[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 juillet 1791. J temps; la somme existant actuellement à Paris est d environ 100,000 écus, et avant que la commission soit complète, elle ira jusqu’à 400,000 livres. D’après ces dispositions, voici le projet de décret que nous vous proposons : « Art. 1er. La caisse de l’extraordinaire versera, par échange à la trésorerie, en assignats de 5 livres, pour être employés aux appoints et payements, les sommes qui devront être employées au payement des frais du culte et autres dépenses, et celles nécessaires aux appoints et payements au-de sous de 50 livres; ce versement fait sans préjudice à celui de 500,000 livres, ordonné par le décret du 4 de ce mois, dont la destination restera appliquée aux payements à faire dans la ville de Paris. « Art. 2. M. Lecoulleux, chargé de la fabrication des assignats, remettra par échange à la caisse des payements de l'extraordinaire, la somme d’assignats de 5 livres, nécessaires pour les payements au-dessous de la somme de 50 livres. « Art. 3. Les coupons des assignats de 1,000 livres, de 300 livres et de 200 livres, seront échangés à la caisse ce l’extraordinaire contre des assignats de 5 livres, sauf les appoints qui continueront à être payés en numéraire. « Art. 4. Le département de Paris prendra les mesures nécessaires pour établir, dans les sections de Paris, des bureaux d échanges des assignats de 5 livres contre d’autres ass gnats, depuis la somme de 100 livres et au-dessous. « Art. 5. Le premier versement sera d’un million pour la ville de Paris, et les personnes qui seront chargées de celte distribution, se présenteront à la caisse de l’extraordinaire, avec un mandat du département, qui indiquera la somme qu’ils apporteront à l'échange. « Art. 6. Le département de Paris pourra, en outre, autoriser une distribution par échange, aux principaux aleliers et chefs de manufactures, dans la proportion du nombre d’ouviiers par eux employés. « Art. 7. Le trésorier de l’extraordinaire échangera, sur la demande des départements les sommes qui lui seront présentées, jour ê're lcsdi-les sommes réparties sous la surveillance des départements, dans les villes de leur arrondissement. « Art. 8. Aucun particulier ne sera admis à échanger à la caisse de l’extraordinaire, s’il n’est porteur d’un mandat de son département, qui indique la somme à présenter à l’échange, et l’emploi de cette somme. « Art. 9. Il sera délivré à l’hôtel des monnaies, par échange contre des assiunat', aux employés dans les sections à la distribution des assignats, une somme en même monnaiede cuivre, laquelle sera désignée au mandat du département dont il devra être porteur. « Art. 10. Chaque personne se présentant aux bureaux d’échange d’assignats de 5 livres, dans les sec ions, pourra demander qu’il lui soit remis la somme de 5 livres, en même monnaie, par chacun des assignats de 100 livres et au-dessous, qui auront été admis à l’échange. » M. Rabaud-Saiat-Etieime. Le grand objet que vous devez vous proposer aujourd’hui, est sans doute de piévenir les accaparements. C’est sur cela que se portent la crainte et la (erreur publiques ; et quelque sage qu’ait été le dé-ciet que vous avez rendu, il y a quelques jours, pour 500,000 livres de menus assignats, pour servir à payer les appoints, il s’est néanmoins répandu dans le public une terreur panique dans la crainte que ces assignats ne fussent accaparés et vendus. Ces craintes auront l’air de se réaliser lorsqu’il arrivera infailliblement que cette même distribution de 500,000 livres répandue dans le public attiiera l’accaparement par le besoin de ce numéraire. Il n’y a aucune immoralité à ne répandre que 5 ou 600,000 livres de menus assignats, mais il y aune très mauvaise politique. 