[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 septembre 1791.] 263 les lois d’aucune partie de la force morale qui peut fournir la démonstration de leur justice. « Je ne répéterai pas à l’Assemblée ce qui lui a été dit par un de mes collègues, relativement aux rubans que les soldats portaient sur leurs habits, comme si des sociétés particulières pouvaient distribuer et autoriser des décorations de ce genre; contre l’esprit des lois générales qui proscrivent les distinctions entre les citoyens; contre les dispositions formelles des lois militaires, qui prescrivent la plus stricte observation de l’uniforme qu’elles ont déterminé pour chaque troupe. « A l’arrivée du second bataillon du 68e régiment à Landrecies, l'officier commandant dans cette place avait, mais trop vainement, étendu d’une manière explicite à ces rubans l’ordre que le général y avait laissé, pour faire observer exactement à là garnison la tenue militaire. La désobéissance ouverte, formelle et contagieuse qui eut lieu alors, ne devait-elle pas, à la première occasion, entrer pour quelque chose dans nos représentations ? L’Assemblée a su ce qu’elles avaient produit : des soldats dirent, devant nous et le général, qu’ils se feraient mettre en pièces plutôt que de céder sur ce point. Cependant on a dit qu’il n’v avait point eu de révolte; comment donc qualifier cette déclaration, qui fut le lendemain confirmée de fait, et de la manière la plus ostensible, par tout le batai Ion sous les armes ? Certes, les soldats n’auraient pas éié, dans ce moment, admis au sermenti l’on aurait dès lors procédé cqntre eux, si mon avis avait prévalu, parce que mon amour pour l’ordre public, parce que mon respect pour la loi, sont en raison de ma passion pour la liberté. La moindre peine de discipline ne fut pas même infligée, et tout cela paraissait tombé dans l’oubli, quoique les soldats persistassent toujours, depuis même l’amnistie, à se parer des marques de leur désobéissance habituelle, lorsque, peu de jours après que cette amnistie eut été accordée, le rapport d’un officier et un procès-verbal de la municipalité de Landrecies nous apprirent que le repos de cette ville avait été troublé, que ces mêmes soldats, destinés à proléger la tranquillité des citoyens, s’étaient abanoonnés à des mouvements séditieux qui avaient forcé d’avoir recours à des mesures extraordinaires, et d’invoquer contre eux toute l’autorité de la loi; que néanmoins des violences avaient été commises, et que deux sous-officiers avaient été maltraités et traînés en prison par les soldats qui les y avaient retenus toute la nuit. « Fallait-il encore fermer les yeux sur de tels excès ? Ils déterminèrent �ur-le-champ l’ordre du départ, et ils auraient été déjà jugés par une cour martiale, si, malgré la loi récente pour les cas de mouvements combinés, le commissaire-auditeur n’avait été arrêté par des difficultés de forme, résultant delà généralité de la dénonciation qui lui avait été faite, difficultés qui, si elles étaient réelles, ne seraient pas levées par cette nouvelle loi. « Je sais que les délits dont je viens de parler, quelques graves qu’ils soient, ont encore trouvé des apologistes ; un mémoire étrange fut même adressé au général, et on lui donna à Arras de la publicité, comme pour prévenir contre les opérations de la cour martiale. J’ai adressé, dans le temps, ce mémoire au comité militaire, avec la copie d’une lettre qu’il m’avait donné lieu d’écrire au directoire du département du Pas-de-Calais. J’avais témoigné à ce directoire le désir que ma letire fût connue : il a redouté les effets de cette mesure. Et voilà comme on néglige d’annoncer au peuple la vérité, comme on le laisse en proie à l’erreur et aux préventions. Je dois le dire ici, puisque l’occasion s’en présente, je suis fondé à croire que les mouvements irréguliers qui ont eu lieu, soit dans les troupes ou ailleurs, ont été en grande partie occasionnés par la faiblesse des chefs. On a l’air de composer avec la loi : on l’atténue par des discours hors de saison, par des ménagements superflus, par de vaines précautions ; on oppose des conditions à l’obéissance ; on paraît proposer une convention, lorsqu’il