SÉNÉCHAUSSÉE DE HENNES. CAHIER Des charges , instructions , vœux et griefs du peuple de la sénéchaussée de Rennes , arrêté dans Rassemblée de cette sénéchaussée , ternie le 7 avril 1789 et jours suivants (1). L’assemblée des représentants du peuple de la sénéchaussée de Rennes a donné à ses députés aux prochains Etats généraux du royaume les charges et instructions suivantes, selon l’ordre de matières qu’elle croit le plus avantageux d’observer dans les délibérations à prendre par lesdits Etats. TITRE PREMIER. Droits , forme et police de l'assemblée des Etats généraux de 1789. Art. 1er. Le pouvoir législatif appartenant à la nation, et devant être exercé par ses représentants, c’est à eux une fois réunis qu’il appartient de régler les formes et la police de leur assemblée, et de déterminer tout ce qui pourra rendre ses opérations vraiment utiles à l’Etat et aux citoyens. Art. 2. C’est par une erreur funeste que ce qu’on appelle le tiers-état, ce qui compose plus. des quatre-vingt-dix-neuf centièmes de la nation, a été qualifié d’ordre et mis en balance avec deux classes de privilégiés ! Cette erreur doit cesser, et ce qu’on a jusqu’ici nommé le tiers-état dans le royaume, sera compris avec ou sans les privilégiés sous la même dénomination et appelé peuple ou nation, seuls nums qui soient véritables et qui puissent convenir à la dignité du peuple ; cette dignité sera toujours présente aux yeux de ceux qui auront l’honneur de le représenter ; ils ne souffriront pas qu’il reçoive nulle part dans leur personne ou autrement aucune humiliation. Nulle classe de citoyens n’a droit de lui en faire éprouver; la majesté du prince en serait blessée; il sera aux Etats généraux un père au milieu de ses enfants ; il ne saurait être jamais plus grand et plus chéri que lorsqu’ils y seront tous traités avec les mêmes égards. Art. 3. Les seuls députés aux Etats généraux auront séance dans le lieu de l’assemblée pendant les délibérations ; il n’en sera pris aucune en présence des commissaires de Sa Majesté. Les personnes qui ne seront pas du nombre des députés pourront se placer dans les tribunes, dont la police appartiendra exclusivement aux Etats généraux. Art. 4. Toutes délibérations définitives seront prises dans l’assemblée générale, et par tête, la délibération par classe des privilégiés ne pouvant qu’anéantir l’esprit public, faire dominer l’esprit de corps, multiplier les querelles, mettre un obstacle éternel aux lois et aux réformes les plus nécessaires ; enfin soumettre ving-cinq millions (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : Archives de l’Ouest , par M. A. Proust. d’hommes aux despotiques volontés de quelques milliers d’individus. Art. 5. Aucun député aux Etats généraux ne sera comptable au pouvoir exécutif avant ou durant, ou après sa mission, d’aucunes paroles, d’aucuns écrits, soit à la main, soit imprimés, d’aucunes démarches relatives aux affaires publiques, sauf la police intérieure et correctionnelle qui sera exercée par les Etats généraux sur tous les députés. Art. 6. Il n’y aura qu’un seul président pour toute l’assemblée; il sera hebdomadaire et pris indifféremment parmi le peuple nu parmi les deux classes maintenant privilégiées de la noblesse ou du clergé, et n’aura point de voix prépondérante. Art. 7. Le président seul aura un siège particulier, tous les autres sièges seront égaux et chacun se placera indistinctement. Art. 8. Les commissions, députations, et bureaux choisis dans le sein des Etats généraux, seront toujours nommés par Rassemblée générale, et les commissions toujours au scrutin, le scrutin repris jusqu’à ce que chaque commissaire ait au moins la moitié des voix. Art. 9. On fera publier jour par jour, autant que faire se pourra, tout ce qui aura été arrêté dans Rassemblée. TITRE IL Déclaration des droits et Constitution. Art. 10. Ne pouvant se flatter, pour bien des raisons, de dresser et de former dès à présent la Constitution et les lois les plus avantageuses, persuadés que les individus actuels ne peuvent pas lier leurs descendants et les empêcher de perfectionner la Constitution et les lois, convaincus d’ailleurs de la nécessité de rassembler en un seul corps les principes éternels de l’ordre social après lesquels on puisse corriger dans la suite les défectuosités et les abus qu’on parviendrait à reconnaître, les députés aux Etats généraux commenceront leur travail sur la législation par une déclaration détaillée des droits essentiels des citoyens et de la nation, de ces droits qui ne doi: vent ou ne peuvent être abrogés par aucune loi humaine. Cette déclaration aura pour base relativement aux citoyens, la liberté, la sûreté des personnes et l’égalité la plus parfaite de tous les individus devant la loi et l’impôt, devant le Roi et tous les dépositaires de l’autorité. Par rapport à la nation, il sera reconnu que dans elle seule réside la plénitude du pouvoir exécutif. Art. 1 1. Conformément à ces principes qu’on aura développés dans la déclaration des droits, il sera dressé une Constitution, autrement un pacte social de la nation française dont tous les articles seront lois fondamentales du royaume. Art. 12. Suivant cette Constitution, le pouvoir législatif sera exercé par le concours du Roi et des Etats généraux de la manière qui va être expliquée. [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Rennes.] 539 Art. 13. Les Etats généraux seront composés des députés de toute la nation complètement et uniformément représentée dans tout le royaume sans distinction d’ordre. Toutes les classes du peuple de la ville et de la campagne seront appelées à fournir et choisir des députés sans aucune prépondérance, sans aucun avantage légal d’une classe sur l’autre. ' Art. 14. Les éléments de cette représentation seront dans les assemblées de paroisse ou de succursale. Ces assemblées députeront à l’assemblée de canton et de district convenablement arrondi; les assemblées de district députeront aux Etats provinciaux et même directement aux Etats généraux, afin que les députés à la grande assemblée nationale soient pris, le plus près qu’il sera possible, du peuple qu’ils doivent représenter. Art. 15. Seront admis dans les assemblées de paroisses, comme électeurs et éligibles, sauf les exceptions ci-après, tous lescitoyens âgésde vingt-cinq ans, et payant une somme déterminée d’impôt réel ou personnel ; on y admettra aussi les procurateurs des veuves dont les maris auraient pu y voter ; il sera réglé si leur suffrage personnel sera compté en pareil cas et s’ils pourront avoir deux avis différents Nul citoyen ne pourra voter en deux paroisses ou succursales. Art. 16. Dans chaque assemblée de province ou de district, et dans toutes les assemblées d’Etat, il n’y aura qu’un seul président; il sera électif et éligible dans toutes les classes de citoyens; il sera hebdomadaire et sans voix prépondérante. Le nombre des députés ecclésiastiques ou nobles sera toujours proportionnel au nombre des votants de chacune de ces deux classes, sans pouvoir excéder cette portion. Art. 17. Pour la régler, les nouveaux nobles et anoblis seront toujours compris parmi les autres nobles. Et en attendant la suppression de la féodalité, les juges, procureurs fiscaux, officiers, receveurs et agents des seigneurs ne pourront voter dans lesdites assemblées, sinon comme procurateurs de veuves nobles ou des communautés religieuses; seront absolument exclus les magistrats de cour souveraine, les subdélégués des commissaires départis, les employés ou appointés dans les fermes ou régies du Roi ou des provinces, enfin les employés sous l’autorité des assemblées de paroisse ou de district des Etats généraux ou provinciaux. Art. 18. Les députés aux Etats généraux seront payés sur les fonds de leur province ; ils auront une somme fixe par jour, la même pour tous et chacun d’eux. Ils ne pourront, pendant la tenue à laquelle ils auront représenté, ni dans les trois années suivantes, accepter du Roi ou de ses ministres aucun présent ou émolument, emploi, titre ou dignité, à peine de nullité et de privation de tous les droits aux assemblées de paroisse, de district ou de province. La même règle aura lieu à l’égard des députés aux Etats provinciaux ; nul ne pourra être député à deux tenues successives d’Etats généraux. Art. 19. Les Etats généraux permanents et dont les membres seraient renouvelés périodiquement paraîtraient plus avantageux, mais ils seront au moins périodiques, et attendu les réformes urgentes qui ne peuvent facilement s’opérer, dés 1 789, le premier retour des Etats généraux sera en deux ans, à compter de leur clôture. Dans le cas de changement de règne, ou dans celui d’une régence, ils seront assemblés extraordinairement dans un délai de six semaines oü deux mois. On ne négligera aucun des moyens propres à assurer l’exécution de ce qui sera arrêté sur tous les ot jets de cet article, et ces moyens feront partie ae la Constitution. Art. 20. Chacune desdites assemblées sera juge des élections, de leurs procès-verbaux et des qualités de ses membres. Art. 21. Toutes lois générales pour le royaume, notamment les lois militaires et toutes celles concernant les impositions générales et les emprunts royaux, seront formées ou consenties dans l’assemblée des Etats généraux. Art. 22. Il faudra pour les impôts, les emprunts royaux ainsi que pour la destination ou attribution des fonds de l’Etat, les deux tiers des voix de l’assemblée, mais la pluralité suffira pour les lois dans les cas ordinaires. Art. 23. Toute délibération des Etats généraux concernant la législation ou les finances, sera rédigée en forme de loi, au nom du Roi et des Etats généraux. Aussitôt qu’elle sera arrêtée, elle sera rendue publique par la voie de l’impression, et délibérée encore deux fois dans l’assemblée, savoir : quinze jours après la première publication et après la quinzaine suivante. C’est ainsi et non par une chambre haute que l’on doit préserver la nation des inconvénients qui pourraient naître de l’activité d’un corps législatif opinant par tête» Cette triple délibération aura lieu également pour les lois qui seraient proposées par Sa Majesté. Art. 24. En même temps la délibération sera présentée au Roi ; si Sa Majesté l’approuve, il la fera envoyer en son nom aux cours, et directement à tous les tribunaux royaux, lesquels ne