271 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1 4 juillet 1791.] Plusieurs membres : Ce n’est pas là la question. M. Démeiinier. J’ai répondu il y a un instant à des qucstio is qui avaient été posées au comité de Constitution; on a demandé que les explications contenues dans ma réponse fussent rédigées en projet de décret. Voici la première proposition : « Le déc et du 21 juin, qui suspend l’exercice de la sanction et de l’acceptation, ainsi que des fonctions du pouvoir executif entre les mains du roi, subsismra tant que l’acte constitutionnel entier n’aura pas été présenté au roi et accepté par lui. » Voici la seconde disposition : « Dans le cas où, soit le roi actuel, soit tout autre roi, n’accepterait pas purement et simplement l’acte constitutionnel qui lui sera présenté, il sera censé avoir abdiqué la couronne, et l’Assemblée nationale le déclarera déchu du trône. » ( Murmures à droite.) M. Roederer. Gela préjuge la question! M. Rabaud Saint-Etienne. Voici une autre rédaction de la deuxième disposition proposée par M. üémeunier : « Celui qui sera chargé du pouvoir exécutif suprême ne pourra régner qu’il n’ait accepté l’acte constitutionnel qui lui sera présenté par le corps constituant. » Voix diverses : Aux voix! aux voix! L’ordre du jour ! (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) Plusieurs membres demandent le renvoi de la suite de la discussion à la séance de demain. (Ce renvoi est décrété.) M. le Président. Je viens de recevoir une pétition relative à la délibération actuelle ; elle est signée de 1Ü0 personnes. Je me suis engagé, vis-à-vis de la députation qui l’a apportée, à la présenter à l’Assemblée. L’Assemblée veut-elle en entendre la lecture? (Non! non!) (L'Ass mblée, consultée, décrète que la pétition ne sera pas lue.) M. Prieur. On ne peut pas s’empêcher... (Bruit.) M. Rarnave. Le décret que l’Assemblée vient de rendre, et dont l’objet est de renvoyer la lecture d’une pétition annoncée parM. le Président, n’est pas et ne peut pas être de la pa t de l’Assemblée le relus d’entendre des propositions, des instructions de quelque part qu’elles puissent venir sur l’objet qui est actuellement mis en délibération : la question que nous traitons ne peut que gagner à être parfaitement éclaircie. Je crois que le décret qui vous est proposé par les comités est juste dans les principes constitutionnels établis, qu’il est bon, qu’il est utile dans L-s circonstances, qu’il est et sera appuyé partout par l’opinion publique (Murmures,); car je suis loin d’appeler l’opinion publique le bourdonnement momentané que produisent autour d’eux quelques écrivains, peut-être stipendiés, et qu’ils voudraient nous donner ensuite comme notre régulateur. Là où est la raison est l’intérêt public, la loi n’a qu’à y placer un fanal, et là se rangera toujours l’opinion publique, là se rallieront toujours les bons citoyens. (Applaudissements.) Ainsi donc, persuadé que, pour l’opinion publique comme pour la sagesse de la délibération qui va suivre, il est important que tout soit entendu, que tout soit d scuté. Je demande que l’Assemblée nationale décrète, dès à présent, que demain, à l’ouverture de la séance, la pétition présentée sera lue. (Cette motion est mise aux voix et adoptée.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 14 JUILLET 1791, AU MATIN. Opinion sur un conseil d’ exécution électif et national, par M. Pétiou (l). Je suppose que le roi soit conservé dans ses fonctions, et c’est dans ceite hypothèse uniquement que je propose l’opinion suivante : Les partisans les plus exagérés du roi sont forcés de convenir de deux points essentiels: 1° c’est que le roi est au moms un homme faible, facile à se laisser entraîner, capable de devenir l’instrument des complots les plus funestes ; 2° c’est que, dans les circonstances où il se trouve abandonné à lui-même, ou, ce qui est pis encore, aux hommes criminels qui l’environnent, il ne peut plus inspirer de confiance à la nation (2). Or, le