380 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAI UES. un membre de son comité, déclare que la connaissance du délit dont est prévenu le sieur d’Am-bert appartient à la sénéchaussée de la ville de Marseille. « Elle charge, de plus, son président d’écrire une leitre aux officiers municipaux et aux chefs de la garde nationale de la même ville, pour leur témoigner qu’elle est satisfaite de leur prudence et de leur fermeté dans la conduite qu’ils ont tenue dans l’affaire du sieur d’Ambert. » L’Assemblée passe à la discussion des articles concernant la réformation provisoire de , l’ordonnance criminelle. M. Rriois de Reanmetz donne lecture des articles du projet de décria. Les quatre premiers sont décrétés ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport à elle fait par son comité, du mémoire remis par M. le garde des sceaux, et de plusieurs autres adresses concernant des difficultés élevées sur l’exécution de son décret des 8 et 9 novembre dernier, touchant la réformation provisoire de l’ordonnance criminelle; considérant combien il importe qu’une loi si essentielle à la sûreté publique et à la liberté individuelle soit uniformément conçue et exécutée par ceux qui sont chargés de l’expliquer, a décrété et décrète ce qui suit : < Art. 1er. Les adjoints seront appelés au rapport des procédures sur lesquelles interviendront les décrets. « Art. 2. La présence des adjoints aura lieu dans tous les cas, jusqu’à ce que les accusés ou l'un d’eux, aient satisfait au décret, ou que le jugement de défautait été prononcé contre eux ou l’un d’eux ; et après cette époque, le surplus de la procedure sera fait publiquement, tant à l’égard des accusés absents ou contumax. « Art. 3. Nul citoyen ne sera contraint d’accepter l’honorable fonction de représenter la commune en qualité d’adjoint. Art. 4. Les officiers du ministère public ou les juges, feront notifier, par un écrit signé d’eux au greffe des municipalités, l’heure à laquelle ils devront procéder aux actes pour lesquels ils requièrent l’assislance des adjoints, et les municipalités seront chargées de pourvoir à ce qu'il se trouve toujours des notables disposés à remplir ces fonctions. M. Briois de B eau m et z, rapporteur , donne lecture de l’arûcle 5, ainsi qu’il suit : « Art. 5. Si b s adjoints ou l’un d’eux, ne se trouvent pas, à l’heure indiquée, à l’acte de procédure auquel ils ont été requis d’assister, le juge procédera audit acte, dans lequel sera fait mention expresse de sa réquisition et de l’absence des adjoints ou de l’un d’eux; ladite mention à peine de nullité. » M. de Robespierre attaque cet article qui lui paraît dangereux et en demande le rejet. M. Prieur pense que l’article peut prêter à des abus; il demande qu’il soit renvoyé au comité pour que la rédaction en soit revue. M. llougins de Roquefort appuie la demande de renvoi qui est mise aux voix et ordonnée. M. Gaultier de Biauzat, pour éviter les obstacles que peut présenter la répugnance de quelles mars 1780.] ques adjoints à se rendre à l’hôtel du juge, présente un article ainsi conçu : « Il ne pourra être fait à l’hôtel du juge, aucun des actes d’instruction auxquels les adjoints devront être appelés. » Cet article est également renvoyé au comité. M. le Président annonce que le résultat de scrutin pour la nomination d’un nouveau président donne, sur 633 votants, 347 voix à M. le baron de Menou, 231 à M. le marquis de Bonnay. Les nouveaux secrétaires sont MM. le prince de Broglie, Brevet de Beaujour et Lapoule, élus en remplacement de MM. Guillaume, de Croix et Merlin, secrétaires sortants. M. le Président indique la séance de demain pour onze heures et demie, et annonce que l’ordre du jour sera la discussion de l’instruction pour les colonies. La séance est levée à 10 heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE MENOU. Séance du 28 mars 1790 (1). M. Raband de Saint-Etienne ouvre la