pourront sous aucun prétexte en retarder la publication, ni même y faire aucune modification. Si le Roi n’approuve pas la délibération, ilia renverra avec ses motifs de refus à l’assemblée, qui procédera à un nouvel examen après lequel, si les deux tiers des membres de l’assemblée agréent le projet, il aura force de loi. Toute délibération qui ne sera pas renvoyée aux Etats généraux dans le délai d’un mois, aura force de loi, sera publiée dans toutes les cours et tribunaux royaux, à moins qu’il n’y ait une délibération contraire des Etats généraux. Art. 25. Les Etats provinciaux auront pour les lois provinciales, pour les impositions locales, pour leurs emprunts et pour la destination de leurs fonds, les mêmes droits que les Etats généraux, et les exerceront dans la forme prescrite en l’article précédent; d’ailleurs ils auront toute l’administration intérieure de la province. Art. 26. Les règlements d’administration et de police nécessaires dans les intervalles des tenues des Etats généraux et provinciaux, seront faits par le Roi ; ils seront intitulés règlements royaux et provisoires , et ne pourront déroger ni à la Constitution ni aux lois nationales ; ils seront renvoyés pour la publication aux cours et autres tribunaux royaux directement, et en même temps aux commissions intermédiaires des assemblées de district; les cours et tribunaux ne pourront procéder à la publication que du consentement par écrit des deux tiers desdites commissions, et ne pourront aussi ni retarder par leur fait cette publication, ni modifier lesdits règlements qui cesseront d’obliger après la tenue d’Etats subséquente, s’ils n’y ont pas été érigés en lois dans les formes constitutionnelles. Art. 27. Tous impôts ne seront consentis que pour un-temps limité et jusqu’à la prochaine tenue des Etats généraux ou provinciaux, lesquels venant à |ne pas avoir lieu, tout impôt cesserait. Art. 28. Aucune province, aucune ville, aucun 540 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Rennes.] corps, aucun individu ne pourra voter de taxes, ni fournir de secours d’argent au pouvoir exécutif sans l’autorisation des Etats généraux. Art. 29. Les Etats n’autoriseront aucun emprunt sans affecter des fonds au payement des intérêts et à l’amortissement du principal. Art. 30.11 ne sera publié aucunes lettres de dispense des lois nationales sans le consentement des Etats généraux, s’il s’agit de déroger à une loi générale ; provinciaux, s’il est question d’une loi locale. 11 faut que les dispenses des lois soient fort rares ; toute exception personnelle devant la loi est une source d’abus. Art. 31. Les ministres seront responsables aux Etats généraux et de l’emploi des fonds qui leur auront été confiés, et de leur conduite ministérielle. Art. 32. Le nombre des représentants aux Etats généraux sera fixé pour chaque province, proportionnellement à leur étendue, richesse et population respective ; et cette fixation fera partie de la Constitution . Art. 33. Les impôts seront levés et répartis dans tout le royaume par l’autorité des Etats provinciaux, des assemblées de paroisse ou succursale, et par les soins de leurs commissaires intermédiaires qui seront toujours en activité. Les deniers seront versés dans la caisse de la paroisse ou succursale, dans celle des receveurs généraux établis dans les districts qui seront fixés ; et ces receveurs compteront au trésorier de la province qui fera le versement au trésor public du royaume, et sera responsables des receveurs généraux, parce qu’ils seront à sa nomination. Tous les rôles d’imposition seront imprimés, et en tête de chaque rôle se trouvera le tableau de la répartition sur les districts et paroisses ou succursales. Art. 34. Les procès-verbaux de chaque assemblée d’Etats généraux et provinciaux seront imprimés le plus tôt que faire se pourra, ainsi que les comptes annuels des finances du royaume, desdits Etats et des municipalités, des hôpitaux et maisons de charité ; en un mot, des principales administrations publiques. Art. 35. Les magistrats et les juges exerceront le pouvoir judiciaire sans aucun mélange de pouvoir législatif ; ils ne feront pas de règlements, mais pourront en solliciter auprès du Roi et des Etats. Les magistrats et les juges devront avertir le Roi et les Etats généraux ou provinciaux de ce qu’ils estimeront nécessaire ou convenable d’établir ou de changer, mais seulement dans l’ordre judiciaire, et sans préjudice de leur droit naturel de faire connaître et de publier en particulier, comme tous les autres citoyens, leurs idées surda chose publique. Le grand nombre des magistrats de cour souveraine sera dès maintenant et à toujours composé de citoyens non nobles et non anoblis. Art. 36. La liberté individuelle sera assurée à tous les citoyens et habitants du royaume. Cette liberté comprend la faculté d’en sortir, de vivre où l’on veut, celle d’aller et venir, de demeurer où il plaît sans empêchement, sauf les formalités de police dont la manutention ne peut appartenir qu’aux juges ordinaires. Art. 37. 11 ne sera porté, sous aucun prétexte, atteinte à cette liberté, par lettres de cachet, ordre des gouverneur et commandant militaire, de magistrats ou de juges, en un mot, par aucun acte de pouvoir arbitraire. Art. 38. Nul ne sera arrêté ou constitué prisonnier qu’en vertu d’un décret émané des juges ordinaires. Dans le cas où l’emprisonnement provisoire sera autorisé, toute personne ainsi arrêtée sera remise dans les vingt-quatre heures entre les mains de ses juges naturels, qui seront tenus d’interroger le prisonnier, et de statuer sur l’emprisonnement dans le plus court délai, lequel sera fixé par la Constitution ; et lorsque le crime dont le détenu serait accusé n’emportera pas peine corporelle, l’élargissement sera toujours accordé en fournissant caution. Les pauvres ne seront tenus de fournir que leur caution juratoire, à moins qu’il ne soit assigné de fonds publics pour les cautionner réellement. Art. 39. L’écrou contiendra toujours les motifs de l’emprisonnement, et la copie en sera signifiée au détenu dans les vingt-quatre heures de sa réclusion. Les juges seront tenus de se faire représenter cette copie, et d’en faire mention dans le procès-verbal d’interrogatoire ; le tout à peine de nullité de la procédure. Art. 40. Toute personne qui aura sollicité ou signé un ordre arbitraire contre la liberté d’un citoyen, ou favorisé son exécution, pourra être poursuivie devant les juges ordinaires, et condamnée à des dommages et intérêts et peines corporelles, ainsi qu’il sera vu appartenir. Art. 41. Toutes prisons d’Etat seront supprimées et interdites sous les mêmes peines. Les magistrats élargiront les prisonniers non prévenus de crime méritant peine corporelle, et remettront les autres dans les prisons civiles ou maisons de correction. Art. 42. Nul ne sera renfermé dans les maisons de force et de correction qu’en vertu d’un jugement légal; ces maisons seront sous le même régime que les prisons, sous l’inspection des magistrats et des juges ordinaires. Art. 43. Tous serfs et mainmortables seront affranchis dans les domaines des seigneurs comme ils le sont déjà sous le domaine du Roi par l’édit du mois d’août 1779. Art. 44. Il sera arrêté de supprimer le plus promptement les enrôlements forcés et de s’occuper également des moyens de supprimer la traite des nègres par les vaisseaux et navigateurs français, et de procurer la liberté aux esclaves de nos colonies. Art. 45. Il y aura liberté indéfinie de la presse, à charge à l’imprimeur de faire mettre son nom sur tout ce qui sortira de son imprimerie, et d’en répondre. Art. 46. Le respect le plus absolu pour toute lettre confiée à la poste sera ordonné, et l’on prendra les plus sûrs moyens pour qu’il n’y soit pas porté atteinte. Art. 47. Il n’y a point de liberté, de propriété, de bonheur là où les terres sont serves ; ainsi le franc-alleu universel sera un des articles de la Constitution ; tout propriétaire sera autorisé à affranchir son héritage de tous droits de féodalité quand il le jugera à propos, mais de la manière et aux prix qui seront fixés par le pouvoir législatif. Art. 48. La noblesse héréditaire et compatible avec le bonheur public ne peut être qu’un respect, une préférence d’opinion pour les descendants des nommes vertueux ou doués de grands talents, ou même qui ont exercé de grands emplois. Ce respect, cette préférence naissent d’eux-mêmes. 11 serait anti-social d’en faire l’objet d’une loi, de les rendre indépendants de l’opinion publique et du mérite de ceux qui en sont l’objet. Si la distinction héréditaire donne un plus grand droit à la représation nationale, c’est une aliénation du pouvoir législatif à quelques familles; c’est le plus funeste abus. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Rennes.] Klj Si c’est un privilège pécuniaire, comme il est indéfini dans sa durée et dans le nombre des personnes qui doivent en jouir, la récompense peu honorable en elle-même est sans proportion avec le service rendu ou supposé rendu à l’Etat; c’est le plus grossier abus. Si c’est un droit privatif de préférence à certaines places, elle donne l’exclusion au mérite, elle révolte les autres citoyens en blessant l’égalité naturelle et civile ; elle concentre l’autorité dans quelques familles, et conduit nécessairement à l’oppression du peuple. Il doit donc être arrêté comme loi fondamentale que la noblesse héréditaire sera rappelée à son ancien état, qu’elle ne donnera aucune prérogative légale, aucune exemption d’impôts ou charges publiques, aucun droit exclusif à aucune place ecclésiastique, civile ou militaire ; le mérite seul sera un titre pour parvenir à tous les emplois. Art. 49. Et si la noblesse conserve des privilèges civils, il ne sera plus fait d’anoblissement héréditaire, afin de ne pas accroître le nombre des privilégiés; enfin si cette institution vicieuse n’est pas changée, quiconque aura été député aux Etats généraux ou provinciaux, ou député des Etats auprès du Roi, ou magistrat de cour souveraine pris hors les classes privilégiées, ne pourra jamais être anobli. Art. 50. Gomme il n’y a point de professions viles lorsqu’elles sont utiles et honnêtement exercées sans reproche ni préjudice par les citoyens les plus distingués, il n’y aura de dérogeance que par les vices ou par les crimes; ainsi la nation trouvera des sujets précieux dans une foule d’hommes qui la grèvent en cent manières, et la noblesse, sans rien perdre de son lustre, sera plus fondée que jamais à conserver une noble fierté qui ne convient qu’à ceux qui, ne briguant ni grâces, ni faveurs, ni pensions, trouvent toutes leurs ressources dans eux-mêmes. Art. 51 . Tous impôts, toutes charges publiques seront également supportés par tous les citoyens en proportion de leurs biens et sur l’excédant de ce qui est rigoureusement nécessaire à la vie ; en conséquence, tous impôts particuliers à une classe de citoyens seront supprimés, et tous privilèges pécuniaires ou utiles seront abolis. Art. 52. 