SÉANCE DU 9 FRIMAIRE AN III (29 NOVEMBRE 1794) - N° 50 321 plus grand tort à la République, et que son écrit en fournissait la preuve. En attendant le rapport que doit lui faire son comité de Salut public sur les colonies, je demande que la Convention désavoue l’écrit publié sous son nom par le représentant du peuple Gouly. *** : Le décret dont vient de parler notre collègue Pelet, et qui autorise chaque membre de cette assemblée à publier ce qu’il croira utile à l’intérêt général et à donner de l’activité au commerce, a donné lieu à la naissance de plusieurs feuilles qui circulent dans le public, et qui font le plus grand mal. Je demande qu’à l’avenir aucun député ne puisse faire imprimer un ouvrage sans qu’il ait été approuvé par un censeur qui.... (Les plus violents murmurent éclatent dans toutes les parties de la salle.) La liberté de la presse! s’écrient plusieurs membres. *** : J’entends parler des ouvrages que l’on annonce être approuvés par la Convention nationale, et alors ils doivent être lus par un.. ..(Nom-veaux murmures.) BOURDON (de l’Oise) : Voici la rédaction que je propose : La Convention nationale déclare que l’écrit de Gouly ayant pour titre : Vues générales sur l’importance du commerce des colonies, et le caractère du peuple qui les cultive, ainsi que sur les moyens de faire la constitution qui leur convient, contenant 72 pages in-4°, et finissant par ces mots, et de faire exécuter le présent décret sans délai, n’a pas été imprimé par son ordre, ni par celui d’aucun de ses comités, et qu’elle en improuve les principes. Ce décret est adopté. LE CARPENTIER : Dans l’ouvrage dont l’Assemblée vient de désapprouver les principes, il est dit formellement que la constitution des colonies doit être indépendante de la nôtre; que si Saint-Domingue consent à recevoir les conseils de la France, elle ne doit jamais en recevoir les lois. C’est un représentant du peuple qui tient ce langage; c’est un homme qui est censé avoir contribué à donner à la France une constitution républicaine, qui en lie toutes les parties, qui cherche maintenant à la démembrer. Si un représentant du peuple pouvait impunément attenter ainsi à l’imité et à l’indivisibilité de la République, il en résulterait les plus grands malheurs. Je demande que le comité de Sûreté générale porte ses regards sur l’écrit de Gouly, et vous en fasse un rapport. PELET : En désavouant les principes renfermés dans l’ouvrage de Gouly, l’Assemblée a fait tout ce qu’elle devait faire. Si vous adoptiez la proposition qui vous est faite, vous attenteriez au droit sacré des opinions et à la liberté de la presse. Quoiqu’on en abuse, elle doit exister dans toute sa latitude. Je demande l’ordre du jour sur la proposition de Le Carpentier. *** : L’abus qu’on vient de faire d’un décret qui permet aux représentants du peuple de faire imprimer tout ce qu’ils croient utiles aux intérêts de la République prouve que ce décret doit être rapporté. Je demande que la Convention nationale décrète qu’aucun de ses membres ne pourra faire imprimer une opinion sous son nom qu’après que cette opinion aura été lue à la tribune. [GUYOMAR: Le titre suffit, il porte: Vues générales sur l’importance du commerce des colonies, sur l’origine et le caractère du peuple qui les cultive, ainsi que sur les moyens de faire la Constitution qui leur convient. Quoi ! La Constitution démocratique ne leur conviendrait pas ! La Convention en donnerait-elle jamais une autre ! (Vifs applaudissements.)] (90) Les propositions de Bourdon sont décrétées. L’Assemblée passe à l’ordre du jour sur cette proposition (91). 50 Un membre [OUDOT], au nom du comité de Législation, propose le décret ci-après, qui est adopté. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation, sur la pétition du citoyen Gris, maître de forge à Larrey, district de Châtillon-sur-Seine [Côte-d’Or], tendante à savoir si l’article XII de la loi du 29 septembre 1793 (vieux style), relative au prix des denrées, qui confirme les marchés faits à longues années avant la loi du maximum , et qui ont pour objet des marchandises non-fabri-quées avant cette loi, et dont la fabrication est augmentée par le salaire en vertu de cette même loi ; Considérant qu’il seroit injuste de forcer à livrer des marchandises qui n’auroient point été fabriquées à l’époque de la loi du maximum , à un prix inférieur, lorsque le prix de la fabrication auroit été augmenté par cette même loi : Décrète que, dans tous les marchés antérieurs à la loi du 29 septembre 1793, qui avoient pour objet des marchandises qui n’étoient pas fabriquées à cette époque, et dont la fabrication a augmenté par le prix du salaire des ouvriers fixé par cette loi, les vendeurs pourront exiger une indemnité. (90) Débats, n° 797, 991. (91 ) Moniteur, XXII, 625-627; C. Eg., n° 833; J. Perle t, n° 797 ; M.U., n° 1357. 