séance et dit : « Messieurs, je descends de la place oû vous m’aviez élevé, plein de reconnaissance pour l’indulgence avec laquelle vous avez daigné m’y soutenir. « Continuez, Messieurs, de donner des leçons à l’Europe et des consolations à votre patrie; prouvez par votre courage qu’il n’y a point de périls qui vous étonnent, ni de travaux qui vous fatiguent. Parvenus à ces moments décisifs pour les destinées de la France, vous allez chercher dans ses immenses ressources, et daas le patriotisme éclairé de ses habitants, un remède aux maux invétérés que vous avez été appelés à guérir. Poursuivez, Messieurs, votre généreuse tâche. Tandis que vous sonderez cette plaie antique et profonde, taudis que, régénérant la finance comme vous avez régénéré la constitution, vous prouverez que ce peuple, dont les restaurateurs veillent pour lui, ne peut périr, je vous suivrai, Messieurs, dans votre noble carrière; heureux de m’instruire à la plus étonnante école de raison et de politique qui ait été ouverte depuis qu’il existe des nations ». M. le baron de Menou, nouveau président , occupe le fauteuil et s’exprime en ces termes: « Messieurs, être élevé par vos suffrages à l’honneur de présider l Assemblée des représentants de la première nation du monde, est sans doute la marque de confiance la plus flatteuse que puisse recevoir, dans le cours de sa vie, un citoyen qui a eu le bonheur de coopérer à la régénération et à la liberté de son pays, et les expressions me manquentpour vous offrir l’hommage de ma reconnaissance. « Permeltez-moi, Messieurs, d’avoir l’honneur de vous rappeler qu’en me faisant asseoir à une (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 381 f Àssesablée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 mars 1790.) place qui vient d’être si dignement occupée, vous n’avez pas dû compter sur mes talents ; mais j’ai à vous offrir zèle, patriotisme, impartialité, et, surtout un courage, j’ose le dire, inébranlable, pour faire exécuter vos volontés, et maintenir dans cette Assemblée l’ordre qui seul peut assurer le succès et la célérité de vos délibérations. L’est à ces titres, Messieurs, que je me crois en droit de réclamer votre indulgence ; elle seule peut m’aider à justifier le choix que vous avez daigné faire ; sans elle, je ne puis remplir les brillantes mais pénibles fonctions que vous m’avez confiées. » M. le Président propose de voter des remerciements à M. Rabaudde Saint-Etienne. Cette proposition est adoptée à l’unanimité. M. Renaut, curé de Preux-aux-Bois, député du Quesnoy en Hainaut, demande un congé de quinze jours pour affaires très pressantes. Ce congé est accordé. M. Malateste de Beaufort, curé de Montas-truc, député d’Agen, donne sa démission à cause de l’état de sa santé qui ne lui permet pas de continuer ses fonctions. L’Assemblée accepte cette démission. M. Tronchet annonce que le comité féodal, dont il est l’organe, est prêt à faire un second rapport et que ce rapport est relatif aux droits et devoirs féodaux ou censuels déclarés rachetables. L’Assemblée, pour ne pas interrompre son ordre du jour, décrète que ce rapport sera imprimé et distribué. (Voy. plus loin, ce rapport annexé à la séance de ce jour.) M. Guillaume, secrétaire, lit le procès-verbal de la scance d’hier au matin. M. Anson, au sujet des articles du décret sur la contribution patriotique, réclame contre la dénomination de commissaires aux assignats et propose d’y substituer les mots de : chargés de l’examen des formalités proposées pour parvenir à la vente des biens du clergé. Ce changement est approuvé. M. Mlougins de Roquefort lit ensuite le procès-verbal de la séance d’hier soir. M. Castellanet fait remarquer qu’il n’y est pas fait mention de la lettre de M. Saint-Priest à la députation de Marseille. L’Assemblée ordonne que la lettre sera insérée en entier. M. Le Chapelier, membre du comité de constitution, fait un