[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1790.] 237 des coupes de taillis dans lesdites forêts que conformément aux aménagements, et à défaut des procès-verbaux d’aménagements, lesdits taillis ne pourront être coupés qu’à l’âge auquel ils sont accoutumés de l’être. Art. 4. Les personnes désignées en l’article précédent ne pourront commencer l’exploitation desdites coupes qu’après en avoir obtenu la permission des maîtrises ou autres juges compétents; et cette permission ne sera délivrée qu’après la communication de la demande au district de la situation des bois, ou à son directoire, à la municipalité ou aux municipalités des lieux, en attendant rétablissement des districts, à peine de confiscation des bois coupés, et de cinq cents livres d’amende pour toute coupe au-dessous d’un arpent, et dp cinq cents livres par arpent pour toute coupe excédante. Art. 5. Toute exploitation des taillis ci-dessus désignés, actuellement commencée, et non conforme au procès-verbaux d’aménagement, ou à défaut des procès-verbaux d’aménagement, au-dessous de l’âge ordinaire des coupes précédentes, sera suspendue aussitôt après la publication du présent décret, sous les peines portées en l’article précédent, et les bois actuellement coupés en contravention seront saisis et vendus à la diligence des officiers de maîtrise ou autres juges compétents, et les deniers versés dans la caisse de l’administration des domaines. Art. 6. il ne pourra être abattu aucuns arbres épars sur les biens domaniaux, dont les échanges ne sont pas consommés, ni sur les biens ecclésiastiques, qu’autânt que lesdits arbres seront sur le retour et dépérissants, et après avoir obtenu la permission prescrite en l’article 4, à peine de confiscation des arbres coupés, et d’une amende qui ne pourra être moindre que le double de la valeur des arbres. Art. 7. Les apanagistes, engagistes, concessionnaires des bois et forêts domaniaux, les échangistes de ces mêmes bois, dont les échanges ne sont pas consommés, tous détenteurs des bois domaniaux, à quelque titre que ce soit, les administrateurs des bois et forêts dépendant d’établissements ecclésiastiques, ne pourront arracher lesdits bois, ni faire aucun défrichement, ni en changer la nature, sous peine de quinze cents livres d’amende par arpent. Art. 8. Toutes les dispositions ci-dessus seront exécutées dans les provinces de Belgique comme dans toutes les autres parties du royaume, et les officiers des maîtrises des eaux et forêts des mêmes provinces sont autorisés provisoirement à exercer, concurremment avec les juges ordinaires, toute juridiction sur les bois ecclésiastiques, sans préjudice des poursuites auxquelles les gens de mainmorte desdites provinces pourraient être sujets pour ventes ou abatis des bois non parvenus à maturité, qu’ils pourraient avoir ci-devant faits en contravention à la loi qui leur ordonnait d’exploiter leurs bois en bons pères de famille. Art. 9. Les municipalités sont chargées de veiller à l’exécution du présent décret, et les procureurs des communes de dénoncer les contraventions aux tribunaux qui doivent en connaître. L’Assemblée charge son président de présenter incessamment le présent décret à la sanction royale. M. le Président lève la séance à dix heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE SAINT-ÉTIENNE. Séance du vendredi 19 mars 1790. M. Fréteau, ancien président, ouvre d’abord la séance à 9 heures précises du matin. La salle est presque déserte. M. le Président fait donner lecture de plusieurs adresses contenant les témoignages de respect, de dévouement et d’adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, des municipalités de Chantilly, de la Salle de Saint-Pierre, de Florensac, Gaillac, Foissac en Rouergue, Saint-Cimier, Bergerac et St.