[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 novembre 1790.J 269 attachés ; mais cet amour fraternel, ce zèle infatigable qui vous animent, qui vous ont portés à entreprendre cette démarche louable, si essentielle au bien commun, exigent de nous en retour une conduite qui puisse imiter la vôtre. Ce n’est ni par des mots vagues, ni des termes ampoulés, que l’équipage du vaisseau le Superbe vient aujourd’hui vous témoigner les sentiments qui l’animent ; c’est par l’expression pure et naïve de leurs cœurs que les individus qui le composent vous communiquent leur sincère résolution. Animés par votre exemple, persuadés par vos avis, nous sommes vivement pénétrés des vérités que vous nous avez exposées; rassurés par votre attachement, convaincus par vos raisons et vos maximes, nous avons reconnu que l’insubordination est le poison le plus dangereux dans toute espèce de service ; qu’il est très nuisible à chacun, tant en générai qu’eu particulier. En conséquence, nous, maîtres, matelots, canonniers et soldats de toutes classes et de tous grades, promettons et jurons d’écarter et d’extirper d’entre nous les moindres vestiges de ce funeste vice, d’obéir unanimement à tous nos chefs, de nous confier à leur sagesse et à leur expérience, promesses inséparables du serment sacré que nous répétons, d’êtres fidèles à la na-tioq,, à la loi et au roi, de maintenir la Constitution, de défendre le pavillon français. Oui, nous jurons de le défendre jusqu’à la dernière goutte de notre sang sur le vaisseau le Superbe ; ce beau nom seul enflamme notre patriotisme ; tous réunis d'un commun et fraternel accord sous la voix du chef respectable auquel ta nation en a confié les rênes, nous mettrons, en superbes, notre fierté et notre orgueil à combattre et à vaincre nos ennemis. Nous protestons de regarder et traiter comme infâme, traître à la nation, comme parjure et indigne de naviguer avec nous, tout malintentionné qu’un cœur pervers éloignera de ces sentiments. Telles sont, chers frères et amis, les dispositions de notre équipage, persuadés que celles de tous ceux de l’armée n’y cèdent en rien ; hâtez-vous de dissiper les bruits fâcheux répandus sur notre conduite ; achevez, perfectionnez, s’il se peut, l’œuvre que vous avez commencée, vous aurez des droits à la reconnaissance générale de la France. Puissiez-vous jouir d’un prompt et heureux succès ! Puissiez-vous assurer à la nation entière que ses enfants, toujours excités par la gloire, animés par le patriotisme, sont pour elle un rempart inébranlable, et qu’ils préféreront mille morts à la honte de voir souiller le pavillon national et altérer les progrès de la Constitution française 1 C’est avec ces sentiments que, pénétrés d’un profond respect, nous sommes vos frères et amis. Les représentants de l'équipage du Superbe. Morans, maître d’équipage surnuméraire ; Le Clerc, capitaine d’armes ; Le Guy, sergent; Deville, soldat; Louis Naudan, gabier; J. -B. Pi-queray, quartier-maître ; Ménard; Moras, premier second chirurgien; J. -F. Hamel, timon-mer; Ménard, idem ; Jean-Etienne Le Pèchon, matelot; L.-F.-A. Langrenay, gabier; Joseph Grangé, idem; Louis Larget, matelot sur le pont; Guillaume le Duc, contremaître; Del-croix, appointé, pour ses camarades; Soye, caporal ; Valsemey, timonnier ; Laurent Hamon-net, gabier; H. M. Chapelain, second maître; Michel Menil, timonnier; Bernard Le Queux, canonnier; Drevet, second maître canonnier; Vieil, sergent de Forez; Philib *rt Quinquis, contre-maître; J.-F. Tanquerey; Mathieu Plé-ber, maître voilier ; F. Y. Morel, canonnier; Martin Cabaret, idem; J.-M. Thébault, timoq-nier; Gabriel Bailaitre; J. Grangé; Jacou, sergent, second canonnier; Perbal, appointé de Forez; Jens, appointé. Pétition de l'équipage du vaisseau Z’America, à la société des amis de la Constitution. Nos frères et amis, les sages conseils (résultant de ces augustes séances que vous avez tenues dans cette ville, jusqu’à ce jour, pour le bien commun) dont vous avez bien voulu éclairer les respectables membres de la commune, vous avaient sans doute fait regarder par nous tous comme les amis de cette nouvelle Constitution, si chère à tous les Français ; mais les démarches que vous daignez bien faire encore aujourd’hui auprès des équipages de cette escadre (que des gens malintentionnés, auteurs de petits troubles qui ont eu lieu à bord des vaisseaux, et que par conséquent nous dévouons au mépris de tout bon citoyen, nous ont peints comme des rebelles) ; ces démarches, di-on— nous, de votre part, achèvent de nous persuader combien est grand votre dévouement à la patrie, et nous font sentir plus que jamais qu’il serait dangereux pour nous que le poison de la discorde ne parvienne à dissoudre une société aussi chère, ce que nous o-ons cependant regarder comme tout à fait impossible, d’après l’intelligence, l’accord et la sagesse qu’elle a manifestés depuis qu’elle s’est formée. Nous vous prions, chers amis, de croire que nous ne sommes et ne serons jamais des rebelles ; que, pénétrés des mêmes sentiments de patriotisme qui vous animent, nous promettons respect et obéissance à nos supérieurs, soumission à la loi, entier et sincère dévouement à la patrie ; et que dès ce moment nous regarderons comme infâme, traître à la nation, et indigne d’occuper une place en ce bord, celui d’entre nous qui osera s’écarter de ces principes. Veuillez bien, chers frères, faire part de nos dispositions à nos amis les commissaires du roi; dites-leur que l’équipage du vaisseau lAmérica n’aspire qu’après le moment où on lui procurera les moyens de manifester son patriotisme, et il croit ne pouvoir mieux prouver le désir qu’il en a, qu’en demandant que ledit vaisseau soit du nombre de ceux que l’on doit destiner pour l’Amérique, afin de rappeler au devoir des Français, qui vraisemblablement ne s’en sont écartés que par erreur. Dites-leurqu’il promet d’employer tous les moyens d’aménité et de fraternité que le plus pur patriotisme français pourra leur suggérer à cet effet ; jurant aus*si de répandre jusqu’à la dernière goutte de son sang, pour forcer à se conformer aux justes décrets émanés de l’Assemblée nationale, tous Français qui persisteraient à en méconnaître toute la droiture et la légitimité. Pleins de reconnaissance, nous vous votons nos plus sincères remerciements, et comptons sur l’intérêt que vous voudrez bien prendre à faire agréer notre pétition. Laissez-vous persuader que notre conduite ne cessera de mériter le titre que vous voulez bien nous donner de braves marins et de braves militaires. Nous vous prions de nous croire vos chers frères et zélés patriotes. «76 (Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 novembre 1790.] Ont signé comme il suit : Carron, maître voilier; Boucard, maître canonnier; Dubry, voilier; Sennaneur, apothicaire; J. Faucheux; J. Seigle, canonnier; Simon Pierre, canonnier ; Lobjoa, âide-chirugien ; Galzain, aide-chirurgien: I. Marie Lande, maître surnuméraire; Guillermo, contremaître; Aimard, matelot; Joseph Le Gouet; Doher, second chirurgien; Lair ; La Malle, matelot; Giaque, matelot; Belledame, matelot: Le Chapt, timonnier; Lécluse, idem; Bleue, idem /François Mouillard ; Jacques Du vergé, gabier ; Laisné; Jacques-François Le Roy ; Pierre Pelloune; J. B. Rehoux; Pierre-Boniface Geron ; J. B. Thomeret ; Louis Norède; Jean Racine; Pierre Avril; Verbosquet, sergent; Sifflet; Saint-Julien ; S( morien, soldai; Gollombier; Saint-Simon, caporal; Amsterdam; Fichaux; La Glef-descœurs, soldat; Chauvenet; Dulein ; Epernay; Conquérant; Gaillard, etc. Pour copie conforme à l'original resté entré les mains de MB. les commissaires du roi , Geffroy, président de la Société des amis de la Constitution. JüLLOU; Belyal, secrétaires. M. Barnave, président , quitte la salle à neuf heures pour se rendre chez le roi. M. Merlin, vice-président , prend le fauteuil. M. le Président. Deux affaires particulières se trouvent encore à l’ordre du jour, mais les rapporteurs sont absents. L’Assemblée va passer à la discussion du projet de décret proposé par le comité des finances , dans la séance du 31 octobre, relativement aux ponts et chaussées. M. Ânbry-Du-Bochet . Messieurs, les dispositions du projet de décret de vos comités sont entièrement inconstitutionnelles, puisqu’elles tiennent à l’ancien régime, puisqu’elles font revivre le système des corporations que vous avez aboli. En vain laisse-t-on aux départements le choix de leurs ingénieurs; cette faculté est illusoire si le choix ne peut se fixer que parmi les sujets déclarés éligibles par