(Assemblée nationale.| ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1790.] 073 capitaine de navire; J. Lagonar; Moillard 1 aîné; Vidal ;Courtodey ; B. Mathieu; Margueric Linarantin ; Darrimon; J.-D. Força; Brous-sore ; Lehner; Ghatard; J. Lafargue ; F. Noé; Roy aîné; Menante; P. Gaussade; Ganuac, F.Cannis ; Claparède; J. Taurin ; D. H. Aug; Duroux ; Guilhem aîné ; Lesirier ; Peicam jeune ; Combs ; Fenicand; A. Rouxguiiheim ; Epiam ; F. Tronilloc et compagnie; Lapor-tim; J.-L. Sol; A. Aogaut airsé; Fourcand jeune ; Birard ; Faure jeune ; Neczelmarre ; Champagne ; Donolme; M. Jorero ; Gérarin jeune; J. Dutilh ; Duran ; Gardelle; Aymé Fontaine; Béchade; Pinaud ; Ghamblan ; Lé-salim ; Lafrance; Poli Branchât; Espinasse; J. Gassier ; Lagrange; Gourtade; Bonnet; Pierre Changeur ; Billas ; Farricao; Davsin ; Jacques Lude; Dupout cadet; Avenel; F. Vi-gent ; Fourcau ; Marie Brizard et Roger ; Dlisin; Gapt; J. Guéry ; Ragale ; Ducoingfils; Jolm ; Bond fils et Amiucante ; Ladurantie; N. FenouUJot ; M. Lamegie ; Faure; B. Ladurantie ; J. Fonternoing jeune; G. Ger-non ; G. Baudon ; Dubos; Levés; Bornerod ; Curcier l’aîné; G. Guérin; Corbeau ; Jorbé ; Renouleau; Lacombe aîné; L. Durrieu; Pis-sabœuf fils aîné; Jean-P. Labaf; J. Vienne; Bouchi; J. Duborie; Sonet; B. Hebrard ; Hortains fils ; Boudauès; Monereau ; J. Loup; Ossan; Laporterie; J. Lartigue; Bayez fils; Blandin; Houé;P. Testas; Seyers; D. Bour-guet; D. Fadal; Ducasse; Guariane ; J. -B. Turgis; F. Nalarcet; Gotet; G. Aubert; Cayre; Petit; André Courcier; Veyrier; David La-moyer; Maihurin Vincent; J. Fenelon; J. Guibert l’aîné; Cambon; J. -B. Salenave; Breton; Dedme le jeune; F. Martin; Lopès-Dubec; Pierre Coudère le jeune; B. Barréze; les frères Cambon et compagnie; J. -François Senior; Paschal Gilbert; Jean Létémends; Bon-cavel ; Tauzière ; Busquet ; Castels père; Castels fils; J. Dusserraij; Jacq. Burette, oncle et neveu; Deprat; J. -P. Nairac et fils; Drignac; Ducos fils aîné; V. Bordas et Lion-net; Charles Candie; Provin; Bolibert; J. Bedout; Jacques Ghouquet; Peros; Faure; Paul Vignes; Frédéric Fourestier; Eschaurier; R. Brassasfils; G. Lafon; Fudeville, un des 90 électeurs ; Thyssiné; Liesse; Imreau ; Guillaume Robrahn et I leymao ; G . Pautel ; Bouges; J. Lacan et compagnie ; Gassaigne; J.-B. Gar-lère; Drouet, propriétaire; P. Lafile-Dupont; Dubois; Dpschamp ; Dumas aîné; Bonnet; Sarade; B. Baudard; Teysset; Berton; P. Jam-mey; Pangey fils; Dabbade; Lapervideau ; M.-J. Senn fils; Victor-Joseph Guenou; Rou-vets; S. Billiet; B. Gastaniat; Ridulas; Bousset et fils; Dumas aîné; F. Deneil; par procuration deGuillaume Lattes, mon père, Lattes fils; Duportailaîné;Coste;Labbé; Auri l’aîné; Are-vedo; H. Martin; Roumat; Pierre Roufflet ; Lafore; J.-B. Roumat; Dussant; Lalourmarès; Rivaud; N. Alvarez: Augustin Fullart frères; J. Guerard fils; J.-B. Lafiie; Fouque; Revel; J. Fenau; B. Loche; Marsan l’aîné; Legris-Lapomeraie; Poujardieu; Laguerenne; Se-guineau père; Lafontan; Bomarde; Ledentat; Guérin l’aîné; Martial LaGhapelle; Techeney ; Périer; F. Douât; Nion ; Manière ; Obscur et Dubay le jeune ; Collineau; Chevalon; Jean Durand; Larronget; Sartre; J. Faget; J. Arnaud; Buram ; Becours ; Audon ; G. Carette et compagnie; Hugueton; J. Chevalier; Lordat; Hareau; Brian aîné; Brian le jeune; Boisset 1™ Série. T. XVHI. et Laborde; J. Chevalier; Bacquet; Bouches; Delome. Je certifie les signatures ci-dessus : A Bordeaux, le 6 septembre 1790. JOURME Auber, directeur de la chambre du commerce et président en l'absence du juge. