18 avril 1791.] 644 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. L’inventeur des garde-robes avait une patente pour une construction, dans laquelle des robinets bien justes prévenaient assez bien des exhalaisons fétides. Un autre artiste imagina de recourber une partie du tuyau en forme desyphon, lequel étant toujours rempli bouche hermétiquement, et ne permet à aucun méphitique de pénétrer. Eh bien! il eut une patente et personne ne s’avisa de la lui disputer. Le premier vend son appareil 7 guinées ; l’antre fait payer le sien 10 guinées comme plus parfait. Finissons par un exemple sensible et qui est sous nos yeux à Chaillot et à l’lie des Cygnes. Depuis un siècle, les machines à feu, dont le moteur est l’eau vaporisée, n’étaient qu’à une seule injection; ce qui en rendait l’effet moins utile, et la marche moins égale. Par une ingénieuse extension du principe, M. Bolton a fait servir la vapeur, au moyen d’une nouvelle injection supérieure, à refouler le piston qu’une injection inférieure sert à élever. Certainement cela valait une patente; aussi personne n’a cherché à en dépouiller l’auteur. C’est sur ce principe que sont construites les deux superbes machines de l’ile des Cygnes, qui font tourner chacune six meules. Ainsi tout esprit juste verra qu’il est facile de reconnaître la ligne de partage entre deux machines ou procédés analogues. Les gens de Part ne s’y trompent point ; et lorsqu’à Londres il y a eu des contestations de ce genre (quoique rares), on les appelle pour faire les fonctions d’experts et de jurés. Art. 8. Il ne saurait fournir de difficultés. Art. 9. On propose celte rédaction, qui est conforme à la loi du 7 janvier, et à d’autres décrets de l’Assemblée : « Lorsque le propriétaire d’un brevet d’invention croira devoir exercer, sur les contrefaçons des objets dont il a l’exercice privatif, le uroit de saisie qui lui est assuré par l’article 12 de la loi, il l’obtiendra, sur une simple requête en donnant bonne et suffisante caution, telle que l’ex ge ledit article 12 « t l’article 25 du decret du 2 mars sur les patentes annuelles pour les négoces. Les fabrications frauduleuses ou contraventions seront constatées et poursuivies dans le-* formes prescrites pour les procédures civiles, et devant les tribunaux de district, ainsi qu’il est porié à l’article 28 du décret susmentionné. » Art. 10. Ceux qui trouveraient trop sévère cet article, le seul vraiment conservateur des propriétés d’invention, changeront d’avis s’ils le comparent aux articles 25, 26, 27 et 28 du décret du 2 mars. Art. 11. A moins qu'il ne légitime sa dénonciation par des preuves littérales et testimoniales. Lisez ; Par des preuves légales. Art. 13. Il n’eat que le développement des articles 7 et 9. Art. 14. Il est destiné à écarter de l’industrie le fléau de l’agiotage. Art. 15. Il a pour but de prévenir les abus de confiance. Art. 16. Ce recensement servi! a à empêcher qu’un artiste ne sollicite un brevet pour des objets déjà privilégiés. Suivant le décret des patentes pour négoce, un colporteur, un marchand forain, poiteurd’un semblable titre, peut empêcher celui qui n’en aurait point de vendre en concurrence. Et l’on voudrait qu’un artiste inventeur ne pût paisiblement jouir de sa découverte, pour un temps limité? Ce serait violer les éternelles lois de la justice et de la morale! Les auteurs dramatiques ont été bien plus favorablement traités dans le décret du 13 janvier que les artistes dans celui du 30 décembre. Ecoutez ces deux articles; « Art. 3. Les ouvrages des auteurs vivants ne pourront être réprésentés sur aucuns théâtres publics dans toute l’étendue de la France, sans le consentement formel et par écrit des auteurs, sous peine de confiscation du produit total des représentations au bénéfice de l'auteur. » « Art. 5. Les héritiers ou les cessionnaires d’auteurs seront propriétaires de leurs ouvrages durant l’espace de 5 années après la mort des auteurs. » Ces éclaircissements, dictés par la candeur et l’amour des arts, doivent suffire, et convaincre