100 millions sont la somme que vous avez déterminée; mais je vous prie d’observer, Messieurs, que la somme de 100 millions de pièces de 5 livres qui peut être composée, quant aux usages habituels, de 100 millions d’écus de 6 livres, je dis que ces 100 millions de pièces de 5 livres ne sont rien en comparaison des besoins immenses de toutes les parties du royaume. Daignez, en effet, considérer que dans l’état florissant et habituel de la France il y avait une somme très considérable de numéraire ; on la portait à 1,800 millions. Ces 1,800 millions étaient composés de doubles louis qui n’étaient pas communs et qui restaient dans les coffres, des îouis circulant, et enfin des écus de 6 livres et des petits écus. C’était sur cela que roulait la grande activité des objets du commerce. On ne connaissait pas alors les espèces d’or et d’argent de la valeur de 2,000, de 1,000 de 500, de 3ü0, de 200 et de 100 livres. Mais si actuellement, et c’est encore une vérité qu’il faut observer, la plus grande partie de ce numéraire est enfouie ou dispatue, il est évident qu’il est impossible que vous suppléiez, par la très modique somme de 100 millions d’assignats de 5 livres à ces 1,800 millions qui étaient en circulation. Et si vous émettez dans le même jour cette somme de 7 à 8 millions dont vous donnez la pins forte partie à Paris, personne n’y gagne ; Paris même n’y gagnera pas ; en voici la raison ; il n’est pas un négociant, il n’est pas un banquier, et il n’est peut-être pas un député qui n’ait reçu des lettres de son département, dans lesquelles on le prie instamment de veiller au moment où paraîtront les petits assignais, afin d’en envoyer sur-le-champ en province. Je dis, et je le dis avec douleur, que du moment où ces assignats vont paraître, Paris n’en sera pas plus soulagé; car ils seront tous accaparés. On les achètera et on les payera très cher. J’ai reçu plusieurs lettres où l’on me prie instamment d’en accaparer, ce que je ne ferai pas; mais on peut voir par là le besoin instant des provinces, et par conséquent l’msuflisance des mesures que l’on vous propose aujourd’hui. J’aurais souhaité, et je le demande à M. le rapporteur, que l’on voulût bien nous dire : 1° combien il y en a de fabriqué, et 2° combien il y en aura. M. de Cernon, rapporteur. Il y en aura lundi pour 6,200,000 livres ou même dimanche soir, si ce travail peut être suivi avec activité. L’opération de la caisse de l’extraordinaire peut en fournir pour 2 millions. M. Ifcaband-Saiiit-Eüenne. Il est infiniment plus dangereux de mettre d’ab rd une portion de petits assignats, que d’attendre quelques jours de plus pour en mettre une portiuu suffisante. Je dis en deuxiè ne lieu qu’il est infini-m nt plus dangereux de n’émettre qu’une émission bornée daas Paris, que de ne pas en [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 juillet 1791.] 45 répandre simultanément dans toutes les parties du royaume. Je suppose qu'en très peu de temps vous eussiez une somme d’environ 10 à 12 millions d’assignats, en répartissant à peu près pour les premiers besoins dans les divers départements du royaume une somme qui serait suffisante, vous seriez sûrs de prévenir tous les accaparements, et c’est la chose importante. Il me paraît donc qu’il faut attendre le moment où il y aura 10 millions d’assignats, ce qui ne sera pas long, et faire une répartition, d’abord pour Paris, et ensuite pour la province. Et remarquez que dans les dispositions que vos comités ont été obligés de vous présenter, ils ont mis encore une chose qui finirait par embarrasser les départements ; ils exigent des mandats qui rendraient l’impatience des provinces beaucoup plus grande, et qui multiplieraient considérablement les demandes. M. de démon, rapporteur. Je réponds au préopinant : nous aurons à la fin de cette semaine 12 millons; eh bien, ces 12 millions là seront dbiribués à mesure de leur fabrication; vous auriez les 100 millions tout de suite, vous ne pourriez pas les diviser tout de suite; il est donc indifférent d’en avoir dans le jour une p!us grande quantité; mais il est impossible que les demandes soient faites avant que les besoins soient réalisés. M. Itabaud-Saiiit-Étienne. Messieurs, le vœu des départements est tout exprimé ; demande-t-on que les départements disent s’ils ont besoin de petits assignats?On en réclamede toutes parts. Demande-t-on que les départements expriment leur vœu ? De toutes parts ce vœu est émis. Demande-t-on qu’ils expriment la somme dont chacun a besoin? Vous ne pouvez pas la laisser à l’arbitraire. C’est ici qu’il faut déterminer, selon la somme que vous émettez, celle que vous devez leur répartir. J’observe ensuite qu’eneore une lois, pour le bien du ruyaume et de Paris, si j’avais à choisir, je préférerais que les assignats fussent envoyés dans les départements avant que d être émis dans Paris. Or, je vous observe qu’il y a 2,000 commissionnaires qui attendent l’émission des petits assignai pour les envoyer en province, au lieu qu’il n’y en a point dans les provinces pour les envoyer à Paris. ( Applaudissements .) Mais comme je ne vois aucenedifticulté àfaire ces opérations, je demande qu’il soit fait un calcul du moment où il y aura 10 millions à répartir dans chaque département; et ici un provisoire est nécessaire, et ce provisoire est bien facile. 