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 9 SEPTEMBRE 1790. Très -humble et très - respectueuse adresse des citoyens de la Confession d'Augsbourg, habitant les quatre terres de Blamont, Clémont, Héri-court et Châtelot ( pour demander la liberté absolue des cultes et des pensions pour leurs pasteurs) (1). Messieurs, les protestants des quatre terres de Blamont, Clémont, , Héricourt et Châtelot, aux départements du Doubs et de la Haute-Saône, fondés sur la justice de leur cause, et plus encore sur cette saine philosophie, cet amour du peuple, cette égalité précieuse entre les citoyens, cette restauration complète de toutes les parties du royaume, qui sont les bases sacrées et le résultat de vos travaux, prennent la liberté de déposer dans votre sein leurs peines et leurs vœux. Iis sont enfants de l’Etat, vous en êtes les pères, et Cette douce relation leur persuade qu’ils touchent enfin au moment heureux de voir ces peines finies et ces vœux se réaliser. Leur union à l’empire français eût été, dès son principe, le gage de leur félicité, si l’intolérance religieuse, dont leur Constitution précédente devait les garantir, ne fût devenue pour eux une source de bien des maux. Ce fut à la fia du dernier siècle que Louis XIV s’empara des quatre terres. Files appartenaient auparavant à la maison de Wurtemberg-Montbéliard, qui les possédait en souveraineté sous i’iramédiateté de l’empire. La réformation y avait été introduite dès le milieu du seizième siècle, et tous les sujets y professaient la religion chrétienne selon la confession d’Augsbourg. Ce fut donc comme protestants que ce prince les prit sous sa protection. Il leur avait assuré d’avance la liberté de leur culte par la garantie qu’il avait donnée de la Constitution politique et religieuse de l’empire en général, dont ces terres faisaient partie, dans les traités d'Osnabruck et de Munster, de Nimègue, de Ryswick et de Ras-tadt; traités qui furent respectés à i’égard de l’Alsace, bien que réunie à la couronne, et qui, par la même raison, n’auraient jamais dû cesser de l’être à l’égard des quatre terres; car, sur ce point, les droits de ces deux pays sont les mêmes et reposent sur les mêmes bases, Cependant on ne tarda pas à y porter atteinte, par un effet du despotisme qui caractérisa toutes les opérations de ce règne, et du zèle fanatique qui animait les auteurs de la révocation de l’édit ne Nantes. On se hâta d’établir des curés dans ces cantons (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. 43 074 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 4790.] avant qu’ils y eussent des ouailles. Les moins modérés furent jugés les plus dignes, et dès 1699 et 1700 il s’y commit déjà tant de violences contre les Luthériens, que le prince de Montbéliard intéressa l’empire et tous les princes garants à cette cause, et réclama le respect dû aux traités, qu’on violait si cruellement. Mais Louis XIV, ou son ministre, dédaigna ces réclamations, et méconnut dès lors l’influence de ces* traités, garantis par lui, sur les quatre terres. Il donna un règlement dans sa lettre de cachet, adressée au parlement de Besançon, en date du 9 juillet 1707, pour désormais servir de base au régime ecclésiastique et civil de ce pays, et réduisit les droits acquis des protestants sur leur sol antique et héréditaire à une simple tolérance ; mot funeste, contre lequel nous réclamons aujourd’hui, comme nous l’avons toujours fait , parce qu’il a contribué, plus que toute autre chose, à persuader qu’on ne nous devait rien et qu’on pouvait nous dépouiller sans scrupule. Néanmoins le roi, dans cette lettre, ne parle point du tout de gêner les protestants. Il laisse, au titre près, les choses à leur égard sur le pied où elles étaient, sauf le droit, à lui appartenant comme souverain, d'établir des curés partout où il le jugerait à propos; mai3 avec cette clause expresse : « Qu’ayant trouvé bon, pour lever toutes plaintes , de donner des pensions pour la subsistance de ces curés, il entend qu’ils ne s’immisceront point dans les dîmes, dont le prince de Montbéliard jouissait avant la paix de Nimègue, même sous prétexte que quelqu’une pourrait être considérée comme novale ; et c’est à quoi il veut que son parlement tienne la main, nonobstant toutes raisons particulières que les curés pourraient alléguer au contraire. » Dans le traité du 10 mars 1748, par lequel le sérénissime duc de Wurtemberg renonça enfin à sa souveraineté des quatre terres en faveur du roi, Sa Majesté stipula pour condition de cette renonciation : • Que ces lettres de 1707 seront maintenues dans leur forme et vigueur, de sorte que