|Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 février 1791.] jq| majorité des sections nous a rendus auprès de vous les interprètes et que vous prendrez sûrement en considération. Nos ennemis veillent pour tout perdre; veillons pour tout sauver. Dans l’état actuel des choses, on a droit de tout craindre; et, dans une Constitution naissante, cette crainte est la sauvegarde de la liberté. {Applaudissements répétés.) » M. le Président répond : « Messieurs, vous venez de proposer au Corps constituant une des plus grandes questions dont il ait à s’occuper. <. L’indépendance de tout autre pouvoir que de celui des lois est un droit de chaque citoyen, parce que cette indépendance constitue la liberté même d’une nation. Quiconque a le droit de résister doit connaître un fait : le devoir de l'obéissance ; et, comme chaque individu est obligé de consacrer à l’état social sa liberté, il faut qu’il puisse empêcher qu’aucun pouvoir, étranger à la volonté publique, n’étende ce sacrifice. « Ce principe est notre sauvegarde à tous ; mais il y a des exceptions aux règles les plus générales. « La famille royale est indivisible du Trône et ce n’est point là que la royauté peut trouver ni barrière, ni contrepoids. « xMême en voulant défendre la liberté, les membres de cette famille pourraient ne cacher qu’une ambition coupable, et l’on serait bien près de la tyrannie si Ja liberté avait besoin de chefs de parti. « Les membres de la même famille, s’ils osaient être rebelles aux lois, seront peut-être contenus sans trouble par leur chef, qui, en leur transmettant de grandes espérances, a le droit de leur imposer de grands devoirs. « Tous ces motifs, l’Assemblée nationale les pèsera dans sa sagesse ; mais ne croyez pas, quelle que soit la conduite de ceux qui l’entourent, que le monarque qui répare les fautes puisse être isolé. Un grand peuple est devenu sa famille; son nom, joint à celui de la nation et de la loi, est prononcé dans tous nos serments; et un ordre durable assurera tout à la fois son bonheur et sa puissance. « L’Assemblée vous invite à assister à sa séance ». {Applaudissements.) (L’Assemblee ordonne le renvoi de la pétition au comité de Constitution pour en rendre compte incessament ; elle en décrète également l’impi es-sion, ainsi que de la réponse de M. le Président.) (La séance est levée à neuf heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du mardi 15 février 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir, qui est adopté. M. Riquetti de Mirabeau l'aîné cède le fauteuil à M. Duport. M. Vernier, au nom du comité des finances. Messieurs, les nommés Morel et Prudhomme ont été transférés des prisons de Besançon dans celles de Paris ; une partie des frais de ce voyage a été avancée par les brigadiers et cavaliers des maréchaussées de Mon tereau et Fontainebleau; l’autre partie a été payée par les capturés mêmes. Il n’est pas sans danger et sans injustice de souffrir que des prisonniers payent ainsi leur dépense ; une loi générale pour déterminer le mode de payement de frais de conduite des prisonniers est nécessaire. Je propose le renvoi de cette question générale au comité de Constitution et j’ai l’honneur de vous présenter pour le cas particulier qui nous occupe actuellement le projet de décret suivant: « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités des finances et des recherches, sur le mémoire des brigadiers et des cavaliers de maréchaussée ès résidences de Montereau et de Fontainebleau, à raison d’une partie des frais de conduite des nommés Morel et Prudhomme; partis des prisons de Besançon pour être amenés à Paris, « Décrète qu’il sera payé auxdits brigadiers et cavaliers, par le Trésor public, la somme de 316 livres portée audit mémoire ; et, à l’égard de l’autre partie desdits frais, l’Assemblée renvoie l’objet au comité de Constitution, pour être fait une loi générale sur les règles et le mode de payement des frais de conduite des prisonniers. » (Ce décret est adopté.) M. Merlin, au nom du comité féodal. Messieurs, votre comité féodal m’a chargé de vous proposer plusieurs dispositions additionnelles au décret que vous avez rendu sur les droits féodaux. A l’article 15, après ces mots: « en forme olographe, » il s’agirait d’ajouter l’exception suivante: « Sans préjudice, jusqu’à présent, de l’exécution du statut Delphinal, ou autre loi semblable; concernant les formalités des donations entre vifs, pour lesquelles le juge de paix sera subrogé à l’officier seigneurial. » Nous vous proposons ensuite d’intercaler entre les articles 18 et 19 un nouvel article ainsi conçu : « Sont pareillement valides, à compter de leurs dates respectives, toutes les transcriptions de contrats ou autres actes qui, dans les ci-devant pays de nantissement, ont pu être faites aux greffes des tribunaux de districts, en conformité de l’article 3 du décret des 17 et 19 septembre 1790, antérieurement à la publication officielle de cette loi. » Enfin, après les articles relatifs aux droits de Mairie et de messerie, nous vous demandons d’introduire la disposition suivante : « Les suppressions prononcées par les deux articles précédents auront leur effet à compter del’époque déterminée par l’article 11 ci-dessus » (Ces additions sont décrétées.) M. VouIIand. Messieurs, voici une lettre des administrateurs du directoire du district de Nîmes : « Vainement le fanatisme a voulu, dans le (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 février 1791.1 [Assemblée nationale.] district de Nîmes, opposer des obstacles à la vente des biens nationaux. Animés par votre exemple, les succès que nous avons obtenus nous servent d’encouragement et sont notre récompense. « Dans l’espace de 20 jours, nous avons vendu soixante domaines qui, évalués sur les baux à 1 ,118,927 1. 