BAILLIAGE D’ORLÉANS. CAHIER GÉNÉRAL. Des doléances et remontrances du tiers-état des bailliages de l’Orléanais, 24 mars 1789(1). CONSTITUTION FONDAMENTALE. Les députés du tiers-état aux Etats généraux demanderont : Art. 1er Qu’il soit délibéré par tête sur la question de savoir la forme ultérieure de toutes Jes délibérations, laquelle délibération par tête aura lieu entre tous les ordres réunis. Et dans le cas où les deux premiers ordres se refuseraient à cette forme, le tiers-état aura recours à la sagesse du Roi pour obtenir que l’avantage qui doit résulter de l’égalité de la représentation ne devienne pas illusoire. Art. 2. Sa Majesté sera suppliée d’ordonner que l’orateur du tiers-état lui présentera ses cahiers et portera la parole dans la même posture que les orateurs des deux ordres et ne sera assujetti à aucune distinction ni forme différentes de celles adoptées par les deux autres ordres. Art. 3. Que la religion catholique, apostolique et romaine sera gardée et maintenue dans toute sa pureté-, que seule elle aura l’exercice public dans le royaume, que les non-catholiques jouiront de l’état civil, mais seront tenus de garder le silence sur les matières de religion ; Qu’ils n’auront ni temples ni, assemblées, ni cérémonies publiques et seront assujettis aux charges pécuniaires des paroisses. Art. 4. Les députés demanderont qu’avant qu’il puisse être délibéré aucun impôts, emprunts, réformes et autres objets quelconques d’administration, Sa Majesté, conformément aux maximes consacrées par les rois ses prédécesseurs et notamment par Charlemagne : Lex consensu populi fit et constitutione regis ( Gap de Car. II et Claries le Chauve), daignera reconnaître par un édit solennel registré dans toutes les cours, que les lois ne peuvent être faites que sur l’autorité du Roi , sur la demande et du consentement de la nation assemblée, sans qu’aucun autre corps puisse prétendre avoir la moindre part au pouvoir législatif. Art. 5. Qu’en conséquence, toute loi intéressant les droits de la monarchie, la vie, la liberté et la propriété de tous les sujets de Sa Majesté, ne pourra être portée que de son autorité sur la demande ou du consentement des Etats généraux. Art. 6. Que la première de ces lois confirmera et consacrera la forme du gouvernement monarchique et la forme actuelle de la succession au trône ; que les apanages qu’il conviendra à l’avenir de donner aux enfants de France seront proposés dans une assemblée des Etats généraux; autrement les lettres d’érection n’auront aucun effet. Art. 7. Qu’il sera reconnu ensuite qu’aucun im-(1) Nous devons la communication de ce document à M. Maupré, archiviste en chef du Loiret, qui a mis une extrême obligeance à le rechercher et à nous en donner copie. pôt ne peut être établi ni directement, ni indirectement, ni par provision, même par emprunts ou création d’offices, qu’après avoir été voté et consenti par la nation assemblée. Art. 8. Que la nation fixera elle-même lesdits impôts dans leur quotité, la forme de leur perception et leur durée, qui ne pourra jamais être perpétuelle, mais limitée à l’intervalle d’une tenue ü’Etats à la suivante. Art. 9. Que toutes les propriétés et toutes les personnes ayant besoin de sa puissance tutélaire, et tous les impôts directs ou indirects, fonciers ou personnels étant le prix de la protection, seront répartis indistinctement et dans la même forme sur tous et chacun des membres du clergé, de la noblesse et du tiers-état, d’après les règles générales de la justice proportionnelle. Art. 10. Que le pouvoir exécutif appartiendra exclusivement au souverain, qui seul le pourra communiquer à ses cours et autres officiers de justice, selon la mesure et proportion qu’il jugera les plus conformes à l’intérêt de ses peuples. Art. 1 1 . Qu’en conséquence les lois émanées du trône sur le vœu de la nation seront adressées aux cours, et par elles à tous les tribunaux inférieurs, pour y être purement et simplement lues, publiées et registrées. Art. 12. Que dans le cas où quelques-unes desdites lois présenteraient des obscurités ou inconvénients auxquels il serait urgent de pourvoir , les déclarations interprétatives données par Sa Majesté seront adressées par elle aux différents cours et tribunaux pour y être exécutées provisoirement jusqu’à la première tenue des Etats généraux. Art. 13. Que Sa Majesté daignera reconnaître par une loi solennelle que les Etats généraux sont essentiellement de la constitution de la monarchie, que la même loi fixera leur retour périodique aux époques et d’après les formes qui auront été déterminées par l’autorité du Roi et de la nation assemblée. Art. 14. Que pendant la séparation des Etats généraux et sous prétexte de les représenter, il ne pourra être établi aucune commission intermédiaire, ni conseil, pour quelque cause et sous quelque dénomination que ce soit. Art. 15. Qu’il serg établi dans chaque généralité des Etats provinciaux, dont la composition sera déterminée dans la proportion et suivant les règles prescrites entre le tiers-état et les deux autres ordres, pour l’élection des députés aux Etals généraux, et que les députés aux Etats provinciaux seront librement élus et délibéreront par têtes. Art. 16. Que ces états provinciaux seront mis aussitôt en activité, afin de concourir à tous les objets sur lesquels lesEtats généraux auront besoin de correspondants et d’agents dans les provinces. Art. 17. Que lesdits Etats provinciaux seront essentiellement chargés de la répartition et perception de tous les impôts, dans les formes et quotité réglées par la nation, sans pouvoir consentir à aucun abonnement particulier. Art. 18. Que dans la formation des Etats provinciaux, les assemblées municipales des villes [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Orléans.] 649 et campagnes seront conservées, mais qn’elles ne seront composées que de membres librement élus, tant parmi les habitants des paroisses, que les propriétaires de biens qui n’y seraient pas domiciliés, en telle sorte qu’aucun citoyen ne puisse y prétendre entrer en séance de droit, à raison de son titre ou de sa dignité. Art. 19. Que dans la formation des Etats provinciaux les limites de la généralité d’Orléans seront conservées et que notamment les élections de Gla-mecy, Chartres et Dourdan resteront unies à cette généralité. Art. 20. Que la liberté individuelle des citoyens et la sûreté de leurs droits seront mises exclusivement sous la sauvegarde du Roi, des lois et sous l’autorité des juges ordinaires, sans qu’il puisse y être porté atteinte par aucuns ordres ou actes d’autorité arbitraire, sauf à la nation assemblée à indiquer les cas d’exécution, si aucuns sont nécessaires, et lesquels, en aucune circonstance et sous aucun prétexte, ne pourront être étendus par interprétation. Art. 21 . Que tout ministre qui se sera écarté dans l’exécution des lois établies, soit en matière de législation, soit en matière d’impôt, ou qui se sera rendu coupable d’autres abus et malversations, sera responsable de sa conduite aux Etats' généraux. Art. 22. Que toutes les lois générales en matière d’impôt et d’administration qui seront portées dans les Etats généraux seront étendues à toutes les provinces, même à celles réunies, afin d’établir partout l’uniformité de principe et d’opération. Art. 23. Il sera expressément recommandé aux députés aux Etats généraux de ne délibérer sur aucun autre objet et de ne consentir l’octroi d’aucun impôt, avant que les différents points fondamentaux aient été présentés au Roi et répondu par Sa Majesté. IMPÔTS ET COMPTABILITÉ. Art. 24. Les députés demanderont qu’avant de voter sur aucun nouvel impôt. le déficit actuel soit constaté par des commissaires nommés par les Etats généraux ; les dépenses des différents départements fixées et réglées, sans pouvoir être augmentées , sinon du consentement des Etats généraux. Art. 25. Que l’état des appointements, gages, pensions et gratifications des différents emplois civils, militaires et d’administration sera rapporté, vérifié et réduit s’il y a lieu. Art. 26. Que, par suite du règlement quia déjà prescrit que tous les créanciers de pensions seraient tenus de les faire registrer sur le même état au trésor royal, ledit état et les causes et motifs desdites pensions seront vérifiés et constatés, et en cas d’insuffisance de causes, comme dans celui de l’excès des grâces, lesdites pensions seront à l’instant supprimées ou réduites à leur légitime proportion. Art. 27. Qu’il sera réglé que par la suite aucune pension ou gratification ne pourra être accordée que pour services importants ou pour des besoins urgents; surtout, que la même personne ne pourra posséder deux grâces de cette nature en même temps. Enfin, il sera demandé par les députés qu’aucune pension ne pourra excéder la somme de 10,000 livres. Art. 28. Pendant le cours