203 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 avril 1791.] tfement à leur but. Mais vous, quel est le vôtre? Ils se disent, comme vous, les amis de la Constitution, de la Révolution et vous avez la lâcheté de dire, comme eux, que tous nos maux sont dû aux ennemis de la Révolution ! — Vousjusti-titiez la persécution par l'horreur qu’elle inspire ; comme eux, vous laissez croire que les victimes des désordres en sont les auteurs ; et au lieu d’attaquer la sédition, la révolte, les dénonciateurs, les fureurs, les motions sanguinaires, vous calomniez la douleur etj’effroi qu’elles répandent ! Hommes faibles, vous avez tout perdu et vous n’échapperez point à la fureur que vous caressez! Les tigres, après avoir égorgé le troupeau, épargnent-ils les chiens timides qui n’ont suie défendre? Que signifie maintenant cet amour dont vous vous vantez pour la liberté, et votre respect pour les lois? Eh bien, si vous êtes des hommes libres, si vous respectez les lois, montrez-nous le tribunal et le supplice qui attendent ceux qui les violent ! Si vous êtes des hommes libres, pourquoi courbez-vous bassement la tête sous le ’ougdes factieux ? Pourquoi ces cris féroces, dans es rues de la capitale, ne sont-ils pas réprimés ? Pourquoi les clubs et les sections osent-ils délibérer sur les plus grands intérêts de l’Etat en présence du Corps législatif oui se tait? Pourquoi laissez-vous étouffer la voix aun honnête homme qui ose parler? Que signifient nos longues séances, nos discussions oiseuses, pendaut que tout périt sans que l’on daigne s’en occuper? L’arrêté d’un club, celui d’une section, l’orateur du peuple, voilà les décrets auxquels on obéit, et nous le souffrirons, nous, lesgardiens, les dépositaires desdroits et des pouvoirs de la nation! Eh bien, quand je serais seul à le dire, qu’elle apprenne par ma voix que le roi, les lois, la liberté et ses représentants sont méconnus 1 Que si, sans égard aux dissentiments misérables qui nous divisent, tous les bons citoyens ne concourent au maintien de l’ordre public, l’Etat est dissout! Que si les factieux ne sontpromptement réprimés, le roi et l’Assembiée ne sont plus en sûreté. Signé : MALOUET. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHABROUD. Séance du mardi 19 avril 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresse de la Société des amis de la Constitution , séant à Brignolles, par laquelle ils demandent qu’il soit annuellement appliqué des fonds au rachat des Français esclaves chez les nations bar-baresques. (Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.) Procès-verbal de l'assemblée électorale du district de Charolles, contenant la nomination des curés qui remplacent ceux qui ont refusé de prêter le serment civique. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. Adresses du directoire du département de l’Yonne, du directoire du district de Tonnerre, des officiers municipaux d' Alençon, de la communauté de Fon-tenay-en-Gatinais , de la garde nationale de Dar-netal-lès-Rouen, et des habitants du bourg de Po-ligny, département du Jura, qui expriment les plus vifs regrets sur la perte de M. de Mirabeau. Ils ont arrêté de porter le deuil et de faire célébrer un service solennel pour honorer sa mémoire. Adresse de l'assemblée électorale du département delà Lozère, qui annonce que, malgré les obstacles qu’elle a éprouvés de la part de plusieurs de ses membres, elle est parvenue à choisir pour nouvel évêque M. Nogaret, curé de la Canourge, aussi recommandable par ses talents que par ses vertus. Elle envoie le procès-verbal de cette nomination. Elle demande si les élecieurs fonctionnaires publics, qui ont refusé de concourir à l’élection du nouvel évêque, ne doivent pas être déchus de leurs fonctions. (Cette adresse est renvoyée au comité des rapports.) Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des citoyens actifs de la ville de Seillans, département du Yar ; ils demandent la conservation de leur curé. Adresse de la Société des amis de la Constitution séant à Montaubao, qui demande que tous Ie3 prêtres confesseurs, et tous les instituteurs del’un et l'autre sexe, soient tenus de prêter le serment civique. Adresse des officiers municipaux de Clichy-la - Garenne, contenant le procès-verbal de la prise de possession de M. Lemaignen, nouvellement élu curé de cette paroisse. Adresse des administrateurs composant le directoire du département de la Dordogne, qui expriment leur surprise extrême sur l’inculpation qui leur a été faite, dans le sein de l’Assemblée nationale, d’avoir rétabli l’usage de la corvée; ils protestent de leur entier dévouement pour l’exécution des décrets. Adresse du directoire du département du Gard , qui annonce qu’il a arrêté de porter le deuil pendant 3 jours pour la mort de Mirabeau. Adresse des amis de la Constitution de Caen , qui protestent de leur soumission aux lois. Adresse des amis de la Constitution de Guéret , qui protestent de leur attachement aux lois : ils annoncent qu’ils redoublent d’effort pour maintenir l’ordre public. Adresse de la Société des amis de la Constitution séant à Aix , qui témoigne sa douleur sur la mort de Mirabeau, et qui réclame le cœur de ce grand homme. Pétition de Claude Saintomer , citoyen de Paris, qui propose d’abolir la manière de procéder, au civil, à la procédure par comparaison d’écritures; elle contient un projet de loi sur la meilleure forme pour administrer cette procédure. (Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.) M. le Président. M. Lucas, sculpteur, ami de Mirabeau, et qui a sculpté son buste de son vivant, en fait hommage à l’Assemblée nationale. Il se flatte qu’elle verra avec plaisir l’empressement des artistes multiplier les images d’un des plus ardents défenseurs de la liberté, mis, par les représentants de la nation, au rang des grands hommes. M. l’abbé Major, professeur au collège royal de Bar-le-Duc, fait hommage à l’Assemblée natio- (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |19 avril 1791.] m nale d’un ouvrage intitulé : Tableau d’un collège en activité, suivi d’une lettre à ses compatriotes, les citoyens de Rambercourt, pour donner une idéederinstruction qui convient aux campagnes. Monsieur l’abbé Major a déjà fait, l’année dernière, à l’Assemblée nationale le don pairiolique d’une sphère mouvante, qui représente le système du monde en petit tel qu’il est en grand. (L'Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable de ces deux hommages dans le procès-verbal et accorde les honneurs de la séance à MM. Lucas et l’abbé Major.) M. le Président. M. Barthélemy fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage en salpêtre. (L’Assemblée renvoie son adresse au comité militaire et lui accorde les honneurs de la séance.) M. le Président. M. Menuret, docteur en l’université de médecine de Montpellier, présente à l’Assemblée deux ouvrages: l’un, sur les moyens de former de bons médecins, sur les obligations réciproques des médecins et de la société, avec un projet d’éducation nationale relative à cette profession ; l’autre sur la culture des jachères, couronné par la Société royale d’aariculture. (L’Assemblée renvoie le premier de ces ouvrages au comité de salubrité, le second à celui d’agriculture et accorde à M. Menuret les honneurs de la séance.) Un de MM. les secrétaires donne lecture: 1° D’une adresse des amis delà Constitution de Marseille , qui proposent à l’Assemblée de faire quelques changements à l’uniforme des gardes nationales; 2° D’une adresse de la commune des Arts , qui demande uu réglement d’organisation. (Ces deux adresses sont renvoyées au comité de Constitution.) M. le Président. Messieurs, vous avez renvoyé hier à votre comité diplomatique une adresse des Etats de Porentruy et vous avez en même temps décrété que lecture de cette adresse vous serait faite à la séance de ce soir. M. Boissy-d’Anglas, secrétaire, va vous faire cette lecture: M. Boissy-d’Anglas, secrétaire , lisant: » Adresse des Etats de la principauté de Porentruy à l'Assemblée nationale. « Les moments de l’Assemblée sont précieux ; les réclamations des exposants seront claires et simples. La vérité