peuple ne peut être rassuré : il ne peut trouver de garants certains que dans des membres choisis dans son sein pour composer un conseil d’exécution. Je prie qu’on écoute cette idée avec le calme de la raison, et qu’on ne la repousse par aucune prévention particulière; elle est aussi grande en elle-même que salutaire dans ses effets; et il n’en est pas, j’ose le dire, qui convienne même à notre position actuelle. Pour les affaires les plus simples de la vie, on donne un conseil à un homme qui ne peut pas administrer ses biens, qui est incapable de stipuler ses droits; et lorsqu’il s’agit des plus giands intérêts dont un homme puisse jamais ê re chargé ; lorsqu’il s’agit de gouverner une nation entière , on ne donnerait pas un conseil au chef dont la faiblesse et l’incapacité mettent à chaque instant la chose publique en péril ! Rien, sans doute, ne serait plus extravagant. Le cas, je le sais, n’est pas prévu par notre Constitution; mais, d’abord, elle n’est pas finie; et combien d’autres cas n’ont été ni prévus ni déterminés! Si un roi tombait dans une imbécillité absolue, le remê le n’existe pas non plus (1) Cette opinion a été publiée et distribuée parM. Pé-tion au cours des débats sur les événements relatifs à la fuite du roi et de sa famille; elle se rattache donc aux documents parlementaires de cette époque, et c’est à ce titre que nous la publions. (2) Je ne me suis pas donné le temps de relire ni de revoir les épreuves; le moment était pressant : si quelques fautes m’étaient échappées, on me les pardonnera. (Note de l'opinant .) 272 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. dans notre Constitution, il faudrait cependant bien le trouver. S’il venait ensuite à recouvrer le sens et la raison, il faudrait bien le rétablir dans ses droits. On ne peut donc pas argumenter de ce qu’un cas n’est pas prévu ; mais il faut examiner ce que la justice et la raison indiquent lorsqu’il survient: or ici elles sont d’accord pour qu’on nomme un conseil. C’est changer la forme de gouvernement ; c’est dénaturer la Constitution, ne manquera-t-on pas de dire. Je réponds, moi, que ce n’est rien détruire ; que c’est perfectionner la forme du gouvernement, sans altérer la Constitution. Rien n’empêche avec un conseil de conserver la Constitution dans toutes ses parties, et telle qu’elle a été décrétée ; rien n’empêche avec un conseil d’avoir un roi; rien n’empêche avec un conseil que la royauté soit héréditaire. Le seul, l’unique changement que vous faites, c’est d’entourer le chef du pouvoir exécutif d’un certain nombre de représentants du peuple électifs et temporaires. Les rois n’ont-ils pas toujours eu, n’ont-ils pas un conseil, et dont ils sont les esclaves? Ne sont-ce pas les ministres assemblés qui délibèrent et gouvernent? Je sais bien que les ministres sont choisis par le chef du pouvoir exécutif ; qu’il les consulte sans être obligé de suivre leurs opinions; qu’il les garde ou les renvoie à son gré ; mais il n’en est pas moins vrai que ces commis sont les maîtres; que nécessairement leurs avis sont des décisions; qu’il est impossible qu’un roi, quelque instruit qu’on le suppose, ne s’en rapporte pas aveuglement à eux sur une multitude d’objets importants ; que le règne de ces ministres-rois est plus ou moins long; et que le chef ne fait usage de sa puissance qu’en la déposant, pour passer bientôt sous la domination et l’empire de ceux qui leur succèdent. Ce n’est pas, comme on peut bien le penser, que je fasse du conseil un ministère ; je ne le dégrade pas à ce point : le ministère n’en existerait pas moins tel qu’il a lieu aujourd’hui. Les ministres rempliraient auprès du conseil les mêmes fonctions qu’ils remplissent aujourd’hui auprès du roi ; ils assisteraientaux délibérations avec voix consultative: au lieu de parler devant le roi seul, ils parleraient devant le roi et le cou-seil réunis, attendu que le roi et le conseil ne sont qu’un. Pourquoi paraîtrait-il extraordinaire que le pouvoir