les dispositions, qui y sont insérées en grande connaissance de cause, continueront de servir de règle inviolable par rapport à l’exercice des droits de part et d’autre dans les différents objets qu’elles renferment, et spécialement pour ce qui regarde la tolérance de l'exercice de la religion luthérienne dans les quatre seigneuries contiguës au comité de Montbéliard; bien entendu que tout ce qui aura été fait de contraire aux principes desdites lettres sera réformé. » Les lettres patentes confirmatives et explicatives de ce traité, adressées en 1749 au parlement de Besançon rappellent les mêmes dispositions, et déclarent en outre, pour ne plus laisser aucun doute sur les intentions du monarque : « Que, si Sa Majesté n’a point entendu déroger par ledit traité de 1748 à lanomination qu’elle a faite pendant le séquestredes curés à différentes églises des quatre terres, etauxquelsM. l’archevêque continuera de pourvoir : Elle veut bien tolérer cependant que les habitants luthériens, exerçant Leur culte dans lesdites églises des seigneuries dont ils ont été en droit, à condition quils ne dérogeront en rien à l'examen de la religion catholique roumaine dans mêmes églises , ni aux fonctions des curés. » La lettreécrite sous le ministère de M. dePaulmi, en date du 14 janvier 1754, au sujet des gardes-forêts, qu’on prétendait ne pouvoir être protestants, porte : « que les questions élevées dans les terres de Blamont, Clémont, Héricourt et Ghâtelot, pour fait de religion, ne doivent point être décidées par les principes communs, tels'que ceux de la déclaration de 1724, mais par les dispositions, tant de la lettre que Louis XIV écrivit en 1707 au parlement de Besançon, que de la convention faite avec le duc de Wurtemberg ; qu’il ne s’agit point ici de pays où la religion catholique exclut tout autre culte public ; mais des seigneuries particulières où Sa Majstêa cru devoir maintenir la profession de la confession d'Augsbourg.K Lorsqu’en 1766 M. le procureur général de la province voulut faire l’application à la ville d’Hé-ricourt et au reste des terres d’un arrêt rendu au parlement sur son réquisitoire, ordonnant, sous différentes peines, que les maires, échevins et conseillers de ville ne pourraient être admis à prêter le serment préalable à leur installation qu’en apportant un certificat de catholicité, tirant les motifs de l’usage et de l’article 12 de la déclaration du 14 mai 1724, M. de Ghoiseul, organe de la cour, par sa lettre du 20 mai, prononça : « que ces principes généraux sont absolument étrangers à la ville d’Héricourt et aux quatre terres, où la liberté de religion est assurée aux luthériens par les titres les plus authentiques, tels que la convention conclue entre le roi et le duc de Wurtemberg, le 10 mai 1748, et les lettres patentes qui confirment cette convention, et où, conséquemment à cette liberté, il est d’usage constant, que les luthériens partagent avec les catholiques les emplois municipaux , aiBsi que Cela se pratique dans les villes d’Alsace où l’exercice du culte luthérien est permis ; qu’ainsi le parlement de Besançon n’a pu ni dû entendre, lorrsqu’il a rendu l’arrêt dont il s’agit, que son exécution s’étendît à la ville d’Héricourt, etc. » La lettre de M. le maréchal de Müy, au même magistrat, en date du 21 juillet 1775, porte : « L’autorité s’est toujours nettement expliquée sur la nécessité de ne rien innover en matière de revenus ecclésiastiques dans les terres de Blamont, Clémont, Héricourt et Ghâtelot. C’est ce qu’on aurait dû ne pas perdre de vue... Cependant, il paraît qu’on laisse aucurédeMontenois troubler cet ordre provisoire par des procédures qui se multiplient, et qui ne manqueront pas d’exciter les autres curésàsuivrecetexemple. Comme les volontés du roi, sur ce point, ne sauraient être différentes de celles du feu roi, elle me charge de vous marquer , de sa part, d'arrêter de pareilles procédures , et d'empêcher toute innovation à ce que les lettres de Louis XIV de 1707 ont prescrit à cet égard. » Voilà, Messieurs, une série de titres formels en faveur des protestants