100 millions d’assignats font environ 1,200,000 livres par département; en partant de cette règle vous ne faites tort à personne. Une autre difficulté qui va s’élever sur la monnaie de cuivre; si l’on n’a pas pu en mettre en aussi grande quantité que le décret le portait, c’est parce que le cuivre a manqué et qu’on l’a mis à un prix exorbitant. Il a fallu que la fabrication fût suspendue. Il y a des hôtels des monnaies tlans les provinces où l’on n’a peut-être rien fabriqué encore; il y en a d’autres où l’on a fabriqué avec tant d’abondance que l’on en est saturé. Ainsi cette difficulté ne doit pas être très grande, par la raison que, comme vous n’envoyez qu’une modique portion d’assignats, il ne faut qu’une modique portion de cuivre. Je vous prie d’observer encore, Messieurs, que vous êtes à la veille de décréter une émission de menue monnaie d’argent. J’espère que vous rendrez demain le décret. Vous aurez avec cette émission de menue monnaie d’argent, de quoi faire les échanges des assignats avec la plus grande liberté. Je demande donc qu’on ne 3’arrête pas du tout à l’émission de la menue monnaie de cuivre, qui est suffisante avec la quantité actuelle des petits assignats, et que l’on veuille s’occuper uniquement de la proposition de M. Camus. M. Camus. Il paraît que le préopinant voudrait qu’on envoyât d’abord une abondante quantité de petits assignats dans les différents départements. Il paraît aussi que l’Assemblée n’a pas beaucoup goûté l’idée de faire venir d’abord des sommes des départements pour recevoir de petits assig iats. On a craint que cela n’en retardât l’émission. Il me semble qu’il y a un moyen de pourvoir à ceci, de faire l’émission promptement, et d’en envoyer aussitôt dans les départements. Je ne parle point ici des échanges, je parle seulement de la somme qui est à la trésorerie. C’est la nécessité où le Trésor public est d’acheter le numéraire; ce numéraire coûte extrêmement cher; il en coûte 90,000 livres par semaine, et je crois que cette dépense est bonne à éviter. Je crois qu’il est natuiel que l’on n’ait pas donné de petits assignats à la trésorerie. On n’en a pas envoyé dès lundi dernier, conformément à votre décret, parce qu’on a craint l’accaparement. Eh bien, je crois que cela ne peut pas empêcher de payer les appoints au Tiéor public avec de petits assignats, parce que ensuite c’est à ceux qui veulent avoir beaucoup de petits assignats à payer l’accaparement Ainsi je p rsiste à ce que l’on donne lundi prochain, sans plus tarder, au Trésor public et à la caisse de l’extraordinaire, de quoi payer les appoints, c’est-à-dire des assignats au-dessous de 50 livres. Ensuite j’annonce que l’on doit faire un envoi très prochain, le 12 ou le 13, dans les différents départements, pour payer les frais du culte. Je demande donc qu’on fasse cet envoi, qu’on le fasse en assignats de 5 livres. Alors vous enverrez dans les départent mis, par voie toute naturelle, les petits assignats, et la précaution à prendre ensuite, ce sera que, dans les départements, on ne donne pas tous les petits assignats en payement aux ecclésiastiques. Ainsi en adoptant deux propositions, vous répandrez dans les différents départements une grande quantité d’assignats de 5 livres, sans avoir besoin d’ouvrir une voie d’échange dans le moment. M. de Cernon, rapporteur. II y a une grande difficulté : comment la caisse de l’extraordinaire recevra-t-dle les comptes? M. Gaultier-2£iauzat. Dès que la nation a des payements à faire, il n’y a pas lieu à un retour; d’ailmurs ce retour ne devient pas nécessaire : j’insis e sur la proposition de M. Camus, mais je demande un peu plus d’accélération; et dès qu’il y a des assignats tout prêts, je lais la motion bien expresse qu’on en envoie à chaque départementaux personnes qui sont chargées de faire ce payement. M. d’André. Tout le monde est d’accord qu’il