[Etats généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 juin 1789.] générale ne peut jamais résulter de la vérification par ordre. « Mais de ce que les pouvoirs ne peuvent être vérifiés séparément, s’en suit-il qu’ils ne puissent l’être en commun? Si telle est la condition des Etats généraux, ils sont condamnés à une éternelle inaction]; car la même difficulté se présentera pour toutes les matières sur lesquelles ils auront à délibérer; et s’ils adoptent la proposition de s'en rapporter au conseil du Roi, les ministres se trouveront investis du droit de juger la nation et ses représentants. 1 « Je voudrais bien cependant qu’on me dît où Serait la difficulté de vérifier les pouvoirs en | commun, si telle était la volonté des membres 1 qui doivent composer l'Assemblée nationale? Et quand les députés des ordres privilégiés ne voudraient pas se prêter à cette vérification commune, je demande si ce serait une raison pour que les représentants de 24 millions d’individus jae pussent vérifier leurs pouvoirs, se constituer èn Assemblée du peuple français et commencer leurs opérations, sauf à ne reconnaître les députés des ordres privilégiés pour députés aux Etats généraux, que lorsque les pouvoirs de ces mêmes députés auraient été vérifiés dans l’Assemblée des teprésentants du peuple. « Le pouvoir de juger en dernier ressort de la régularité des élections, ajoutent les commissaires, ne pourrait être attribué avec équité, ni aux trois ordres réunis, ni à chacun d’eux en particulier; ce pouvoir ne doit pas appartenir à chaque ordre en particulier, parce qu’ils ont tout intérêt à ce qu’un seul n’abuse pas de son influence. i « MM. les commissaires oublient qu’ils nous ont déjà dit que les pouvoirs ne pouvaient être vérifiés séparément, parce que, dans cette supposition, les personnes qui seraient appelées à décider , par leurs opinions , d’un veto ou d’un empêchement quelconque, acquerraient le droit d’influer directement sur le sort de la nation : ceci ne peut s’entendre sans doute que des deux ordres; car nous ne présumons pas que les commissaires du Roi veuillent improuver l’influence directe des communes sur le sort de la nation. Voyous cependant, Messieurs, de quelle manière ils s’y prennent pour établir que les pouvoirs ne peuvent être vérifiés en commun. « Il ne peut pas appartenir non plus, disent-ls, aux trois ordres réunis, puisque ce serait 'attribuer essentiellement aux représentants du tiers-état , vu la supériorité de leurs suffrages, et le Roi ne leur a pas accordé cette supériorité de suffrages, pour leur donner le moyen d’en augmenter la puissance, en obtenant une in-fuence prépondérante sur la formation même de Assemblée. « Mais que les ministres nous disent donc pour Quelles raisons ils ont accordé cette prétendue Supériorité de suffrages aux représentants du peuple? N’était-ce que pour se ménager un prétexte d’attirer à eux seuls toutes les décisions? N’était-ce que pour avoir le droit de nous dire : Vous ne pouvez délibérer en commun, ni séparément; donc il faut que vous vous en rapportiez au Roi, ou plutôt à nous? » Telle est, en effet, la conclusion de MM. les commissaires du Roi. I E’est donc au Roi, disent-ils, que semble appartenir, en raison et en équité, le jugement final sur toutes les contestations relatives aux élections. jCe principe est une suite, une dépendance du règlement souverain qui a déterminé pour cette fois le nombre respectif des députés aux Etats généraux; ainsi les trois ordres qui se soumettent à la fixation établie par Sa Majesté, feraient une exception minutieuse, s’ils répugnaient à le prendre pour juge dans le très-petit nombre de contestations qui pourraient s’élever sur la vérification des pouvoirs. A quoi sert que MM. les commissaires du Roi nous disent ensuite : qu’on ajoute encore, si Von veut , que ces conventions sur la vérification des pouvoirs n’auraient aucune liaison avec la grande question de la délibération par ordre ou par tête? On ne doit pas se dissimuler que la vérification des pouvoirs préjuge la question du mode d’opiner; car vérifier les pouvoirs, n’est-ce pas délibérer sur la légalité ou l’illégalité de ces mêmes pouvoirs? Cette question est donc nécessairement liée à celle de la délibération par ordre ou par tête; ou, pour mieux dire, c’est la même question; et de quel droit un être quelconque dans la nation, un tribunal, quel qu’il puisse être, autre que les Etats généraux eux-mêmes, oseraient-ils se prononcer à cet égard? Mais je suppose qu’on veuille diviser une question indivisible; s’il est impossible à l'Assemblée nationale de statuer sur la vérification des pouvoirs, il lui sera tout aussi impossible de statuer sur le mode d’opiner et sur toutes les autres matières dont elle voudra s’occuper, de manière qu’en dernière analyse, ce seront les ministres qui décideront de tout. Il leur sied bien de nous imputer les divisions qui sont leur ouvrage; de nous dire « que le Roi ne reste pas seul au milieu de sa nation à s’occuper sans relâche de l’établissement de la paix et de la concorde. » En s’exprimant de cette manière, sans doute ils peignent fidèlement les intentions et la sollicitude de Sa Majesté; mais pourquoi donc se permettent-ils de contrarier ses vues bienfaisantes? pourquoi ne les ont-ils pas secondées de tout leur pouvoir? pourquoi veulent-ils nous charger des malheurs qu’ils feignent de redouter, et qui ne seraient jamais que la suite de leur impéritie, ou peut-être d’un motif que le temps, qui découvre tout, dévoilera dans toute sa turpitude? Ce serait donc manquer à nous-mêmes, Messieurs, ce serait prévariquer que d’adopter la proposition des commissaires du Roi; elle attente aux droits delà nation; elle blesse également la justice et la convenance ; elle repose sur des faits les uns faux, les autres inexacts, sur des principes condamnables, sur des subtilités qui ne sont pas même captieuses; elle aurait les suites les plus redoutables; elle paralyserait de mort l’Assemblée nationale, avant même qu’elle eût manifesté son existence ; elle ferait avorter la dernière espérance de la nation. M. le Doyen pose la question en ces termes : La discussion et la délibération sur le projet présenté par les ministres auront-elles lieu avant la clôture du procès-verbal des conférences, ou après? L’Assemblée décide, à la majorité de 400 voix contre 26, qu’elles n’auront lieu qu’après.