270 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 18 août 1791-] religieux, que par conséquent la loi ne peut pas connaître les engagements religieux. (Bravo! bravo!). Gela n’interdit ni ne prescrit les vœux religieux qui en assurent l’exécution; cela est étranger à la loi civile, cela est étranger à la Constitution politique d’un gouvernement. Plusieurs membres ; Aux voix ! aux voix ! M. Camus. Je suis d’accord avec M. le rapporteur sur les principes qu’il vient d’émettre, mais je crois que la manière dont ils sont exprimés dans le projet des comités n’est pas vraie. Je conviens avec lui que la loi civile n’a pas à se mêler des engagements religieux, des rapports de l’homme avec Dieu ; mais je crois que c’est aller trop loin que de dire que la loi ne reconnaît plus de vœux religieux. Par cette expression, j’aurais. en effet le droit de conclure que tout vœu religieux quelconque est proscrit. (. Murmures à gauche.) Je me restreins à demander l’adoption de la disposition suivante : « La loi ne s’entremet en aucune manière de l’exécution des vœux religieux. » Voix diverses : La question préalable ! — Aux voix l’article ! (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le second amendement de de M. Camus.) M. Rœderer. Je propose une addition au 2e paragraphe qui concerne les ordres de chevalerie et les corporations ou décorations pour lesquelles on exigeait des titres de noblesse. Il ne me semble pas inutile d’insérer, dans ce paragraphe, les termes mêmes du décret que vous avez rendu il y a 8 jours, el qui supprime tout ordre, toute corporation, toute décoration, tout signe extérieur qui supposaient des distinctions de naissance. La noble.-se est, dans l’esprit de bien des gens, une maladie incurable... M. Chastenay de Lenty. M. Rœderer ne l’a peut être pas dans le cœur... M. Rœderer. Tant que cette maladie est attaquée par la loi sous une certaine forme, elle trouve les moyens de reparaître sous une autre. Il serait possible, par exemple, qu’à la longue on instituât un ordre en France sans faire revivre cette noblesse alors peut-être oubliée par bien du monde ; des ordres semblables à ceux qui existent en Espagne, tel que celui de la Toison-d’Or, pour lequel on n’exige point de preuve de noblesse, parce que, dit-on, cet ordre est au-dessus de toute noblesse; et il pourrait même s’introduire une autre sorte de noblesse telle qu’elle existait dans plusieurs parlements du royaume, qui ne consentaient à ouvrir les cours qu’aux gens possédant la noblesse proprement dite, à ceux qui comptaient 4 à 5 générations de roture vivant noblement. Pour prévenir ces inconvénients, je crois donc qu’il faudrait ajouter dans ce paragraphe après les mots : « Pour lesquels on exigeait des preuves de noblesse. » ceux-ci : « ou qui supposaient des distinctions de naissance. » Je demande qu’on mette aux voix cet amendement. M. Thouret, rapporteur. J’adopte l’amendement qui est un développement nécessaire de l’intention du décret. M. Chastenay de Centy. Je croirais manquer à l’honneur et à la fidélité que j’ai juré à mes commettants, si je ne me joignais pas à la déclaration faite par M. de Croix. Je n’ai pas non plus assisté au décret du 19 juin il%. (Murmures prolongés à gauche)... M. Toys. L’observation que j’ai à présenter porte sur le dernier paragraphe du préambule actuellement en discussion : il y est dit que la loi ne reconnaît plus aucun engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution. Il y a dans le monde des engagements qui jusqu’ici ont été sacrés, sous l’empire desquels la société subsiste et qui peuvent paraître contraires à ce qu’on appelle les droits naturels. (Murmures prolongés.) M. Rarnave. Je demande la parole. Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix 1 M. Thouret, rapporteur. Voici, avec les amendements de MM. Camus et Rœderer, sur le 2a paragraphe, la rédaction définitive du préambule : L’Assemblée nationale, vou ant établir la Cons-tution française sur les principes qu’elle vient de reconnaître et de déclarer, abolit irrévocablement les institutions qui blessaient la liberté et l’égalité des droits. « Il n’y a plus ni noblesse, ni pairie, ni distinctions héréditaires, ni distinctions d’ordres, ni régime féodal, ni justices patrimoniales, ni aucun des titres, dénominations et prérogatives qui en dérivaient, ni aucun ordre de chevalerie, ni aucune des corporations ou décorations pour lesquelles on exigeait des preuves de noblesse, ou qui supposaient des distinctions de naissance, ni aucune autre supériorité, que celle des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions. « Il n’y a plus ni vénalité ni hérédité d’aucun office public. « 11 n’y a plus, pour aucune partie de la nation, ni pour aucun individu, aucun privilège ni exception au droit cornmuD de tous les Français. « Il n’y a plus ni jurandes, ni corporations de professions, arts et métiers. « La loi ne reconnaît plus de vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution. » (Ce préambule est mis aux voix et adopté.) M. Rarnave. J’avais demandé la parole avant que le préambule fût mis aux voix, pour un article additionnel qui est une disposition décrétée par l’Assemblée nationale, et que je crois véritablement constitutionnelle. Parmi les inégalités de partage dans les successions, il en est de deux espèces; celles qui résultent de la loi sur lesquelles l’Assemblée nationale a prononcé et qu’elle a proscrites, et celles qui résultent de la faculté de tester, sur lesquelles elle n’a pas encore prononcé. Je prétends que ces inégalités sont de nature différente. Les inégalités résultant de la loi, sont véritablement politiques ; elles tiennent à la Constitution puisqu’elles sont pour les citoyens une source d’inégalité de fortune qui découle de la loi elle-mêm�. Cette nature de successions tient par conséquent aux principes et aux maximes constitutionnels. Les inégalités, au contraire, n’étant que la reconnaissance des droits plus ou moins étendue que peut recevoir te droit de tester, sont plus essentiellement législatives; ainsi elles ne me paraissent 271 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1791.] pas de nature à entrer dans la Constitution; mais la première, certes, doit être admise; et comme dans le préambule que l’on vient de lire, l’Assemblée a rappelé ces différents abus qu’elle a voulu irrévocablement détruire, je crois que celui-là doit y être compris et que, dans l’énumération, il doit être dit : qu’il n’y aura plus d’inégalités résultant de la loi dans le partage des successions. M. Thouret, rapporteur . Les comités ont examiné la question de l’inégalité des partages et ils ne se sont enfin déterminés à ne pas en faire mention ici, que parce qu’ils l’ont considérée plutôt comme un objet législatif tenant véritablement à l’esprit de la Constitution que comme un principe constitutionnel. Cependant si l’Assemblée trouve que cette idée se lie assez prochainement avec les bases constitutionnelles pour devoir faire partie de l’acte constitutionnel, nous l’ajouterons. (Voix diverses: Oui! oui! Non nonl) En ce cas je proposerais de la mettre dans le titre premier avec les dispositions qui sont uniquement relatives aux droits politiques. Ainsi, au lieu de mettre : il n’y a plus d’inégalité de partage, nous mettrions : la Constitution garantit que tous les citoyens sont également admissibles, etc. » M. E*e Chapelier. J’ai la même opinion que j’ai eu dans les comités, après avoir mis, dans le projet que nous avions fait, cet article, j’ai cru ensuite qu’il n’était pas nécessaire de le placer dans la Constitution, et que comme tout n’était pas décrété relativement aux successions, il était dangereux de les comprendre, et voici les réflexions que j’ai faites à cet égard ; il est impossible de supposer qu’après avoir fait une déclaration des droits, qui doit être le régulateur des législateurs, après avoir établi une Constitution, après avoir pris pour base de celte Constitution, la liberté et la plus parfaite égalité, et après avoir porté des lois qui ont aboli les partages inégaux, il est impossible, dis-je, de supposer que les législateurs rétabliront l’inégalité de partage; car vous savez bien que l’inégalité de