desdites vérifications et réformes, et non avant, il pourra être accordé .un secours provisoire, si l'état des finances ne permet pas d’attendre la clôture de l’assemblée ; si ce secours est accordé par forme d’emprunts, le remboursement en sera fixé irrévocablement par les Etats généraux. Art. 29. Les Etals généraux constateront l’état de la dépense publique, vérifieront et sanctionneront la dette contractée par le Roi et ses prédécesseurs tant envers les étrangers qu’envers les sujets de l’Etat; que ces dettes, de quelque nature qu’elles soient, seront déclarées dettes de la nation ; et cependant, s’il a été emprunté des sujets du Roi à un fur excédant le taux des ordonnances, que lesdits intérêts seront réduits pour l’avenir au fur légal. , Art. 30. Qu’ après lesdites opérations, il sera délibéré sur tous les impôts directs ou indirects établis, soit avant 1614, soit postérieusement à cette époque, à l’effet de juger et décider lesquels seront conservés, suprimés ou modifiés. Art. 31. Que la taille réelle et industrielle, les vingtièmes, l’impôt des chemins et la capitation noble ou roturière seront abolis et convertis en deux nouveaux impôts, dont l’un sera personnel et l’autre territorial, assis de manière à prévenir l’arbitraire et déterminé par la classification de tout le territoire. Art. 32. Que la gabelle sera supprimée et remplacée le plus promptement possible et par les moyens qui seront jugés les moins onéreux. Art. 33. Que l’impôt des aides sera supprimé sans retard, et par provision réformé dans sa partie la plus onéreuse, notamment par la suppression des droits d’aides ; il sera ordonné que dans les pays de gros les droits réservés établis sur la consommation ne seront point exigés par avance, mais seulement après la vente ou consommation. Art. 33 (bis). Que toutes loteries seront supprimées en France, comme impôt destructeur des mœurs, avilissant en lui-même, et la source d’une infinité de crimes et de désordres ; que, par les mêmes raisons, toute espèce d’agiotage sera défendue sous des peines sévères. Art. 34. Que les droits sur les cuirs, papiers, poudre, amidon et cartons seront supprimés comme destructeurs de toute industrie dans ces branches importantes, qu’ils ont anéanties, et que, jusqu’à ce qu’il ait été pourvu au remplacement, ïl sera permis aux fabricants de s’abonner. Art. 35. Que tous les droits de douanes et autres de même nature, ceux de péage ou passage de rivières et généralement tous autres droits de transit dans l’intérieur du royaume, sous quelque dénomination qu’ils soient connus, seront supprimés et reculés aux frontières, sauf à être pourvu, ainsi qu’il appartiendra, à l’indemnité des propriétaires d’aucuns desdits droits. Art. 36. Que les droits d’inspecteurs aux boucheries, pied fourchu et autres accessoires, ainsi que la caisse de Poissy, seront également supprimés. Art. 37. Que tous les droits locaux, d’octroi, barrages et autres accordés aux villes, collèges, hôpitaux, etc., seront vérifiés et réduits à la proportion du besoin, et à la plus grande uniformité possible de perception. Art. 38. Que ceux perçus pour les dépôts de mendicité seront supprimés, et les frais de ces dépôts prélevés sur le produit des impôts ordinaires. Art. 39. Que le droit de franc-fief sera supprimé comme tout étant à la fois peu important dans son produit, et très-coûteux dans ses effets, surtout aux pauvres habitants de la campagne, et encore [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Orléans.] comme infiniment nuisible aux progrès de la culture. Art. 40. Que les droits d’insinuation, centième denier , timbre , petit scel et droits réservés, seront supprimés ; que le droit de contrôle sera réduit aux simples frais qu’exige la manutention de cette formalité essentielle, ou qu’en tout cas ces droits seront assujettis à un nouveau tarif clair, équitable, modéré, qui écartera tout arbitraire et, prévenant les fraudes, délivrera les citoyens d’une charge trop onéreuse, et des recherches plus onéreuses encore auxquelles ils se trouvent assujettis. Art. 41. Que dans tout état de cause le contrôle sera perçu dans toutes les villes et provinces du royaume sans exception. Art. 42. Que-pour couvrir en partie la réduction que les finances éprouvent par la réforme de différents impôts indirects , il sera établi une taxe annuelle sur les objets de luxe comme voitures, domestiques, etc. Art. 43. Qu’aprês avoir ainsi fixé l’état de la dépense publique et la nature et l’étendue des impôts destinés à la couvrir, c’est-à-dire après avoir balancé la recette avec la dépense, la dette nationale sera répartie entre toutes les provinces dans la plus juste proportion et d’après les bases qui auront été fournies par les Etats provinciaux et discutées par la nation. Art. 44. Que par la môme raison les impôts leur seront répartis dans une semblable proportion, en telle sorte que sur le montant des impôts perçus dans leur territoire et sous leur autorité par les moyens les plus simples, les moins dispendieux et les plus uniformes possibles, lesdits Etats provinciaux n’auront à faire parvenir au trésor royal que le montant des dépenses personnelles de Sa Majesté et de toutes les parties qui ne sont pas susceptibles d’être acquittées dans les provinces. Art. 45. Qu’il sera présenté aux Etats généraux comme un des moyens les plus simples et les moins dispendieux de perception, de charger les principales villes de chaque province de recevoir les deniers publics des mains des collecteurs; sans autre taxation que la simple indemnité des frais de bureau, elles seraient chargées d’envoyer tous les mois leurs comptes à leur ville capitale, et celle-ci aux Etats provinciaux. Art. 46. Qu’en vertu de ce nouvel ordre, tous les employés à l’administration de chaque province, dans quelque partie et sous quelque dénomination que ce soit, seront soumis, soit pour l’exercice de leurs fonctions, soit pour la fixation et le payement de leurs gages et appointements, à l’autorité et surveillance des Etats provinciaux qui pourront les instituer et destituer. Art. 47. Que tous les offices qu’il conviendra de supprimer, d’après la nouvelle forme d’administration, seront ajoutés pour la totalité de leurs prix à la portion de la dette nationale départie à chaque province, et qu’il sera pourvu au remboursement de leur principal et du payement des intérêts en la même forme que pour le surplus de la dette. Art. 48. Qu’il en sera usé de môme pour le payement des retraites des employés dont les commissions seront anéanties et supprimées et auxquels il aura été accordé un traitement. Art. 49. Que le premier moyen de libération des dettes publiques sera l’aliénation des domaines de ta couronne ; à l’effet de quoi la loi qui les déclare inaliénables sera supprimée. Art. 50. Que la vente de ces domaines sera précédée de la rentrée en possession de tous ceux aliénés à vil prix, de la recherche de tous les échanges et engagements irréguliers non évalués faits depuis cent ans, pour être révoqués et annulés. Art. 51. Qu’à l’exception des grandes forêts, tous lesdits domaines seront aliénés par portions de dix à quinze mille livres à la fois, d’après les formes arrêtées par les Etats généraux, pour être tenus par les acquéreurs à perpétuité en franc-alleu; et à l’égard des mouvances féodales, elles seront aliénées par extinction en autorisant les tenanciers à se racheter desdites mouvances d’après une évaluation générale indiquée et fixée à cet effet. Que lesdites évaluations seront faites par les Etats provinciaux et le prix employé par eux sur-le-champ en remboursements, sauf aux Etats généraux suivants à avoir égard, dans la répartition à faire entre chaque province, à la recette extraordinaire que cette ressource lui aura procurée. Art. 52. Que le compte des recettes et dépenses de chacun des Etats provinciaux sera rendu public chaque année par la voie de l’impression et sujet à la révision des Etats généraux en cas d’abus. Art. 53. Que les ministres seront pareillement comptables de toutes les dépenses et recettes de leurs départements respectifs, ne pourront réclamer aucune somme, sans justifier de l’emploi, ni exiger qu’il leur soit alloué aucun bon ou acquit de comptants dont les causes ne seront pas expliquées. Art. 54. Que, soit dans les domaines du Roi, soit dans les apanages, aucunes suppressions d’offices de finances, de jpdicature ou tous autres, ne pourront s’effectuer qu’en remboursant aux titulaires la valeur desdites charges sur le pied de la finance ou du dernier contrat de vente, quand il n’excédera pas la finance principale et supplément d’icelle ; et que, jusqu’au remboursement effectif les titulaires recevront les intérêts de leur capital. JUSTICE ET TRIBUNAUX Art. 55. Que Sa Majesté daignera limiter par édit la juridiction de son conseil aux affaires d’administration