des quatre terres qui, indépendamment même des traités antérieurs à la réunion à la monarchie française, prouvent jusqu’à l’évidence, la légitimité de la cause qu’ils ont i’honneur de soumettre à votre justice bienfaisante. Il est clair que jamais l’intention du roi n’a été qu’ils fussent ni molestés ni gênés dans l’exercice de leur culte, et lajouissance entière d es revenus ecclésiastiques sécularisés, que la maison de Wurtemberg leur abandonnait généreusement, ni qu’on leur fît la moindre difficulté sur le partage des emplois principaux. tout cela s’est fait cependant avec excès, et l’effet s’en soutient. Ce ne peut donc être que le fruit de passions subalternes et d’abus d’autorités bien criminels. En effet, l’esprit de parti, échauffé parle fanatisme, et par un intérêt tout autre que celui du bien . public, s’empressa de conclure, on ne sait 675 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (9 septembre 1790.J sur quel fondement, que le rétablissementque le roi avait trouvé bon de faire des curés dans certaines églises des quatre terres, emportait le renvoi des ministres protestants, de ces mêmes églises, et l’abolition totale de leur culte. Cependant, rien ne paraît plus éloigné de l’esprit de la lettre de 1707 ; Louis XIV dit dans cette lettre, que son intention est de lever toutes plaintes. Son intention n’a donc pu être que les luthériens, qui faisaient alorsla totalité, et qui font encore aujourd’hui les neuf dixièmes de la population, fussent évincés de leurs églises et privés de l’exercice de leur culte. Son intention a été, au contraire, que les luthériens continuassent de professer publiquement leur religion, sous la seule condition qu’ils partageraient leurs églises avec les catholiques. C’est sur quoi les lettres patentes de 1749 ne pouvaient laisser aucun doute, puisque Louis XV y exprima, en termes précis, ce que son prédécesseur présumait comme de droit. « Il veut que les habitants luthériens exercent leur culte dans les églises des terres dont ils ont été en droit. » Cependant, par une suite de cette interprétation singulière, les Luthériens ont été successivement privés : DANS LA TERRE DE BLAMONT, De l’église, du cimetière et de l’école de Bla-mont même, quoiqu’il y réside un ministre autorisé par le roi, de manière que c’est le vicaire royal, qui, outre la chapelle du château qui lui est affectée, et qui suffirait bien à contenir ses ouailles, est en possession exclusive de l’église paroissiale, et que le pasteur en titre est obligé d’aller faire son service à Pierrefontaine son annexe ; De J 'église, du maître d’école, du cimetière et du presbytère de Glai, Molière et Dannemarie; De l’église, du cimetière et du maître d’école de Villars Filiale de Glai ; De l’église, du cimetièreet du presbytère deSe-loncourt, bien qu’il n’y ait que deux ou trois feux catholiques sur 73 ménages luthériens, et que le curé se trouve souvent seul à la messe avec son domestique pour répondant; De l’église, du maître d’école et du cimetière de Bondeval, où il n’y a qu’un seul catholique qui .paye 17 sols pour toutes charges à l’Etat. DANS LA TERRE DE GLÉMONT, De l’église, du maître d'école et du presbytère de Montecheroux, où il y a passé cent feux protestants, en sorte qu’il n'y a plus ni ministre, ni moyen d’instruction pour eux dans toute cette terre; qu’ils sont obligés de passer la montagne escarpée de Lomontpour vaquer à leur culte, au grand préjudice de leur fortune, de leur santé, et péril de leurs habitations, car si le feu y prenait pendant qu’ils sont aux offices de Pierrefontaine, tout le village serait en cendres avant d’être secouru. DANS LA TERRE d’HÉRICOURT, Des églises, cimetières et sépultures de Tavel, et de Ghagey dont les habitants et ceux de Luze sont aujourd’hui paroissiens sur terre étrangère. DANS LA TERRE DU CHATELOT, De l’église, école, cimetière et presbytère de Saint-Maurice, bien qu’il n’y ait de catholiques que le curé, le maître et la maîtresse d’école, et quelques employés des fermes ; De l’église, de l’école et du cimetière de Colombier-Fontaine ; De l’église