exécutif fût entre les mains des représentants du peuple, comme l’est le pouvoir législatif, et en quoi la Constitution en serait-elle altérée? Le roi en serait-il moins le chef de ce pouvoir exécutif? Ne le transmettrait-il pas de même à sa famille ? Mais voici maintenant ce que la Constitution y gagnerait. Le pouvoir exécutif tend sans cesse à envahir. Cette vérité est fondée sur l’expérience de tous les siècles, sur la nature des choses. Les rois qui succèdent héréditairement à une autorité la regardent comme une propriété de famille, et perdent bientôt de vue la source d’où elle émane. Ne rentrant jamais dans la classe des citoyens, les dominant sans cesse , ils se regardent comme d’une nature supérieure; l’habitude du pouvoir les corrompt; ils se font un intérêt à part de celui de la nation ; ils ne laissent échapper aucune occasion d’agrandir leur puissance; ils ont, pour y parvenir, ce terrible avantage d’être un centre d’unité, de pouvoir mettre delà [14 juillet 1791.] suite dans leurs projets, d’en préparer l’exécution par une force toujours active, et de ne rencontrer que des résistances passagères et partielles. Le pouvoir exécutif est dans un état perpétuel de guerre avec le pouvoir législatif; il ne le voit u’avec ombrage et comme un rival qu’il faut étruire : s’il ne peut le renverser par la force, il s’étudie constamment à le corrompre; et ces luttes éternelles sont presque toujours funestes au peuple et à sa liberté. Si le pouvoir exécutif était environné de représentants du peuple; si son action était influencée par ces représentants, tout changerait alors de face. Des citoyens qui participeraient passagèrement à l’exercice de ce pouvoir ne seraient pas tentés d’en faire un mauvais usage. Que dis-je, ils seraient intéressés à le bien diriger, à ne pas protéger des desseins dangereux contre la nation, à entretenir la paix et l’harmonie; ils ne diviseraient pas pour régner ; ils ne souffriraient pas que de petits intérêts de famille, qu’un faux point d’honneur, que de méprisables tracasseries de cour nous suscitassent des guerres sanglantes, et fissent verser l’or et le sang de leurs concitoyens ; ils s’opposeraient à ces dilapidations scandaleuses qui ruinent les nations et jetteut le peuple dans la plus affreuse misère. Avec un conseil électif, le gouvernement n’est plus sans cesse vacillant, et à la merci des caprices et des vices d’un seul homme, ou, si l’on veut, d’agents trop souvent corrompus, qui, tantôt par des lenteurs affectées, tantôt par une inaction absolue, et enfin par des subterfuges de toute espèce, suspendent le cours des lois qui leur déplaisent, en préparent et en provoquent même l’infraction. Le chef du pouvoir exécutif, quoique investi d’une grande autorité, n’aurait plus cependant cette puissance colossale qui menace à chaque instant de tout engloutir; il ne serait plus un centreaussi redoutable de corruption ; les citoyens ne seraient plus obligés de sacrifier à la terreur, ou de se dégrader par la bassesse, les passions viles ne l s conduisant à rien, ils conserveraient la dignité d’hommes libres; ils sentiraient que leur sort ne dépend pas du caprice d’un seul, ou, pour mieux dire, de tous les suppôts méprisables qui l’entourent; que partout ils ont des représentants; qu’ils doivent dès lors ne rien attendre que de la justice et de la loi. Le chef du pouvoir exécutif ne serait plus dans la dépendance d’intrigants, d’hommes corrompus qui gouvernent sous son nom, qui placent et déplacent les ministres, qui distribuent les grâces et les faveurs à leurs créatures. Le chef du pouvoir exécutif n'aurait plus, par l’exemple d’une cour trop souvent corrompue, d’un faste insolent, d’un luxe scandaleux, cette prodigieuse influence sur les mœurs publiques d’une nation naturellement imitatrice; et combien d’autres abus disparaîtraient! On ne peut pas calculer les maux qui découlent d’un principe vicieux. On me dira que, par cette institution, j’affaiblis l’autorité