11 y aura une parfaite égalité de peines pour tous les délinquants, de quelque rang et condition qu’ils soient ; les délits, les fautes et les peines ne pourront préjudicier qu’aux coupables et non à leurs familles. Art. 53. La présente constitution, passée à la pluralité des voix, vaudra provisoirement dans tous ses points aussitôt qu’elle aura été arrêtée; elle vaudra définitivement aussitôt qu’elle aura été ratifiée par les deux tiers des Etats provinciaux; mais elle ne pourra valoir en Bretagne avant d’avoir été délibérée et acceptée dans Rassemblée des Etats du peuple breton complètement représenté. Art. 54. Après cette constitution ratifiée, les Etats généraux pourront, à la pluralité des deux tiers des voix*ou à la seule réquisition du Roi, y faire des changements ou additions ; mais ces changements ou additions ne vaudront et n’auront leur exécution qu’après avoir été ratifiés par les deux tiers des Etats provinciaux, et pour la Bretagne par les Etats comme il est dit en l’article précédent. Art. 55. Cette constitution et les lois qui seront portées en conséquence, seront les règles suprêmes dans toute l’étendue du royaume, et tous juges seront tenus de s’y conformer exactement, sans pouvoir y déroger, nonobstant toutes lois, coutumes, usages et autres choses contraires. Art. 56. Les troupes appartiennent à la nation, ainsi elles ne pourront, sans se rendre coupables de rébellion et de lèse-nation, favoriser la violation de la constitution ou des lois nationales, et particulièrement gêner la liberté des assemblées d’Etats généraux ou provinciaux, en empêcher la formation ou réunion ou en effectuer la dispersion. Art. 57. Il n’y aura plus en France de troupes étrangères sous aucun prétexte. Art. 58. Les députés aux Etats généraux et provinciaux, tous les officiers du pouvoir exécutif, même les ministres du Roi, et notamment les officiers militaires, avant de faire aucun acte de leur emploi, prêteront serment devant les magistrats ou autres juges ordinaires, ainsi qu’il sera réglé, de maintenir de tout leur pouvoir la constitution et les lois nationales ; il en sera dressé acte sans frais. TITRE III. Impôts , dette nationale. Art. 59. Nos députés ne pourront s’occuper des besoins du trésor de l’Etat avant d’avoir irrévocablement arrêté la déclaration des droits et la constitution. Art. 60. Ils s’attacherontd’ abord à examiner avec soin le véritable état des finances ; à vérifier et à apurer les dépenses de chaque département, celles des maisons du Roi et des princes, et ces vérifications faites, on demandera la suppression de tout ce qui peut en être susceptible : par exemple dans la maison du Roi, de toutes pensions ou appointements d’aumôniers et d’ecclésiastiques qui seraient à la charge du trésor public, sauf à pourvoir à leurs besoins par des bénéfices simples ou des pensions sur les biens ecclésiastiques; réduction des appointements excessifs. Art. 61 . Il sera imprimé et rendu public , tous les ans, un lableau exact des grâces et pensions, avec les noms des personnes et les motifs pour lesquels elles leur ont été accordées. Les pensions sont des aliments pour ceux qui en ont besoin, ou bien une déprédation du trésor public ; qu’il n’en soit jamais donné à des citoyens riches, et que toutes celles dont ils jouissent actuellement soient supprimées. Art. 62. Tous états de recettes et de dépenses qui auront été vérifiés et apurés seront rendus publics par la voie de l’impression, et il sera imprimé un tableau de toutes les suppressions. Art. 63. Les droits de centième denier, tant sur les offices que sur les successions collatérales, les fouages ordinaires et extraordinaires, les levées pour casernement et milice, les fournitures aux casernes, le logement de troupes, les corvées des grands chemins, les droits de sou pour livre, l’en-saisinement et cette accablante multitude de droits réservés unis au domaine, ceux de bourses communes sur les vacations des huissiers, les droits sur les cuirs qui ont détruit les trois quarts denos fabriques, ceux sur les papiers et amidons, or et argent, seront supprimés. Art. 64. Une loi sage et efficace pour prévenir l’arbitraire dans la perception du droit de contrôle, dont la régie devient tous les jours plus rigoureuse et plus vexatoire. Que cette formalité soit ramenée à l’esprit de la première institution ; qu’elle soit une simple précaution pour assurer la date des actes; que le droit soit le même pour tous les actes sans aucune distinction, et qu’il soit très-modique ; qu’il soit défendu à tout pré- 542 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Rennes.] posé de percevoir aucun droit additionnel et d’exiger des parties la représentation d’aucun acte ou pièces que ceux qu’elles demanderont elles-mêmes à faire contrôler ; qu’aucun homme de loi et officier public ne puisse être inquiété pour avoir dressé ou écrit des actes sous signature privée ; que toutes les délibérations des municipalités, des généraux de paroisse et de toute administration publique, soient exemptes de la formalité du contrôle. Art. 65. Demander, avec -constance et sans relâche, la suppression du droit de franc-fief, tribut injuste non moins ruineux qu’avilissant pour la nation, qui réduit l’homme au-dessous cle sa terre, et qui concentre dans une classe de privilégiés les propriétés un peu étendues. Art. 66. Les barrières, pour le payement des droits, seront reculées aux extrémités du royaume, afin de procurer une entière liberté de circulation dans tout l’intérieur de la France ; mais les articles destinés pour l’étranger étant accompagnés d’un acquit-à-caution, passeront exempts des droits ; tous droits seront les mêmes partout pour prévenir les erreurs et les surprises ; les droits sur les ouvrages et marchandises de nos manufactures intérieures seront payés à la sortie des manufactures mêmes, afin qu’ils puissent d’après cela circuler librement et sans entraves par tout le royaume. Art.r;67. Il sera fait un état des suppressions qui auront été arrêtées et du montant des droits que les objets supprimés pouvaient produire. Le tout sera imprimé et rendu public à l’instant où les délibérations auront été prises. Art. 68. Il sera aussi fait un état des droits et impositions déjà établis, et qu’on ne croira pas encore devoir supprimer, ainsi que du montant de leur produit ordinaire, et le tout sera également imprimé et rendu public. Cette opération apprendra quelles sont les charges de l’Etat et ses moyens pour y faire face; s’il y a un déficit à couvrir et s’il faut remplacer les suppressions, la nation aura sans doute des sacrifices à faire, mais il ne faut jamais perdre cle vue que c’est dans les économies et dans les réformes sévères que l’on doit chercher les premiers movens pour ramener la dépense au niveau de la recette. Si, comme on a lieu de le craindre, ils ne suffisent pas pour couvrir le déficit, les Etats généraux chercheront dans leur sagesse ceux qu’ils jugeront les plus convenables. Art. 69. Les domaines de la couronne seront déclarés aliénables, et la vente générale irrévocable et perpétuelle en sera ordonnée dans tout le royaume pour acquitter les dettes de l’Etat. Les domaines engagés seront vendus de môme après avoir été rachetés. Plus on détaillera les parties de domaine et plus on haussera le prix des ventes en multipliant le nombre des concurrents. Art. 70. L’imposition réelle sur toutes les propriétés sans distinction, sans exception, est la moins susceptibles d’inégalité ; mais il ne faut pas qu’elle soit portée à un taux nuisible à l’agriculture et aux travaux des campagnes, qui ont un besoin pressant d’être encouragés. Art. 71. L’impôt sur les personnes sera établi et réparti eu égard à leurs facultés, de manière que celui qui aura le double de l’aisance, paye le triple de l’imposition des aisés de sa classe, et ainsi de suite. Art. 72. Quant aux subsides sur les consommations, on imposera de préférence les objets de luxe et de pure fantaisie ; les impôts dont la perception sera jugée la plus facile et la moins grevante pour les pauvres, seront toujours ceux à préférer. Art. 73. Tout impôt et tarif de droits sera désormais intitulé : De par le Roi, impôt ou droit consenti par les Etats généraux jusqu'à telle époque. Il est important que tout Français ait sans cesse sous les yeux cette vérité fondamentale : Que nul impôt ne peut être établi sans le consentement de la nation. Art. 74. Que la reddition des comptes des municipalités à la chambre des comptes soit supprimée, afin de décharger les villes des frais considérables qui en résultent. Art. 75. Les réformes économiques doivent entraîner la suppression des fermiers, administrateurs et régisseurs généraux des finances. Art. 76. Que les intendants ou commissaires départis dans -les provinces soient aussi supprimés, et leurs fonctions renvoyées aux Etats provinciaux et à leurs commissions intermédiaires auxquelles sera attribuée la connaissance des contestations relatives à la perception de tous droits dans les provinces. Art. 77. Les octrois des villes seront modifiés de manière à diminuer les droits sur les objets de première nécessité, à ménager les fabriques, les manufactures, à ne pas détruire l’entrepôt du commerce dans les villes. TITRE 1Y. Réformes générales pour tout le royaume dans les diverses parties de V administration. Nous croyons impossible que les prochains Etats généraux statuent sur tous les articles qu’on va indiquer, mais nous demandons qu’après avoir arrêté les réformes les plus pressantes, il soit établi par les prochains Etats généraux une commission générale de réformation qui dressera des projets de lois, d’après l’avis des plus