ne faut que réclamer un devoir. Eh ! laissez à la loi toute sa majesté ; élevez-vous, vous-mêmes, à sa hauteur, lorsque vous avez l’honneur d’être ses organes ! Le soldat français est généreux, il sera flatté de la dignité que vous mettez dans vos fonctions, et vous verrez alors qu’il sera soumis à la loi. « Je prie l’Assemblée de me pardonner, si je rappelle aussi longtemps son attention sur un objet qu’elle paraît avoir terminé ; mais il ne faut pas qu’on puisse lui imputer une rigueur excessive envers les soldats, lorsqu’elle ne s’est occupée que d’honorer leur état et d’améliorer leur sort ; et quant à moi, quMle a environné de sa confiance, je dois être prêt à lui rendre compte, à tous les instants, de ce dépôt honorable ; et je respecte trop l’opinion publique, pour ne pas chercher à l’éclairer sur les opérations auxquelles je puis avoir eu quelque part. On ne dira plus, du moins, qu’il ne s’agissait ici que de quelques fautes de discipline, sans réfléchir que si des fautes de ce genre mènent à un état d’insubordination habituelle, elles peuvent être rapidement suivies de tous les crimes. Pour moi, je ne conçois point de résistance à la loi dont on ne doive être alarmé: ceux-là seraient-ils dignes d’aspirer à la liberté, mériteraient-ils d’en jouir ou de la défendre, qui n’attacheraient que peu d’importance aux moindres infractions de la loi, qui ne sentiraient pas que son nom seul ne doit être prononcé que pour provoquer une sorte de culte religieux? « Je prie l’Assemblée nationale d’agréer l’hommage de mon respectueux dévouement. « Signé : Boullé, « Membre et commissaire de C Assemblée nationale. » MM. Duquesnoy et d’André. Nous demandons l’impression. M. Chabroud. Les observations que le commissaire de l’Assemblée lui fait en nécessite une autre de ma part. Le comité militaire n’a pas fait faire à l’Assemblée un rapport détaillé de ce qui s’était fait à Arras, mais le comité a fait à l’Assemblée un rapport général. Le comité militaire a fait exposer à l’Assemblée qu’il existait une sorte d’état d’insubordination et de révolte dans quelques corps de l’armée; c’est à cela que s’est réduit le comité, parce qu’il n’a pas voulu proposer à l'Assemblée des mesures partielles, mais une mesure générale. Il est peut être utile d’avoir fait cette observation, afin qu’elle calme les inquiétudes que pourrait donner cette lettre dans le public. M. d’André. Nous insistons pour l’impression. (L'Assemblée, consultée, décrète l’impression de la lettre de M. Boullé.) M. Ce Chapelier, au nom du comité de Constitution , fait lecture d’une nouvelle rédaction des articles décrétés dans la séance d’hier concer- 264 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 septembre 1791.] nant les receveurs des consignations et les commissaires aux saisies réelles (1) ainsi que de diverses dispositions complémentaires. Les articles 1 et 2 sont successivement mis aux voix, sans changement, dans les termes suivants : Art. 1er. <« Tous offices de receveurs de consignations et commissaires aux saisies réelles sont et demeurent supprimés. Le comité de judicature fera incessamment son rapport sur le mode de leur liquidation et la reddition de leurs comptes. » {Adopté.) Art. 2. « Jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, il sera pourvu à l'exercice provisoire des fonctions attachées à ces offices, par les préposés nommés pour les tribunaux de Paris par le directoire du département; et, pour les autres tribunaux, par les directoires de district. Les titulaires des offices supprimés par l’article premier pourront être nommés préposés; ceux qui seront nommés seront tenus de résider près des tribunaux. » {Adopté.) Lecture est faite de l’article 3, ainsi conçu : « Il sera fourni par ceux qui seront nommés à l’exercice provisoire de ces fonctions, un cautionnement égal aux deux tiers de celui fourni par les trésoriers de district pour la recetie des contributions directes. En cas que les titulaires des offices supprimés soient nommés, ils pourront donner pour cautionnement le remboursement desdits offices, auquel ils ont droit de prétendre. » Un membre demande que le cautionnement exigé des préposés à l’exercice provisoire