du pouvoir exécutif, et moi je dis que je ne touche qu’au superflu, qu’à ce qui est dangereux; que l’action accessoire à son exercice reste dans toute sa force. Je n’ai pas besoin de rappeler que tous les pouvoirs sont créé3 pour l’utilité de la nation, et non pas pour l’avantage particulier de ceux qui les exercent; qu’il ne faut consulter ici ni l’ambition, ni la vanité infatigable de ceux qui sont habitués à gouverner, 1 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juillet 1791.] ni les vieux préjugés, mais seulement ce que l'intérêt général et la conservation de notre liberté exigent. Je m’attends à une autre objection qu’on répand depuis quelque temps avec adresse et avec mystère, ài’ aide de laquelle on épouvante les imaginations faibles, on séduit les esprits irréfléchis, et on jelte de la défaveur sur les opinions. Vous nous conduisez à une République, dit-on; et à ce mot magique on réveille les idées confuses des anciennes républiques de la Grèce et de Rome ; on se persuade que déjà nous allons délibérer dans les places publiques, que nous serons sans chef; que des ambitieux éloquents et adroits vont s’emparer du peuple, se disputer tour à tour l'autorité, et donner au gouvernement des secousses violentes et continuelles. On voit ce gouvernement mobile changer à chaque instant de formes; et au milieu de ces vicissitudes, aucun repos ; les propriétés chancelantes, les droits poliliques des citoyens, vacillants et incertains; la liberté individuelle sans cesse agitée et compromise; les départements se métamorphoser insensiblement en républiques fédérées, semblables à celles de l'Amérique. Eh bien! ce sont là de vains fantômes d’imaginations en délire : ne nous laissons pas épouvanter ; que les mo!s ici ne nous séduisent ni ne nous effrayent. On a souvent à la bouche le mot République, et on ne s’entend pas; il s’en faut beaucoup que toutes les républiques se ressemblent, et il est des gouvernements absolus que je préfère à certaines républiques; et sans entrer à cet égard dans aucune discussion sur les théories des gouvernements, je déclare qu’il ne s’agit pas dans cet instant de changer un seul ressort de notre organisation actuelle; que la représentation, que la division des pouvoirs, que l’admi-nistratioD, que tout le régime social enfin doit rester tel qu’il a été décrété; qu’il est question uniquement de donner au chef du pouvoir exécutif un conseil composé de représentants du peuple. C’est un Sénat, observera-t-on; et nous n’en avons point placé dans notre Constitution. Voilà encore des mots, et toujours pour égarer les esprits. Une fois pour toutes, laissons les mots, et attachons-nous aux choses. Est-ce là le Sénat de Rome ou celui de tout autre peuple de l’antiquité? De quels éléments est-il formé? De représentants ou peuple. Quelles sont ces fonctions? Participe-t-il avec le Corps législatif à la formation de la loi? Se trouve-t-il en aucun cas en concurrence avec lui? Non : c’est tout simplement un conseil d’exécution, mais infiniment précieux et indispensable dans les circonstances présentes. Ce conseil ne blesse nullement l’esprit de la Constitution; et enfin, si son utilité est démontrée, l’intérêt général fait la loi do t’adopter. Vous n’avez pas prétendu sans doute que tout ce que vous avez établi est parfait, que rien ne puisse être changé, et vous n’avez pas renoncé à perfectionner votre ouvrage. La seule chose qui, au premier aperçu, fait naître une espèce d’hésitation, c’est que le pouvoir exécutif paraît partagé, mais il ne cesse pas de conserver son centre d’unité. Le roi en est toujours le chef, la délibération est une, le résultat un : ce sont des représentants du peuple, substitués à des ministres qui ne doivent être, à la vérité, que de simples commis, mais qui dans le faits sont les chefs et les maîtres. Avec cette organisation, ne manquera-t-on pas lre Série. T. XXVIII. 