habiles jurisconsultes et des savants en tous genres ; ce travail sera revu et fera la matière des délibérations des Etats généraux qui suivront immédiatement ceux de 1789. CHAPITRE PREMIER. Religion , état ecclésiastique , bonnes mœurs, enseignement public. Art. 78. La religion catholique aura seule le culte public dans le royaume. Art. 79. Souvent la “corruption, l’intrigue, le despotisme nous ont donné des pasteurs du premier et du second ordre, dont la conduite n’a que trop répondu au vice de leur promotion. Après deux siècles et demi d’une épreuve désastreuse, que le Concordat soit prescrit de nouveau, comme il l’a été aux Etats d’Orléans, et par l’ordonnancé rendue sur les cahiers de ces mêmes Etats, que cette proscription soit irrévocable. En conséquence, élections des évêques établies, et que la forme en soit perfectionnée d’après le principe de la nécessité d’une représentation nationale entière et complète; les élections étendues aux cures, en tâchant de les concilier avec l’exercice du droit de patronage. Permis aux paroisses de s’affranchir à prix d’argent du droit de nomination des patrons, lorsqu’il aura passé à prix d’argent dans des familles étrangères à celles du fondateur, ou lorsqu’il sera exercé par des communautés religieuses, à moins qu’elles ne prouvent avoir fondé l’église. Art. 80. Si les élections des curés ou recteurs par le peuple ne sont pas établies, il faut laisser [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PAS subsister les nominations aux cures par les divers colJateUrs et patrons, et même la résignation et la permutation libres. Elles ont de grands abus, mais' ce sont les seuls contre-poids au despotisme et aux préventions obstinées et injustes de certains évêques et de ceux qui les entourent. Les élections bien réglées feraient disparaître tous inconvénients. Art. 81. Si l’élection des recteurs est admise, elle devra se faire dans l’assembiée de district, en laissant aux députés de la province vacante une influence ou prépondérance convenable. Art. 82. Tout prêtre qui ne saura pas l’idiome du canton où la cure sera située, ne pourra l’obtenir, à peine de nullité de ses provisions. Art. 83. Les non catholiques ne pourront participer aux élections des pasteurs du premier et du second ordre. Art. 84. Les dignités et canonicats de chaque cathédrale et collégiale qui ne seront pas en présentation laïque, seront affectés aux seuls prêtres qui auront été au moins quinze ans recteurs ou vicaires dans le diocèse; iis seront élevés dans le synode diocésain, et à la pluralité des voix de l'assemblée. Art. 85. Résidence rigoureuse des évêques et des curés, mais surtout des évêques. Des précautions sévères seront prises sur ce point, qui est d’une importance majeure. Art. 86, Les synodes diocésains et conciles provinciaux seront rétablis et tenus exactement sui-vantles ordonnances du royaume, pour le maintien de la discipline ecclésiastique et le jugement des affaires purement spirituelles, comme refus de visa ou destitution canonique, sans exclure les appels comme d’abus. 11 sera marqué des jours fixes pour la tenue de ces assemblées, afin qu’elles se forment d’elles-mêmes, seul moyen d’en assurer l’existence. Art. 87. Nous demandons un métropolitain en Bretagne. Les affaires de la juridiction volontaire ecclésiastique ruinent les parties en frais de vovage à Tours. Art. 88. Suppression, sans remboursement, de tous les droits de visite des évêques et archidiacres, des droits cathédratiques, censaux et .syno-datiques sur les paroisses et sur les bénéfices. Art. 89. Les annates ou affectations des premières années de revenu des cures, en tout ou en partie, aux chapitres, sous prétexte de réparations ou autrement, seront supprimées comme abus introduit dans les temps d’ignorance et de désordre.' Art. 90. Les annates des évêchés et des abbayes qui se payent au pape seront également supprimées, et l’institution ecclésiastique des évêques et archevêques appartiendra aux conciles provinciaux suivant l’ancienne discipline. Art. 91. Il ne sera plus expédié en cour de Rome aucune provision de bénéfice pour le royaume, pas même sous prétexte de commende. Art. 92. Les dispenses de mariage et autres, qui s’obtiennent en cour de Rome, seront données par les évêques et archevêques dans les synodes ou conciles, et du consentement de Rassemblée. Les aumônes que les prélats pourront exiger pour les dispenses de mariage et autres de toute espèce, seront fixées par un tarif qui ne pourra avoir son exécution sans avoir été approuvé aux états de la province. Le produit de ces aumônes sera exactement versé aux caisses de charité de la paroisse d’où elles sont provenues. Art. 93. Le mariage sera permis au troisième ou .EMENTAIRES. [Sénéchaussée de Rennes.] 543 quatrième degré, suivant l’ancienne discipline de l’Eglise et l’ancien droit civil. Les bans de mariage ne seront plus publiés qu’une seule fois, qui sera au prône de la messe paroissiale, et un jour de dimanche ; ces changements sont nécessaires, puisque d’un côté, les dispenses sont données sans cause au troisième et au quatrième degré, et à tous ceux qui les demandent, et que de l’autre, la publication des trois bans ou d’un seul ne sert plus qu’à distinguer le riche d’avec le pauvre. Art. 94. Nous connaissons l’inutilité et les abus des fiançailles bénies en face de l’Eglise ; nous désirons qu’elles soient supprimées dans toute la Bretagne, comme elles le sont dans plusieurs diocèses du royaume. La juridiction des officiaux pour prononcer la dissolution des fiançailles, sera supprimée comme inutile et onéreuse dans tous les cas. Les fiançailles ou promesses de mariage se résoudront volontairement par conventions écrites, et forcément par dénoncés d’huissier ou sergent accompagné de recors, ou par acte déclaratoire notifié par des notaires. Art. 95. Il ne sera ordonné de prêtres, diacres ou sous-diacres, qu’en nombre proportionné aux bénéfices ou places à remplir dans l’ordre ecclésiastique ; ces places, et notamment les cures et places de vicaires dans les paroisses, seront dotées de manière à fournir aux titulaires une subsistance honorable, en sorte qu’il puisse y avoir suppression absolue, et du casuel non fondé qui déshonore la religion, et des quêtes qui, dans l’état présent, seraient toujours en vain prohibées. Art. 96. Le commerce et l’industrie interdits aux prêtres séculiers et réguliers, suivant les règles de l’Eglise, et à peine d’amende. Art. 97. Toutes quêtes des religieux mendiants supprimées ; et seront interdites sous des peines sévères, comme contraires à la décence et aux bonnes mœurs, les quêtes que vont faire dans les maisons, à la ville et à la campagne, des religieuses ou Sœurs converses de quelque ordre qu’elles soient. Art. 98. Suppression absolue de la pluralité des bénéfices ; elle entraîne les abus les plus scandaleux. Nous n’apercevons d’autre moyen de la détruire efficacement que de supprimer la distinction relâchée des bénéfices compatibles et incompatibles, d’abolir toutes dispenses en cette matière, et de déclarer incompatible avec tout bénéfice ecclésiastique toute pension sur un tel bénéfice. Art. 99. Il ne Sera toléré, dans chaque ville et dans ses faubourgs, qu’une seule maison de chaque ordre religieux de l’un ou de l’autre sexe : et seront supprimés tous les monastères qui n’ont pas le nombre de religieux fixé par les derniers édits. Art. 100. Les commanderies des ordres de Malte, de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel seront supprimées en France, comme étant sans objet depuis des siècles et ne servant qu’à nourrir l’orgueil et la paresse de quelques individus. Art. 101. Toutes fondations des ordres et monastères religieux qui pourront être supprimées seront renvoyées aux paroisses pour y être acquittées, et les desservants payés suivant les tarifs des diocèses. Art. 102. Les décimes et subventions cesseront d’avoir lieu, et tous ecclésiastiques supporteront tous impôts et toutes charges, comme les autres citoyens, sauf qu’ils seront dispensés de tout service personnel étranger à leurs fonctions. 544 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Rennes.] Art. 103. Les dettes du clergé seront divisées | entre les provinces, et jusqu’à ce qu’elles soient acquittées, on emploiera, pour en payer les arrérages et rembourser les capitaux, les revenus entiers des ordres et monastères supprimés, et une quotité déterminée des revenus annuels de toutes les menses abbatiales, en règle ou en commende, et de tous autres bénéfices sous charge de résidence, et qui excéderont 1,000 livres, charges déduites, et même une quotité de revenu des évêchés qui excéderont 30,000 livres , charges déduites , enfin des dignités ou canomcats de cathédrales ou de collégiales, et des cures qui excéderont 3,000 livres, aussi charges déduites. Art. 104. En attendant qu’on puisse supprimer les dîmes, et qu’on ait pourvu en fonds de terre à la subsistance des curés, aux dépenses du culte et aux besoins des pauvres, les dîmes ecclésiastiques et inféodées seront partout réduites aux seuls gros fruits dans chaque canton ; plus de dîmes vertes, plus de dîmes dans les jardins et courtils, plus de dîmes de charnage. Les déci-mateurç ecclésiastiques seront dédommagés de ces suppressions, suivant l’article 95 ; les déci-mateurs laïcs en seront indemnisés, mais à un taux modique., et eu égard aux charges décimales qu’ils supportent depuis environ un siècle, subsidiairement aux dîmes ecclésiastiques, et qu’ils doivent partout supporter par concurrence, à moins qu’ils ne prouvent, par titres, la nature profane et foncière de leurs dîmes; auquel cas, ils seront remboursés comme pour rente foncière ou féodale. Art. 105. Lorsque le produit des grosses dîmes paraîtra excessif dans une paroisse, elles seront réduites à la demande de la paroisse par les Etats provinciaux, sur l’avis de l’assemblée de district. Art. 106. Les prédicateurs des stations du Carême et de l’Avent, lorsqu’il ne se trouvera pas de fondation pour leurs honoraires, seront payés, ou par les recteurs, ou sur les dîmes. Art. 107. Les dîmes ecclésiastiques et inféodées supporteront, par concurrence, toutes les charges décimales et les réparations des églises, sans distinction de la nef d’avec le chœur et chanceau ; à défaut de dîmes ecclésiastiques et