et aux cassations dans les cas déterminés par les ordonnances, de manière qu’il n’y ait jamais lieu à l’évocation générale ou particulière des causes introduites dans les tribunaux ordinaires ; qu’il sera permis aux juges de mulcter d’amende ceux qui auraient surpris de pareilles évocations et qui en auraient suivi ou procuré l’exécution. Art. 56. Qu’il sera fait défense aux parlements et autres cours supérieures d’évoquer les instances pendantes dans les tribunaux, sinon pour être jugées sur le champ et à l’audience seulement. Art. 57. Qu’il leur sera pareillement interdit de rendre et accorder arrêts de défenses ou arrêts sur requête, sinon dans les cas prévus par les ordonnances ; et, s’il en est rendu contre leurs dispositions, qu’ils ne pourront suspendre le cours de l’instruction en première instance ou arrêter par provision l’exécution des jugements exécutoires par leur nature. Art. 58. Qu’en cas de contravention, le procureur qui aura présenté requête pour obtenir les arrêts de défenses ou sur requêtes dont il s’agit, le rapporteur qui les aura signés, l’huissier qui en aura fait la signification, la partie qui les aura obtenus, seront tous solidairement condamnés en [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Orléans.] fiNI 2,000 francs d’amende, et en outre aux dommages et intérêts de l’autre partie. Art. 59. Pour assurer l’exécution des précautions ci-dessus, qu’il sera établi par Sa Majesté une commission particulière du conseil, à laquelle le maintien de ces dispositions sera spécialement confié et qui sera tenue de prononcer dans la huitaine de la présentation des mémoires qui lui seront adressés par les parties ou par les procureurs du Roi. Art. 60. Que toutes lettres patentes accordées à des particuliers, corps et communautés ne pourront l’être que sur requête et jamais revêtues de lettres en commandement. Que l’opposition qui y sera formée avant l’enregistrement sera suspensive jusqu’à ce qu’il ait été statué sur icelle. Enfin, qu’elles ne pourront être enregistrées sans avoir été communiquées aux corps, communautés ou particuliers qu’elles intéressent. Art. 61. Que défenses seront faites aux cours souveraines de s’écarter des dispositions des lois par interprétation, extension, ou de quelque autre manière que ce soit, à peine de nullité et de tous dommages et intérêts des parties. Art. 62. Que toute juridiction contentieuse sera ôtée aux commissaires départis dans les provinces et renvoyée devant les juges ordinaires, à la charge de l’appel dans les cours : que les procureurs du Roi pourront se faire recevoir appelants, comme de juges incompétents, de toute ordonnance ou jugement qui pourraient être rendus par lesdits commissaires départis : lequel appel sera déclaré suspensif jusqu’à ce qu’il y ait été statué par les cours. Art. 63. Que tous les droits de sceau, tant de la chancellerie du Roi que des princes apanagés et des cours et juridictions où il y en a d’établis, seront réduits et modérés par un tarif revêtu de lettres patentes dûment registrées, sans pouvoir être augmentés que du consentement des Etats généraux. Art. 64. Que les droits pour les foi et hommage, aveux et dénombrements, seront réduits par des tarifs également registres, et ce, tant pour les droits de sceau qu’autres droits accessoires. Art. 65. Que l’impôt de 8 sols pour livre et tous autres droits bursaux établis sur l’administration de la justice seront irrévocablement supprimés. Art. 66. Que la vénalité des offices de judica-ture sera supprimée dans le plus court délai possible, parce qu’elle est la première cause de ia mauvaise administration de la justice en France; et que dès à présent il n’y ait plus de pièce en matière de rapport. Art. 67. Que désormais personne ne sera admis dans les tribunaux que sur la pétition des Etats provinciaux, qui ne pourront eux-mêmes les présenter pour un sujet qu’après qu’il aura rempli la profession d’avocat avec distinction pendant le temps qui sera réglé par les Etals généraux. Art. 68. Qu’il sera enjoint aux rapporteurs clans tous les tribunaux de faire eux-mêmes l’extrait des procès dont ils seront chargés ; avec défense de les faire faire par aucuns clercs ou secrétaires ni d’exiger ou laisser exiger aucun salaire des parties, à peine de suspention de leurs offices, môme de privation totale en cas de récidive. Art. 69. Que pour assurer l’exécution de la présente disposition, chaque rapporteur sera tenu de faire viser, avant son rapport, par le président, l’extrait du procès écrit en entier de sa main ; lequel extrait sera joint et annexé à la minute du jugement qui surviendra, et que le rapport en soit fait en présence des parties ou de leurs défenseurs. Art. 70. Que les audiences auxquelles les procès sont discutés par les seuls gens du Roi sur les simples conclusions des avocats des parties seront supprimées, et que personne ne pourra être jugé sans avoir été entendu. Art. 71. Que les parlements seront responsables directement de leur conduite aux Etats généraux, dans le cas où ils porteraient atteinte aux lois constitutionnelles, aux lois municipales de chaque province, refuseraient de registrer les lois sanctionnées par le Roi sur le vœu de la nation, ou suspendraient le service des audiences. Art. 72. Que pour rapprocher la justice des justiciables, il sera établi dans la ville capitale de chaque généralité un présidial chef avec pouvoir de connaître en dernier ressort en matière civile jusqu’à concurrence de 12,000 livres et de prononcer également en dernier ressort en matière criminelle, des jugements qui n’emporteront ni peines affectives ni peines infamantes. Art. 73. Que les autres présidiaux de chaque généralité connaîtront en dernier ressort en matière civile jusqu’à concurrence de 3,000 livres , sans aucune autre attribution en matière criminelle que celle dont ils jouissent actuellement contre les vagabonds. Que l’appel de tous les bailliages royaux de chaque généralité sera porté au présidial chef, jusqu’à concurrence de la somme de sa compétence. Art. 74. Qu’il n’y aura lieu à aucun jugement de compétence quand la somme sera claire et liquide. Qu’en matière réelle, la compétence, en cas de contestation, sera jugée en dernier ressort par le présidial lui-même, quand le demandeur ou l’appelant se seront restreints à une somme déterminée; qu’enfin,dans les autres cas, la compétence sera jugée à la charge de l’appel en la cour, sans que, sur ledit appel, les cours puissent jamais retenir ni évoquer le fond. Art. 75. Que lesdits présidiaux pourront connaître de toutes actions résultantes de partage quand elles n’excéderont pas la somme de leur compétence, ainsi que de tous retraits lignagers, quand le prix de l’objet vendu se trouvera également au taux de leur compétence. Art. 76. Que l’appel des sentences consulaires sera porté aux présidiaux jusqu’à la concurrence de leur compétence, pour y être jugé sommairement, à l’audience ou sur simple délibéré, et que lesdits juge et consuls pourront eux-mêmes connaître en dernier ressort de toutes affaires de leur juridiction qui n’excéderont pas 1,500 livres. Art. 77. Que dans les affaires de leur compétence, les juges présidiaux pourront prononcer la • réduction des frais et procédures, môme des épices et vacations pris par les juges de leurs ressorts, après toutefois que lesdits juges auront été entendus, et à la charge de prononcer lesdites réductions à la chambre du conseil. Art. 78. Que les cours de parlement ne pourront faire aucun règlement pour les droits, fonctions et pouvoirs des présidiaux, lesquels seront réservés au conseil de Sa Majesté. Art. 79. Que dans tous les bailliages où il y a sièges présidiaux, les officiers pourront juger en dernier ressort, au nombre de trois juges, jusqu’à concurrence de 150 livres, et les officiers des simples sièges royaux, jusqu’à concurrence de 100 livres, toutes contestations pour raison de gages, de serviteurs, mercenaires, et autres causes pures personnelles et sommaires, 652 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Orléans.] même les juges des seigaeurs, dans lesdits cas jusqu’à concurrence de 50 livres. Art. 80. Qu’il ne sera fait à l’avenir aucune distraction de ressort pour toutes les terres érigées en dignité, sauf les causes relatives à la personne des pairs et aux droits de leurs pairies. Art. 81. Que tous démembrements de justice royale soient prohibés, à toute autre condition que celle d’échange de justice. Art. 82. Que tous officiers royaux seront tenus de résider assidûment dans les villes de leur établissement; qu’ils ne pourront s’en éloigner sans causes légitimes dont iis informeront le président de leur compagnie, qui sera tenu de remettre tous les ans aux Etats provinciaux un tableau des absences des différents membres. Art. 83. Que les offices royaux seront déclarés