratifs, qui m’en laissent encore leurs témoignages non équi¬ voques dans leurs actes et procédés bien connus ou que je produis. Vous y jugerez aussi, citoyens commissaires, combien il pouvait devenir dangereux et atten¬ tatoire à l’ordro public, à l’autorité constituée, si, dans ces moments critiques, il suffisait de l’ai¬ greur et rumeur colérique de quelques individus mécontents en un petit coin, d’avoir été surveil¬ lés ou repris, pour soumettre de là à tous les effets iniques de leux ressentiment le fonction¬ naire public que son devoir a forcé de se montrer à la brèche ! Est-ce donc qu’un procureur syn¬ dio n’est pas cet homme public qui appartient à toutes les municipalités réunies de son dis¬ trict 1 Et comment prêter quelque crédit à une dénonciation ourdie et fabriquée, on sait com¬ ment et pourquoi, dans une seule commune du district du procureur syndic, tandis qu’aucune autre municipalité n’y a acquiescé et qu’un grand nombre, et peut-être la totalité, si elle en avait le temps et la connaissance, vient s’expri¬ mer au contraire? Enfin, citoyens commissaires, vous pouvez juger s’il y a quelque pudeur à vouloir suspecter un fonctionnaire public appelé presque à l’una¬ nimité dans les deux places de procureur de la commune et successivement de procureur syn¬ dic, parce que, dès lors, il lui serait survenu un frère émigré, avec qui il n’avait rien de com¬ mun, et qu’il avait d’ailleurs dénoncé et soumis aux prescrits des lois ; parce qu’il aurait un fils, minoré seulement, qu’il aurait éloigné coura¬ geusement de chez lui depuis près de deux ans pour la même cause de fanatisme dont on le suspecte ! et si, contre la malignité de telles allégations et reproches, je puis me représenter depuis plus de deux ou trois ans séquestré et en divorce réel avec tous ceux de mes parents et alliés, que je ne voyais pas marcher franche¬ ment dans le sens de la révolution, tandis que, d’autre part, je montre à la nation depuis dix, quinze et vingt mois, mes trois autres fils vo¬ lontaires également sans tirage, dans une même compagnie du 2e bataillon du Doubs, et sur le service desquels les jaloux dénonciateurs ont l’ adresse de se taire; comment n’en pas croire alors à la noire envie et à la malveillanoe outrée, qui semble ne s’élever contre moi que pour persécuter le patrioto et le patriotisme jusque dans sa posténté prochaine. Dans ces circonstances, citoyens commissaires, j’ai dono droit, je puis le dire, à toute votre attention, à tout votre caractère représentatif; j’ai droit d’invoquer de votre autorité non seu¬ lement la révocation do votre arrêté suspectif du 25 avril dernier, mais encore ma prompte et juste réhabilitation dans les fonctions de pro¬ cureur syndic, auxquelles lo peuple du district m’a appelé et me rappelle encore. Cette justice, citoyens, est dans vos mains commo dans votre autorité, et vous la demander en citoyen vrai¬ ment intact, irréprochable, fort de sa confiance autant que du témoignage de ses collègues et de 6on dévouement de tous temps à l’intérêt public, c’cst sans doute un titre infaillible ponr la mériter et l’obtenir. Je pourrais bien encore, citoyens commis¬ saires, avec ce sentiment d’une âme faible on vindicative, vous demander d’être autorisé à poursuivre mes dénonciateurs injurieux et à faux, avec toute l’indemnité qui naturellement m’en serait due; mais loin de moi à jamais pareil ressentiment ! J’aimo à croire que mes ennemiB n’ont été qu’égarés, entraînés; qu’ils veuillent seulement me tendre la main et j’accours avec joie leur donner le baiser de paix fraternel le plu 8 cordial et le plus sincère. Notre union et le concours de tous pour le salut de la chose publique, voilà toujours l’objet do mes vœux et de mes travaux; heureux s’ils peuvent obtenir leurs succès espérés ! Boissard, homme de loi, procureur syndic en suspens. Pièce n° 7 (l). Pétition à la Convention nationale. « Citoyens représentants, « Vous voyez devant vous un fonctionnaire public indignement calomnié et persécuté. Fort néanmoins de moi -même, et de cette vé¬ rité qui toujours fut mon appui, je viens en toute confiance, sous ma qualité de procureur syndic du district de Pontarlier, réclamer contre une suspension arbitraire, prononcée contre moi par les commissaires de la Convention, envoyés dans les départements du Doubs, ce qui m’oblige aussitôt, citoyens, de vous prévenir que l’un dos commissaires dont j’ai à me plain¬ dre est le citoyen Michaud, juge et partie, oar il est fils de Michaud, ohef et maire de la muni¬ cipalité dePontarlier, mon compétiteur d’abord, puis mon ami, aujourd’hui mon ennemi co-dé¬ nonciateur. « Admis dono dans votre sein, oitoyens légis¬ lateurs, je réclame justice entière et rigoureuse; elle m’est due par la loi ; je réclame encore justice prompte, je suis père d’une nombreuse famille dans le sein de laquelle mes secours et ma pré¬ sence sont nécessaires. « Citoyens législateurs, c’est une dénonciation surprise contre moi à la municipalité de Pontar¬ lier, qui est devenue le fondement do l’arrêté de ma suspension, dont j’offre de vous démontrer la précipitation et l’injustice. Je tirerai donc mes preuves des faits de cette municipalité même, de cette municipalité, citoyens, de qui l’estime, soutenue à mon égard, est constatée par des témoignages réitérés; je les tirerai du oertificat de civisme qu’elle m’a délivré, sani besoin, presque sans lo lui demander, par aeda-motion et à V unanimité, très peu de jours avant (1) Archives nationales, carton W 3.r>S. dor-fier 753, 3* partie, pièce 5