inféodées, les charges décimales seront supportées par les paroissiens, si mieux ils n’aiment voir supprimer leur paroisse. Art. 108. Toutes les trêves ou succursales seront érigées en paroisses, autant qu’il sera possible, et il sera pourvu à la dotation des curés et des vicaires sur les dîmes ecclésiastiques et inféodées par concurrence, et à défaut, par union des bénéfices simples, ou contribution des paroissiens. Il sera érigé, autant qu’on pourra, de nouvelles paroisses dans les quartiers éloignés, de plus d’une lieue, de toute église. Les diocèses et paroisses seront convenablement arrondis dans tout le royaume. Art. 109. Les lois bursales qui obligent les gens de mainmorte à passer des baux notariés, ou à remplir d’autres formalités gênantes, pour joqir par mains, impunément, seront abolies. Art. 110. Dans toutes les paroisses de campagne, il v aura, tous les dimanches et fêtes, au moins une messe du matin, outre lagrand’messe paroissiale, le curé binant, s’il est absolument nécessaire. Art. 111. Il sera pourvu aux moyens d’assurer aux recteurs le choix de leurs vicaires ; les canons et les lois les leur attribuent, et les évêques les en privent par le fait, en ne donnant que des approbations limitées aux temps, aux lieux, aux personnes ; de là de grands désordres. Art. 112. Les recteurs payeront annuellement une somme qui. sera fixée dans rassemblée de district, pour être quittes des grosses réparations et de celles d’entretien ; ils resteront chargés des réparations locatives, et de celles de couverture à étanche d’eau. C’est ériger en loi commune un usage général en Bretagne, et dont la pratique, maintenant volontaire et personnelle, coûte aux paroisses de Bretagne et aux héritiers des recteurs, enfin aux recteurs mêmes, plus de 100,000 livres par an et beaucoup de sollicitude. Art. 113.11 sera convoqué par le Roi un concile national pour rétablir et corriger uniformément la discipline ecclésiastique dans toute la France. Art. 114. Les règlements généraux des évêques ne pourront être faits qu’en l’assemblée du synode. Les canons des conciles diocésains et provinciaux seront présentés au Roi et aux Etats des provinces ; ceux des conciles nationaux au Roi et aux Etats généraux, pour être confirmés, si être doit, et n’auront force de loi avant cette confirmation. Art. 115. Les mariages seront encouragés, au moins par des préférences et distinctions personnelles, pour tous hommes mariés et pour les veufs. On pourrait même faire porter une part spéciale de l’impôt personnel aux célibataires, en raison combinée de leur âge et de leur aisance. Art. 116. Les vices de l’éducation publique seront réformés dans les collèges et les universités ; ce doit être un objet de la commission ci-dessus indiquée. Les facultés de médecine seront réduites à trois ou quatre pour tout le royaume, dont une en Bretagne. Et quant aux facultés de droit, l’enseignement y sera plus rapproché de nos mœurs et usages, le nombre des chaires latines sera réduit à moitié, les chaires supprimées seront remplacées par une seconde chaire de droit français et par une chaire de droit naturel ; il sera établi en toutes les facultés de droit une chaire de droit public national. Art. 117. Toutes les chaires, dans les universités et les collèges, seront au concours ; point d’exception sur cette règle importante. C’est le seul moyen sûr d’avoir des hommes capables et d’écarter les intrigants sans mérite. Mais on ne recevra au concours que des sujets dont les mœurs et la doctrine seront bien connues. Art. 118. Les honoraires des docteurs régents seront fixes, exempts de retenue, et indépendants du nombre des examens ou des grades. Art. 119. Les receveurs des économats seront comptables aux Etats de chaque province, et les comptes rendus publics par la voie de l’impression. CHAPITRE II. Justice civile et criminelle. Art. 120. Suppression des juridictions seigneuriales. Par le vice de leur organisation, par les vices de leur composition ordinaire, l’indétermi-Dation de leurs districts et de leur compétence, la multiplicité des degrés d’appel portés quelquefois jusqu’à sept, mais surtout par les excès du despotisme seigneurial, dont elles sont en général, et dont elles ont paru dans ce moment précieux le principal instrument, elles sont irrévocablement proscrites dans l’opinion publique comme inconciliables avec la prospérité, la liberté et la dignité du peuple français: La puissance publique : ne sera plus une propriété privée. ' Art. 121. A l’exception des amirautés, des cou- I États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Rennes.] 545 sulats, qui seront perfectionnés, des sièges de police des villes et des tribunaux de paix des campagnes, toutes les juridictions d’attribution seront supprimées, comme ne conduisant qu’à désoler le citoyen placé au milieu d’une multitude de tribunaux, parmi lesquels il ne démêle qu’en tremblant et avec risques celui qui doit le protéger. Nécessité de déterminer clairement la compétence des notaires, des huissiers et des sergents. Art. 1 22. Il sera établi dans chaque paroisse un tribunal de paix renouvelé tous les ans à la nomination des habitants, composé de cinq notables jugeant à trois, lesquels s’assemblant tous les dimanches, veilleront, sous l’inspection des juges du ressort, à l’exécution des règlements de police et au bon ordre, qu’ils maintiendront par des amendes limitées ou autres peines légères non infamantes, et videront sur une simple demande les contestations de salaires d’ouvriers , gages de domestiques, injures verbales, endommagements de bestiaux et autres matières de ce genre , jusqu’à la somme de 50 livres de principal ; le tout sans forme de procès, et en dernier ressort. Art. 123. Il sera pourvu à concilier la liberté civile du citoyen avec l’autorité nécessaire des juges souverains et autres. Art. 124. En conséquence, abstraction faite du régime du consulat et des tribunaux de paix et de police, il sera établi, en toute matière, tant civile que criminelle, un double degré de juridiction seulement , comme fondement nécessaire de la liberté civile, et seul moyen de tempérer le pouvoir personnel des juges sans affaiblir la force de la loi. Art. 125. Ainsi, tribunal d’instruction avec un arrondissement réglé sur la commodité du service public, et soumis à l’appel ; tribunal d’appel et souverain dans chaque province, sans compétence en première instance , fort pour la surveillance sur les officiers inférieurs. Le duel, les émeutes populaires, aucun crime, aucune affaire ne seront exceptés de cette règle sans laquelle il ne peut y avoir ni sûreté ni liberté. Art. 126. La vénalité des offices sera supprimée, et il sera pourvu au remboursement. Tous les juges seront élus par les justiciables, dans une forme réglée par les Etats généraux du royaume; ils seront changés tous les cinq ans, convenablement stipendiés, et rendront justice gratuite. Art. 127. Toutes les dispositions principales des jugements, même civils, seront motivées; et il sera permis en tous les cas aux parties de faire imprimer les jugements. Art. 128. Les veufs auront, comme les veuves, le douaire légal ou conventionnel, et il sera acquis • du jour de la bénédiction nuptiale. Art. 129. La faculté de retrait lignager sera restreinte aux parents du vendeur dans le quatrième degré. Art. 130. Les testaments faits dans la dernière maladie, ou dont la date antérieure ne sera pas constatée, seront dès à présent déclarés nuis. Art. 131. Abrogation du code criminel et substitution d’une forme plus naturelle, plus simple, et qui, pour assurer la punition du crime, ne devienne pas l’effroi, le supplice, et ce qui est plus malheureux encore, le piège de l’innocence calomniée. Il sera avisé aux moyens d’admettre les jugements par jurés. En attendant, MM. les députés demanderont que la procédure soit dès à présent rendue publique, et le dénonciateur déclaré in limine litis, lr« Série, T. Y, Art. 132. Réformation du code civil, les formes superflues élaguées, la procédure réduite, et la chicane réfrénée. Art. J 33. Les droits bursaux proscrits en cette partie, comme frappant particulièrement sur le malheureux débiteur, et portant à un prix excessif le secours de la justice, dette naturelle de la société envers ses membres. Art. 134. Suppression des règles et formalités qui, sous prétexte de protéger la minorité, l’oppriment réellement. Ainsi plus de doute sur la validité des partages conventionnels avec les mineurs, sauf la restitution en cas de lésion, comme entre majeurs. La confection des inventaires et ventes sera retirée aux greffiers; comme en abusant à l’excès ; et les nominateurs seront autorisés à y faire procéder par un homme de leur choix avec le tuteur. CHAPITRE III. Police et municipalités . Art. 135. Le port d’armes dans la paix et au sein des villes, répugnant à la raison, aux principes de toute police, aux mœurs et aux usages de tous les peuples anciennement civilisés, en attendant une proscription totale , sera du moins interdit dans toute assemblée publique. Art. 136. il sera permis à tout citoyen, sauf les exemptions convenables, d’avoir des armes dans sa maisonj pour sa défense ; faculté naturelle, et qui n’a pu être violée jusqu’ici que par l’esprit d’oppression et de tyrannie. Art. 137. Uniformité de poids et de mesures dans tout le royaume, avec des étalons déposés aux greffes des sièges ordinaires et de police. Art. 138. Il sera avisé aux moyens efficaces et humains de supprimer la mendicité, et le salaire du travail sera réglé périodiquement sur l’étendue du besoin réel des journaliers. Art. 139. Il sera établi des magasins publics de grains et de farines, pour ressource dans tous les cas de nécessité. Il est injuste d’exiger que les boulangers, la plupart malaisés, approvisionnent leur ville pour plusieurs mois; mesures à prendre pour arrêter la consommation des grains et farines par les amidonniers. Art. 140. Il sera établi un dépôt par district, pour y garder tous les actes publics de l’arrondissement. Art. 141. Il sera travaillé à un plan commun de réformation de toutes les municipalités du royaume, fondé sur la nécessité de la représentation libre et complète des habitants de toutes les classes, sans distinction de corps et corporations, s’agissant des droits de l’homme comme citoyen, et non de ceux des corps ou communautés. Les membres des municipalités renouvelés par moitié tous les quatre ans. Art. 142. L’exercice de la police sera toujours attaché au corps de la municipalité. Art. 143. Les collèges, hôpitaux et autres établissements publics du même genre seront soumis à des bureaux formés et constitués sur le modèle des corps municipaux. CHAPITRE IV. A griculture, Art. 144. Que l’agriculture soit protégée et encouragée par tous les moyens possibles; que toutes les entraves qui enchaînent l’industrie du cultivateur soient détruites; que les Etats provinciaux y donnent tous leurs soins ; qu’ils décer-35 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Rennes.] 