les esprits les plus opiniâtres ; s’ils persistaient néanmoins à demander l'ajournement à la prochaine législature, nous leur dirions qu’il serait injuste, barbare et impolitique d’ajourner à la prochaine législature une loi publique du royaume, dont le règlement explicatif est décrété plus des trois quarts; d’une loi seule propre à réveiller l’industrie nationale, d’une loi qui a consacré la plus inviolable des propriétés, d’une loi que bénissent tous les artistes, d’une loi que la nation et les étrangers applaudissent, d’une loi contre laquelle personne ne réclame, d’une loi sur laquelle les artistes ont fondé leurs plus douces espérances. Nous n’avons plus qu’un mot ; mais il renferme une vérité effrayante: c’est que la suspension de la loi du 7 janvier aurait des suites terribles, et cent fois plus funestes à l’industrie et au commerce, que n’en causa la révocation de l’édit de Nantes. Di meliora piis erroremque hostibus ilium. Paris, le 2 avril 1791. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TRONCHET. Séance du vendredi 8 avril 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Boncïie. Messieurs, il a été fait sur les appointements des membres du conseil de la marine, pendant les deux années et demie qu’il a existé, une réserve de 165,000 livres. Je demande que le comité de la marine soit chargé d’examiner l’emploi qui a été fait de cette somme, et d’en rendre compte à l'Assemblée Je plus tôt possible. Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale charge son comité de la marine d’examiner l’emploi qui a été fait de 165,000 livres mises en réserve pendant les deux années et demie qu’a existé le conseil de la marine, et de lui en faire le rapport sous 8 jours. » (Adopté.) M. Bouche. Vous avez décrété, le 27 décembre, Messieurs, que les officiers intermédiaires des défi) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 avril 1791.] 645 parlements ministériels seraient supprimés; et, cependant, ces ofticiers sont encore en fonctions dans le département de la marine, gèrent les affaires et touchent des appointements. Je demande donc que le ministre de la marine soit tenu de rendre compte de cette infraction dans le plus court délai. M. Defermon. Il est très sûr que, par le décret qu’on vient de vous rappeler, les ofticiers intermédiares sont nommément supprimés, sauf, est-il dit, à les employer, s’il y a lieu, et à fixer leur paye dans la nouvelle organisation des bureaux. Ce décret était une conséquence de celui qui ordonnait au ministre de présenter incessamment au comité le mode d’orgauisation de ses bureaux. Ce ministre n’a encore rien renvoyé au comité sur le mode d’organisation des bureaux. M. Moreau de Saint-Méry. Je demande à faire une observation qui me paraît fort simple : peut-être qu’aujourd’hui même nous agiterons la question de savoir s’il y aura un ministre de la marine et un ministre des colonies, ou un seul ministre de la marine et des colonie' Il est impossible que le minisire actuel de la marine et des colonies, qui réunit les deux départements, vous propose une organisation qui dépend absolument de la disposition que vous prendrez vous-mêmes; il est donc dans l’impuissance de satisfaire, à cet égard, à la disposition du décret qui vient d’être rappelé. Je demande, quant à présent, qu’on passe à l’ordre du jour. M. Bouche. Cette question est étrangère à ce que j’ai dit : il ne s’agit pas d’une nouvelle organisation ; je parle, moi, de l’organisation ancienne, et des lois qui y ont rapport. Or, ces lois m’apprennent qu’il ne doit plus exister d’officiers intermédiaires, que ces ofticiers intermédiaires n’ont plus aucun titre à des appointements quelconques. Je demande, Messieurs, que vous exécutiez vos décrets. Ainsi, Messieurs, je demande que M. le Président écrive au ministre pour le prier, de la part de l’Assemblée nationale, de faire exécuter la loi du 29 décembre, et que les ministres aient à renvoyer tout de suite les officiers intermédiaires supprimés par la loi du 29 décembre. M. GaHÏtier-Bsauzat. Je crois