inconciliables avec les dignités etbénéfices ecclésiastiques, auxquels sont attachés des fonctions, desservissemenls, ou autre devoir public. . Art. 841 Que l’adresse des provisions d’offices pour les sièges présidiaux sera faite aux officiers des sièges dans lesquels ils doivent exercer leurs fonctions, sauf celle des chefs et gens du Roi, qui seront adressées aux cours auxquelles lesdits sièges ressortissent. Art. 85. Qu’il ne sera accordé de provisions d’office dejudicature que sur le vu de l’agrément oxxadmittatur &\i tribunal auquel l’impétrant devra appartenir. Art. 86. Que pour exciter le zèle et l’émulation dans la magistrature, il sera accordé une marque extérieure de décoration aux juges et aux avocats qui auront rempli leurs fonctions pendant vingt-cinq ans avec une distinction éminente. Que tous droits et lettres de committimus , privilèges de scholarité, lettres de garde-gardiennes, à l’exception des causes pures personnelles excédant 1,000 livres, tant en demandant qu’en défendant, accordés à tous corps, communautés et particuliers, seront irrévocablement supprimés. Que l’attribution faite au grand conseil de toutes les causes de congrégations et bénéficiers et toutes autres attributions générales et particulières seront révoquées et annulées et les parties tenues de se pourvoir devant le juge ordinaire. Art. 87. Que toute demande pour dégâts, dommages et retirage en Beauce sera remise aux membres de la municipalité de la paroisse, qui se rendront sur les lieux et dresseront leur rapport, d’après lequel les parties se retireront devant le juge qui statuera après avoir vu ledit rapport. Art. 88. Que les différents scels attributifs de juridiction seront restreints aux seuls actes volontaires, et entre les parties mêmes qui les auront souscrits ; que les notaires de tous les châ-telets du royaume ne pourront en vertu de leurs privilèges exclure les notaires des lieux, mais seront tenus d’instrumenter concurremment avec eux. Art. 89. Qu’il sera procédé à la confection d’une nouvelle ordonnance civile dont le projet sera envoyé aux différents cours et tribunaux, aux facultés de droit et collèges d’avocats du royaume, pour par eux donner leurs observations, et notamment sur le terme dans lequel il importe à la tranquillité publique que les procès soient terminés. Art. 90. Pour remédier aux inconvénients et aux frais immenses qu’occasionnent les distributions du prix des biens vendus même volontairement, Sa Majesté sera suppliée de rendre incessamment un règlement qui en simplifie la procédure, sur les différents mémoires qui lui seront présentés. Art. 91. Il sera demandé par les députés qu’il sera traité dans les Etats généraux des moyens de rapprocher toutes les coutumes dans les points qui en sont susceptibles, et ce dans la forme et par suite des plans conçus et commencés par M. d’Aguesseau. Art. 92. Que les décrets forcés seront supprimés et remplacés par la vente en justice, sur une affiche et trois publications, estimation préalablement faite. Art. 93. Il sera demandé surtout avec instance, pour mettre les créanciers plus à portée de conserver leurs droits et leurs hypothèques, (que) l’extrait des contrats de vente sera publié et affiché tant à la porte de l’église paroissiale de la situation des biens qu’à celle de l’église paroissiale du domicile du revendeur; que l’enregistrement de ces publications sera fait sur la feuille de chacune des deux municipalités; que le délai de deux mois pour former opposition sera désormais de quatre mois qui ne commenceront à courir que du jour de la dernière des deux publications ci-dessus, à l’effet de quoi le certificat des municipalités sera rapporté et déposé au greffe avec le contrat; et pour donner de plus en plus aux créanciers une sûreté qu’exige l’intérêt public, que tout vendeur sera tenu d’indiquer dans le contrat de vente ses créanciers hypothécaires les plus anciens jusqu’à concurrence du prix de l’objet vendu ; faute de laquelle indication le débiteur pourra être contraint de rembourser sans délai les créanciers non indiqués et qui auront été en ordre de toucher. Art. 94. Qu’il sera fait un tarif des droits, taxes et salaires des procureurs, huissiers et autres, tant au civil qu’au criminel, taxe des témoins, etc., ledit tarif uniforme pour toutes les juridictions de même rang, et dressé d’après les mémoires adressés par chaque tribunal. Que ledit tarif sera adapté, dans une proportion déterminée et graduelle, aux juridictions inférieures et justices seigneuriales. Art. 95. Que les offices d’huissiers priseurs vendeurs de meubles seront supprimés et réunis à ceux d’huissiers et sergents ordinaires. Art. 96. Que tous huissiers et sergents des cours souveraines et châtelets de Paris et autres ne pourront se domicilier dans les provinces et y exercer qu’en se faisant immatriculer dans le siège présidial de leur résidence et en deviendront justiciables pour tout ce qui concernera leurs fonctions. Art. 97. Qu’il sera également rédigé un tarif pour les droits et vacations des notaires, eu égard aux lieux de leurs résidences, et qu’en aucun cas un notaire ne pourra être en même temps le contrôleur des actes. Art. 98. Que toutes taxes pour les notaires, procureurs, huissiers des juridictions royales, seront faites par Je lieutenant général ou premier juge assisté d’un des officiers du siège en présence des parties, sauf l’appel au bailliage ou au présidial, d’après la somme de la taxe, les tiers taxateurs supprimés. Art. 99. Que tous offices de notaires, procureurs et huissiers seront réduits au nombre nécessaire pour le service du public dans l’étendue de chaque juridiction et que dans les villes où le nombre de ces officiers est trop peu considérable pour le service public, il sera augmenté dans la proportion du besoin des lieux. Art. 100. La bonne administration de la justice [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Orléans.] flga dépendant pour beaucoup de la capacité des procureurs chargés de l’instruction, les députés demanderont qu’à l’avenir nul ne pourra être reçu dans ces places qu’après avoir subi un examen public auquel seront tenus de se rendre tous les officiers de la juridiction, à moins d’empêchement légitime et auquel seront invités les quatre plus anciens avocats du siège suivant l’ordre du tableau, et que cet examen sera de trois heures, pendant lequel l’aspirant répondra à toutes les questions qui lui seront proposées concernant les procédures civile et criminelle. Art. 101. La tranquillité des fqmilles dépendant de la validité et de la netteté des actes reçus par les notaires, il sera demandé que les formalités ci-dessus pour l’admission des procureurs auront lieu à plus forte raison à leur égard, soit qu’ils s’établissent dans les villes, soit que leur résidence soit à la campagne. Art. 102. Que suppression sera faite des offices de receveurs des consignations, et que des adjudicataires des biens vendus, et autres débiteurs, pourront consigner aux bureaux des hôtels de ville, lesquels seront autorisés à rembourser les-dits offices et percevront un droit modique sur les sommes consignées, sans pouvoir forcer la consignation. . Art. 103.' Que les receveurs et fermiers des amendes tant des cours souveraines, sièges présidiaux, qu’autres justices, et de celles des seigneurs ne seront plus recevables à poursuivre les payements desdites amendes trois ans après qu’elles auront été prononcées. � Art. 104. Que suppression sera également faite des offices de commissaires aux saisies réelles, en les remplaçant, pour l’administration des biens saisis, par un séquestre nommé par le juge ou choisi par les créanciers unis ; et de tous autres offices inutiles ou nuisibles, sans que Sa Majesté exige aucune indemnité pour ceux vacants aux parties casuelles. ( Art. 105. Que toutes lesdites suppressions, con* formément au vœu des Etats de 1614, auront lieu dans les apanages, attendu que les sujets du Hoi n’y peuvent être de pire condition, sauf l’indemnité due aux princes apanagistes. Art. 106. Que les successions déclarées vacantes seront retirées des mains de justice pour être remises en celles de curateurs intègres et solvables, choisis dans la classe des citoyens retirés des affaires et qui aviseraient aux moyens les plus prompts et les moins dispendieux pour procurer la vente des biens en se chargeant gratuitement de cette œuvre patriotique. Art. 107. Que les droits de greffe, dont l’excès et, la multiplicité met le peuple dans l’impuissance de défendre ses intérêts les plus légitimes, seront réduits et modérés, sans que les greffiers puissent décliner le tribunal auquel ils sont attachés, et que les greffes des présentations, affirmations de voyage, les offices de clercs, commis des greffes, droit de parisis, etc., seront également supprimés, le tout en accordant aux