546 [États gén. 1789. Cahiers.] nent (les prix d’honneur, même des récompenses pécuniaires daps leur profession ; qu’on prenne tous les moyens d’étendre leurs connaissances; qu’on les associe aux administrations publiques. Que les habitants des campagnes, et surtout les pères de familles nombreuses, soient généralement ménagés dans la répartition des impôts et dans la contribution aux charges et travaux publics. Que les laboureurs ne soient jamais employés aqx transports des bagages des troupes, et généralement à tous travaux du Roi, sans être exactement et suffisamment payés; que les chevaux et harnais des nobles et ecclésiastiques y soient employés également. Art. 145. Depuis vingt ans surtout les vassaux ont été dépouillés de leqrs droits les plus certains aux terres vagues et communes. Ou a envahi jusqu’aux déports ou issues des maisons ; qu’il soit fait, pour réprimer ces désordres, une loi générale dont l’obstination des nobles nous a privés depuis dix-huit années, en se refusant aux sages vues du gouvernement; qu’il soit pris en considération s’il serait plus, avantageux ou de laisser l’usage des communes indivis entre les habitants des campagnes, ou d’en faire un partage entre tous ceux qui se trouveraient avoir des droits bien prouvés. Qu’il soit fait une recherche exacte et rigoureuse de toutes les usurpations et des clôtures injustes qui en. ont été faites au préjudice des droits des communautés, et ad grand détriment des habitants des campagnes ; qu’il soit avisé à dj? nouveaux moyens d’encourager de plus en plus les défrichements et les dessèchements. Aid. 146. Que tous les bois et forêts soient mis en clôture et rendus cléfensables, sans quoi il ne pourra être prétendu par les propriétaires aucun dédommagement pour les bestiaux qui s’y introduiraient; qu’ü soit déterminé un temps dans l’année pendant lequel les riverains des forêts appartenant à Sa Majesté pourront y faire paître leurs bestiaux. Art. 147. Que les plantations soient généralement encouragées et favorisées; qu’il soit même fait une loi formelle pour faire planter les terrains, incultes, qui ne suaient pas propres à d’autres usages. Art. 148, Que topt propriétaire puisse faire abattre et vendre ses bois énumdnbles, sans être tenu à en faire une déclaration préalable; formalité sans objet pour une espèce d,e bois qui n’est point propre aux chantiers et aux constructions du Roi, formalité en vain proscrite 'par divers arrêts; qu’il ait la mêm;e faculté pour fous autres, bois qu.’il abattrait sur son fonds pour ses besoins personnels et son usage particulier; qu’elle soit accordée A fous bénéficiers et aux gens de mainmorte, établissant pour eux des précautions simples qui empêchent l’abus. Art. 149. Qu’il, soit pris des mesures efficaces pour empêcher que le cours naturel des eaux ne puisse être arrêté ou suspendu ; que l’on détruise sur les rivières, ruisseaux et étangs, tous les obstacles qui, en retenant les eaux, occasionnent des marécages pestilentiels et noient des terrains de la nature la plus précieuse. Art. 150. Que la faculté de prolonger les baux des biens de campagne au delà de neuf ans, sans donner ouverture aux droits seigneuriaux et fiscaux, soit accordée comme un moyen d’améliorer la condition des fermiers, d’enequrager l’industrie et les entreprises d’agriculfmçe,. Art. 151 . Que les Etats provinciaux s’occupent des moyens d’augmenter lë n, ombre des bestiaux et d’en perfectionner les races dans chaque province; le plus sur moyen est qu’il soit distribué, dans chaque district, des étalons, des béliers des plus belles espèces; que les haras soient supprimés. Art. 152. Que le mauvais état des chemins de traverse dans les campagnes soit pris dans la plus sérieuse considération, comme un des plus grands obstacles à la communication intérieure, à la circulation de toutes les denrées et productions et à l’activité du commerce ; qu’il soit avisé aux moyens de pourvoir à leur réparation et à leur entretien, sans grever le peuple; que les chemins envahis ou interceptés par des seigneurs et par tous autres, soient rendus libres ; que les arbres sur le bord des chemins appartiennent aux propriétaires des pièces riveraines. Art. 153. Qu’il soit établi dans les campagnes et dans les villes des caisses de charité, pour faire travailler utilement, et principalement aux ouvrages publics, tels que ponts et chaussées sur les chemins de traverse, les pauvres auxquels on donnerait un salaire convenable; c’est le moyen le plus sûr de faire disparaître la mendicité qui afflige particulièrement la Bretagne. On pourrait appliquer au soutien de ces établissements précieux une portion des revenus des ab-hayes et des couvents qui seraient supprimés, il ne peut en être fait un plus saint emploi ; on doit encore y appliquer le produit des déshérences et bâtardises ; il est injuste que des seigneurs recueillent les successions des citoyens, à la subsistance desquels ils n’ont jamais contribué. Art. 154. Qu’il soit établi dans les campagnes et même dans les villes des sages-femmes -instruites et approuvées, qui devront leurs soins et leurs offices aux pauvres femmes. Art. 155. Qu’il soit également établi des écoles pour l’instruction des habitants des campagnes, et surtout de la classe la moins aisée. Art. 156. Que les habitants des campagnes, et tout particulier en général, puissent détruire bous les animaux sauvages qui dévastent leurs champs et leurs moissons. Art. 157. Que tout propriétaire dont l’héritage borde les rivières ou ruisseaux, puisse y pêcher librement dans, l'étendue de sa propriété. Art, 158. Qu’on puisse profiter sans gêne des présents de la nature pour fertiliser ses champs; que les ressources précieuses et inépuisables que la mer nous offre dans ce genre, telles que les marres, les goémons, toutes les plantes marines, les sels, l’eau salée, etc., deviennent communes à tous les hommes ; qu’ils puissent en disposer librement partout où ils. les trouveront, sauf les règlements de police en ce qui pourrait concerner la sûreté et l’ordre publics. CHAPITRE V. Féodalité. Art, 159. Nécessité pressante d’abolir la féodalité ; oi?i universel et imposant de toutes les paroisses de cette sénéchaussée. L’homme, le paysan surtout, est tyranniquement asservi sur la terre malheureuse où il 1 an-guit desséché ; renies fixes et pesantes;- poursuites vexatoires pour les* exiger ; appréois injustes pour les augmenter; rentes sohdahres. et revancRables; rentes� chéantes et levantes; fumages ; rachat à toute mutation et par pont, en ligne directe copine en collatérale, retrait féodal, lods et ventes, au huitième ou même au sixième denier; rachats iniques, dans leur origine, sur- [Etats gên. 17R9. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bennes.] 547 tout en Bretagne, plus iniques encore par les extensions qu’on leur a données; banalités de moulin, de four, de pressoir, corvées coutumières, corvées par titres, corvées par usement de fief, corvées établies par d’injustes arrêts; corvées arbitraires et de fantaisie; servitudes; prestations bizarres et onéreuses; cueillettes de rôles incollectibles; aveux, impunissement, procès ruineux et sans fin ; la verge du fisc seigneurial toujours agitée sur nos têtes, vexations, ruine, outrages, violences ; servage funeste, sous lequel les paysans, presque au niveau des serfs polonais, ne seraient jamais que malheureux, avilis et opprimés; tels sont les tableaux de désolation que présentent les cahiers des campagnes. Art. 160. Le franchissement sur les fiefs du Roi sera une ressource pour la dette nationale, et le remboursement équitable, une consolation pour les seigneurs sensibles encore au triste orgueil de dominer des paysans. Art. 161. Nul citoyen honnête ne tiendra sans doute à un genre de propriété si désastreux ; mais il est de la justice et de la dignité du peuple, qui paya jadis �affranchissement de sa tête, de payer avantageusement celle de ses fonds; en conséquence, le prix du rachat de la féodalité sera réglé par les Etats de la province, d’après ce principe. Art. 162. Franchissement semblable pour les rentes et autres charges foncières, qui grèvent les fonds, même de celles dues aux gens de mainmorte. Art. 163. En attendant et jusqu’à ce que l’extinction de la féodalité soit effectuée, il sera provisoirement avisé aux moyens de tempérer le régime meurtrier des fiefs chéants et levants et des fiefs solidaires et revanchables. Art. 164. Prescriptibilité des rentes et autres droits accidentels de la féodalité, à l’instar des autres propriétés foncières ; la maxime contraire, enfantée par la jurisprudence contre le texte de notre coutume, est une règle antisociale. Art. 165. Prescription des arrérages de rente seigneuriale, par cinq ans; faveur trop due à de malheureux censitaires, qu’une longue accumulation écrase, et auxquels les seigneurs négligent de fournir, ou refusent même la faculté de s’acquitter annuellement/ Art. 166. Faculté de payer à l’apprécis les corvées à bras, les corvées de charroi et autres, qui dans des moments précieux arrachent le laboureur à ses propres travaux. Art. 167. Abolition des retraits féodal eteensuel, droits contraires au bien de la société, sources d’abus, d’injustices et de procès. Art. 168. Abolition du droit de guet, lors même qu’à l’appui d’une jurisprudence trop fiscale, il a été converti en redevance pécuniaire. Art. 169. Abolition des droits de foires et marchés; des droits de coutumes, pancartes, passages, bacs , péages et autres perceptions du même genre. Art. 170. Suppression des odieuses banalités de four et de pressoir. Art. 171. Suppression de la servitude plus meurtrière du droit de suite