-Vallier en Dauphiné. Beaucoup d’entre elles annoncent les progrès de la contribution patriotique; toutes expriment les sentiments d’amour et de reconnaissance dont elles sont animées, et ceux avec lesquels elles maintiendront le serment qu’elles ont prêté, d’être fidèles à la Dation, au roi et à la loi, et de maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et sanctionnée par le roi. M. le Président annonce qu’il a été adressé à M. de Boisgelin, archevêque d’Aix, avec prière d’en faire hommage à l’Assemblée, deuxbrochures anglaises, dont l’une est Y Abrégé de l'histoire et des travaux de la Société de la Révolution , à la suite de laquelle est une copie du bill des droits; l’autre est la continuation de ces mémoires pour 1789. Dans cette dernière est nn extrait du procès-verbal de l’Assemblée nationale du 25 novembre, la réponse que son président a faite par son ordre à milord Stanhope, président de la Société de la Révolution , et d’autres lettres écrites à cette société par différentes sociétés de France. Les membres de la société de la Révolution de Londres prient M. l’Archevêque d’Aix de recevoir tous leurs remerdments de la lettre qu’il a adressée au comte de Stanhope , leur président, et -de l’arrêté de l’Assemblée nationale qu’il leur a fait passer. Us ne pouvaient guère éprouver une plus grande satisfaction que celle que leur ont procurée la lettre de M. l’arcnevêque, et la mention obligeante que l’Assemblée nationale a bien voulu faire de leur adresse. Ils sont sensibles surtout à la justice que leur a rendue l’auguste Assemblée, en attribuant ladite adresse à ces principes de bienveillance universelle, qui doivent dans tous les pays réunir les amis de la liberté et du bonheur du genre humain. Ce sont, en effet, ces principes qui les animent, et leur plus ardent désir est que le temps vienne bientôt où tous les hommes en soient assez pénétrés pour faire disparaître à jamais toutes les rivalités entre les nations, pour détruire l’oppression et J’esclavage, et faire enfin cesser par toute la terre les guerres, ces terribles fléaux des gouvernements. Ils jouissent d’avance de ce temps heureux qui paraît s’ouvrir devant ux, etdoatles travaux de l’Assemblée nationale gpmblent promettre le bienfait aux hommes. beLes membres de la société ne peuvent se dispenser de saisir cette occasion pour ajouter que, parmi les bienfaits importants de la Révolulion de la France, ils 01. t été surtout frappés de la leçon salutaire qui doit en résulter pour les rois : ils ont appris avec plaisir le bonheur qu’ont les Français de posséder un roi dont les vertus mêmes . [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [IA mars 1790.] les ont encouragés à recouvrer leurs droits, et qui en a été justement récompensé par le titre de Restaurateur de la liberté française; titre qui l’élève aux plus haut faîte de la gloire. Que les despotes de la terre reconnaissent enfin leur erreur; qu’ils soient convaincus par cet exemple qu’ils ne peuvent jamais être aussi grands, aussi heureux, aussi véritablement puissants qu’en renonçant â leur pouvoir despotique, et en se plaçant, comme les rois de France et d'Angleterre, a la tête d’un peuple éclairé, et de la constitution d’un gouvernement libre. M. le marquis de Bonnay, l'un de MM. les secrétaires , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin. Il ne se produit aucune réclamation. M. berchère de Bcffye, député d’Àutun, demande la rectification d’une erreur qui s’est glissée dans le décret général sur la division du royaume, M. llarmand, député de Château-Thierry, fait une demande du même genre, M. Gossin, membre adjoint au comité de constitution, observe que son indisposition ne lui ayant pas permis de proposer le décret général de la division du royaume en départements et en districts, résultant des décrets particuliers, il ignore comment des erreurs pouvaient s’y être glissées ; mais il se rappelle parfaitement que château-Thierry a été définitivement décrété chef-lieu de son district, etnon provisoirement; qu’en conséquence, il n’y a aucune difficulté de décréter la radiation du mot provisoirement, qui est probablement une faute dam pression. L’Assemblée décrète cette rectiti cation, et ordonne que le mot provisoirement sera rayé dans le décret général de la division du royaume. Laaemande du député d’Autun est ajournée jusqu’au moment de la présence à l’Assemblée de M. le baron de Cernon, membre adjoint au comité de constitution, qui a proposé le décret général. M. Râbaud dé Saint-Étienne, président , remplaçe M. Fréteau au fauteuil, à dix