et cimetière de Blussang; De l’église, cimetière et presbytère de Longe-velle, où il n’y a de catholiques "que le curé, le maître d’école et deux petits ménages ; De l’usage accoutumé de l’église et du cimetière de Lougre, bien qu’il n’y ait pas un catholique; De l’église, école et cimetière de Colombier-Châtelot, quoiqu’il n’y ait non plus aucun catholique; Du maître d’école et de tout autre bénéfice religieux à Châtelot et Blussanjeau. De manière qu’il n’y ait plus ni ministres, ni instructions publiques”, ni secours spirituels pour les luthériens dans cette terre, quoiqu’ils y fassent les onze douzièmes de la population. A ces privations si douloureuses, l’on ose dire si peu raisonnables, se joignit bientôt une espèce d’inquisition. Certains curés parcoururent les villages, violèrent les domiciles pour voir si personne ne s’y livraitàFinstruction delajeunesseou à quelqueautre fonction religieuse. La moindreap-parence de contravention donna lieu aux menaces effrayantes, aux amendes arbitraires, aux peines corporelles. On leur enleva leurs livres de dévotion : les ministres voisins n’osèrent plus aller voir les malades, ni les consoler sur leurs grabats, sans s’exposer aux avanies et aux emprisonnements. Quelque sacré qu’ait été chez tous les peuples le droitde déposer sa dépouille mortelle dans sa terre natale, et quoique la faculté de mêler sa cendre aux cendres de ses pères, entre essentiellement dans l'idée que présente le doux nom de patrie, on les en priva. Ils furent obligés longtemps d’enlever nuitamment leurs morts pour les soustraire aux insultes; et aujourd’hui encore, s’ils les enterrent sans trouble, ils n’en sont pas moins forcés, dans bien des endroits, de les transporter sur terre étrangère ; et le débordement des rivières, l’impraticabilité des chemins les met souvent dans le cas de garder les cadavres plus longtemps que de raison. Les tribunaux, au lieu de tenir la balance de la justice, ne firent qu’aggraver le joug. A l’intendance, et à la subdélégation surtout, (si l’on en excepte la courte durée de l’administration de M. de Saint-Ange), on affecta de le? traiter avec la partialité la plus révoltante. On s’y fit une loi de rayer dans les comptes publics généralement tout ce qui les concernait, pendant que tout indistinctement s’allouait aux catholiques; de leur ôter, autant que possible, toute participation aux biens et revenus de leurs communautés respectives, et de les écraser sous le poids énorme de dépenses toujours renaissantes. En même temps qu’on comminait contre eux des amendes de 1,000 livres, s’ils s’avisaient d’user du droit, si sacré partout ailleurs, d’instruire leurs enfants et qu’on traînait dans les cachots ceux qui s’en occupaient, on les forçait de se cotiser pour l’entretien des nouveaux régents catholiques. On les laissait chargés des réparations, entre- 676 (Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tien et reconstructions rie res memes églises , écoles, presbvières et autres édifices publics, dont on leur interdisait l'usage. Chaque curé les exigeait, selon son caprice; le subdélégué les décrétait, et les luthériens, sous le joug, s'épuisaient pour les payer (1). Il est inoui combien le projet extravagant de ruiner ces utiles et généreux citoyens les lit multiplier et grossir. On poussa les choses au point de les associer à des dépenses avec lesquelles ils n’avaient rien eu de commua en aucun temps, et pour les y contraindre on se lit une jurisprudence nouvelle, la plus alarmante et tout à fait dérogatoire à la marche ordinaire des tribunaux. On les condamne par 'provision sur le simple exposé de ceux qui enviaient leurs dépouilles, sans production ni signification d’aucun titre, sauf à eux à prouver qu’ils ne devaient pas être condamnés ; et ces preuves leur étaient toujours impossibles, parce qu’on leur avait enlevé leurs documents, et qu’on ne voulait s’en rapporter ni à la possession la plus ancienne, ni à la vraisemblance, ni aux présomptions (2). On ne fut pas moins âpre à les dépouiller des revenus dont ils jouissaient par la munificence