de moulin, seul remède efficace contre les vexations irréfrénables des meuniers. En attendant, et dès à présent, suppression sans indemnité des corvées de réparation des moulins, non établies sur titres;, c’est une usurpation moderne de la féodalité, qui n’a aucun fondement dans notre coutume. Usage libre des meules à bras; proscription absolue de la capitation seigneuriale à raison de ces tristes machines; et que la postérité ignore, s’il se peut, que la tyrannie féodale bretonne, armée du pouvoir judiciaire, n’a pas rougi, dans ces derniers temps, de briser les meules à bras, et de vendre annuellement à des malheureux la faculté de broyer entre deux pierres une mesure d’orge ou de sarrasin. Art. 172. Suppression des colombiers, ces fléaux de l’agriculture, vestiges cruels de l’anarchie féodale, d’autant plus odieux, que la plupart des colombiers, si prodigieusement multipliés aujourd’hui, ont été substitués, depuis un siècle, à de simples volières prescrites par la coutume. Art. 173. Suppression des garennes ouvertes, d’où, sous la protection d’un gentilhomme peu humain, des milliers de lapins établis dans des bois et bruyères stériles infestent et ravagent les cultures voisines. Art. 174. Suppression du droit prohibitif de chasse , abusivement attribué aux seigneurs comme soulagement du poids de l’oisiveté, abusivement converti par eux en propriété réelle, et plus abusivement exercé surtout par des valets-tireurs, qui, ne connaissant aucune règle, font trembler les paysans et détruisent les moissons. Art. 175. Abolition gratuite des chevauchées quintaines, soûle, saut de poisson, baiser des mariées, chansons, transport de l’œuf sur une charrette, silence des grenouilles et autres usages de ce genre, aussi outrageants qu’extravagants. Art. 176. Abolition des lods et ventes en contrats d’échange, maltôte bursale et non féodale, taxe mille fois remboursée aux privilégiés par la dette que le peuple porte sur eux; et qu’il suffise à la féodalité de sou sceptre de fer, sans qu’elle y joigne encore le poignard du traitant. chapitre vi. Etat militaire. Art. 177. Que les gouverneurs, les commandants les lieutenants de Roi, les majors, etc., tant des rovinces que des villes, soient réduits au nom-re purement nécessaire pour le service; que leurs appointements soient réglés aux Etats généraux; qu’ils soient tenus à résidence lorsqu’ils ne seront pas appelés ailleurs par le Roi ; et qu’ils ne puissent pas posséder deux places qui exigeraient leur présence en deux endroits différents. Que tout officier général sans fonctions ne reçoive pas d’appointements, et point de pensions pour les officiers actuellement employés. Art. 178. Tous les officiers majors dans les villes qui ne seraient ni fortifiées, ni frontières, supprimés. Art. 179. Que les inspecteurs des troupes soient également supprimés; leurs fonctions pouvant être aisément remplies dans les provinces par les gouverneurs, commandants, ou autres officiers généraux de service. Art. 180. Idem pour les appointements des gouverneurs des maisons royales et des capitaineries. Art. 181. Que le tirage au sort et les enrôlements forcés soient absolument abolis, comme portant l’effroi et la désolation dans les campagnes; les enrôlements volontaires aux frais de l’Etat lui fourniront toujours autant de sujets qu’il en faudra pour son service. Art. 182. Que le meilleur ordre soit établi dans la discipline, la police et le régime des troupes ; que ceux qui parviennent au grade d’officier par leur mérite, y soient désormais honorés, comme ils doivent l’être; que loin d’y éprouver des hu- 548 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Rennes. miliations, comme il arrive trop souvent, ils y soient traités avec distinction; que le-sort du soldat soit généralement amélioré, sa paye augmentée à suffire; son pain de meilleure qualité; que dans tes règlements militaires, on ne perde jamais de vue que le point d’honneur est le plus puissant de tous les ressorts pour le soldat français; que les coups de plat de sabre, de bâton et toutes punitions qui le dégradent et le découragent soient abolies; que les peines qui le déshonorent aux yeux de ses camarades soient réservées pour les délits graves. Art. 183. L’influence militaire écartée de toute assemblée d’administration civile. chapitre vu. Commerce. Art. 184. Que le commerce qui forme un des principaux nerfs de l’Etat, la source de sa richesse intérieure et le fondement de son influence politique au dehors, soit pris dans toutes ses branches et ses parties, dans la plus sérieuse considération. Que la pêche nationale surtout (qui est à la mer ce que l’agriculture est à la terre), et qui seule forme et entretient pour l’Etat cette pépinière de marins, sans laquelle il ne pourrait jamais armer ses flottes en temps de guerre, soit spécialement encouragée, et que toutes les parties de la navigation soient protégées; elle languit cependant, et en ruinant les particuliers, elle menace l’Etat de sa perle. Art. 185. Qu’on établisse des chambres de commerce dans toutes les villes commerçantes; c’est le seul moyen d’éclairer la juslice du souverain et d’instruire les négociants; qu’on les consulte sur les traités, sur les lois de commerce ; que ces villes aient à Paris des députés librement élus, autres que ceux qui sont censés actuellement les représenter; on sera sûr alors d’avoir de bonnes lois et de ne plus faire de traités désavantageux. Art. 186. Que sur les avis des chambres de commerce, les droits et impôts sur le commerce soient modérés et simplifiés; qu’ils portent de préférence sur les objets de luxe ; qu’ils ne présentent ni difficultés dans la perception, ni ouverture aux fraudes, ni occasion d’altérer les marchandises et d’en retarder les expéditions; que les tarifs et règlements soient clairs et précis ; que les lois sur le commerce soient propres à concilier les avantages de la liberté, de l’exercice de tous arts et métiers, des fabriques et de l’industrie, et les inconvénients d’une liberté excessive. Art. 187. Qu’on réforme d’après les avis des chambres de commerce, et des juges et jurisconsultes, les ordonnances du commerce, de la marine et des traites. Qu’on établisse des sièges consulaires dans toutes les villes qui en sont susceptibles; qu’on fixe des limites certaines pour ceux qui existent ; que les ressorts soient tels que les justiciables puissent obtenir justice prompte et moins coûteuse; que la connaissance des faillites et cessions soit pour toujours attribuée aux consuls ; que les banqueroutiers soient sévèrement poursuivis et punis; qu’aucuns arrêts de surséance, répit, sauf-conduit, aucuns asiles ne puissent servir de prétexte aux débiteurs de vexer leurs créanciers; que les délais ou termes d’échéance des papiers de commerce négociables soient clairement-et uniformément fixés. Art. 188. Un acte de navigation formé dans l’esprit de celui d’Angleterre serait le plus sûr moyen d’encourager la navigation nationale, Le cabotage, essentiel pour former les marins, languit et ruine les armateurs; il faut une exclusion expresse de tous vaisseaux étrangers caboteurs; que les nôtres seuls soient admis au cabotage; que les fermiers généraux ne puissent faire transporter par des étrangers les sels pour .les provinces intérieures; qu’on simplifie les droits levés sur les navires; ils sont si compliqués, si multipliés, qu’ils entraînent,- qu’ils détruisent l’activité des négociants; tels sont les droits surtout perçus au profit deM. l’amiral, les droits locaux, les briefs, les droits de sortie des ports, ces deux derniers particuliers à la Bretagne, et une infinité d’autres. Art. 189. Qu’on supprime les droits de bris et naufrage encore prétendus par quelques seigneurs ; le droit de dixième prétendu par l’amiral sur les prises faites pendant la guerre ; la charge de grand amiral est inutile ; cependant le commerce lui paye chaque année des, sommes énormes ; quelle ressource pour la dette publique ! Le droit d’encan confirmé par un arrêt de la cour de Normandie aux fins duquel, dans les villes du Havre, Honfleur et Dieppe, on force le propriétaire d’une cargaison de morue à vendre, sans choisir ses acheteurs, également supprimé. Art. 190. Jusqu’à ce que le commerce maritime soit devenu plus lucratif, il est impossible que le gouvernement supprime les primes d’encouragement qu’il accorde pour la pêche des morues; qu’il suive les vœux du commerce, bientôt les primes deviendront inutiles et la pêche nationale doublera d’activité. Mais à présent, malgré les primes payées par le gouvernement aux navires français, malgré les droits exigés des étrangers, les Français ne peuvent soutenir la concurrence, et les étrangers, apportent leurs morues jusque dans les ports de France. Art. 191. Qu’on exécute dans tout le royaume, et en Bretagne particulièrement, les canaux projetés; qu’on finisse celui de Rennes à Redon et qu’on exécute celui de Rennes à Dinan. Art. 192. Que l’exportation du froment soit permise tant que le quintal, poids de marc, n’excédera pas le prix de 10 livres, et celle des autres grains dans la même proportion. Art. 193. Qu’on permette l’intérêt du prêt; qu’on le fixe à un taux modéré, pour faire circuler lés fonds, et tranquilliser les consciences timorées. Art. 194. Qu’on fasse avec l’Espagne un nouveau traité de commerce relatif à notre situation politique actuelle. Art. 195. Qu’on permette l’entrée libre des tafias en France ; mais que les droits soient tels que les tafias ne puissent nuire à la consommation de nos eaux-de-vie, etc. Art. 196. Que les inspecteurs des manufactures soient librement choisis par les Etats provinciaux, et sous leur inspection immédiate. Qu’on prenne tous les moyens de soutenir nos manufactures de toiles et autres, par des encouragements pour nous, des droits sur les étrangers. Art. 197. Qu’on ordonne l’entière exécution du droit d’amirauté dans les colonies en faveur des capitaines vendeurs vers les colons, et qu’on l’étende en faveur des négociants, avec le droit de saisie sur tous les biens. Art. 198. Que les officiers de la . marine marchande entrent sans aucune distinction de nom dans la marine royale ; qu’on soit, pour la réception des capitaines, plus difficile sur les connaissances que sur le temps de la navigation ; qu’en temps de paix surtout on n’exige pas les voyages