[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 décembre 1789.] Par cette marche, la célérité des secours, pécuniaires ne sera pas retardée ; enfin renaîtra l’abondance. Les moyens qui la procureront seront pris dans vos propres ressources; ils agiront sans convulsion ; et, en rétablissant le déplorable état des finances, ils auront l’avantage, bien important, de conserver à la nation une propriété ira-mobiliaire de 2 milliards 100 millions, que vous aurez forcée, dans mon système, de vous produire hâtivement 502,200,000 livres, sans rien ôter à sa valeur intrinsèque, ni l’avoir frappée de stérilité. OBSERVATIONS. L’abolition que fit M. l’abbé Terray des tontines établies avant lui pourrait inspirer à quelques-uns de la défiance sur la solidité de celles que je propose; mais elles n’ont que le nom de commun avec les premières. 1° Les tontines abolies ne pouvaient qu’être à charge à l’Etat : il ne gagnait jamais rien par les extinctions, qui tournaient entièrement au bénéfice des actionnaires. 2° Elles n’avaient d’autre garantie que la probité des ministres. Celles dont je propose l’établissement versent dans le Trésor public un tiers des bénéfices produits par les extinctions, et présentent, à la fois, aux actionnaires et la garantie inviolable de la nation, et une hypothèque directe sur les revenus des biens ecclésiastiques qui supportent seuls le fardeau de l’emprunt. Le capital de l’emprunt, quoique très-considérable, se remplira cependant avec beaucoup de facilité, puisque la moitié peut être fournie en effets; et l’autre moitié, fournie en argent, surpasse les besoins de 1789 et 1790, présentée dans le plan de M. le ministre des finances. Les 6,696 personnes qui doivent composer chaque classe d’une banque resteront toujours associées, à quelque âge qu’elles parviennent, et n’hériteront jamais que les unes des autres, parles extinctions survenues dans leur classe, qui n’aura rien de commun avec les autres classes. Celui qui prendrait une action de 1,000 livres dans la classe d’un an jusqu’à cinq, s'il était le survivant de cette classe, aurait 178,560 livres de rente; et la tontine aurait, en bénéfices, 89,280 livres. Celui qui, dans la classe de 40 à 45 ans, prendrait une action de 1,000 livres, s’il était le dernier survivant deda classe, jouirait de 267,840 livres de rente, et la banque aurait en bénéfice 133,920 livres. Celui qui, dans la classe de 70 ans, prendrait une action de 1,000 livres, s’il était le dernier survivant, jouirait de 334,800 livres, et la banque aurait en bénéfice 167,400 livres. Ces trois exemples pris dans la première classe, dans la moyenne et dans la dernière, offrent les avantages déterminés, tant en faveur des actionnaires que de la tontine. Il eût été trop long et fastidieux pour le lecteur de présenter le tableau détaillé des bénéfices de chaque classe. Quand, dans le développement de mon plan, il a été annoncé que l’actionnaire heureux qui, pour une mise de 5,000 livres réparties dans les cinq banques, et toujours dans les classes de son âge, à raison d’une action de 1,000 livres dans chaque banque, s’il était le dernier survivant, jouirait de 1,087,000 livres de rente, je n’ai présenté que l’aperçu du terme moyen ; puisqu’il est vrai que celui qui, dans chacune des trois 1” Série, T. X. 369 classes ci-dessus désignées, aurait pris 5 actions, une dans chaque banque, ce qui ferait 5,000 livres, aurait, toute déduction faite du bénéfice de la tontine : Dans la classe de 1 an à 5,892,800 livres de rente; Dans la classe de 40 à 45 ans, 1,339,200 livres de rente; Et dans la classe de 70 ans, il jouirait de 1,674,000 livres de rente. M. le marquis d’Estourmcl. Il est impossible déjuger des chiffres et le plan de M. l’aDbé d’Abbecourt sur une audition incomplète. Je demande l’impression. L’impression est ordonnée. M. le Président. L’ordre du jour appelle un rapport des commissaires chargés de vérifier l'état delà Caisse d'escompte. M. le duc du Châtelet (1). Vous nous avez chargés, Messieurs, de prendre une connaissance exacte de l’état de la Caisse d’escompte, de ses opérations, de ses statuts, et de l'usage qu’elle a fait de son crédit, de ses moyens et de ses fonds. C’est l’objet du compte que nous allons vous rendre. Nous citerons littéralement les pièces qui nous paraîtront devoir être citées, et nous joindrons à la fin celles que nous n’aurons fait qu’indiquer et qui nous semblent de nature à être annexées à ce rapport. La Caisse d’escompte a été créée en 1776, sous le ministère de M. Turgot, par un simple arrêt du conseil et sans aucun privilège exclusif, à l’effet d’escompter les lettres de change ou autres effets commerciables à un taux modéré, et avec la permission de faire le commerce des matières d’or et d’argent, enfin, de recevoir les dépôts qui lui seraient volontairement confiés. Les fonds de cette société, qui devaient, selon le premier plan, être de 15 millions, dont 10 déposés au Trésor royal, furent, au bout de quelque mois, bornés à 12 millions, qui durent être formés en commandite par 4,000 actions do 3,000 livres chacune, et uniquement consacrés aux opérations de son commerce. Les conditions imposées aux actionnaires furent de ne jamais élever leurs escomptes aùdelà de 4 0/0 par année, de s’interdire tout autre commerce, de ne faire aucun emprunt portant intérêt, de ne contracter aucun engagement qui ne fût à vue et au porteur, et que la Caisse d’escompte serait réputée être la caisse personnelle et domestique de chaque particulier qui y tiendrait son argent, et serait comptable envers lesdits particuliers de la même manière que le seraient leurs caissiers domestiques. Sept administrateurs durent être élus par les actionnaires pour la direction de leurs affaires. Un pareil établissement ne pouvait espérer, dans son principe, que de faibles progrès, dans un royaume où le souvenir d’une banque qui, au commencement du même siècle, avait causé tant de désastres n’élait point encore effacé; et il choquait trop d’intérêts particuliers pour ne pas éprouver de grandes contrariétés : aussi dans les deux premières années qui suivirent sa création, c’est-à-dire jusqu’à la fin de 1778, il y eut aussi peu d’empressement pour acquérir les actions que (1) Le Moniteur ne donne qu’une courte analyse du ' rapport de M. le duc du Châtelet. 24