titulaires et eugagistes indemnité et remboursement de toute leur finance. Art. 108. Que les Etats généraux prochains, à l’exemple des précédents Etats détermineront le tribunal dans lequel devront se porter toutes contestations relatives à l’impôt et aux abus de sa perception, d’après la suppression de toutes les commissions ou attributions particulières. Art. 109. Il importe de conserver ,les simples juridictions royales en ordonnant qu’elles seront -composées de trois juges au moins et de donner à ces sièges un arrondissement de ressort tel qu’il serait-jugé convenable par les Etats provinciaux. A l’égard des justices seigneuriales, il est conforme à l’édit de Roussillon que tous les seconds degrés de juridictions seigneuriales, c’est-à-diro toutes les justices des seigneurs ressortissantes des autres justices seigneuriales, soient supprimés partout, de manière qu’il n’y ait plus désormais qu’un degré de justice subalterne avant de venir en la juridiction royale. En ce qui concerne les justices seigneuriales dont les appels se portent immédiatement aux sièges royaux, les Etats-généraux, jugeront s’il est plus convenable de les supprimer ou de les conserver en réunissant en une seule toutes celles qui se trouvent dans la même paroisse,' sauf l’indemnité qui serait réglée par les dits Etats et en exigeant, d’une part, que lesjuges à qui l’exercice de ces justices sera confié fussent tous gradués, résidents sur les lieux, et non Restituables sinon pour forfaiture jugée par les officiers royaux ; et de l’autre, que l’auditoire et les prisons fussent dans le lieu principal de la seigneurie. PROCÉDURE CRIMINELLE. Art. 110. Que l’ordonnance de 1670 sur l’in ¬ struction criminelle sera revue et corrigée, que les plaintes seront répondues par les sièges assemblés, que les décrets y seront rendus, le tout au nombre de trois juges, sauf le cas du flagrant délit et des vagabonds. Art. 111. Que l’instruction criminelle ne pourra se faire par les lieutenants ou ceux qui les suppléeront, qu’en présence d’un assesseur, et qu’a-près l’interrogatoire, la procédure sera communiquée à l’accusé qui pourra se choisir un conseil. Art. 112. Qu’il sera procédé à la rédaction d’un nouveau code pénal par lequel la question préalable sera abrogée en tous les cas, excepté le crime de lèse majesté, le poison, l’incendie et assassinat suç les grands chemins avec attroupement. Que la peine de mort sera réservée pour ces mêmes crimes et le meurtre. Art.' 113. Que la nature des supplices sera changée et adoucie. Art. 114. Qu’en tout état de cause les accusés seront admis à proposer 'leurs faits justificatifs ; que délai compétent leur sera accordé pour les établir, auquel cas les témoins seront, assignés à la requête du procureur du Roi, si l’accusé, êst dans la pauvreté. Art. 115. Que le serment des accusés sera abrogé et les accusés seulement interpellés de dire la vérité. Art. 116. Que tout jugement portant condamnation à peine affliqtive ne pourra passer qu’à la pluralité des deux tiers des voix. Art. 117. Que tout jugement de plus amplement informé, rendu contradictoirement, ne pourra, dans les crimes majeurs, passer le terme de trois années, et d’un an dans les moindres. Art. 118. Que l’usage de la confiscation des biens des condamnés sera abrogé' Art. 119. Qu’il ne pourra être donné aucune commission en matière criminelle et que la connaissance et jugement des accusations seront laissés aux juges ordinaires. Art. 120. Qu’il ne sera rendu aucun arrêt de dépense ou autre pour arrêter ou suspendre une instruction commencée à peine de cassation. Art. 121. Que les commissions d’assesseurs et 654 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Orléans.] procureurs du Roi, ainsi que de greffiers de la maréchaussée, seront supprimées et leurs fonctions réunies aux sièges royaux du territoire. Art. 122. Que tous les lieux privilégiés pour les malfaiteurs, banqueroutiers et gens de mauvaise foi seront supprimés sans exception. Art. 123. Que la connaissance des faillites et banqueroutes sera attribuée aux juges-consuls, lesquels seront tenus de dénoncer au ministère public les fraudes qu’ils viendraient à découvrir dans les dites faillites, sans que les poursuites puissent retarder en aucune manière les liquidations. Art. 124. Que la peine de mort sera supprimée pour les dites banqueroutes, mais que les peines infamantes, auxquelles les banqueroutiers seront soumis , seront exécutées rigoureusement et sans exception. Art. 125. Que défenses seront faites de recourir à la voie de plainte en matière d’injures et autres où il ne peut être prononcé que des défenses ou des injonctions et des réparations civiles et pécuniaires; et qu’auxdits cas les parties seront tenues de se pouvoir devant le juge civil et d’informer par enquête. ' Art. 126. Que les maisons de force établies en chaque généralité, ainsi que les dépôts de mendicité, seront soumis à l’inspection et autorité immédiate des Etats provinciaux. Art. 127. Que l’instruction d’aucun procès criminel ne pourra être arrêtée ni suspendue par ordre supérieur, sauf aux parties à recourir après le jugement à la clémence du Roi pour obtenir lettres de grâce et autres, lesquelles ne pourront être entérinées que dans le tribunal où l’instruction aura été faite. Art. 128. Que les Etats généraux concourront de tous leurs efforts pour obtenir de Sa Majesté une loi qui déclare injuste et contraire à l’humanité le préjugé qui étend aux familles la honte du châtiment infligé aux coupables, qui ordonne que le préjugé ne pourra autoriser aucune exclusion des emplois civils et militaires ou des corps ecclésiastiques ; et que la peine due aux délits sera la même pour tous les coupables, de quelque ordre qu’ils soient. Art. 129. Qu’en accordant la liberté de lapresse, les Etats généraux solliciteront une loi solennelle qui défende sous les peines les plus rigoureuses de porter dans aucuns écrits atteinte à la religion, aux mœurs, au respect dû à la personne sacrée du Roi et à l’honneur des citoyens; pour quoi tous auteurs et imprimeurs seront tenus de mettre leur nom aux ouvrages par eux faits et imprimés, et demeureront responsables desdits ouvrages. INSTRUCTION. Art. 130. Que les études dans les universités seront réformées et régénérées, les professeurs dotés, et l’instruction rendue gratuite, le tout d’après les plans et mémoires qui seront présentés par les différentes universités du royaume, notamment que dans chacune il sera établi une chaire de droit public et national. Art. 131. Que les médecins seront maintenus dans la jouissance de tous les droits et privilèges qui leur sont attribués par les ordonnances; la place de médecin du Roi réunie au collège en entier. Art. 132. Que l’exercice de la chirurgie sera assujettie à des études préalables et à des examens rigoureux, suivant les plans qui seront présentés par les différentes écoles de chirurgie du royaume. Qu’il n’y aura aucune différence entre les épreuves des chirurgiens de campagne et ceux des villes, sans aucune augmentation de droit à l’égard de ces premiers!; qu’il sera fait défense à toutes personnes d’exercer la chirurgie sansavoir été reçus et admis en la forme ci-dessus indiquée, à l’effet de quoi il ne pourra être accordé ni délivré aucuns brevets donnant permission d’exercer, et l’usage desdits brevets sçra supprimé; que tous empiriques et charlatans seront poursuivis à la requête du ministère public et punis rigoureusement. Art. 133. Que les règlements concernant la pharmacie seront surveillés et maintenus avec exactitude, que la composition et le débit des remèdes seront exclusivement confiés aux maîtres de cet art. Art. 134. Les députés demanderont l’exécution de l’édit de 1695 relativement à l’établissement des maîtres et maîtresses d’école dans les campagnes; qu’à cet effet, le curé, la municipalité et les marguillers se réuniront pour faire choix de sujets capables et de mœurs irréprochables, qu’ils présenteront à l’ordinaire ou à l’écolâtre, et que dans les endroits où les écoles ne sont pas suffisamment fondées, les Etats provinciaux y suppléeront par le moyen qu’ils jugeront le plus convenable. Art. 135. Que l’enseignement public dans les collèges sera perfectionné, qu’il sera surtout examiné dans les Etats généraux s’il serait possible de diriger essentiellement vers l’éducation publique une ou plusieurs congrégations régulières, auxquelles elle serait généralement confiée ; que dans les villes où il y a université, les collèges y soient affiliés et même érigés en faculté des arts. Art. 136. Qu’il sera établi un plan d’études uniformes pour tous les collèges, à l’exception des écoles militaires. Art. 137. Que partout où les moyens des collèges le permettront, il sera établi, en faveur des jeunes gens peu fortunés, des bourses qui ne seront accordées qu’à ceux des