678 ♦ Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1791.] J’observe qu’il résulte parfaitement du rapport du comité qu’on met M. Baudouin à couvert des engagements qu’il a pris pour l’Assemblée nationale ; mais qu'il n’y a aucune espèce de proportion entre le profit qui lui appartient et les travaux et peines très réelles qu’il a eues. L’entreprise de M. Baudouin paraissait devoir être extrêmement lucrative, extrêmement avantageuse dans son aperçu. Il est arrivé ensuite que, par les lenteurs nécessairement attachées à une entreprise aussi vaste, lenteurs que l’Assemblée même a souvent nécessitées dans son travail, tous les journaux ont pris les devants sur lui ; tellement qu’il a constamment été chargé du travail forcé par l’Assemblée pour les distributions journalières, et que les produits qui résultent des ventes au dehors n’ont pas été pour lui, mais pour les journalistes qui le devançaient. En conséquence, il est de la justice de l’Assemblée de récompenser l’activité, le désintéressement très marqué et très noble que M. Baudouin a mis dans sa conduite envers elle. Je conclus donc à une gratification de 30,000 livres. ( Applaudissemen ts . ) Plusieurs membres : 40,000 livres ! (L’Assemblée décrète qu’il sera accordé une gratification de 40,000 livres à M. Baudouin.) M. de Cernon, rapporteur. J’observe à l’As. semblée que le compte que je viens de lui présenter ne s’arrête que jusqu’au Ier du mois de septembre; il reste encore dû ce qui a été fait dans le courant de ce mois. Voici la rédaction du décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances sur le compte de clerc à maître présenté par le sieur Baudouin, son imprimeur, des impressions faites pour l’Assemblée depuis le 15 juin 1789, jusqu’au 1er septembre 1791, décrète : Art. 1er. « Les commissaires de la trésorerie nationale feront payer, sur les ordonnances du ministre de l’intérieur, à M. Baudouin la somme de 217,494 livres pour ses impressions jusqu’au 1er septembre 1791, sans préjudice de ce qui loi sera dû pour les impressions du mois de septembre. Art. 2. « Pour lui tenir lieu des bénéfices qu’il eût pu espérer sur son travail, il lui sera en outre payé une gratification de la somme de 40,000 livres et le témoignage de la satisfaction de l’Assemblée sera consigné dans son procès-verbal. » (Ce décret est adopté.) M. de Cernon, au nom du comité des finances, fait un rapport sur les dépenses du Dé-partemènt et en particulier sur les frais excessifs de l'impression des lois et autres documents destinés à être publiés ; il propose un projet de décret tendant à produire une économie par des éditions centrales et complètes sous format in-8° que l’on substituerait au format in-4° usité jusqu’à ce jour. M. Périsse-Dttluc demande l’ajournement de cet objet à la prochaine législature. (Cet ajournement est décrété.) M. le Président désigne les membres de la députation qui doit se rendre au-devant du roi au moment de son arrivée. Ce sont MM. de Fontenay, Emmery, Regnaud de Nancy, Charrier de la Roche, de "Curt, Salomon, Darnaudat, Ghabroud, Ànson, Buzot, Milet-Lamambre, Brevet de Beaujour, Kispoter, Jary, de Noailles, Ghasset, Schmits, Dillon, curé; (Justine, Schepers, Dumont curé; Chevallier, Hénet, La Reveillère-Lépeaux. M. le Président donne lecture : 1° D’une lettre du ministre de la justice, qui annonce que le roi a donné son acceptation au décret du 24 de ce mois concernant les colonies, et à celui qui prononce l’amnistie pour les délits relatifs aux événements de la Révolution, et que le roi s’occupe des moyens d’en assurer la plus prompte exécution. 