s’affaiblit par les divagations et l’apprêt lui donne l’air du meusonge. * La principauté de Porentruy tient à la fédération germauique; elle n’a que des rapports d’alliance avec les cantons suisses. « En 1731, des troubles s’y élevèrent; le prince-évêque avait entrepris sur les Etats ; le peuple se plaignit du prince; l’autorité du chef de l’Empire et les lois communes à la confédération germanique furent invoquées; un commissure impérial se rendit à Porentruy. L’affaire subit un long examen, et ce ne fut qu’en 1736 qu’intervint une seutence du conseil aulique impérial ne Vienne. En conséquence de cette sentence, le rince-évêque est constitutionnellement t> nu 'accorder à ses sujets la convocation des Etats, toutes les fois qu’elle est requise par ceux-ci ; et il ne lui est permis de la refuser qu’autant qu’il peut donner des raisons preignantes et bien fondées de son refus. « De 1736 à 1739, les peuples lésés, à ce qu’ils pensaient, par cette décision, témoignèrent des inquiétudes sur le pouvoir qu’on laissait au prince d’alléguer des prétextes pour ravir à des hommes libres le droit de prendre part à leurs intérêts les plus légitimes, et des troubles éclatèrent. Le prince-évêque sollicita les forces impériales pour mettre à exécution la sentence, et il en obtint. « L’Etat de Bâle, rigoureusement attaché aux principes de la confédération helvétique, déclara qu’il ne souffrirait nas le passage des troupes impériales sur le territoire des cantons. Le chef de l’Empire renonça à seconder les prétentions de l’évêque. Alors ce dernier recourut à la France. « En 1739, il fut fait une convention entre Sa Majesté très clémente et le prince-évêque. Ce fut en conséquence de cette première convention que, dés l’année suivante, à la sollicitation du prince, des troupes françaises entrèrent dans le pays. Elles y séjournèrent plus d’un an; et la sentence de Vienne fut mise à exécution, grâce à leurs baïonnettes. « En 1742, le pays étant épuisé par le séjour des troupes françaises, les Etals furent convoqués, afin de pourvoir au remboursement des dépenses occasionnées. Depuis cette époque, les Etats ne furent plus rassemblés, et ces dépenses ne sont pas encore acquittées. « En 1780, la convention de 1739 entre Sa Majesté très clémente et le prince-évêque, relative à l’engagement réciproque pris par eux de ne pas souffrir que leurs ennemis et adversaires respectifs s’établissent dans leurs pays, et de ne leur accorder aucun passage pour aller attaquer l’autre, fut reprise, étendue et modifiée dans un traité conclu à Versailles, le 20 juin. « En 1785, le prince-évêque produisit au président et syndic des Etats qu’il ne convoquait plus, un compte où étaient portées entre autres choses les avances faites par lui, pour raison du séjour des troupes qu’il avait fait venir en 1740. Les Etats, pour toute réponse, demandèrent leur convocation, et annoncèrent leur résolution de réitérer cette demande jusqu’à ce qu’elle leur eût été accordée. t Le prince, dérogeant lui-même à la sentence du conseil impérial devienne de 1736, n’en a pas moins mis de persévérance à rejeter cette demande en se dispensant même d’alléguer des prétextes, au lieu des raisons preignantes sous lesquelles constitutionnellementil ne pouvait s’y refuser. « Au mois de septembre dernier, la convoca-tiondes Etats ayant encore été demandée, le prince écrivit à l’Etat de Bâle, que, ne pouvant se refuser à la convocation des Etats, il lui demande du secours. L’état de Bâle conseilla à son évêque de ne pas employer la violence, et de demander, comme en 1731, un commissaire impérial qui entendrait ses sujets. Au lieu d’écouter ce sage conseil, le prince-évêque préférant toujours les extrêmes et les mesures véhémentes, s’adressa à Sa Majesté impériale pour lui demander des troupes, sous prétexte qu’il en avait besoin pour l'ordre public et la sûreté de sa personne. « L’empereur, sur ce simple exposé, accorda des troupes exécutrices contre des sujets tranquilles et paisibles, et qui n’avaient rien à se reprocher. Persuadé sans doute que les troupes