élèves qui auront déjà eu des succès distingués dans les collèges où elles seront fondées . DROITS DE PROPRIÉTÉ ET AUTRES OBJETS D’UTILITÉ PUBLIQUE. Art. 138. Qu’à l’exception des rentes foncières qui seront justifiées être le prix originaire de la concession, toutes autres seront remboursables sur le pied de moitié en sus du taux .de l’ordonnance à l’époque du remboursement. Art. 139. Que la faculté de recevoir le remboursement de toutes rentes foncières sur le même pied sera accordé à tous corps, communautés, bénéficiers, et d’autres gens de mainmorte, sans aucune formalité préalable, si ce n’est la présence du ministère public, à la charge par eux de faire emploi desdits remboursements sur les Etats de chaque province. Art. 140. Que l’obligation de fournir et faire valoir et autres clauses équivalentes seront annulées et le créancier tenu de se contenter de l’hypothèque spéciale sur l’objet affecté à sa rente, si mieux n’aime recevoir le remboursement sur le même pied. Art. 141. Que Sa Majesté sera suppliée de supprimer les banalités qui lui appartiennent. Art. 142. Que la faculté du jeu de fief formel- 655 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [Bailliage d'Orléans.] leraent autorisée par l’article 7 de la coutume d’Orléans, et anéantie par le parlement en 1775, contre le texte de la loi municipale et i’usage constant et invariable de la province, sera rétablie telle qu’elle était avant cette époque, ou tou t au moins assimilée à celle qui a lieu à Paris depuis la réformation de cette dernière coutume, originairement la môme à cet égard que celle d’Orléans. Art. 143. Les droits de champart étant très-onéreux et même nuisibles à l’agriculture, en ce qu’ils privent les héritages d’une partie de leurs engrais et en ce que les fruits ne peuvent être enlevés qu’après un délai déterminé, les Etats généraux seront chargés de solliciter une loi qui permette de se rédimer de ce droit, en offrant par tous les redevables d’un même canton, de payer soit une somme de deniers qui sera convenue, soit une rente en argent ou en grains, non remboursables, le tout suivant l’appréciation qui en sera faite, eu égard au produit annuel des héritages sujets audit droit. Art. 144. Qu’en attendant qu’il soit possible d’éffectuer la suppression de l’impôt sur le tabac, et de rendre à la nation la liberté de cette culture, la distribution du tabac râpé sera interdite à la ferme. Art. 145. Qu’il sera pris les précautions les plus positives pour empêcher dans tout le royaume le monopole sur le commerce des grains et assurer la subsistance du peuple. Art, 14ô. Qu’il sera délibéré sur les moyens les plus propres à établir dans tout le royaume l’uniformité des poids et mesures. Art. 147. Qu’il sera marqué des bornes plus précises entre le commerce en gros et celui de détail, et que si les communautés d’arts et métiers sont maintenues, il sera interdit aux commerçants en gros d’entreprendre sur le commerce de détail. Art. 148. Qu’en général il soit accordé au commerce liberté, immunité et sûreté; que tout privilège exclusif de copimerce accordé tant à des compagnies qu’à des particuliers sera supprimé; notamment celui d’extraction des charbons de terre des mines du Nivernais. Art. 149. Que les fabriques de toutes espèces seront affranchies du droit de marque, à la charge par chaque fabricant de marquer personnellement les marchandises sortant de sa fabrique, conformément à leurs règlements particuliers. Art. 150. Que l’ordonnance de 1673 concernant le commerce sera réformée ; que la nouvelle ordonnance fixe d’une manière irrévocable l’uniformité d’échéance des lettres de change et des billets à ordre, avec cette seule différence, que les billets à ordre causés pour valeur en marchandise auront, après l’échéance, un délai d’un mois soumis à la liberté du porteur; seulement; mais ce délai sera commun à toutes les places du royaume sans distinction. Que les lettres de change tirées par des marchands sur des marchands et à l’ordre d’un marchand, ainsi que les billets souscrits par un marchand à l’ordre d’un marchand, seront dans tous les cas du ressort des juridictions consulaires, sans que le transport qui en serait fait par endossement au prolit d’un porteur non commerçant, puisse donner lieu à décliner la juridiction. Art. 151. Que les lettres de répit et de cession ne soient accordées à l’avenir que dans le cas déterminé par la justice la plus rigoureuse et leur demande soumise à l’avis des juridictions consulaires des lieux. Art. 152. Que dans toutes les provinces traversées par de grandes rivières, le soin des turcies et levées sera con lié aux Etats provinciaux; que le balisage sera fait sous leur vigilance et leur autorité, et le contentieux attribué au tribunal qui sera indiqué par les Etats généraux. Art. 153. Que le commerce des vins et eaux-de-vie sera rendu plus facile par la destruction des entraves qu’on lui a données, notamment de la demande des certificats des décharges desdites eaux-de-vie; Que la vente des eaux-de-vie se fera par tout le royaume, au poids, comme elle se pratique en Languedoc et en Provence, et même à la. tare nette. C’est le seul moyen de réprimer les infidélités qui se pratiquent à l’égard de la jauge. Art. 154. Que les raffineries d’Orléans jouiront, comme celles des ports de mer, de la liberté de faire passer leur sucre raffiné chez l’étranger et provinces réputées étrangères, avec le bénéfice accordé par l’arrêt du conseil du mois de mai 1784. Art. 155. Que les douanes seront portées aux extrémités du royaume. Art. 156. Que l’élection des juges et consuls se fera en la manière accoutuméé; mais que le choix ne pourra tomber que sur les membres des différents corps et communautés, qui, par leurs lumières et leur mérite personnel seront jugés dignes de cette fonction. Ars. 157. Que le Roi sera supplié de ne conclure aucun traité de commerce avec les nations étrangères, sans avoir, au préalable, consulté les chambres de commerce et les juridictions consulaires établies dans les principales villes du royaume. Art. 158. Que le tarif général des droits d’entrée et de sortie des marchandises sera imprimé tous les ans, afin que les changements qui auront pu survenir dans le cours de l’année soient suffisamment connus. Art. 159. Que dans le cas où les communautés seraient conservées, les veuves auront le droit de continuer l’état de leurs maris; que cette même faculté sera étendue aux enfants et gendres des maîtres. Art. 160.' Que la disposition de la coutume de Paris qni accorde aux boulangers et boucliers le privilège pendant l’année pour leur fourniture, sera étendue à la coutume d’Orléans. Art. 161. Qu’on pourra faire du pain de tout poids et le vendre à la livre, sans préjudice de la taxe et de l’inspection des officiers de police sur la qualité, ainsi que par le passé. Art. 162. Que le droit de permission accordé aux messageries sera restreint au seul cas où les voyageurs iraient directement jusqu’au lieu où lesdites messageries ont leur destination directe avec retour et un service réglé, sans pouvoir exiger ledit droit, quand elles n’auront pas de places à donner dans leurs voitures à la première réquisition des particuliers. Art. 163. Que le privilège d’exploitation accordé aux maîtres de poste sera supprimé, sauf à être pourvu à leur indemnité par les Etats provinciaux. Art. 164. Qu’à l’exception des corps et communautés d’imprimeurs, libraires, pharmaciens, orfèvres, joailliers, serruriers et perruquiers, il sera libre à tout particulier d’exercer l’état et profession qu’il aura choisi, sous la seule condition de faire sa déclaration devant le juge de police et de rapporter certificats de vie et de mœurs ; pour laquelle déclaration sera payée la somme de trente sols, compris l’expédition en papier, sauf à être pourvu aux indemnités dues aux membres des- 656 [États gên. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Orléans.] dites communautés, pour les finances qu’ils auront acquittées ; que lesdits particuliers continueront d’être soumis à la juridiction des officiers de police, à raison de leur état, et qu’à l’égard du régime gratuit à établir dans les différents états pour l’intérêt de chacun des membres et le régime de la profession, l’édit du mois de février 1776 pourra servir de règle. NOBLESSE ET SERVICE MILITAIRE. Art. 165. Que la noblesse transmissible ne sera à l’avenir attachée à l’exercice d’aucuns offices, commissions et emplois civils. Art. 166. Sa Majesté sera instamment priée de n’accorder des lettres de noblesse que pour des services distingués et qu’après avoir pris l’avis des Etats provinciaux. Art. 167. Les députés demanderont que tous offices et places de gouverneur et lieutenants de Roi seront supprimés pour toutes les provinces et villes où la résidence desdits gouverneurs et lieutenants de Roi ne sera pas nécessaire. Art. 168. Que partout où lesdits officiers seron-maintenus, ils réuniront les lettres de commandement. Art. 169. Que tous les châteaux et forteresses appartenant au Roi qui sont dans l’intérieur du royaume seront détruits ou employés à un usage public, sur l’avis des Etats provinciaux. Art. 170. Que l’enclassement des bateliers des rivières navigables sera supprimé, comme oppressif, et qu’il y sera pourvu par des levées volontaires en affectant d’abord à cette destination les enfants trouvés élevés dans les différents hôpitaux ou dépôts de mendicité du royaume. Art. 171. Les Etats généraux seront priés de s’occuper des moyens de supprimer les milices ou troupes provinciales. Les députés demanderont que, jusque-là, par une extension déterminée par l’intérêt de la culture et des arts, les domestiques servant dans les villes seront assujettis au sort de la milice, sans exception en faveur de ceux d’aucuns privilégiés. Art. 172. Que la substitution et remplacement soit accordée à toutes les paroisses des villes et des campagnes et ne puisse l’être à la classe des domestiques servant dans les villes. Art. 173. Que le logement des gens de guerre sera à la charge des individus de tous les ordres, sans aucune exception ni privilège, si ce n’est en faveur des filles et veuves, avec faculté aux citoyens de se rédimer de chaque logement par une indemnité fixée qui sera remise entre les mains des officiers municipaux, lesquels seront alors chargés d’y pourvoir. Art. 174. Que les édits des duels seront réformés ; qu’en conséquence la peine de privation d’office ou d’emploi sera prononcée contre ceux qui auront provoqué par propos, menaces ou voies de fait, dont il sera informé, et qu’à l’égard de ceux qui ne posséderaient ni offices, ni emplois, ils seraient condamnés à la réclusion à temps ou à perpétuité, sans qu’il puisse être accordé aucune lettre d’abolition, grâce ou pardon, mais seulement commutation de peine. Art. 175. Que tous les citoyens, de quelque ordre qu’ils soient, pourront "désormais entrer dans le service militaire de terre ou de mer et parvenir à tous les grades et honneurs de cette profession par les mêmes voies qui y conduisent les membres de l’ordre de la noblesse. Art. 176. Que pour que les grades militaires soienttoujours accordés au mérite, il sera tenu dans chaque régiment un registre dans lequel seront inscrits, à la pluralité des voix d’un conseil composé à cet effet de militaires de tout grade, les actions distinguées, tant des officiers que des soldats ; et que des brevets porteront les motifs de leur concession d’après le résultat du registre ci-dessus. Art. 177. Que la loi qui inflige la peine des coups de plat de sabre, absolument contraire au caractère national, sera supprimée comme avilissante et portant le désespoir dans le cœur du soldat français, et que la peine de la prison lui sera substituée. Art. 178. Sa Majesté et les Etats généraux seront priés de prendre des mesures pour empêcher la sortie de l’argent du royaume par les annales et les dispenses en cour de Rome, et que les dispenses seront accordées à l’avenir aux évêques. ÉGLISE. Art. 179. Il sera demandé que les archevêques et évêques seront tenus de résider exactement dans leurs diocèses et d’en visiter chaque année une portion déterminée; et dans le cas où ils s’absenteraient plus de trois mois chaque année, le quart de leurs revenus sera acquis aux hôpitaux des lieux, et requérable par les administrateurs d’iceux, sur les conclusions du procureur du Roi. Art. 180. Que toutes les communautés et ordres religieux seront soumis à la juridiction de l’ordinaire. Art. 181. Le vœu de la nation sera présenté à Sa Majesté pour que nul ecclésiastique ne puisse réunir sur sa tête plus d’un bénéfice propre à assurer une subsistance honnête. Art. 182. Usera demandé que les cures de campagne seront arrondies autant qu’il est possible, de manière à être en état de comporter un vicaire. Art. 183. Que le vicaire sera logé et nourri par le curé, et recevra en outre de lui une somme annuelle de 350 livres, à la charge de ne pouvoir faire à l’avenir aucune quête, et que lesdites cures de campagne seront dotées, savoir : celles sujettes à vicaire, d’une somme 'qui soit telle qu’après avoir acquitté les impôts il leur reste 2,200 livres; et celles non sujettes à vicaires 1,500 livres. Que lesdites dotations seront faites par réunion de bénéfice et autres moyens que les évêques jugeront convenables, avec droit aux Etats provinciaux de surveiller l’exécution dudit règlement. Art. 184. Qu’au moyen desdites dotations, le casuel forcé sera supprimé et interdit à perpétuité. Art. 185. Que pour prévenir d’un côté les demandes trop étendues des curés et pour écarter de l’autre les difficultés qu’ils éprouvent, il sera rendu une loi qui fixera précisément et détermi-néinent le logement que les habitants sont tenus de fournir. Art. 186. Que les cures des villes seront, outre le logement, dotées d’une somme qui soit telle, qu’après avoir acquitté les impôts, il reste aux curés 2,000 livres et à chaque vicaire 800 livres, à la charge par lui de se loger. Art. 187. Que pour obvier à la diminution du numéraire, toutes les dotations qui seront faites par assignation sur les biens d’un bénéfice, se- [Bailliage d’Orléans.] 657 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] ront évaluées en grains sur le prix commun du I blé d’après les mercuriales, et néanmoins payables en argent, à l'option des débiteurs. Que toutes lesdites dotations seront faites , savoir : pour les cures qui étaient autrefois des vicaireries perpétuelles, par ceux qui posséderont les revenus attachés auxdites vicaireries; pour celles dépendantes des congrégations, par lesdites congrégations ; pour celles appartenant aux patrons laïques, parlesdits patrons, si mieux n’aiment lesdits patrons abandonner leur patronage, auquel cas leurs cures seront à la nomination de l’évêque diocésain qui sera tenu de les doter par union de chapelles ou autres bénéfices. Que dans lesdites dotations seront évalués et précomptés les produits de la dîme usitée dans la paroisse, déduction faite du produit des menues dîmes, lesquelles seront supprimées. Art. 188. Que pour entretenir l’émulation parmi les curés et les vicaires, et leur donner la certitude d’une retraite honnête et la récompense de leurs travaux, une partie des prébendes de chaque chapitre leur sera affectée, en sorte que les col-lateurs et patrons ecclésiastiques et laïques soient tenus de leur conférer lesdites prébendes, vacance arrivant, avec la liberté néanmoins de choisir parmi les curés et les vicaires du diocèse qui auraient au moins quinze ans d’exercice dans le ministère, les droits néanmoins des gradués réservés. Art. 189. Que le droit de déport sera supprimé et l’indemnité des bénéficiers qui en jouissent assurée par l’union des prébendes des chapitres auxquels ils appartiennent. Art. 190. Que les monastères, où la conventua-lité et la règle ne pourront être observés, seront réunis aux monastères du même ordre les plus voisins ; que les biens des premiers serviront à la dotation des cures, sous la réserve néanmoins d’une pension convenable pour les religieux des monastères détruits, dans le cas où les revenus des maisons dans lesquelles ils seront renvoyés seraient absolument insuffisants. Art. 191. Que les canons concernant la discipline et les mœurs ecclésiastiques seront mis en vigueur, leur observation maintenue par la tenue exacte des synodes diocésains; qu’en cas de négligence de la part des évêques, [de leurs officiaux et promoteurs, les procureurs du Roi seront autorisés à poursuivre la punition des abus et délits des ecclésiastiques, même sur la simple dénonciation des procureurs fiscaux des lieux. Art. 192. Les Etats généraux solliciteront une loi qui interdise toute action pour raison de défaut de causes, de formalité ou lésion, contre les aliénations faites ou à faire des biens des ecclésiastiques et autres gens de mainmorte, après quarante ans, à compter du jour du décès du bénéficier et du décès de l’acquéreur, soit que les biens soient alors possédés par les héritiers de l’acquéreur ou par des tiers détenteurs. Et à l’égard des ventes faites par les corps et communautés ecclésiastiques ou gens de mainmorte, lamêmedoi les rendra inattaquables après quarante ans à compter de la mort de l’acquéreur seulement. Art. 193. On sollicitera pareillement une loi qui portera que les baux à ferme ou à loyer des biens ecclésiastiques, gens de mainmorte, même de l’ordre de Malte, qui n’auront été faits que pour neuf ans, ne seront pas cassés ou résiliés par la mort ou changement du titulaire qui les aura faits, ensemble que les bénéficiers seront tenus de les faire conformément aux usages du pays lre Série, T. VL en ce qui concerne l’époque à laquelle