314 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 mai 1791.' « Avignon, le 16 mai 1791. « Augustes représentants, « L’état affreux où nous sommes réduits nous force de vous adresser de nouveau nos réclamations et nos vœux. Hélas ! nous nous flattions qu’une main secourable allait nous être tendue; nous espérions que vous étiez sur le point de mettre fin à nos malheurs. Cependant la discussion de notre affaire est interrompue et renvoyée. Nous respectons, Messieurs, tout ce que votre sagesse pourra vous dicter à notre égard ; nous ne prétendons pas pénétrer les motifs qui ont pu retarder l’émission du décret que tous les départements désirent et attendent avec impatience. Mais il est de notre devoir, il nous est impérieusement commandé par l’intérêt de nos concitoyens qui nous est confié, de vous représenter que l’anarchie est à son comble, que nous sommes à la dernière période de nos forces, que toutes nos facultés sont usées, que tous nos moyens sont épuisés, que le tombeau est ouvert devant nous, et que nous y sommes tous entraînés, si votre justice, si votre protection, si votre humanité ne volent à notre secours, et ne nous arrachent au sort affreux qui nous menace. « Illustres défenseurs des droits des nations, amis vrais de l’humanité, le peuple avignonais attend au plus tôt la fixation de son sort, et vous conjure de ne plus la différer. Le vœu de ce peuple pour être réuni à vous est bien réel, bien authentique, bien constaté : daignez au moins prononcer sans délai sur ce vœu. Si vous craignez que celui des Gomtadins ne soit pas aussi bien caractérisé, hâtez-vous de faire cesser les horreurs qui nous environnent et auxquelles nous déclarons solennement, devant Fauteur de notre existence et devant vous, que nous n’avons jamais pris aucune part. «Rien n’égale l’excès de nos maux!... Mais les grandes douleurs ne s’expriment pas longuement. Le tableau de nos calamités vous ferait frémir; et dans l’état affreux où nous sommes, nous ne pouvons que sentir et nous plaindre. Ne nous laissez pas mourir, au nom de la nation auguste que vous représentez, et de laquelle nous avons été cruellement séparés. Ne permettez pas qu’un bon peuple périsse, pour avoir voulu vivre sous vos lois. « Nous avons l’honneur d’être, avec respect, augustes représentants, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Signé : Les maire et officiers municipaux de la ville d’Avignon. » M. Rabaud-Saint-Etienne. Je ne demande la parole que pour annoncer à l’Assemblée que M. de Menou fera son rapport demain sur cette question. M. Boissy-d’Anglas. J’ai vu hier entre les mains d’un de mes collègues une lettre du département de la Diôme, écrite d’un village voisin du Comtat ; elle fait frémir. Des brigands de je ne sais quel parti sont sortis des terres du Gom-tat et se sont portés à main armée dans le département de la Drôme : ils ont attaqué plusieurs villages, incendié plusieurs maisons, pillé plusieurs habitations. Rien n’est plus affreux que les nouvelles qui sont parvenues. Je demande, Messieurs, que l’Assemblée veuille bien prendre un parti définitif sur cette affaire... ( Tout de suite!) M. Rewbell. Je ne sais pas comment l’Assemblée peut rester en stagnation sur des malheurs comme ceux-là, qui font frémir l’humanité; elle se déshonorerait, si elle le faisait. Le rapport d’Avignon est prêt; je demande que dès demain la question soit décidée sans désemparer. (Applaudissements dans les tribunes.) (L’Assemblé décrète que le rapport sur l’affaire d’Avignon sera mis à l’ordre du jour de la séance de demain au matin.) M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, au nom des comités de Constitution et de législation criminelle, , donne lecture de la suite du rapport sur le projet du Code pénal, commencé dans la séance d’hier (1). (L’Assemblée décrète l’impression et la distribution de ce rapport.) M. l’abbé Maury. Monsieur le Président, j’ai appris qu’au commencement de la séance, on a décidé, d’après une lettre dont on vous a donné connaissance, que l’affaire d’Avignon serait mise à l’ordre du jour de demain. