[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 décembre 1789.] Français alarmés lui ont fait entendre ce m de l'honneur. Signé: DEYEUX, DüfoürnY de Villiers, Fauconnier, Musnier des Cloz aux, Bénard, Roucher, Thévenin, Régnault, Legagneur - Letellier . , Roussille de Ghamseru, notables adjoints et commissaires. 2e ANNEXE. Le premier article du projet de décret du comité judiciaire porte que c les adjoints ne doivent être appelés au rapport des jugements sur lesquels interviendront les décrets, ni aucun autre jugement quelconque, n Cependant le décret du mois d’octobre ne fait cesser l’assistance des adjoints qu’à l’instant où l’accusé se sera présenté sur le décret. A cette époque, le jugement qui a prononcé ce même décret est rendu, et le rapport qui le précède est fait : donc l’assistance des adjoints au rapport qui précède le décret est jugée nécessaire, et est comprise dans la loi. Réflexions sur le plus ou le moins d’étendue des fonctions des notables adjoints dans l'instruction des procès criminels (1) . Le décret de l’Assemblée nationale des 8 et 9 octobre a donné lieu à M. le garde des sceaux de lui proposer de statuer sur diverses questions relatives à la fonction des adjoints. L’Assemblée nationale s’est pccupée de l’examen de ces questions, et déjà son comité de constitution judiciaire lui a fait un rapport qui sera mis à la discussion sous peu de jours. Ges questions sont au nombre de neuf-Les notables adjoints, alarmés des effets que pouvait produire sur leur honneur personnel et sur la dignité de leurs fonctions le résultat des questions 6, 7 et 8, tel qu’on le lit dans le rapport, ont pris la liberté de faire aux législateurs de la nation leurs respectueuses représentations. C’est la confiance de nos concitoyens qui nous a honorés du titre de notable adjoint, ont-ils dit ; c’est le patriotisme qui nous l’a fait accepter. On nous charge de représenter le peuple pendant le secret de 1 instruction ; on ne pouvait nous revêtir de plus nobles fonctions. Nous trouvons notre récompense dans nos veilles et dans l’importance de notre ministère , dont nous ne cherchons même pas à nqus enorgueillir; mais la menace de peines qui ne tendraient pas à moins qu’à entacher notre honneur, en nous rayant du tableau civique, si nous n’acceptions pas un poste dont on peut avec vérité se croire incapable, ou si nous offrions notre démission , ou si nous commettions des délite dans notre exercice, cette menace nous affecte sensiblement, et porte le découragement dans nos âmes. Il y a lieu de croire que ce cri de l’honneur, jeté par près de 500 bons citoyens, produira l’effet naturel qu’ils ont lieu d’en attendre, et nous ne nous permettrons pas de rien ajouter à des vœux que nous partageons. Nous réduirons donc nos réflexions à des objets dont les notables adjoints ne se sont pas occupés, et sur lesquels peut-être ils ont gardé le silence par une respectable discrétion , dans la crainte qu’on ne présumât qu’ils eussent l’ambition de trop étendre leurs fonctions, et d’usurper en partie «elles des magistrats. PREMIÈRE QUESTION. « Les adjoints doivent-ils assister au rapport sur lequel interviendra le jugement qui prononce un décret ou d’ajournement personnel ou de prise de corps? » (1) Ce document n’a pas été inséré an Moniteur. OBJECTIONS. La conséquence, dit-on, est juste, mais l’application en est fausse. La fonction des adjoints ne doit cesser qu’après le décret , quant aux açtes auxquels la loi leur a donné le pouvoir d’assister, mais la circonstance du décret non prononcé n’étend pas la fonction des adjoints aux actes qui ne sont pas de leur compétence. Ges actes sont la plainte, les procès-verbaux de visite des personnes blessées ou de corps mort, des lieux du délit, des effets qui peuvent servir à conviction ou à décharge, enfin à l’information qui précède le décret. La loi ne les appelle qu’à ces actes d’instruction, et non au décret qui est un jugement qui déclare qu’il existe au moins un commencement de preuve suffisante pour mettre un citoyen in reatu. C’est ainsi que, confondant le décret avec le rapport qui le précède, et qui actuellement est rendu par trois juges, devant qui' doit être fait ce rapport, on passe ensuite à la considération du caractère propre des adjoints, et de la nature de leurs fonctions, pour prouver qu’ils ne doivent pas assister, non au rapport dont on ne parle pas, mais au décret. Les adjoints, dit-on, ne sont que les représentants du peuple, jusqu’au moment où la publicité de la procédure peut lui permettre d’y assister. Leur fonction est de surveiller, au nom du peuple, la fidélité et l’exactitude des actes qui doivent former la preuye du délit, ou