322 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Cette indemnité sera fixée de gré à gré par les vendeurs et les acheteurs, ou par des experts, d’après l’augmentation de la fabrique des marchandises, résultant de celle des salaires des ouvriers qui a eu lieu en vertu de la même loi (92). OUDOT: La loi du 29 septembre 1793, en fixant le maximum du prix des denrées, dit, article XII : « Que les marchés passés à des prix inférieurs au maximum seraient exécutés comme ils pouvaient et devaient l’être avant le présent décret. » Cette loi porte, article VIII : « Que le plus haut prix des salaires et journées sera fixé au même taux qu’en 1790, auquel il sera ajouté moitié de ce prix en sus. » Les ouvriers des maîtres de forges ont réclamé l’exécution de cette disposition. Des maîtres de forges ont fait, avant la loi, des marchés de fournir, à d’autres maîtres de forges, des fontes en gueuse. Comme le prix a été calculé sur les dépenses d’alors, il s’est trouvé inférieur à celui fixé par la loi du maximum du district. Les acheteurs ne veulent pas payer les fontes au-dessus du prix de leurs marchés. Abusant de l’article XII, ils exigent impérieusement l’exécution de ces marchés, pour gagner des sommes considérables en ruinant les vendeurs, tandis que ceux-ci sont obligés de payer des prix de fabrique bien plus considérables aux ouvriers qui exigent l’augmentation portée par la loi du 29 septembre. Le citoyen Gris a vendu, le 4 novembre 1787 (vieux style), aux citoyens Georgin et Boromée, quatre cent mille livres de fonte en gueuse par an, pendant huit ans, à commencer du mois de mars 1788, au prix de 68 livres le millier. Depuis la suppression de la marque des fers, ce prix a été réduit à 61 liv. 8 s. 9 d. La loi du 29 septembre ayant augmenté considérablement les mains-d’œuvre, les citoyens Georgin et Boromée se sont refusés à toute augmentation, à cause de la disposition de l’article XII. Plusieurs questions semblables ayant été portées devant les tribunaux, les juges ont ordonné l’exécution pure et simple des marchés, parce qu’ils ne peuvent se permettre d’interpréter une loi. La loi du maximum a voulu mettre un frein à la cupidité des marchands ; mais l’article XII, en confirmant les marchés faits, n’a sûrement pas entendu parler de ceux qui ont pour objet des marchandises qui ne sont pas fabriquées. Votre comité a pensé qu’il serait effectivement contraire à l’esprit de la loi, qu’il serait injuste que l’on forçât à livrer, en vertu de la loi du 29 septembre, des marchandises au-dessous du maximum, dont la fabrication aurait été augmentée par cette même loi. Il a cru que cela n’avait nullement été dans le vœu des législateurs, mais qu’il était nécessaire d’expliquer nettement à cet égard l’intention de la Convention nationale. (92) P.V., L, 187. C 327 (1), pl. 1432, p. 56. Il m’a chargé de vous proposer le projet de décret suivant : «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la pétition du citoyen Gris, maître de forge à Larrey, district de Châtillon-sur-Seine, tendant à savoir si l’article XII de la loi du 29 septembre 1793 (vieux style), relative au prix des denrées, qui confirme les marchés passés à des prix inférieurs au maximum, comprend aussi les marchés faits à longues années avant la loi du maximum, et qui ont pour objet des marchandises non fabriquées avant cette loi, et dont la fabrication est augmentée par le salaire accordé aux ouvriers en vertu de cette même loi ; Considérant qu’il serait injuste de forcer à livrer des marchandises, qui n’auraient point été fabriquées à l’époque de la loi du maximum, à un prix inférieur, lorsque le prix de fabrication aurait été augmenté par cette même loi ; Décrète que, dans tous les marchés antérieurs à la loi du 29 septembre 1793, qui avaient pour objet des marchandises qui n’étaient pas fabriquées à cette époque, et dont la fabrication a augmenté par le prix du salaire des ouvriers fixé par cette loi, les vendeurs pourront exiger une indemnité. Cette indemnité sera fixée de gré à gré par les vendeurs et acheteurs, ou par des experts, d’après l’augmentation de la fabrique des marchandises, résultant de celle des salaires des ouvriers, qui a eu lieu en vertu de la même loi. » Ce décret est adopté (93). 51 Le même membre [OUDOT] et au nom du même comité [de Législation], pour la réorganisation et le complément des autorités civiles, propose les décrets suivants, qui sont adoptés (94). a Noms des citoyens présentés par le comité de Législation pour compléter le comité civil de la section de V Indivisibilité [Paris]. Les citoyens, Morand, vivant de son revenu, rue de la Perle ; Lemaire, ancien menuisier, rue Culture-Catherine ; Prousteau, propriétaire, rue des Tour-nelles. La Convention nationale, sur la proposition de son comité de Législation, décrète : (93) Moniteur, XXII, 624-625. (94) P.-V., L, 188. C 327 (1), pl. 1432, p. 57. Moniteur, XXII, 627, mention. Oudot rapporteur selon C*ü, 21.