273 de dire, tous ceux qui composeront le pouvoir exécutif étant égaux, il s’établira entre eux une rivalité funesle; chacun cherchera à prendre de l’ascendant, à s’emparer du pouvoir; des partis se formeront, des chefs se mettront à la tête; et le pouvoir qui a le plus besoin d’harmonie, d’unité d’action, de célérité dans sa marche, se trouvera divisé, déchiré, et les rouages de la machine seront arrêtés à chaque pas s’ils ne sont pas entièrement brisés. Il serait facile de prouver que, quand bien même tous les membres du pouvoir exécutif seraient égaux entre eux, cette crainte serait chimérique, et qu’il ne faut pas faire de grands efforts d’imagination pour trouver des règles qui entretiennent le bon ordre et qui établissent le concert dans les opérations; mais il est inutile rie se livrer à un semblable examen. Il est évident pour tous les esprits que le roi étant chef inamovible et héréditaire de ce pouvoir, tandis que ceux qui l’environnent sont électifs et temporaires, toutes les ambitions viennent se briser contre cet écueil; et il n’est pas un seul membre du conseil d’exécution assez insensé pour prétendre à une place qui est déférée d’avance par la loi. Il n’est pas plus embarrassant de répondre à tout ce qu’on peut alléguer sur la célérité dans l’exécution, il est une multitude d’affaires journalières et de détail auxquelles l’usage donne une marche rapide, qui ne demandent aucune délibération, qu’il suffit de remettre dans les bureaux pour les envois et l’expédition : quant à celles qui exigent une discussion préliminaire, que ce soit des représentants du peuple, que ce soit des ministres qui se livrent à cette discussion, comme cela se pratique maintenant, peu importe : il n’y aurait que dans le cas où le conseil serait très nombreux, qu’on pourrait craindre quelques retards ; alors il s’agit de limiter avec sagesse le nombre des membres qui doivent le composer. Quant à l’esprit de suite dans les opérations, il serait mieux conservé avec un conseil qu’avec des ministres qui changent et se renouvellent sans cesse, et qui mettent de l’amour-propre à détruire l’ouvrage de leurs prédécesseurs. Au reste, il ne faut pourtant pas attacher trop d’importance à cet esprit de suite, à cette tradition dont on fait beaucoup de bruit et qui, en dernière analyse, se réduit à bien peu de chose. Eh bien ! je le pense dans la sincérité de mon cœur, et peut-être beaucoup d’autres seront de mon avis ; je pense qu’un roi vraiment digne de l’être, qu’un roi, qui voudrait franchement et son bonheur et celui de la nation, doit désirer un semblable conseil. Par là il évite et ces réclamations nombreuses, et ces plaintes, et ces sollicitations importunes qui assiègent le trône et troublent le repos des rois : il se met à l’abri de tout soupçon, de toute calomnie; rien ne peut lui êlrc imputé ; eu paix avec lui-même, il l’est aussi avec le peuple ; et, si on lui adresse des hommages, ils sont purs et ne sont mêlés d’aucune amertume. Que reste-t-il à dire maintenant? Il n’y a plus que îles difficultés de détail, qui mériteraient à peine de fixer l’attention, si l’expérience ne prouvait pas que les esprits faibles s’y attachent fortement, et que, laissant de côté le fond du meilleur système, ils le rejettent au moindre obstacle que leur présente le plus petit moyen d’exécution. Comment élira-t-on ce conseil? Quel sera le nombre des membres qui le compo-18 274 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMEÎS 1 AIRES, seront? Quelle sera la durée de leurs fonctions? Ces points peuvent présenter une longue diversité d’upinions. Il me semble que le choix doit être fait par les corps élec oraux des départements ; il est évident que l'Assemblée nationale ne peut se charger de le faire. Mai tenant chaque corps électoral, après avoir nommé les nm mines de la législature, pourrait élire un membte du conseil d’exécutb n ; mais comme le nombre de 83 serait trop considérable pour composer le conseil, ces m mbres pourraient choisir entre eux le nombre dé. idé nécessaire, ou bien sans passer à cetie nouvelle