SÉANCE DU 28 VENDÉMIAIRE AN III (19 OCTOBRE 1794) - N° 52 291 demnité les citoyens qui ont servi réellement la chose publique, mais seulement d’en écarter des hommes insouciants qui n’avaient voulu qu’un titre pour s’en parer au besoin; et, après avoir mûrement discuté et entendu les parties, il s’est réuni à la mesure qu’il vous propose par l’article Ier, et qui paraît tout concilier pour le passé. Il lui a paru aussi nécessaire de prévenir toute difficulté pour l’avenir en déterminant clairement de quelle manière le travail des membres des comités civils sera désormais constaté. Le président et secrétaire du comité attesteront, sur un registre qui sera tenu dans chaque section, et la présence aux délibérations et l’activité de service au-dedans ou au-dehors. Le comité doit vous rendre compte de la demande qui avait été faite pour ces comités d’un traitement de 5 livres par jour ; dans l’examen qu’il a fait, il a remarqué que les comités civils n’exercent réellement que les fonctions municipales, que ces fonctions sont gratuites dans toutes les autres communes de la république, quoique dans beaucoup de communes les fonctionnaires municipaux soient aussi surchargés qu’à Paris de travaux extraordinaires. L’indemnité dont il s’agit n’est donc rigoureusement qu’une faveur qui coûtera à la nation près de 900000 L par an; elle monterait à 1 million 400 000 L si on accordait l’augmentation demandée. Votre comité des Finances ne doit point vous dissimuler que l’administration est déjà très chère, et occasionne une dépense énorme. La France occupe déjà un nombre infini d’administrateurs, commissaires, agents et commis salariés; si l’on n’y prend garde, bientôt les deux tiers des Français seront salariés sous différents titres, car ces dénominations ne sont pas difficiles à trouver, et celui qui est parvenu à se faire donner le titre de quelque fonction publique cherche bientôt à s’en faire payer. Un des grands vices d’un État démocratique est le grand nombre des fonctionnaires publics salariés, et ce n’est pas un des moindres reproches qu’on pourra faire aux personnes qui ont provoqué la création d’une armée de cinq cent quarante mille surveillants auxquels on avait promis 3 livres par jour, ce qui occasionnerait une dépense particulière de 1 million 620 000 livres, et par an de 591 millions 300000 livres. Heureusement cette dépense n’est pas entièrement payée; votre comité des Finances a ajourné jusqu’à ce jour les réclamations qu’on ne cesse de vous faire. Il se propose de vous faire un rapport à ce sujet, afin de mettre fin à toutes les réclamations. Ce rapport se trouve lié avec les taxes révolutionnaires . Il vous présentera aussi ses vues sur les moyens qu’il croit nécessaires pour diminuer les dépenses, en diminuant le nombre des fonctionnaires publics. Tous réclament aujourd’hui des augmentations de traitement; mais la dépense qui s’accroît augmente la circulation des assignats, dont la surabondance causerait à la République de nouveaux embarras. Les membres des comités civils ont senti la force des raisons de votre comité, et leur patriotisme ne s’est pas démenti ; ils n’ont pas balancé à sacrifier à l’amour du bien public leurs premières prétentions. Quelques-uns d’entre eux nous ont observé qu’occupés depuis deux ans, dans les comités, à des travaux pénibles et assidus qu’ils n’avaient pas cru pouvoir quitter dans les circonstances critiques qui se sont succédé, il devrait leur être permis de se retirer pour vaquer à leurs propres affaires. Votre comité, frappé de la justice de leur demande et de la nécessité de remplacer souvent les fonctionnaires, vous propose de décréter le renouvellement des comités civils par quart tous les trois mois ; le comité de Législation sera chargé, d’après la loi du gouvernement révolutionnaire, de faire ce renouvellement. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous proposer, au nom de vos comités de Législation et des Finances. Hier au soir, après avoir communiqué le projet au comité de Législation, le comité des Finances a pensé qu’il conviendrait de réduire à douze le nombre des comités civils des sections, ce qui ferait cinq cent soixante-seize personnes encore employées, et diminuerait la dépense de 225000 livres par an. Je suis chargé de vous faire cette proposition (104). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport des comités de Législation et des Finances, décrète : Article premier. - Les commissaires civils des sections de Paris qui, d’après le décret du 23 fructidor dernier, doivent prouver, par leur signature au registre ou dans leurs fonctions, les journées qu’ils ont employées au service public, pour recevoir l’indemnité de 3 L qui leur a été accordée, seront admis à justifier, pour le passé, leurs journées d'exercice dans leurs fonctions, par un certificat qui sera signé par neuf membres au moins du même comité. Art. II. - Il sera tenu à l’avenir, dans chaque comité civil, un registre de présence. Le président et le secrétaire constateront chaque jour, par leurs signatures, les noms des membres présens ou en activité de service. Art. III. - Le nombre des membres des comités civils des sections de Paris, sera réduit à douze; ils seront renouvelés par quart tous les trois mois, par le comité de Législation, qui fera imprimer et distribuer à la Convention les noms des citoyens qu’il aura choisis. Le sort décidera quels seront les membres actuels qui sortiront, jusqu’à ce que les comités soient entièrement renouvelés. Le premier renouvellement aura lieu le premier brumaire prochain. (104) Moniteur, XXII, 287-288. 