au service du Roi ; qu’on rétablisse des examinateurs sédentaires au lieu des ambulants. [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Rennes J 549 Art. 199. Que le sort des matelots soit amélioré; qu’ils soient payés au service du Roi autant et avec la même célérité qu’au service du marchand. Que l’Etat prenne soin des matelots infirmes, estropiés, des femmes et des enfants de ceux qui sont au service, qui y ont péri, qui y ont été blessés, ou qui se trouvent dans le besoin. II est injuste qu’une classe de citoyens sacrifie son temps et sa vie pour le bien de tous, sans avoir de récompense ; ils travaillent pour la patrie ; la patrie doit les payer; qu’il ne soit jamais accordé sur la caisse des invalides aucune pension, excepté le secours connu sous le nom de demi-solde. Si l’on recherche l’origine de partie des pensions sur cette caisse, on sera frappé d’indignation en voyant que les retenues faites aux misérables marins sur leurs salaires, sont prodiguées à des gens qui n’ont pas vu la mer. Art. 200. Supposé que la politique s’oppose à la suppression des classes , on doit apporter du moins à leur régime tous les tempéraments qu’exige l’humanité; alors on verra le matelot français, brave par caractère, voler avec gaieté au service du Roi, même le préférer par honneur; mais l’honneur ne peut guère se faire entendre à un être qui manque du nécessaire pour lui, pour sa femme et ses enfants. Art. 201. Qu’on supprime les juridictions des traites ; que les juges royaux des lieux connaissent des objets de leur compétence. Art. 202. Qu’on affranchisse le négociant honnête de cette foule de formalités prescrites pour éviter la fraude des malhonnêtes gens ; mais qu’on punisse très-rigoureusement tout négociant convaincu de fraude caractérisée et volontaire ; qu’on dispense surtout le négociant de la déclaration détaillée, exigée par les fermiers généraux antérieurement à la visite, et même au débarquement. Les marchandises portées à la douane y sont visitées, pesées; pourquoi des déclarations préalables? Art. 203. Qu’on supprime les privilèges des ports francs; l’uniformité est préférable ; l’intérêt général et la justice exigent que loin de concentrer les moyens, on les étende. Art. 204. Qu’on supprime les 10 sous pour livre sur les octrois et les deniers patrimoniaux des villes, qui surchargent le commerce et le détruisent. Art. 205. Qu’on supprime l’usage abusif où sont les trésoriers des guerres, des finances, de la marine et autres, d’exiger de ceux qu’ils payent des reçus signés en blanc et sans date. Art. 206. Le traité de commerce avec l’Angleterre, défavorable à la nation sous beaucoup de rapports, ruineux pour les manufactures nationales, a réduit à la misère une foule d’ouvriers, citoyens précieux à l’Etat, intéressants à conserver, d’autant plus qu’ils pourraient se trouver réduits à quitter le royaume, et à porter ailleurs l’industrie nationale. On demande sinon la rupture de ce traité, au moins un changement et des modifications considérables, d’après un sérieux examen subordonné à notre situation politique actuelle, et d’après l’avis des chambres de commerce du royaume. Art. 207. En attendant la suppression de l’esclavage des nègres, on s’occupera au moins de l’examen et de la réforme du code noir; si des intérêts politiques de la plus grande considération nous empêchent de suivre les mouvements de nos cœurs, pour interdire dès à présent le commerce et l’esclavage des nègres, que leur sort soit adouci; qu’ils soient traités comme des hommes ; qu’on abroge les lois barbares qui imposent des droits considérables pour l'affranchissement même des nègres, et peuvent empêcher la bonne volonté d’un maître envers son esclave. Art. 208. Que tout privilège exclusif soit supprimé, surtout celui de la compagnie des Indes, nuisible au commerce général du royaume, et notamment aux villes maritimes. Art 209. Que l’arrêt du conseil du 30 août 1784 qui, en ouvrant nos colonies à nos rivaux, et leur y donnant l’entrée, a porté le coup le plus funeste au commerce français et à la navigation nationale, soit entièrement retiré. Du retrait de cet arrêt dépend le sort du commerce de la pêche de la morue ; il est perdu si l’arrêt subsiste, et sa ruine emporte celle des négociants et de la pépinière des matelots. TITRE V. DEMANDES LOCALES QUI INTÉBESSENT LE BIEN GÉNÉRAL. Art. 210. Soient à jamais supprimés et oubliés tous ces usements barbares sous lesquels plus de cinq cent mille individus gémissent encore dans une grande partie de la basse Bretagne, tels que ceux de domaines congéables, de mote et de que-vaize, restes odieux de la tyrannie féodale, proscrits et abolis depuis près de deux siècles et demi dans les domaines du Roi par une loi formelle, mais qui n’a point été suivie par les seigneurs particuliers. Les congéments, autrefois assez rares, maintenant très-communs, sont une source perpétuelle de ruine pour les familles, de discordes et de haines, de violences et même de meurtres et d’incendies. Abolition absolue du domaine congéable, c’est le vœu le plus marqué des colons de la sénéchaussée. Art. 211. Que l’on s’occupe avec constance des moyens de faciliter la navigation intérieure de la province ; que les travaux commencés à cet effet soient suivis et continués, afin que ce grand et utile projet soit, autant que la nature pourra le permettre, porté à sa perfection. Mais point de commission particulière pour ses travaux; qu’ils soient faits par adjudication sous les ordres de la commission intermédiaire. Art. 212. Que la corvée pour la réparation des digues des marais de Dol, fardeau accablant, qui, par une injustice révoltante, ne porte que sur un certain nombre des habitants de ces marais, soit supprimée pour rentrer dans la règle commune ; qu’il soit pris en considération s’il ne serait pas convenable que la province généralement intéressée à la conservation de cette partie précieuse d’elle-même, pourvût à cet objet important. Que dans le cas où il resterait à la charge des paroisses qui y sont plus particulièrement intéressées par leur situation, tous les habitants et propriétaires, sans aucune exception, ecclésiastiques, nobles et autres, soient assujettis à y contribuer. Art. 213. Que la garde bourgeoise des villes ne soit plus rejetée sur les citoyens qui ont précisément le moins à conserver ; que tous les habitants, sans aucune exception, et sans distinction de rang, de qualité, de profession, de sexe même soient assujettis à la paver; qu’il soit fait sur cela une loi formelle qui ne permette plus à aucun citoyen, de quelque condition qu’il soit, de s’y soustraire. Art. 214. Que l’université de Nantes, qui ne peut pas languir au centre d’un grand commerce, soit enfin transférée à Rennes, et qu’il soit établi dans cette ville des écoles d’artillerie et de génie 550 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Rennes.] Art. 215. La plupart des cahiers particuliers, des villes et paroisses de la sénéchaussée, réclament des réformes locales et utiles, mais qu'il n’est pas possible de faire entrer dans le cahier commun pour les Etats généraux ; arrêté qu’il en sera fait un cahier particulier, pour être fait valoir en temps et lieu, tant auxdits Etats généraux qu’aux Etats particuliers. Art. 216 et dernier. Qu’il ne puisse être révoqué en doute que les réclamations particulières du tiers-état de Bretagne, consignées dans le cahier arrêté à l’hôtel de la ville de Rennes, du 22 au 27 décembre 1788, en vain présenté aux Etats de la province au mois de janvier dernier, et dont les deux ordres privilégiés ne voulurent pas même entendre la lecture, ne soit vraiment l’expression du vœu général du peuple de toutes les classes. L’assemblée déclare y adhérer dans tout son contenu, en ce qui ne serait pas contraire au présent cahier ; elle déclare de même adhérer aux arrêtés et délibérations de l’ordre du tiers contenus dans le procès-verbal de ses séances particulières, du 14 au 21 février dernier, et charge ses députés aux prochains Etats généraux de solliciter avec constance la justice qu’elle doit attendre sur tous les points. Charges et arrêtés additionnels. Art. 1er. L’assemblée a arrêté que ses députés aux Etats généraux seront nommés, à la charge d’y présenter le cahier des vœux et griefs de’ la sénéchaussée, de s’y conformer, surtout aux articles constitutionnels ; de conserver soigneusement les droits et les franchises de la Bretagne, notamment son droit de consentir en ses Etats la loi, l’impôt et tous changements dans l’ordre public de cette province; à charge aussi de ne participer aux délibérations qu’autant qu’elles seront prises par tête et non par ordre; donnant au surplus auxdits députés le pouvoir d’aviser, délibérer, consentir, statuer tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, Rétablissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité du royaume et l’avantage du monarque et de tous ses sujets. Arf. 2. L’assemblée a arrêté de nommer deux adjoints pour aider les députés et les remplacer sans délai en cas de nécessité. Art. 3. Elle a établi à Rennes un bureau de correspondance avec ses députés à Versailles, lequel s'entendra avec des bureaux particuliers en toutes les villes du ressort. Les bureaux de chaque ville seront ouverts à jours et heures fixes à tous les citoyens, et correspondront avec un des députés de chaque paroisse à l’assemblée de la sénéchaussée. Les correspondants seront payés de leurs frais de ports sur les fonds de la province. Le bureau de Rennes et des autres villes sera nommé par les députés des communes. Art. 4. Il sera payé 12 livres par jour à chaque député et adjoint, et 300 livres pour leur voyage, le tout à prendre sur les deniers de la province. Art. 5. L’assemblée a chargé ses députés à Versailles de se plaindre de ce que la sénéchaussée de Rennes, qui s’étend d’un bout à l’autre de la province, daus la longueur d’environ quatre-vingts lieues, et dont la population fait plus d’un quart de celle de Bretagne, n’a cette fois qu’en-viron la moitié du nombre de députés qu'elle devait avoir aux Etats généraux. Puisse le résultat de cette assemblée auguste remplir nos espérances ! Puisse-t-elle assurer, avec la prospérité de la nation, le bonheur et la gloire d’un Roi chéri qui s’est fait le restaurateur de son peuple ! (Suivent les signatures.)