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée, premièrement, que les membres des comités diplomatique et d’Avignon, qui se sont présentés pour prendre part à cette discussion préparatoire, n’ont trouvé qu’une seule personne au comité. J’observerai en second lieu que, puisque c’est la ville d’Avignon qui attaque Garpentras, il ne serait peut-être pas raisonnable de faire valoir, en faveur de la ville d’Avignon, des motifs de pitié, puisque tous les désordres sont volontairement causés par des Avignonais. J’observerai ensuite, Messieurs, qu’il est bien extraordinaire que, lorsqu’une cause a été discutée trois fois dans celte Assemblée, lorsqu’on n’allègue aucun nouveau titre, aucune nouvelle mesure à prendre, on dérobe à la nation les séances les plus précieuses où les plus grands intérêts de la Constitution appellent toute notre attention. Je ne sais ce qu’on se propose de nous apprendre demain. Si ce sont des horreurs nouvelles que l’on veut nous rappeler de la part des Avignonais, nous en sommes instruits; mais c’est un scandale qu’il faut épargner à cette Assemblée. Sans mission, sans autorisation, sans aucun motif de ressentiment, cette ville exerce les vexations les plus exécrables dans le Comtat. Ce n’est certainement pas lorsque Avignon nous donne un exemple inoui dans l’histoire des peuples policés , ce n’est pas lorsqu’il combat les citoyens à main armée; ce n’est pas, dis-je, dans une pareille circonstance que cette ville doit renouveler, pour la quatrième fois, une pétition qui a été déjà si sagement repoussée par l’Assemblée. Elle ne peut demander aucun secours; c’est à elle à avoir pitié de la province qu’elle dévaste. Je demande donc que nos moments soient consacrés aux intérêts de la nation et que l’ajournement déjà prononcé avec tant de prudence dans la cause d’Avignon, soit encore prononcé de nouveau; je supplie, en conséquence, l’Assemblée de vouloir bien retirer cette question de l’ordre du jour de demain. M. Rewbell. Je dirai au préopinant que s’il (1) Voyez ci-après ce document aux annexes de la séance, page 319. [Assemblée nationale.] 315 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 mai 1791.] avait été ici au commencement de la séance, il aurait appris que le mal s’est étendu jusque dans nos départements ; que le meurtre et l’incendie y ont fait leur apparition. Il est donc inoui de prétendre que nous ne devons pas nous y opposer; il est inoui qu’on veuille ajourner la question de savoir si l’on mettra à l’ordre du jour de demain le rétablissement de l’ordre... ( Applaudissements dans les tribunes.) M. l’abbé Maury. Je demande si les assassins d’Avignon sont complices des applaudissements que j’entends. . M. Rewbell. Je pense donc, Messieurs, que vous deviez révoquer votre décret. Ceux qui prennent le parti de Carpentras, quand ils ont eu peur pour Carpentras, ont assez longtemps fatigué l’Assemblée nationale pour qu’on prît des mesures et qu’on lui accordât des secours. Pourquoi n’en veulent-ils plus maintenant? Aujourd’hui que nos départements sont en péril, ils réclament l’ajournement : je demande si c’est là la conduite que l’on doit tenir dans l’Assemblée. Je vous demande donc, Messieurs, par ces motifs, que l’ordre du jour reste fixé comme vous l’avez décidé. ( Applaudissements .) M. l’abbé Maury. Je dois prévenir l’Assemblée que M. Rewbell vient d’avancer un fait faux, en disant que la guerre civile .. ( Murmures et interruptions.) Voix nombreuses : L’ordre du jour! (L’Assemblée consultée rejette par l’ordre du jour la motion de M. l’abbé Maury.) M. Riberolles de Martinanges, qui avait obtenu un congé d’un mois, annonce son retour à l’Assemblée. M. Rureaux de Pusy, au nom du comité militaire. Messieurs, votre comité militaire m’a chargé de vous faire un rapport et de vous proposer un projet de décret sur les places de guerre et les postes militaires ; ce rapport est très instant. Je demande à l’Assemblée