292 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Art. IV. - Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (105). 53 La société populaire de Valborgne-du-Gard [ci-devant Saint-André-de Valborgne, Gard] se plaint que de mauvais citoyens vendent à un prix excessif le bétail sur pied, sous prétexte que la loi du maximum ne l’a pas encore atteint. Renvoyé au comité de Commerce et ap-provisionnemens (106). 54 La société populaire de Carpentras [Vaucluse] réclame contre une prétendue adresse faite en son nom à la Convention par des intrigans et des oppresseurs, et à laquelle elle dit que le comité de Correspondance a répondu qu’il félicitoit les bons citoyens de Carpentras d’avoir fait fuir les aristocrates et les modérés qui s’étoient emparés du bureau de la société populaire. Elle assure que les aristocrates et les modérés n’ont jamais siégé à son bureau. Elle appelle l’attention de la Convention sur les malheureuses victimes immolées avant les mémorables journées des 9 et 10 thermidor, et spécialement sur les femmes, les vieillards et les enfans de la commune de Bédoin, qui a été livrée aux flammes; elle dénonce le tribunal sanguinaire qui a en outre livré à la mort soixante-trois citoyens de tout âge et de tout sexe, pour punir deux ou trois scélérats arracheurs d’un arbre de la liberté, et le nommé Suchet, commandant le quatrième bataillon de l’Ardèche, qui s’est ménagé le barbare plaisir d’une fusillade. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi aux comités de Sûreté générale, de Salut public et des Secours publics (107). ROVÈRE : Je demande la lecture d’une adresse de la société populaire de Carpentras; cette adresse est sur le bureau. (105) P.-V., XLVII, 270-271. C 321, pl. 1337, p. 48, minute de la main de Lozeau. Décret attribué à Cambon par C* II 21, p. 13. Bull., 28 vend. Moniteur, XXII, 288; Débats, n' 757, 423-424 ; Ann. Patr., n' 657 ; Ann. R.F., n° 29 ; C. Eg., n° 792 ; F. de la Républ., n” 29; Gazette Fr., n” 1022; J. Fr., n” 754; J. Paris, n" 29; J. Mont., n° 7 \ J Perlet, n° 756; Mess. Soir, n° 792; M. U., XLIV, 445; Rép., n 29. (106) P.-V., XLVII, 271. (107) P.-V., XLVII, 271. Ann. Patr., n° 657 ; C. Eg., n° 792 ; F. de la Républ., n° 29; J. Fr., n° 754; J. Mont., n° 7 ; J. Paris, n° 29; J Perlet, n” 756; M. U., XLIV, 446; Rép., n” 29. Un secrétaire la lit (108) : Adresse à la Convention nationale délibérée dans la société populaire de Carpentras, Vaucluse, dans sa séance du 14 vendémiaire, l’an troisième de l’ère républicaine (109). Egalité. Probité. Liberté. Législateurs, La vérité, dont les accens avoient été étouffés jusqu’en ce jour, se fait entendre de tous les points de la France. La République ne doit son salut qu’à l’énergie brûlante et au vertueux courage que vous avez déployé au milieu des orages formés pour sa ruine... Recevez de nouveau l’expression de notre gratitude. La présence des vertueux Représentans que vous avez envoyés dans nos Départemens, vient d’arrêter la marche de la scélératesse, en réduisant au silence une faction monstrueuse qui se jouoit impunément de la vie des hommes. Marseille alloit encore devenir le fléau de la République, l’horrible conspiration qui se tramoit dans son enceinte, étoit ourdie par des suppôts de Robespierre, soutenus par tous les fripons du midi, qui, sans moeurs, sans facultés avant la révolution, avoient trouvé, dans la pratique du crime, le secret de vivre dans l’abondance et dans l’oisiveté la plus crapuleuse... C’est à cette classe d’oppresseurs, c’est à leur intrigue qu’est due une dernière adresse, dite de la Société populaire de Carpentras, qu’on ne trouve point dans ses registres, mais à laquelle votre comité de Correspondance a répondu : qu’iZ félicitoit les bons citoyens de Carpentras d’avoir fait fuir les aristocrates et les modérés qui s’étoient emparés du bureau de la Société populaire... Les aristocrates et les modérés s’emparer du bureau!... qu’elle insigne fausseté.... ils n’ont pas eu eux-mêmes la hardiesse de soutenir cette adresse, et nous la désavouons authentiquement. Méfiez-vous, Représentans, de ces circulaires, dictées par l’audace désespérée de voir finir un système oppressif, et n’y voyez que les efforts impuissants de ces ran-çonneurs qui se flattoient de pouvoir traîner encore aux tribunaux de Robespierre des citoyens assez vertueux pour oser dévoiler leurs forfaits. Non, Représentans, les aristocrates et les modérés n’ont jamais figuré au bureau de la société épurée de Carpentras ; elle ne marche que d’après les principes de la Convention nationale. Aussi voue-t-elle à l’exécration publique les intrigans qui ont voulu l’entraîner dans leur chute... Les vrais patriotes vous diront, aujourd’hui, des vérités auxquelles, sans doute, vous n’auriez pas été sourds, s’ils avoient pu se faire entendre plus tôt... Nous ne pourrons nous (108) Moniteur, XXII, 290-291. (109) C 322, pl. 1353, p. 51, adresse imprimée à Carpentras, chez Vincent Raphel, imprimeur de la société populaire, 4 p. Bull., 28 vend. Débats, n° 758, 430-431.