partage n’est venue que par la féodalité, que c’est là sa source, et vous l’avez détruite. (Murmures.) On dit que cela n’est pas ainsi : je maintiens qu’en l’examinant avec le flambeau de l’histoire, on ne pourra trouver à l’inégalité dans les successions a b intestat d’autres causes que la féodalité. J’observe ensuite que si l’on insérait dans la Constitution la disposition qui vous est proposée, il vaudrait mieux l’insérer dans le chapitre des destructions que dans le chapitre des droits garantis, car elle y serait difficile à placer-Vous n’avez rien décidé sur les testaments ; vous n’avez pas encore arrêté la faculté très-illimitée de l’homme, dans certains pays, de disposer de ses biens en mourant, et par conséquent de mettre, entre ses héritiers, une inégalité qui doit être désormais proscrite par la loi. Eh bien ! comme vous n’avez cependant rien décrété à cet égard et que vous avez ajourné le projet qui vous avait été présenté, vous allez être obligés maintenant de dire qu’il y a égalité entre les héritiers et d’exprimer que cependant vous entendez encore ne changer à la volonté de l’homme, sur laquelle vous n’avez rien statué, ou de statuer sur cette volonté; ce qui nous serait impossible dans ce moment, car nous ne voulons pas entrer dans cette discussion. Il faut éviter cet inconvénient de déclarer que les législatures pourraient vouloir détruire l’égalité établie par la loi. Je crois qu’il vaut mieux suivre le parti qui vous a été tracé par vos comités, c’est-à-dire abandonner cet article à la législation : on ne change les lois que lorsqu’on trouve de l’avantage à le faire, et je défie d’en trouver à changer celle-là. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour sur la disposition additionnelle de de M. Barnave.) M. Thouret, rapporteur. Nous passons, Messieurs, au titre premier du projet des comités : TITRE Ier. Dispositions fondamentales garanties par la Constitution. « La Constitution garantit, comme droits naturels et civils : « 1° Que tous les citoyens sont admissibles aux places et emplois, sans autre distinction que celle des vertus et des talents. « 2° Que toutes les contributions seront réparties entre tous les citoyens, également, en proportion de leurs facultés. « 3° Que les mêmes délits seront punis des mêmes peines, sans aucune distinction des personnes. « La Constitution garantit pareillement, comme droits naturels et civils : <■ La liberté à tout homme d’aller, de rester, de partir, sans pouvoir être arrêté, accusé ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites; « La liberté à tout homme de parler, d’écrire, d’imprimer ses pensées, et d’exercer le culte religieux auquel il est attaché; « La liberté aux citoyens de s’assembler paisiblement et sans armes, en satisfaisant aux lois de police. « La liberté d’adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement. « Comme la liberté ne consiste qu’à pouvoir faire tout ce qui ne nuit ni aux droits d’autrui ni à la sûreté publique, la loi peut établir des peines contre les actes qui, attaquant ou la sûreté publique ou les droits d’autrui, seraient nuisibles à la société. « La Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés, ou la juste et préalable indemnité de celles dont la nécessité publique, légalement constatée, exigerait le sacrifice. « Les biens qui ont été ci-devant destinés à des services d’utilité publique, appartiennent à la nation; ceux qui étaient affectés aux dépenses du culte, sont à sa disposition. « Il sera créé et organisé un établissement général de secours publics, pour le soulagement des pauvres infirmes et des pauvres valides manquant de travail. « Il sera créé et organisé une instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensables pour tous les hommes, et dont les établissements seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division du royaume. » (La discussion est. ouverte sur ce titre.) M. Buzot. Il ne suffit pas de dire, comme il est dit dans ce titre, que la Constitution garantit les droits civils et naturels, il faut que l’on connaisse comment elleJes garantit. Or, ce sont ces