des princes de Montbéliard. Rien de plus précis que la défense faite par Louis XIV, réitérée par Louis XV, et renouvelée par le roi actuel, à tous b s curés de s'immiscer dans ces revenus, sous quelque prétexte que ce soit ; rien de plus positif que l’ordre au parlement et à l’intendant de la province de tenir la main à son exécution. Eh bien ! rien n’a été moins respecté, ni par les curés ni par les tribunaux. Ces revenus, ressource unique des ministres luthériens, pour leur subsistance et pour le soutien de leur état, sont devenus la proie du gaspillage le plus effréné; (1) En 1788, le curé de Tavel ayant encore sollicité des travaux pour son église, l’adjudication aux dépens des luthériens de cette paroisse, en fut portée à 2,200 livres, et passé 300 livres de frais, bien que tout le nécessaire eût pu s’exécuter pour 200 livres. (2) Cette manière de procéder, contraire à tous les principes, et qui rend tout précaire, fut celle qu’on suivit à l’égard de la communauté d’Autechaux, en la condamnant à payer près de 3,000 livrer pour la bâtisse de l’église du Pont-de-Roide, quoiqu’elle eût elle-même sa propre église, et qu’elle fût absolument étrangère à cette paroisse, et qu’elle eût de tout temps fait partie de celle de Rochers: de sorte que dès lors cette chétive communauté s’est trouvée contribuer à l’entretien de trois églises. Et le prétexte, dont on a couvert cette étrange sentence, c’est que le peu de catholiques d’Autechaux, qui en partagent le temple avec les protestants, ont prié le curé du Pont-de-Roide devenir leur dire un certain nombre de messes par an; et que ce curé, profitant des circonstances, s’est emparé de la dime ecclésiastique du lieu, bien qu’elle fît essentiellement partie des revenus sécularisés, assurés à la maison de Wurtemberg ; tout comme si une usurpation aussi illégale pouvait servir de base à quelque règlement. Ce fut encore cette même manière de procéder qu’on adopta envers la communauté de Piarrefonlaine, en la condamnant à entrer pour un tiers dans la bâtisse du logement du curé de Blamont, et de la pension de la maîtresse d’école, quoique cette communauté n’eût jamais eu aucune relation avec lui, qu'elle eût son pasteur, son église, son maître d’école, ses fonts baptismaux, sa sépulture et ses registres à part, et que ses habitants n’eussent jamais pu ni dû, à aucun titre, être ses paroissiens. 11 en coûta cent louis à cette communauté pour ces objets étrangers; pendant que, pour sa propre église qui tombait en ruine, il ne lui fut pas permis de prendre même un pied de bois sur ses communaux, et qu’il fallut la relever d’aumônes, que son pasteur prit sur lui d’aller recueillir en Suisse et ailleurs. (9 septembre 1790.) deux receveurs inutiles établis par l’intendant, qui n’avaient rien à voir dans cetie gestion, puisque c’était un bien à la disposition de la maison de Wurtemberg-Montbéliard, en absorbent une pariie : les curés de Glai, Seloncourt, Tavel, Longevelle et Saint-Maurice, en succédant aux ministres, ont pris part au partage. Le curé de Villars s’y est fait allouer une pension, d’autres en tirent plus ou moins, d’une façon plus couverte, de manière qu’il n’en reste que la moindre partie pour les ministres de Blamont, Roches, Vandoncourt, Héricourt et Rreveliers , se-ls subsistants aujourd’hui dans les quatre terres, tous mariés, et à qui leur contingent fournit à peine du pain. A tous ces moyens d’oppression, trop doux encore au gré de ceux qui les employaient, on y ajouta la dérision et l’insulte. On força les luthériens à balayer, à tour de rôle, ces églises, objets de leurs regrets, d’en blanchir les linges.. d’en payer les ornements, d’y fournir le pain béni, et d’y entretenir le luminaire. Voilà, Messieurs, un précis de la conduite qu’on a tenue jusqu’à ces derniers temps à leur égard. Voilà comme les luthériens des quatre terres, au nombre de dix à douze mille, tous habitants nés et primitifs, possesseurs de fonds, agents principaux de l’agriculture et pères nourriciers du pays, chargés du poids presqu’entier des impôts, se sont vus sous le joug d’une