lesdits baux commenceront et finiront. On demandera que par la même loi les princes apanagistes, les donataires ou légataires seront assujettis à l’entretien des baux courants faits par l'apanagiste précédent, le donateur ou le testateur. Art. 194. Il sera demandé que le quart réservé des bois des bénéficiers, corps et communautés, ne pourra être coupé que sur l’avis des Etats provinciaux. Art. 195. Que pour prévenir les scandales dans les églises et les contestations dont les tribunaux retentissent tous les jours, les droits honorifiques dans les églises seront, conformément à la pureté des principes, réservés aux seuls seigneurs patrons et hauts justiciers, sans qu'aucun autre puisse prétendre au moindre honneur pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit. Art. 196. Que le régime actuel des économats, absolument ruineux pour les familles, sera réformé de manière à assurer la conservation des biens ecclésiastiques sans épuiser en frais les successeurs des titulaires décédés. Art. 197. Quele régime administratif des forêts sera réformé et perfectionné, cette branche importante de revenu territorial encouragée, le tout d’après les plans et mémoires présentés par les juridictions établies dans cette partie. Que les Etats généraux seront chargés de s’occuper des abus et inconvénients des droits de gruerie et grairie dans les forêts, et des moyens de les faire cesser, en pourvoyant néanmoins à l’indemnité des propriétaires; que dès à présent ces droits ne pourront être prétendus que sur les bois plan» tés d’ancienneté, et relativement auxquels l’exercice desdits droits sera justifié, de manière qu’on ne puisse désormais les réclamer sur les bois nouvellement accrus, sous prétexte qu’ils sont dans la ligne de gruerie ou grairie. Art. 198. Que les particuliers ne pourront être inquiétés pour cause de voierie ou inspection des rues et routes, lorsque les réparations qui sont à faire aux maisons, même sujettes à reculemenf, n’auront pour objet que le simple entretien et ne tendront point à consolider, et que les permissions, audit cas, ne pourront être refusées. Art. 199. Que le corps de l’imprimerie jouira dans les villes, universités et corps de commerce de tous les droits qui lui sont attribués par les règlements. PACAGE. Art. 200. Que les habitants des paroisses, qui par leurs titres ont le droit de pacage dans la forêt, seront maintenus dans ce droit en se conformant par eux à l’ordonnance. CULTURE. Art. 201. Que les propriétaires et cultivateurs ne pourront être gênés dans l’exploitation de leurs héritages sous aucun prétexte et notamment de celui de la conservation du gibier en faveur des seigneurs qui ne pourront, conformément à la déclaration de 1699, pour la capitainerie de l’apanage d’Orléans, contraindre les fermiers de mettre des épines dans les prairies ni d’attacher des landons au col de leurs chiens, ni empêcher de cueillir de l’herbe dans les blés en quelque temps que ce soit, ou d’arracher les chaumes lorsqu’ils le jugeront à propos. Que pareillement les seigneurs ne pourront, 42 I 658 (États gén. 1189. Cahiers,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d'Orléans.] sôüs aucun prétexte et en vertu de quelque ordre que ce soit qu’ils pourraient avoir surpris, envoyer dans les maisons des particuliers, à l’effet d’enlever les armes qu’il leur importe de conserver pour leur défense, sauf la poursuite contre les délinquants. COLOMBIERS. Art. 202. Que désormais personne ne pourra avoir de colombiers, soit qu’il soit seigneur de fief ou même haut justicier, s’il n’est propriétaire de 200 arpents de terre, et que dans chaque colombier il n’v aura que deux boulins à raison de Chaque arpent. BANALITÉS ET DROITS DE BOUCHERIE. Art. 203. Il sera observé qu’il résulte de très-grands inconvénients et des procès multipliés des banalités de moulin, de four et de pressoir, et des droits de boucherie : en conséquence, leur suppression sera sollicitée, à la charge néanmoins par les habitants d’indemniser les propriétaires, soit à l’amiable soit d’après une estimation qui sera ordonnée par les Etats généraux. CHASSE. Art. 204. Il sera demandé que les ordonnances relatives à la chasse seront rigoureusement exécutées dans tous les points qui tendent à assurer la conservation des récoltes, et qu’il sera pris de nouvelles précautions pour mettre les propriétaires et les cultivateurs à l’abri des abus du droit de chasse et de la trop abondance du gibier. CAPITAINERIE. S Art. 205. Que les capitaineries appartenantes aux seigneurs apanagistes seront supprimées". GARENNE. Art. 206. Qu’aucune garenne ne pourra être conservée, à moins qu’elle ne soit entourée de murs. Art. 207. Que le partage des biens nobles entre roturiers ne sera sujet à aucun avantage de droit d’aînesse, sinon dans le cas d’une disposition contraire de la part du propriétaire. Art. 208. Que les Etats provinciaux seront chargés d’aviser aux moyens les plus sûrs pour la conservation des minutes de notaires seigneuriaux et même de celles des notaires royaux répandus dans la campagne. Art. 209. Que les justices royales dont le juge est dans les bourgs ou villages trop peu importants, seront transférées dans les villes les plus prochaines, où elles pourront s’exercer d’une manière plus décente et plus utile et oùd’ailleurs tous les habitants des environs sont appelés par les foires et les marchés. Art. 210. Que la mendicité commençant à se renouveler dans les campagnes, les règlements concernant les vagabonds seront remis en pleine vigueur, et, à cet effet, que les syndics et membres des municipalités des paroisses demeureront autorisés à arrêter et faire arrêter les mendiants hors leurs paroisses et à les faire conduire à la brigade la plus prochaine. Art. 211. Que les cavaliers de maréchaussée et les inspecteurs des routes ne pourront plus arrêter les voituriers, dételer un de leur chèvàux ou faire payer des amendes à leur volonté pour cause de contravention aux règlements, mais qu’ils seront tenus de suivre lesdits voituriers jusqu’au bourg suivant ou la ville la plus prochaine et de les conduire chez le juge des lieux ou son représentant, qui statuera suivant la nature de la contravention. Les cahiers de l’université d’Orléans et des communautés des notaires et procureurs de la meme ville contenant des objets très-intéressants et dont il est-impossible de présenter l’extrait, demeureront joints à ce cahier. Nous observerons en terminant que les demandes de localités et celles présentant un trop grand détail qui ont été portés dans les cahiers des différents bailliages, n’ont point été insérés dans ce cahier général, parce qu’elles nous ont paru devoir être renvoyées aux Etats provinciaux. Clos et arrêté par nous commissaires le 24 mars 1789. Signé en fin de la minute des présentes : Desnoyers; Pellerin de La Bussière, député de Boiscdmrnun ; Robert de Massy ; Pompon, avocat, député de Vitry ; Delahaye de Launay, député de Montmirail ; Perret, député du bailliage secondaire d’Yèvre-le-Ciiâiel , Peigné, député de la ville de Sully; Deme< lie, député de Beaugency; H. D. Billault; Lasneau, le jeune; Ronceret ; Salomon de La Saugerie; Champinau; Gurault ; Tassin de Villepion , et Rozier. CAHIER GÉNÉRAL Des doléances et remontrances du tiers-état du bailliage principal d’Orléans (1). CONSTITUTION FONDAMENTALE. Les députés du tiers-état aux Etats généraux demanderont : lu Qu’il soit délibéré par tête sur la question de savoir quelle sera la forme ultérieure de toutes les délibérations, laquelle délibération par tète aura lieu entre tous les ordres réunis. Et dans le cas où les deux premiers ordres se refuseraient à cette forme, le tiers-état aura recours à la sagesse du Roi pour obtenir que Davantage qui doit résulter de l’égalité de la représentation ne devienne pas illusoire. Sa Majesté sera suppliée d’ordonner que l’orateur du tièrs-élat lui présentera ses cahiers et portera la parole dans la même posture que les orateurs des deux autres ordres et ne sera assujetti à aucune distinction ni forme différentes de celles adoptée par les deux autres ordres; 2° Que la religion catholique, apostolique et romaine sera gardée et maintenue dans toute sa pureté ; que seule elle aura l’exercice public dans le royaume, que les non-catholiques jouiront de l’état" civil, mais seront tenus de garder le silence sur les matières de religion ; qu’ils n’auront ni temples, ni assemblées, ni cérémonies publiques et seront assujettis aux charges pécuniaires des paroisses ; 3° Les députés demanderont qu’avant qu’il puisse être délibéré aucuns impôts, emprunts, réformes et autres objets quelconques d’administration, Sa Majesté, conformement aux maximes (1) Nous devons la communication de ce document à M. Maupré, archiviste en chef du Loiret, qui a eu l’obligeance de nous en envoyer une copie collationnée.