des fonctions ci-devant attachées aux offices desdits commissaires et receveurs soit réduit au quart de celui des receveurs de district. (Get amendement est adopté.) En conséquence, l’article 3 modifié est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 3. « Il sera fourni, par ceux qui seront nommés à l’exercice provisoire de ces fonctions, un cautionnement égal au quart de celui fourni par les trésoriers de district pour la recette des contributions directes. En cas que les titulaires des offices supprimés soient nommés, ils pourront donner pour cautionnement le remboursement desdits offices, auquel ils ont droit de prétendre. » {Adopté.) Les articles 4 et 5 sont successivement mis aux voix sans changement dans les termes suivants : Art. 4. « Du jour de la publication de la présente loi, et pendant le cours dudit exercice provisoire, les préposés à la recette des deniers consignés seront tenus de se conformer aux dispositions de l’édit de 1689 et autres lois, sans que la déclaration de 1669 et autres lois interprétatives de cette déclaration puissent désormais être exécutées. Ils auront, dans tous les cas, pour tous droits, 3 deniers pour livre des sommes qui seront effectivement versées dans leurs caisses; et ceux des commissaires aux saisies réelles, 12 deniers pour livre du produit des baux. » {Adopté.) (1) Voy. ci-dessus, séance du 6 septembre 1791, page 241. Art. 5. « Dans les villes où il se trouve plusieurs tribunaux, la même personne pourra être nommée pour faire le service auprès desdits tribunaux, et on pourra, dans tous les districls, confier au même préposé la recette des deniers consignés et celle des biens saisis. » '{Adopté.) Lecture est faite de l’article o, ainsi conçu : « Les fonctions provisoires des préposés à la recette des deniers consignés et à la régie des biens saisies seront incompatibles avec les fonctions de juges, d’avoués et de comptables. » Un membre demande que l’incompatibilité des fonctions énoncées dans cet article soit étendue à celles de greffiers et notaires et de membres du directoire de département. (Get amendement est adopté.) En conséquence, l’article 6 modifiéest mis aux voix dans les termes suivants : Art. 6. « Les fonctions provisoires des préposés à la recette des deniers consignés et à la régie des biens saisis seront incompatibles avec les fonctions de juges, d’avoués, de comptables, greffiers et notaires, et de membres du directoire de l’administration du département. » {Adopté.) Un membre observe que, le 4 août dernier, l’Assemblée nationale a décrété qu’en l’absence du ministre de l’intérieur, les assemblées de l'administration centrale des ponts et chaussées seraient présidées par son préposé, et que néanmoins il est dit dans le procès-verbal que le ministre de l’intérieur pourra se faire remplacer par un commissaire du roi; il demande que l’article soit rétabli comme il a été décrété le 4 août. Un membre demande qu’au lieu de dire : « l’administration est dans les mains du ministre », on dise : « est confiée au ministre ». (Ges deux propositions sont adoptées.) En conséquence, le décret suivant est mis aux voix : « L’Assemblée nationale ordonne que l’article premier sur l’administration des ponts et chaussées sera rétabli dans les termes suivants : Art. 1er. « L’administration centrale des ponts et chaus-& sées est confiée au ministre de l’intérieur ; il « pourra présider les assemblées, et, en son ab-« sence, se faire remplacer, sous sa responsabi-« lité, par un préposé. » (Ce décret est adopté.) M. Varin, au nom du comité des rapports. Je viens, au nom du comité des rapports, vous an-noncerl’heureuse capture des fabricateurs de faux assignats.. Ils ont été arrêtés presque au moment de leur arrivée à Dunkerque, et c’est aux soins très actifs de la municipalité que vous devez non seulement leur arrestation, mais encore tomes les pièces de conviction dont ils étaient saisis. On les nomme Bruner et Gannotw. Voici, Messieurs, la lettre de la municipalité qui donoe des détails : « Monsieur le Président, « Parnos deux lettres précédentes, nous avons eu l’honneur de vous faire part de l’avis important que nous avons reçu de Londres, concernant