poignée de catholiques épars et nouveaux venus, au mépris des pactes les plus saints, qui devaient être leur égide en France comme ils l’étaient en-Àlle magne. Quelque dure, quelque injuste que fût cette manière d’être, ils l’ont supportée patiemment, se renfermant toujours dans les bornes de très humbles remontrances, sans se rien permettre qui contrevînt au serment qui les attache à la France. Mais il y avait des retours où ils comparaient avec bien de l’amertum'*, l’état paisible dont ils jouissaient précédemment celui-ci. Leur patrie n’était plus pour eux cette tendre mère qui les protégeait et qu'ils devaient défendre. On les forçait à l’envisager comme une marâtre impitoyable, au bonheur de laquelle ils n’avaient plus d’intérêt. Mais la scène change, un jour plus prospère s’annonce, et l’esperarice commence à renaître dans leurs cœurs, flétris par un siècle de désespoir. Ils ont la perspective de trouver enfin des frères dans leurs concitoyens, des amis de leurs oppresseurs, et de se dédommager amplement, sous le règne de la raison et de la liberté, des maux qu’ils ont souffert sous l’empire de l’esclavage et du faux zèle. Le meilleur des rois a préparé cet heureux changement par son édit en faveur des non-catholiques, et vous, Messieurs, en secondant ses vues paternelles, vous l’avez consommé par la vigueur et la sagesse de vos décrets. Nous vous rendons grâce, sénat auguste de la nation, de tous les biens que ces décrets ont déjà fait succéder à de vrais maux. Les luthériens des quatre terres, presque tous laboureurs, vous offrent en particulier l’hommage de leur reconnaissance pour ceux qui les délivrent de la mainmorte et autres droits onéreux de la féodalité, qui affranchissent leurs Urres de redevances nuisibles aux progrès de l’agriculture, qui leur rendent cette égalité précieuse eu droits, inhérente à la qualité de citoyen, dont une erreur fanatique les privait depuis si longtemps* qui [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1790.] 677 brisent enfin pour toujours le joug de la servitude et du pouvoir arbitraire dont ils étaient les déplorables victimes. Ils n’ont plus rien à demander quant à leur état civil , confondu désormais avec celui de tous les individus de la nation. Vos lois ont prévenu leurs demandes, redressé leurs griefs et comblé leurs vœux. Mais leur état religieux, cet objet principal de leurs sollicitudes, est toujours en souffrance. Si les persécutions ont cessé depuis le nouveau régime, les privations durent. Vous avez vu, Messieurs, combien elles se sont multipliées, et avec quelle injustice. Elles les néces-itent, malgré leur profond respect pour les principes de l’Assemblée, à désobéir à ces décisions en reconnaissant la juridiction d'inspecteurs ecclésiastiques et de pasteurs étrangers : elles les placent encore loin de cette égalité , base du concours universel de tous les citoyens au bonheur public; et aussi longtemps qu’elles dureront, ils ne tiendront à la nouvelle organisation que par un fil, puisque le défaut de connaissances résultant nécessairement do déni d’instruction les exclura par le fait ilu droit prononcé d’être admis aux emplois et à tous les degrés d’administration : c’est une source inépuisable de jalousies, de débats, de défiances, d'inimitiés, un obstacle invincible au rapprochement sincère des deux communions, qui ne deviendront amies que par l'abolition de tout privilège, sans autre principe de distinction que le plus ou moins de vertu et d’utilité publiques. Ce sont enfin les plus insupportables des chaînes dont le despotisme de Louis XIV et le pouvoir arbitraire subséquent les ont flétris. Législateurs philosophes! vous avez déclaré que vous ne vomiez plus de chaînes : vous vous occupez à en anéantir jusques aux traces; vous ne souffrez pas-que des objets insensibles en présentent même l’image : vous avez porté la délicatesse jusqu'à pourvoir à ce qu’au moment du concours de la nation à une confédération générale, les yeux des Francs-Comtois et des Alsaciens ne fussent point frappes de celles qui pesaient sur les bronzes, représentant