assurer la décharge de l’innocent. Les adjoints, comme représentants du peuple, comme surveillants de la preuve, n’ont aucun caractère de juge. Ils n’ont dès lors aucun avis à donner sur la question de fait et de droit, qui doit décider s’il y a lieu au décret, et la nature du décret; il est inutile d’assister à un acte auquel on ne peu| pas coopérer. Les adjoints, ajoute-t-on, n’ont rien de commun avec les jurés d’Angleterre, que la loi de ce pays constitué juges du fait, et même les ministres instrumentaires de l’information. RÉPONSES. L’assertion qui sert de fondement à l’objection est donc qu’il n’y a d’autres actes de la compétence des adjoints, crue ceux que l’on a indiqués : on en exclut le décret, et on confond le décret avec le rapport qui le précède. Mais l’on pense que le rapport est très-distinct du décret, que le rapport est un acte d’instruction, et quand même les adjoints ne devraient pas assister ail décret, ils doivent nécessairement assister au rapport. En effet le rapport consiste dans la lecture que [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 décembre 1789.] |Q fait au tribunal le rapporteur de la plainte, des procès-verbaux, des pièces gui constatent le délit, et de toutes les dépositions de l’information, indépendamment de son avis. Le décret, au contraire, est le jugement que le tribunal prononce contre le citoyen prévenu d’un délit, jugement qui doit, ou écarter l’accusation, ou décider contre l’accusé une suspension légale, et provisoirement l’interdire ou le suspendre dans l’exercice de ses fonctions civiques. De cette distinction, il résulte que le rapport est un acte d’instruction, et non le jugement même; et, si c’est un acte d’instruction, l’assistance des adjoints y est donc indispensablement nécessaire, puisque les adjoints sont appelés à tous les actes d’instruction, jusqu’à ce que l’accusé se soit présenté sur le décret. Le rapport est évidemment un acte d’instruction, puisque, suivant l’expression même qui le caractérise, c’est le récit de tous les actes du procès ; c’est le rapport qui instruit le tribunal des circonstances et des preuves, tant à charge qu’à décharge, du délit contre le prévenu; et, quoique l’acte ne soit pas écrit, et qu’il ne soit que verbal, ce n’en est pas moins un acte d’instruction et l’acte le plus essentiel du procès, puisque de son exactitude dépend le jugement que le tribunal va ensuite délibérer et provisoirement prononcer contre l’honneur d’un citoyen. Or, y a-t-il un moment où le caractère propre des adjoints et la nature de leurs fonctions exigent plus essentiellement leur présence, comme représentants du peuple ? Pour enlever jusqu’au moindre doute à cet égard, il n’y a à consulter que ce que la loi prescrit, et ce qui se pratique lorsque l’accusé est détenu, et lors du jugement définitif. L’article ?1 du décret du mois d’octobre est ainsi conçu : « Le rapport du procès sera fait par un des juges, les conclusions du ministère public données ensuite et motivées, le dernier interrogatoire prêté, et le jugement prononcé, le tout à l’audience publique. L’accusé ne comparaîtra à cette audience qu’au moment de l’interrogatoire, après lequel il sera reconduit, s’il est prisonnier; mais son conseil pourra être présent pendant la séance entière, et parler pour sa défense, après le rapport fini. Les conclusions données, le dernier interrogatoire prêté, les juges seront tenus de se retirer ensuite à la chambre du conseil, d’y opiner sur délibéré, et de reprendre incontinent leur séance publique pour la prononciation du jugement. » Si donc, lors du jugement définitif, le rapport se fait publiquement, si de plus il se fait en présence du conseil, si le conseil a droit de parler après le rapport fini, par quel motif les adjoints, qui représentent le peuple dans la partie secrète derinstruclion, qui joignent à cette représentation le droit d’observer, à charge et à décharge, la véracité des faits, qui, pour le dire avant M.le garde des sceaux, page 2 de son mémoire, sont en quelque sorte les surveillants des juges instructeurs, et préposés à l’investigation exacte et impartiale de la vérité; par quelles raisons, disons-nous, ces représentants du peuple ne seraient-ils pas présents au rapport ? Et ne pouvons-nous pas en ce lieu invoquer, avec un avantage véritablement entraînant, les réflexions qu’on lit dans le mémoire de M. le garde des sceaux, pages 4 et 5 ? « Si on scrute, y est-il dit, l’esprit général qui a dicté le décret de l’Assemblée nationale, il est difficile d’écarter les adjoints d’un rapport qui va décider, sinon du sort de l’accusé, au moins de la suspicion légale qui s’établira contre lui. Les adjoints, à