les ponts et chaussées, par les examinateurs adjoints, par des académiciens qui deviendront des despotes; et ou dit que nous sommes libres! Ahl Constitution, comme on te dénature 1 Le projet de vos comités est vicieux encore dans l’organisation du territoire. Il est impossible de faire des départements, en en séparant celui de Paris et celui de l’île de Corse, huit divisious égales. Dans mon système, j’en mets neuf, composées chacune de neuf départements, savoir : deux à chaque point cardinal, et un intermédiaire. — Les comités vous proposent d’isoler les départements : asservis par des directions particulières, ils n’auront plus de vues générales et utiles. Moi, pour conserver l’union, je ne divise d’abord la France qu’en deux parties égales, que je nomme régions; ensuite en vingt-sept parties. (Il s'élève des murmures; on observe que cette dissection n’est pas dans la question.) Je ne voudrais pas que les inspecteurs généraux habitassent la capitale. Dans mon système, les inspecteurs de chaque région seront renvoyés par les départements pour deux années; en sorte que je donne à chaque département une égale influence... Le projet de décret établit un ingénieur en chef dans chaque département; moi j’en place un pour trois, un simple ingénieur pour chacun, et un sous-ingénieur pour trois ou quatre districts. Le comité vous propose une dépense de 800,000 livres, je la réduis à 400,000. L’opinant continue de développer les détails de son système; les murmures l’interrompent encore et il descend de la tribune après avoir lu le projet de décret suivant : PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. 11 y aura une administration centrale des ponts et chaussées. Art. 2. En conséquence, il est établi sous la direction immédiate du premier ministre des finances et sous la surveillance des directoires de départements et districts, un corps d’ingénieurs des ponts et chaussées. Art. 3. Ce corps sera composé d’un premier ingénieur, de deux ingénieurs en chef, de neuf inspecteurs généraux, de dix-huit inspecteurs, de quatre-vingt-quatre sous-inspecteurs ou ingénieurs et de deux cent quatre-vingt-dix-huit sous-ingénieurs, en tout quatre cent douze (1). Art. 4. La direction, placée à Paris, réunira le dépôt des plans, projets et modèles, l’assemblée des ponts et chaussées et le bureau pour les expéditions. Art. 5. L’assemblée des ponts et chaussées sera formée du premier ingénieur, de deux ingénieurs en chef, de neuf inspecteurs généraux et de dix tant sous-inspecteurs que sous-ingénieürs, d’un premier commis, de deux commis en chef et de trois autres commis ou secrétaires. Art. 6. Gette assemblée s’ouvrira chaque année dans les premiers jour de novembre , durera quatre mois et se tiendra sous les yeux du comité des ponts et chaussées de l’Assemblée nationale, lorsqu’il le jugera convenable. Art. 7. Cette assemblée sera chargée de l’examen de tous les projets généraux de routes dans les différents départements, d’ouvrages d’art eu dépendant, de canaux, de navigation, de construction, d’entretien et de réparation des ports de commerce. Art. 8. Aucunes routes, aucuns ouvrages d’art en dépendant, de canaux, de navigation, de construction, d’entretien et de réparation des ports de commerce, ne pourront être exécutés qu’en vertu de décrets de l’Assemblée nationale� Art. 9. Quand il s’agira de constructions dans les ports de commerceoù la marine militaire est reçue, ou sur les frontières, les projets de constructions seront discutés et examinés dans une assemblée mixte, composée de commissaires de l’assemblée des ponts et chaussées de commissaires du corps du génie. Le résultat de cet examen sera porté au comité militaire et des ponts et chaussées de l’Assemblée nationale réunis, et il sera statué ce qu’il appartiendra sur le rapport de ces deux comités, parle Corps législatif. Art. 10. Le premier ingénieur sera garde des plans, projets et modèles, président de l’assemblée et directeur général des différentes écoles gratuites. L’école gratuite de Paris sera surveillée par un sous-inspecteur particulier. (i) Le* appointements, non compris ceux des sousdn-génieurs, s’élèvent à 400,000 livres. Les appointements des sous-ingénieurs indéterminés dans le projet dê décret du comité, s'élèvent à 636,400 livres,