leurs provinces, aux pieds de la_ statue du monarque superbe. Les luthériens des quatre seigneuries sont une portion considérable des Francs-Comtois. Ils tiennent aux Alsaciens par le voisinage, la conformité du culte et la parité des droits : plusieurs d'entre eux figureront à la fête parmi les députés des districts et départements : seraient-ils les seuls dont la joie ne fût point complète? Non, sans doute, et la confiance entière qu’ils ont en l’équité conséquente de l’auguste Assemblée les fait jouir d’avance de cette plénitude de booheur dont le rétablissement dans leurs droits religieux sera le dernier gage. Ils demandent donc, avec autant de respect que d’espoir, la déclaration des droits de l’homme à la main : 1° D’être rétablis non plus à titre de tolérance , mais de droit, dans toute la plénitude de l’exercice public de leur culte, tel qu’ils en jouissaient sous le régime souverain de l’empire germanique ; 2° D’être, en conséquence, remis incessamment en possession de toutes les églises, écoles, sépultures, presbytères et dépendances dont ils étaient en droit, et dont ils ont été successivement privés, pour en jouir désormais sans i rouble quelconque; bien entendu que partout où il y a des curés catholiques avec le nombre de paroissiens réglé par la loi, ces églises seront indivises, et que les maisons d’école et presbytères à suppléer y seront bâtis à frais communs; 3° D’être autorisés à établir des ministres-pasteurs partout où il y en avait, nommément à Montecheroux, Glai, Sëloncourt, Chagey, Longue-velle et Saint-Maurice; comme aussi les régents d'école dans tous les villages où la population est assez forte pour les occuper, afin d’accélérer l’instruction et de mettre les citoyens à même de remplir dignement les emplois qui leur sont et seront confiés; 4° Qu’il soit formé un consistoire composé de tous les ministres des quatre terres et de quelques laïques, à l’instar de ceux d’Alsace, qui s assemblera deux fois par an ou plus si le cas l’exige, dans 1e lieu le plus commode, pour régler le culte extérieur et le rendre uniforme dans toutes les paroisses; rétablir la discipline presque anéantie, pourvoir efficacement au retour des mœurs, statuer sur les dispenses et autres affaires matrimoniales en conformité du droit ecclésiastique des protestants. Le tout sous la direction d’un doyen ou surintendant, choisi dans le nombre des pasteurs, et autorisé à visiter chaque année toutes les paroisses et les écoles pour prendre connaissance du régime de chacune, veiller sur la décence et la paix, et avancer d’autant mieux la chose publique ; Et comme toutes les dîmes et autres revenus ecclésiastiques sécularisés, que ia maison de Wurtemberg avait abandonnés pour fournir aux pensions des pasteurs et aux frais du culte protestant, sont supprimés par les décrets de l’auguste Assemblée, ils demandent également comme citoyens de participer à toutes les charges de l’Etat saus exception ; 5° Que les pensions de leurs pasteurs et tous les frais quelconques de leur culte soient assignés sur le même fonds que ceux des catholiques ; 6° Enfin, que le Corps législatif donne un décret solennel, sanctionné par le roi, qui consacre tous ces objets comme loi de l’Etat, et les mette à l'abri de toute vicissitude et entreprise ultérieure. Par là, Messieurs, vous assurerez à jamais le repos de tout un peuple, qui bénira vos travaux, et se consacrera tout emier au bonheur de ia patrie et à l’accomplissement parfait du serment civique qu’ils ont prêté. Kilg, ministre , pasteur de Blamont, représentant extraordinaire des quatre terres de Blamont, Clémont , Héricourt et Châtelot. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE JESSÉ. Séance du vendredi 10 septembre 1790(1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Bouche. Je désirerais soumettre à l’Assem blée un plan d’impositions qui ne tombe ni sur les biens-fonds, ni sur l’industrie. Je demande si on veut bien m'accorder un quart d’heure, ou un quart d’heure et demi pour le développer, ou (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.