la permission de le lui faire immédiatement. (M. Démeunier demande la parole.) M. Démeunier, au nom du comité de Constitution. Messieurs, j’ai demandé la parole pour vous prier de continuer aujourd’hui même la discussion des articles sur l’organisation du Corps législatif et hâter le moment où pourra se faire la convocation de la législature. ( Applaudissements .) Le comité de Constitution peut, dans deux ou trois jours, faire son rapport définitif sur les bases qui restent à poser pour cette convocation et il est important de hâter ce moment; aussi y a-t-il intérêt à achever de décréter le complément du Corps législatif. Nous avons examiné le projet de M. Buzot; et nous sommes tous d’accord que, quand lecomilé présentera le tableau des décrets constitutionnels, il faudra s’occuper de dispositions propres à arrêter l’impétuosité des délibérations. Mais nous avons pensé, et M. Buzot lui-même en est convenu, que son projet était insuffisant. Nous avons donc pensé que le décret qu’il vous est présenté par votre comité devrait, sauf les amendements que vous pourrez y faire dans la discussion, être adopté à peu près tel qui’l vous a été proposé; si, à la tin de vos travaux, il paraît qu’il soit nécessaire d’ajouter de nouvelles dispositions, nous vous les présenterons. Mais, dans ce moment-ci, ce qui est plus instant, c’est de continuer à discuter le plan du comité, et de poser ainsi les bases élémentaires de la Constitution; lorsque vous l’aurez décrété, voire serment se trouvera rempli dans toute son élendue. Le comité de Constitution est, comme je vous l’ai dit, prêt à faire son rapport. Vous pourrez, aussitôt que vous l’aurez entendu, déterminer le jour où la législature viendra vous remplacer. (. Applaudissements . ) Je conclus donc à ce qu’on mette en discussion la suite des articles du comité tels qu’ils vous ont été présentés; le comité de Constitution attendra ensuite les ordres de l’Assemblée pour faire le rapport sur la convocation de la nouvelle législature ( Applaudissements .) (L’Assemblée ajourne à demain soir le rapport du comité militaire sur les places de guerre et postes militaires.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur l'organisation du Corps législatif ( 1). M. Thouret, rapporteur. Messieurs, vous aviez renvoyé à votre séance d’aujourd’hui la discussion du projet de décret de M. Buzot ayant pour objet de faire décréter que les législatures prochaines pourront se séparer en deux sections pour discuter les projets de loi soumis à leur délibération. D'après les observations qui viennent de vous être présentées par M. Dénmunier, nous vous proposons de renvoyer cette discussion à l’instant où les comités de révision et de Constitution présenteraient leur travail sur la distinction des décrets constitutionnels et réglementaires. (Cet ajournement est décrété.) M. Thouret, rapporteur. Nous passons en conséquence à la suite des articles du projet du comité : Art. 48. « Aucun rapport d’un comité, et aucune motion proposée par un des membres de la législature, ne pourront être délibérés et décrétés que dans la forme suivante. » (Adopté.) « Ait. 49. Après la première lecture qui aura été faite du rapport ou de la motion, le président sera tenu de mettre en délibération, et le Corps législatif devra décider si le projet de décret proposé doit être rejeté ou s’il doit être soumis à la discussion. » M. Eie Chapelier. Je demande que la lecture et la discussion ne puissent avoir lieu qu’après l’impression et la distribution de la motion et du rapport. Un membre : Je propose, au lieu des mots : « le Corps législatif devra décider... » de mettre : le Corps législatif devra délibérer... ». M. Thouret, rapporteur. J’adopte ces amendements; voici l’article modifié : Art. 49. « Après la première lecture qui aura été faite du rapport ou de la motion, le président sera tenu de mettre en délibération, et le Corps législatif devra délibérer, si le projet de décret pro-(1) Yoy. ci-dessus, séance du 21 mai 1791, p. 263.