qu’il suffirait de décréter que le ministre de la marine sera tenu de justifier à l’Assemblée de l’exécution du décret, parce que, de cette manière, il n’osera plus mettre en ligne de compte les appointements de ces officiers supprimés. M. Martineau. Vous avez deux lois qui doivent vous faire passer à l’ordre du jour; la première est celle qui établit la responsabilité du ministre, la seconde est celle qui supprime les intermédiaires, à compter d’une époque quelconque. C’est lorsque le ministre rendra ses �comptes, que vous verrez, Messieurs, s’il a fait 'des payements défendus ; mais il ne faut pas toujours aller inquiéter les ministres, les accuser de contrevenir, sans être sûrs de leur contravention. Si, au contraire, le ministre n’a pas fait de dépenses, toutes les clameurs que vous venez d’entendre ne sont faites que pour empêcher l’activité du ministre. Ainsi, Messieurs, sous tous les points de vue, je demande que l’on passe à l’ordre du jour. M. ILavte. Toutes ces plirases-là sont belles; mais, s'il est vrai qu’on ait payé, nous demandons qu’on en justifie. M. Camus. La dénonciation de M. Bouche est fondée sur une pièce qui m’a été rapportée, ensuite portée à M. Bouche. C’est un écrie de la main du minist-e, pariant qu’il faut faire état des sommes de 12 à 18,000 livres pour personnes dénommées dans cet écrit de la main de M. de Fleurieu. Cet écrit a été porté à M. Bouche par M. Beaujoar, commis de la marine. Je demande si ce sont là de vaines clameurs, lorsqu’on vient dénoncer des faits qui sont fondés sur des écrits que l’on a vus. : Si sur ces faits l’on passe à l’ordre du jour, toujours sous l’espérance d’une responsabilité, surtout lorsque les ministres ne sont plus en place, alors il est certain que nous perdrons nos finances. Vous avez voulu qu’il y eût une diminution dans les bureaux de la marine. Eh bien ! qu’est-ce que l’on fait? Ceux qui ne sont plus intendants de la marine, on les appelle chefs du travail dans les bureaux ; et, sous cette dénomi-tion, on leur paye des appointements considérables. Une autre injustice que l’on fait, c’est qu’en les faisant chefs de bureau, on déplace les premiers commis, et on fait rétrograder ainsi toutes les anciennes personnes attachées à ces bureaux pour donner une place à de nouveaux venus. Si l’on n’est pas en droit de se plaindre dans ce cas, il n’y en a aucun où l’on puisse se plaindre. Ainsi, j’insiste pour qu’on ne passe pas à l’ordre du jour, et qu’on décrète la motion de M. Bouche. M. Christin. Je ne crois pas que l’Assemblée puisse délibérer sur la proposition de M. Bouche sans en être parfaitement instruite. Je demande que la proposition de M. Bouche soit renvoyée au comité de la marine, qui en rendra compte incessamment. M. Gaultier-Biauzat. Voici une rédaction : « L’Assemblée nationale décrète que le ministre de la marine sera tenu de justifier, dans 3 jours, de la radiation des états d’appointements do son département, des personnes qui y étaient employées sous la dénomination de directeurs, intendants et tous autres officiers intermédiaires de la marine, qui ont été supprimés par le décret du 29 décembre dernier. » M. Defermon. Je demanderai qu’il fût ajouté à votre rédaction : « Et de justifier aussi de l’exécution du surplus du décret; » car, quoi qu’en ait dit M. Moreau deSaint-Méry, je ne crois pas qu’un ministre doive surseoir l’exécution d’un décret, sous prétexte qu’on est en discussion sur un autre dans l’Assemblée nationale. Plusieurs membres : Aux voix! aux voix 1 la nouvelle rédaction ! (L’Assemblée, consultée, décrète la proposition de M. Bouche, rédigée par M. Gauitier-Biauzat, avec l’amendement de M. Defermon.) En conséquence, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que le ministre de la marine sera tenu de justifier, dans 3 jours, de la radiation des états d’appointements de son déparlement, des personnes qui y étaient employées sous la dénomination de directeurs, intendants, et tous autres officiers intermédiaires de la marine, qui ont été supprimés par le décret