16 s. 8 d, ont été vendus 1,776,455 livres. « Nous vous prions de mettre ce résultat sous les yeux de l’Assemblée nationale. Le grand nombre de soumissions que nous avons reçues dans le courant du mois dernier nous met à portée de continuer nos opérations dans ce genre. » Nos dernières lettres deNîmes nous apprennent que le calme règne dans cette partie, malgré tous les mouvements qu’on se donne pour y exciter le fanatisme. Les motifs de sagesse, qui ont déterminé l’Assemblée à différer le rapport de la malheureuse affaire de Nîmes, sont malicieusement interprétés par les ennemis du bien public. Nous vous prions de vouloir bien prendre en considération les inquiétudes qui régnent dans ce pays et d’ordonner que vos comités des rapports et des recherches vous fassent le plusincessamment possible le rapport de cette malheureuse affaire. (L’Assemblée décrète que ses comités des rapports et des recherches lui feront samedi prochain le rapport de l’affaire de Nîmes.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité d'imposition sur les droits d'entrée dans les villes (1). M. Bouche. Il nous a suffi de lire le projet du comité pour en sentir tous les inconvénients. Je demande donc qu’il soit rejeté par la question préalable. M. Bégnaud (de Saint-Jean-d' Angèly). Avant de rejeter le projet du comité, il faut le discuter, afin de faire connaître à la France entière que la réflexion et la prudence président à nos délibérations�! que c’est par des motifs puissants qu’elle a rejeté ces droits. M. de Sinéty. Messieurs, votre comité marche en tremblant entre deux écueils également dangereux, celui des impôts indirectes dont la perception semble alarmer la liberté toujours inquiète dans son berceau, et celui des contributions foncières qui menace les propriétaires territoriaux d’une surcharge redoutable. Votre comité vous propose un droit à l’entrée des villes ; mais il est injuste au fond puisqu’il porte sur les denrées déjà taxées par la contribution foncière : il est injuste dans la forme puisqu’il ne porte que sur 529 villes et qu’il exempte toutes les autres parties du royaume. Il faudrait au moins le répartir avec égalité. Je me résume et je propose sur cet objet les questions suivantes : 1° Les droits d’entrée des villes seront-ils perçus dans les 529 villes seulement, proposées par le comité ou bien perçus sur tous les villes et bourgs du royaume? 2° Tous les objets, énoncés dans le tarif comme exempts des droits d’entrées, y seront-ils soumis en exceptant seulement le blé, le seigle, l’orge, la farine et le pain ? 3° Les propriétaires qui recueillent des vins et boissons auront-ils la faculté de consommer et de vendre en exemption du droit dans les villes et bourgs dans le territoire desquels sont situées leurs propriétés et non ailleurs, lus vins et boissons seulement recueillis dans leurs propriétés ? 4° Les droits d’entrée des vins et boissons seront-ils déclarés comme impôts indirects, et comme tels, perçus sur les consommateurs qui s’en approvisionnent sans les avoir recueillis eux-mêmes, et sur les vendeurs de la seconde main qui achètent pour revendre en gros et en détail ? 5° Sera-t-il fait un règlement de police de vente pour distinguer, dans la manière de vendre, le revendeur de la seconde main, d’avec le propriétaire qui aura recueilli? 6° Le tarifs des taxes des entrées des villes sera-t-il enfin renvoyé au comité d’imposition, pour y fixer les prix entre toutes les classes d'une manière moins inégale et moins disproportionnée que celui proposé à présent ?, M. Bey. Vous avez besoin d’impôts ; vous en avez supprimé pour 140 millions et vous n’avez pour remplir ce vide que l’impôt du timbre et celui de l’enregistrement qui n’est qu’une augmentation du droit de contrôle; mais je regarde comme dangereux fi s droits d’entrée des villes. Il faudrait d’abord construire des enceintes dans les villes qui n’en ont pas et je ne vois là qu’une dépense onéreuse et inutile pour l’Etat. Il faudrait de plus une armée de commis pour faire la perception. Un autre inconvénient encore qui la rendrait impossible, c’est l’insurrection des peuples, sous le prétexte des exactions qui peuvent se commettre. Après vous avoir démontré les inconvénients du projet de votre comité, voici ce que je vous propose pour le remplacer : c’est d’asseoir un droit sur les boissons, les denrées et la vente du vin. Cette imposition était connue dans l’ancienne province du Languedoc sous le nom d'équivalent ; la perception en était affermée. Le fermier percevait ce droit par les abonnements qu’il faisait avec les fournisseurs, les aubergistes, les traiteurs, etc. S’il voulait en faire la régie dans quelques villes, il établissait un commis qui pesait les denrées et percevait le droit. Eu adoptant le projet dont je viens de vous parler, j’y ai fait quelques changements ; mais comme les articles de détail pourraient vous ennuyer, je me borne quant à présent à demander la question préalable sur le projet du comité et l’adoption de l’impôt que je vous propose sur les boissons, les denrées et la vente du vin. M. Boislandry (1). Messieurs, il vous a suffi de lire le rapport de votre comité d’imposition pour apercevoir les inconvénients sans nombre et les dangers multiples des droits d’entrée des villes. Les vices de cet impôt sont formellement reconnus par le comité lui-même presque à chaque page du rapport. Les difficultés desrépartitions, la complication des moyens de perception, les frais de recettes, l’embarras du classement des villes, l'inégalité de l’impôt entre elles y sont clairement énoncés. Le comité ne vous dissimule pas combien il a été embarrassé pour (1) Voyez ci-dessus le rapport de M. Dupont [de Nemours), séance du 10 février 1791, page 88. (1) Ce document est incomplet au Moniteur.