rapport au nom de ce comité, sur une contestation qui s’est élevée en Franche-Comté sur la formation de la nouvelle municipalité de Vercelle. L’ancienne municipalité a fait afficher aux portes des églises, trois jours avant l’époque de l’assemblée électorale, la liste des citoyens actifs, en en omettant plusieurs et en y ajoutant des noms qui ne devaient pas y figurer. Elle a ouvert rassemblée, le matin, dans l'église de Saint-Eloi, mais elle n’y est pas venue le soir. Un membre de la municipalité précédente a été obligé de la remplacer pour parvenir à la nomination des nouveaux officiers municipaux. Pendant ce temps-là, l’ancienne municipalité a fait une nouvelle assemblée dans une autre église, et y a nommé de son côté, avec la minorité des électeurs, des officiers municipaux. La question de savoir quelle est la nomination valable n’a pas paru douteuse au comité qui s’est trouvé, sur ce point, d’accord avec les députés de la province. M. le Président met aux voix le projet de décret du comité de constitution qui est adopté dans les termes qui suivent : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de constitution sur les difficultés survenues lors de la formation de la municipalité de Vercelle en Franche-Comté, décrète que l’assemblée tenue dans l’église de Saint-Eloi, et les élections qui y ont été faites, par le résultat desquelles le sieur Bretillota été nommé maire, le sieur Fleury, procureur delà commune, et autres citoyens, officiers municipaux et notables, sont les seules régulières ; que lesdits maire, procureur de la commune, officiers municipaux et notables, exerceront les fonctions qui leur sont attribuées ; elle leur recommande d’entretenir la paix, l’union et le bon ordre parmi les habitants de Vercelle. » L’ordre du jour appelle ensuite la suite de la discussion du projet d’instruction pour les colonies. M. de Cocherel. Par une disposition de votre décret, vous voulez que le roi fasse parvenir des instructions pour la convocation d’assemblées coloniales dans les lieux où il n’existe pas d’assemblée: il en existe à Saint-Domingue, donc il n’y a pas besoin d’envoyer une instruction à Saint-Domingue; ceite conclusion est conforme à vos principes. Vous voulez que les colonies fassent leur constitution, donc vous devez leur laisser le so n de la convocation de leurs assemblées. Cette conclusion est encore conforme à la prudence. Je me fonde, lorsque je vous le dis avec assurance, sur la connaissance que j’ai de ma patrie ; vous avez déjà tout fait pour les colonies; achevez votre ouvrage. Nous aimons le nom français; nos pères l’ont conquis au prix de leur sang; nous verserons le nôtre pour le conserver. Je conclus à ce qu’il ne soit point envoyé d’instruction à Saint-Domingue. M. l’abbé Mfaury. Avant d’examiner l’instruction qui vous est proposée par le comité colonial, permettez-raoi de rappeler que, dans une des précédentes féances où il s’agissait des colonies, un honorable membre s’est permis d'avancer que les colonies étaient alliées et non sujettes de l’empire français. Cet'e assertion a éprouvé une désapprobation manifeste, parce qu’elle est contraire à vos principes, à la raison et à la justice. M. de Reynaud a fait imprimer avec des notes cette hérésie politique, la plus extraordinaire que l’on puisse jamais débiter, ün entend par alliance une ligue confédérative; or, jamais les colonies, que nous avons vivifiées de nos capitaux, défendues de notre sang, peuplées de nos concitoyens, ne peuvent être considérées comme liguées avec nous ; mais comme l'assertion de M. de Reynaud est imprimée et pourrait être répandue dans les colonies, je fais la motion que l’honorable membre soit rappelé à l’ordre, et la justice de l’Assemblée mentionnée sur le procès-verbal. M. de Coeherel. C’est la colonie entière qu’il faut mettre à l’ordre, puisque M. de Reynaud n’a dit que ce qu’avaient écrit ses commettants.