2° D’une note du ministre de la justice contenant la nomenclature des décréta sanctionnés par le roi et ainsi conçue : « Le ministre de la justice transmet à M. le Président de l’Assemblée nationale la note des décrets sanctionnés par le roi, savoir : «La Constitution française, du 3 septembre 1791 (la minute a été mise aux archives nationales) ; « Le décret du 12 dudit mois, relatif à l’organisation de la garde nationale de Paris ; « Celui du même jour, relatif à la formation d’un corps à cheval de garde nationale parisienne, destiné à la défense des frontières ; « Celui du 13, sur la cessation de toutes poursuites relatives aux événements de la Révolution ; « Celui du 14, quûabolit toutes les procédures instruites sur des faits relatifs à la Révolution, prononce une amnistie générale en faveur de tout homme de guerre prévenu, accusé ou convaincu de délits militaires, à compter du 1er janvier 1789, abolit l’usage des passeports, et révoque la loi des émigrants; « Celui du 15, relatif aux élèves des écoles du génie ; « Celui du même jour, relatif à la promulgation solennelle de la Constitution à Paris et dans tout le royaume, aux réjouissances publiques qui se feront à celte occasion, et à la délivrance des prisonniers détenus pour dettes de mois de nourrice ; « Celui du même jour, portant que le roi sera prié d’interposer ses bons offices près des cantons suisses, afin d’obtenir le pardon de ceux qui ont été condamnés pour des faits relatifs à la Révolution ; « Celui du 16, relatif à la levée d’un cadastre général ; « Celui du 17, qui prescrit la nouvelle formule du serment à prêter par les officiers et soldats ; « Celui du même jour, portant qu’il y aura un commissaire du roi auprès des tribunaux criminels ; « Gelui du même jour, relatif aux vacances des tribunaux ; « Celui du 23, relatif aux troubles de la ville d’Arles ; « Celui du même jour, concernant la libre exportation à l’étranger des sabres, épées, couteaux de chasse, pistolets de poche, fusils de chasse, pierres à fusil, poudre de chasse et salpêtre, uniquement destinés au commerce avec l’étranger; « Celui du 24, constitutionnel, sur les colonies ; « Celui du même jour, qui étend aux colonies le décret du 14 septembre, portant abolition de toutes poursuites et procédures sur les faits re- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1791.] 679 latifs à la Révolution, et amnistie générale en faveur des hommes de guerre ; « L’extrait du procès-verbal de l’Assemblée nationale du 25, pour rectifier deux omissions dans la loi sur l’organisation de la garde nationale parisienne. « Le ministre de la justice transmet à M. le Président les doubles minutes de ces décrels. c Signé : M.-L.-F. Duport. >> Paris, le 30 septembre 1791. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les délits et les peines militaires (1). M. de Wimpfen, rapporteur, soumet à la délibération la suite des articles du titre II. Les articles 11. à 15 sont successivement adoptés. Plusieurs membres demandent la question préalable sur l'article 16, ainsi conçu : « Si, sur la réclamation d’un subordonné ou du commissaire-auditeur, un supérieur est convaincu d’avoir, par haine, vengeance ou autre passion, donné un ordre à son subordonné dans la vue de le faire périr, la peine est d’être dégradé et renvoyé du service ; et si le subordonné avait en effet péri en exécutant l’ordre de ce supérieur, la peine est d’être pendu. M. Emmery. J’appuie la question préalable, parce qu’il est impossible de croire qu’un officier envoie un soldat dans un poste exprès pour le faire périr. M. Prieur. Quand on fait des lois pénales, il faut prévoir toutes les ressources de la malice humaine; je demande qu’on décrète l’article. (L’Assemblée décrète qu’il n'y a pas lieu à délibérer sur l’article 16.) M. de Wimpfen, rapporteur , déclare alors retirer les articles 17 à 22. (L’article 23 est adopté.) M. de Broglie. Je demande, par amendement à l’article 24, que, dans le cas de menace d’un subordonné vis-à-vis de son supérieur, l’officier coupable encoure la peine d’emprisonnement pour une durée égale à celle de la peine des fers à laquelle sont soumis les sous-officiers coupables des mêmes faits. M. Goupilleau. Je demande, moi, que les soldats, sous-officiers