309 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 mars 1791.] Le tout ainsi qu’il est plus au long énoncé aux états d’évaluations et estimations annexés au procès-verbal de ce jour». Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une adresse de la Société des Amis de la Constitution de Ruffec, qui témoignent leurs vives inquiétudes sur l’audace avec laquelle les ennemis du bien public paraissent se coaliser; ils conjurent l’Assemblée nationale de prendre les mesures les plus promptes pour l’organisation et l’armement des gardes nationales. L’ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité militaire sur les Invalides (1). M. Dubois-Cranc é, rapporteur. Messieurs, dans le rapport que j’ai eu l’honneur de vous faire, le 13 février, je vous ai dit que l’hôtel des Invalides était composé de 2,800 hommes, qui coûtent environ 2,800,000 livres. J’ai représenté que l’Assemblée, en supprimant l’hôtel, voulait accorder 1,200 livres à chaque lieutenant-colonel, 1,000 livres aux commandants de bataillon, 800 livres aux capitaines, 600 livres aux lieutenants, 422 livres aux maréchaux des logis en chef, 300 1. 10 s. à tous les sous-officiers, et 227 1. 10 s. aux soldats : tous les invalides de l’hôtel, ou presque tous seraient contents de cette somme, et préféreraient un pareil traitement à l’habitation de l’hôtel ; car la plupart évaluent encore pour le (1) Voyez Archives parlementaires, tome XXIII, séance du 13 février 1791, page 158, le rapport de M. Dubois-Crancé et le projet de décret du comité militaire sur cet objet. double de celte somme, la liberté. Ces faits sont consignés dans l’adresse suivante, où vous reconnaîtrez, et le vœu simple et précis de la très grande majorité d’entre eux, et les manœuvres de quelques individus intéressés à la conservation de cette administration, dont ils recueillent seuls les fruits : « Les officiers soussignés, après avoir fait une lecture réfléchie du rapport du comité militaire sur la suppression des Invalides et le traitement avantageux et incomparable sons tous ses rapports à celui dont ils jouissent dans cette maison, considérant que ce ne peut être que par des suggestions répréhensibles ou par un manque de confiance que tout véritable Français doit éloigner des représentants de la nation, que M. Lejeune, capitaine, s’est levé de sa table au milieu du dîner pour faire une motion et, à haute voix inviter tout le corps des officiers de se rendre immédiatement après le dîner à la salle du conseil, à l’effet de signer une pétition tendant à improuver le rapport du comité militaire; considérant encore que la conduite illégale de ce capitaine pouvait occasionner une commotion funeste, puisqu’il est vrai que M. Sagenière, officier-major, loin de s’y opposer, l’a, au contraire, favorisée, en sortant avec précipitation du réfectoire, que cette conduite paraissait absolument contraire à l’esprit d’ordre et de confiance qui doit régner parmi les hommes qui en doivent l’exemple, et voulant que, sous aucun prétexte, on ne puisse les confondre avec les ennemis du bien, ils déclarent, par la présente, qu’ils adhèrent d’avance au rapport juste et bienfaisant du comité militaire, et qu’ils attendent, avec une respectueuse et entière confiance, que l’Assemblée nationale, sous la sauvegarde de laquelle ils se mettent, veuille bien combler leurs vœux, et ont signé, 235 officiers. » A cette pétition est jointe une nouvelle adhésion souscrite par beaucoup d’autres, en sorte que le vœu contraire n’a obtenu qu’une quarantaine de signatures de personnes plus ou moins influencées par l’administration. Quant aux sous-officiers et soldats, s’il existe parmi eux des mécontents, je ne les connais pas. Je n’ai besoin que de vous rappeler que dernièrement, au sortir de votre séance, un nombre très considérable de ces braves gens étant asssemblés aux Tuileries, où l’attente de votre décision les avait amenés, un seul cri s’est fait entendre parmi les acclamations de leur reconnaissance : La pension et la liberté! Plus de 2,000 ont clairement et formellement manifesté leur vœu, et l’on ne peut pas conclure que ceux qui n’ont pas signe aient un vœu opposé ; car l’on conçoit quelle doit être l’influence de l’autorité et de l’intrigue des chefs, sur l’opinion de certains individus. Je vous ai fait voir, dans mon dernier rapport, que la suppression de l’hôtel produirait une économie de près d’un million, et le traitement honorable qu’elle vous mettrait à même d’accorder aux invalides, en justifie assez les motifs; mais examinons plus particulièrement la somme effective de cette économie, les pensions à faire aux agents de l’administration prélevées. (M. Dubois-Grancé parcourt les différentes dépenses de l’hôtel, et discute différents mémoires publiés par l’administration.) D’autres mémoires ont pour objet les compagnies d’invalides détachées. Ces êtres malheureux, relégués sur les côtes, forcés de faire un service actif sur des rochers escarpés et couverts de neige, où ils manquent souvent de tout secours,