heures un quart. Vofdre du jour appelle là discussion sur un projet de décret du comité ecclésiastique concernant diverses dispositions relatives aux religieux des différents ordres du royaume. M. Treilhard, rapporteur. Il vous reste encore, Messieurs, plusieurs articles à décréter relativement à la suppression des moines, et au sort qui doit être fait à Ceux qui sortiront de leurs cloîtres* Vous avez à prévenir les troubles que la liberté. des moinespourraitoccasionnerdans un grand nombre de familles. J’ai l’honneur de vous présenter à ce sujet, au nom de votre comité ecclésiastique, plusieurs articles qu’il me paraît instant de décréter : « Art. Ier. Les religieux qui sortiront de leurs maisons pourront disposer, par donation entrevifs ou testamentaires, des biens acquis depuis la sortie du cloître, et, à défaut de la disposition de leur part, lesdits biens passeront aux parents les plus proches. » (Cet article est décrété sans discussion.) M. Boucher. Je vous rappelle, Messieurs, cette maxime connue ; Sous un bon prince , la question du fisc est toujours mauvaise, et je crois ne pouvoir la représenter à votre mémoire plus à propos que sous le règne de Louis XYL Le souvenir de cette maxime m’autorise à vous présenter uq nouvel article qu’il est de votre justice de décréter. Le voici ; « L’Assemblée nationale déclare que lorsque les religieux se trouveront en concours avec le fisc, ils hériteront, dans ce cas, de préférence à lui. » (Cet article est encore décrété sans discussion.) H prend rang avant l’article précédent qui devient l’article 2. M. Treilhard. J’ai Thotineuf de vous proposer un second article, devenu le troisième par l’adoption que vous avez faite de celui de M. Boucher, et j’ose croire qu’il n’éprottvera pas plus de difficulté que le premier : « Les religieux qui préféreront se retirer dans les maisons qui leur seront indiquées, y jouiront des bâtiments, jardins, enclos, à la chargé des réparations locatives et usufruitières, et il sera, en conséquence, assigné auxdites maisons un traitement annuel à raison du nombre de religieux qui y demeureront. Ce traitement ne sera pâs le même pour les religieux mendiants et pour les non mendiants ; il sera proportionné à l’âge des religieux, et en topt conforme au traitement décrété pour les religieux qui sortiront de leurs maisons. L’Assemblée nationale se réserve de régler l’époque et la manière dont lesdits traitements seront acquittés, et la quête demeurera alors interdite à tous les religieux. » M. l’abbé Gouttes. Je demande, pour les moines qui resteront dans les cloîtres qu’il ne soit fait, dans la fixation de leur sort, aucune distinction d’âge, ni de père ou de frère. Les besoins sont les mêmes pour des religieux qui vivent réunis; iis ont tous des droits égaux à la chose commune. J’ai reçu, des religieux de l’ordre de Saint-Benoît qui habitent ma province (le Bas-Languedoc), la demande expresse d’être employés par vous d’une manière utile, soit au service dès paroisses, soit à l’éducation publique: des hommes qui lüanîfestent de semblables intentions doivent tout attendre de votre justice. M. Camus. J’appuie d’abord la motion du préopinant : j’ajoute qu’il est essentiel de retrancher, dans l’article qui vient de vous être présenté, le mot usufruitiers. Le sort que vous ferez aux moines vivant en communauté devra sans doute les mettre à portée de se charger des réparations locatives ; mais je ne pense pas que ce sort puisse les mettre à portée de se charger aussi des réparations usufruitières. D’ailleurs, oes dernières réparations intéressent trop la nation pour qu’elle doive confier le soin de les faire à d«s hommes qui manqueraient de moyens pour les bien faire. M. Voidel. Je propose un autre amendement à l’article. 11 me semble qu’il serait instant de fixer d’une manière déterminai ive le sort des moines qui voudront rester dans leurs cloîtres. Je demande donc qu’il soit stipulé, dans ce même article, que les moines rentés qui vivront en communauté auront chacun et annuellement 800 livres de traitement ; les mendiants auront 600 livres. M. Bourdon, curé d'Evaux. Il ne serait pas juste, il serait impolitique de fixer à un taux