la vérité, ne sont point ses défenseurs, ils ne lui doivent ni secours, ni protection ; mais ils doivent tous leurs soins à la véracité des preuves, à ce qu’on n’en altère pas les caractères et peut-être à ce qu’on n’en outre pas les conséquences, pour en rendre les effets plus affligeants. N’est-il pas naturel de penser qu’une loi dictée par l’humanité, qui donne un conseil à l’accusé quand il est présent, qui veut qu’au moment du jugement définitif, il soit défendu, même après le rapport et après les conclusions motivées du ministère public; qui, avant que cet accusé soit connu, avant que la justice ait pu l’appeler, a proposé deux hommes choisis par la confiance de leurs concitoyens, pour faire au juge instructeur les observations dictées par l’impartialité ; qui ne fait cesser leur assistance que quand il peut venir offrir sa justification et y présider lui-même ; n’est-il pas naturel de supposer, ou plutôt d’apercevoir qu’une telle loi a voulu la présence de deux adjoints au rapport qui terminera le degré de sévérité dont la justice doit user dès le premier pas, et qu’à ce moment si important, ils fissent encore au juge, en leur âme et conscience, les observations que la connaissance parfaite de l’instruction pourra leur fournir? » Les adjoints ne coopèrent pas-aux jugements; ils ne seront même pas� si l’on veut, juges du fait, comme les jurés d’Angleterre ; mais ils éclaireront le tribunal, ils ne lui laisseront pas passer les nuances de ces faits dont ils sont pénétrés par l’audition qu’ils ont eue des dépositions, par la vue des lieux et des corps de délit. Mis à la place du peuple, ils seront sûrs que tout aura été lu et dûment examiné. Gela, osons le dire sans rien diminuer du respect dû aux magistrats, et qu’ils méritent à tant de titres ; cela ne devient-il pas d’autant plus nécessaire dans les grands tribunaux, que l’immensité des affaires criminelles, le désir naturel qu’ont les magistrats d’en accélérer l’instruction, et de suffire à tout, pourraient leur faire apporter moins d’attention, ou plus ou moins de précipitation dans cette première partie de l’instruction, si la présence des adjoints ne les astreignait pas, comme le ferait celle du public, à l’examen complet, quoique souvent fastidieux, de tous les détails de cette première partie de la procédure criminelle, si grave dans ses effets contre des citoyens qu’elle va provisoirement entacher par l’espèce de flétrissure qu’entraîne la publicité d’un décret ? Le but de la loi serait donc manqué, si les adjoints n’assistaient pas au rapport, s’ils étaient même empêchés de faire des observations après le rapport, sauf aux juges ensuite, à délibérer particulièrement; mais si les adjoints ne sont pas présents au rapport, l’esprit de la loi n’est pas entièrement rempli; il existera un moment où le procès s’instruira sans la présence du peuple, sans celle de ses représentants, qui sont les notables adjoints. SECONDE QUESTION. « La présence des adjoints est-elle nécessaire dans les différentes espèces proposées parM. le garde des sceaux? » Questions 2, 3, 4 et 5. Elles supposent toutes l’accusé absent ou con - [26 décembre 1789.] 20 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tumax, soit parce qu’il n’a pas comparu sur le décret; soit parce que, sur plusieurs co-accusés décrétés, il y en a seulement quelques-uns qui ont comparu ; soit parce que l’on est dans le cas de rendre une nouvelle plainte, et de faire une nouvelle information contre une personne qui n’avait point été comprise dans la première; soit, enfin, parce que l’accusé qui avait comparu, refuse ensuite de se présenter, ou prend la fuite. On a cru, ce semble, trancher la question, et rejeter la présence des adjoints dans tous ces cas, en proposant, par le comité de constitution judiciaire, un nouvel article conçu en ces termes : « Le rapport des procès instruits par contumace sera fait publiquement, et le jugement sera aussi prononcé publiquement. j> fit comme la publicité de la procédure est, suivant le rapport fait à l’Assemblée nationale, l’esprit et la base du décret des 8 et 9 octobre, la présence des adjoints devient inutile dans toutes les espèces proposées. La publicité de la procédure est la plus puissante sauvegarde de l’innocence, comme elle est le plus sûr garant de la vindicte qui intéresse la société. On convient que la publicité de l’instruction criminelle est une des portions fondamentales de la loi ; mais elle n’est pas la seule, et son esprit indique la nécessité de la présence des adjoints toutes les fois que les accusés absents seraient exposés à souffrir du défaut de leur assistance. On doit, en effet, supposer que la loi est disposée