et officiers subissent identiquement la même peine : cela me paraît absolument nécessaiie d’après les principes de l’égalité. (Applaudissements à V extrême gauche.) M. de Custine. J’appuie l’amendement de M. Goupilbau. Par la déclaration des droits, vous avez consacré l’égalité des hommes aux yeux de la loi : il faut donc que le soldat et l’officier subissent la même peine lorsqu’ils sont traduits devant les tribunaux pour un même délit. Plusieurs membres demandent la priorité pour l’amendement de M. Goupilleau. (Cette priorité est accordée.) (1) Voir ci-dessus, sôauce du 29 septembre 1791 , au soir, page 636. M. Bar siave. Je demande la question préalable sur rametulement de M. Goupilleau et, en conséquence, que l’article soit adopté avec l’amendement de M. de Broglie. C’est en connaissant mal le sens de la déclaration des droits qu’on l’a citée dans cette circonstance. Tout défit, suivant la déclaration des droits, tout délit identique doit être puni par les mêmes peines; mais par les résultats de la subordination militaire et de la différence des devoirs entre les différents grades, il n’est pas vrai de dire que les mêmes actes commis par des hommes de grade différent soient les mêmes délits. Vous avez déjà jugé la question par les articles précédents, en décidant que les mêmes fautes devenaient plus graves lorsqu’elles étaient commises par des militaires d’un grade plus élevé, attendu que plus le grade est élevé, plus le militaire doit connaître ses devoirs; plus le grade est élevé, plus la faute est nuisible à l’Etat et plus, par conséquent, le délit est grave. Conséquemment à ces principes, vous avez décrété déjà des proportions croissantes pour les mêmes fautes suivant qu’elles étaient commises par des soldats, des sous-officiers ou des officiers. Quel est ici le second motif qui doit vous déterminer? C’est qu’en appliquant toujours plus de peine à raison de l’élévation des grades, vous devez également conserver la considération et le respect qui doivent nécessairement exister à l’égard du grade... ( Exclamations à l'extrême gauche.) Cela n’est pas une ditféience de considération accordée à une classe première de citoyens, puisque, suivant. vos lois, tous les citoyens doivent parvenir également à tous les grades militaires; cela est une distinction essentielle, nécessaire, indispensable à la subordination des armées qui est le premier fondement de la liberté des peuples, comme le premier fondement de la puissance des Empires. 11 est impossible que, dans les armées où le nombre des soldats e.-t plus que double du nombre de ceux qui commandent, la subordination et l’obéissance existent, si la loi n’établit pas une différence de respect et de considération. Le lien moral est la base de l’obéissance ; par conséquent, la base de la sûreté publique, par conséquent, la base de la puissance de l’Etat. Il est donc vrai de dire que plus la peine est grave, relativement aux pertes que la faute produit, au mal individuel qu’elle fait, plus elle doit être en même temps combinée de telle manière qu’elle conserve néanmoins le respect et la considération qui sont dus aux grades. 11 est donc vrai de dire qu’un officier qui perd son état et son grade, qui par là est en même temps flétri dans l’opinion publique, et qui, indépendamment de ces deux peines, est privé de la liberté pendant 2 ou 4 ans suivant les cas, essuie une peine réellement plus sévère que le soldat qui est mis 2 ou 4 ans en prison et que cependant la considération est conservée au grade. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement de M. Gou-piileau et adopte l’article 24 avec l’amendement de M. de Broglie.) Les articles 25 à 30 sont adoptés. Un membre demande, par amendement à l’article 31 qui concerne les vols et enlèvements d’effets, la suppression de la disposition relative au vol de pain. (L’article 31 est adopté avec cet amendement.) Les articles 32 et 33 sont adoptés.