à ne pas plus sacrifier les accusés absents que les présents. L’auteur du rapport dit lui-même qu’il suffit que l’absence puisse être quelquefois excusable , pour que l'un ne puisse pas [ dire qu’elle rende l’accusé indigne de toute protection de la loi. Or, les accusés présents ont, indépendamment de l’avantage de la publicité, celui, d’être présents aux récolements, de pouvoir se défendre eux-mêmes, et d’avoir aussi des défenseurs. L’absent, au contraire, ne peut se défendre, puisqu’il est absent, et n’a point de défenseurs. Si les adjoints assistaient à l’instruction, ils pourraient, en leur âme et conscience, prendre les intérêts de l’absent, et faire des observations aux témoins dans le moment le plus important de la procédure, lors du récolement, même aux juges après le rapport. La publicité de la procédure est donc une considération insuffisante. Comment se ferait-il qu’en matière aussi grave, quand il s’agit de l’honneur et de la vie d’un citoyen, on le privât de cette ressource, tandis qu’en matière civile on veille aux intérêts des absents avec tant de soin? On reconnaît assurément que, dans l’esprit de la loi, les adjoints sont particulièrement établis pour être les représentants du peuple pendant la partie de l'instruction qui doit être secrète. Mais leur présence n’est pas réduite à jouer un rôle muet. L’auteur du rapport observe, avec toute vérité, que les adjoints ont aussi la double fonction de protéger l’innocence, et de s’opposer à l’indulgence qui épargnerait le coupable. Or, on le demande, si on instruit, si on juge les procès contumaces sans adjoints, si on se contente de le faire publiquement, le peuple sera bien présent; mais la loi ne donnant pas au peuple le droit d’observation au juge, l’absent sera sans protecteur s’il est innocent, et sans surveillant s’il est coupable. Cela arrivera publiquement, mais cela n’en sera pas moins contre l’esprit d’humanité de la loi, contre cet esprit de bienfaisance et de justice, qui est l’âme de la loi créatrice des adjoints. — L’absent peut être innocent, et le peuple verra qu’il est condamné sans être défendu; s’il est coupable, le peuple dira que s’il avait pu parler dans les informations, ou des adjoints pour lui, l’accusé n’aurait pas été renvoyé absous. Ainsi, les deux grands motifs qui ont fait désirer une procédure criminelle publique pourront être illusoires, soit pour l’intérêt particulier des accusés, soit pour celui général de la société, faute d’adjoints qui aient la faculté : 1° d’observer aux témoins dans les dépositions, et aux juges avant et après le rapport; 2° de répondre aux charges que les accusés présents chercheraient à faire tomber sur les absents; 3° enfin, de soutenir avec impartialité les intérêts des absents, qui, accusés incidemment dans une procédure publique, ne pourraient jouir de la protection accordée aux accusés présents. Quel inconvénient d’ailleurs, dans l’incertitude, y aurait-il d’appeler les adjoints à toute l’instruction de contumace ? Les juges sont, en général , trop animés du bon esprit de leur état pour trouver que cette assistance les contrarie. Les adjoints, de leur côté, ne murmureront sûrement pas non plus d’avoir des fonctions qui ajoutent à leurs travaux, puisqu’ils sauront qu’elles sont nécessaires et quelles les honorent. On ne peut apporter trop de soins, trop de vigilance et trop de veilles, pour rassurer les citoyens contre des surprises qui pourraient entraîner involontairement les juges à prononcer des jugements qui, quoique par défaut, auraient des suites évidemment funestes. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DÉMEÜNIER. Séance du samedi 26 décembre 1789 (1). M, Massieu, l’un de MM. les secrétaires , commence la lecture du procès-verbal de jeudi 24 décembre. Plusieurs membres demandent que la motion de M. de Gouy-d’Arsy, concernant le ministre de la marine, ne soit pas mentionnée au procès-verbal. M. de Foncault dit que M. le secrétaire est entré dans de trop longs détails au sujet des non catholiques et des comédiens. Par suite de ces réclamations la lecture du procès-verbal est renvoyée à lundi prochain. On fait lecture d’une adresse de la ville de Seure en Bourgogne ; elle contient félicitation à l’Assemblée nationale, adhésion à tous ses décrets; demande à être le chef-lieu d’un district et Je siège d’une justice royale. — Les députés envoyés par cette ville offrent, en son nom, le don patriotique de la somme de 3,377 liv. 17 s. 4 deniers. — M. le président, au nom de l’Assemblée, leur accorde la séance. M. Lesurc, député de Vitry et de Sainte - Menehould , demande qu’une erreur qui s’est (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.