élection, on pi urrail procéder à une ré ludion, et le sort déciderait des sujets, qui seraient du conseil. On pourrait faire usage d’une autre méthode, qui a été employée pour le choix des membres du tribunal de cassation. Après avoir déterminé le nombre d’individus qui uoit former le conseil, on mettrait les noms de tous les départements dans une urne; et les premiers qui sortiraient seraient ceux à qui ou attribuerait le droit d’élire ; les autres seraient ainsi, par la voie du sort, successivement appelés à nommer. Ce dernier procédé est celui auquel je m’arrête, attendu qu’il a déjà été accueilli par l’Assemblée. Le nombre des membres pourrait ê re fixé à 10, et l’exercice de leurs fonctions être limité à 2 années. Chaque corps électmal serait libre de les choisir dans toute l’étendue du royaume. Comme les membres du Corps législatif, ils seraient inviolables, et ne pourraient être recherchés pour aucun des objets relatifs à leurs fonctions. Voilà en abrégé le plan de l’organisation d’un conseil d’exécution électif. 11 est susceptible de plus grands développements ; mais je pense en avoir dit assez pour en faire sentir l’importance, les avantages, j’ajouterai l’indispensable nécessité daus les circonstances actuelles. J’ai l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant : « Art. 1er. Le conseil d’exécution sera composé de 10 membres qui seront nommés par les corps électoraux des départements. « Art. 2. Les corps ébetoraux ne seront pas tenus de circonscrite leurs choix dans les limites de leurs départements , iis pourront les étendre sur tous les citoyens de l’Empire. « An. 3. L’Assemblée nationale tirera au sort les 10 dépar ements qui choisiront les premiers, et les autres seront successivement appelés par la mè ne voie à élire lorsqu’il sera question de faire de nouveaux choix. « Art. 4. Les membres nommés seront en place pour 2 années, sans pouvoir être prorogés sous aucun prétexte. « Ari. 5. Les membres de ce conseil seront inviolables, et ne pourront être recherchés pour les opérations relatives à l’exercice de leurs fonctions. « Art. 6. Le roi sera le chef de ce conseil. « Art. 7. Aucune uécis on ne sera pose dans le cons il qu’à la majorité des voix, et il devra être composé d’an motus 7 membres. « Art. 8. Les ministres y seront admis avec voix consultative. » 114 juillet 1791. j DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 14 JUILLET 1791, AU MATIN. Opinion de M. Malouet sur cette question : LE KOI PEUT-IL ÊTRE MIS EN JUGEMENT? (1) M<’s Meurs, l’avis énoncé par vos comités et les dispositions de l’Assemblée suffiraient pour nous pr server du danger des nouvelles opinions sur la s tuation du roi et le caractère essentiel do la royauté, si ce n’était déjà un malheur d’avoir à les combattre. Ce n’e.-t pas assez maimenant d’attaquer, il faudrait, pour la tranquillité de l’Empire, éteindre tout à fait ce nouveau fanatisme, plus dangeieux, plus dévastateur que celui de ia superstition. Mais vous □'abandonnerez point les destinées de cet Empire aux systèmes de ces hommes hardis, qui, dédaignant la sagesse et l’expérience des Mècles, ne trouvent de sagesse que dans leur frésomp-tion et leur audace; qui oseraient reconstruire sur de nouveaux fondements l’édifice social, et ne craignent point de nous offrir leur parole et leurs systèmes, comme le gage assuré du repos et du bonheur de 25 millions d’hommes. Entourons-nous, Messieurs, de pl is solides appuis : la liberté appartient aux hommes sages et courageux qui savent s’en saisir, mais elle n’habiia jamais le pays des chimères et des exagérations coupables : or, ce sont là les bases du système que je combats. L’àMs plus sage de vos comités présente cependant quelques principes que je n’admets point dans toute leur latitude, ni dans leur réticence; mais je m’unis à leur intention, qui est de conserver la liberté, la m< narcliie. Eh ! pourquoi faut-il, Messieurs, que, dans nos dissentiments, vous ne comptiez pas pour amis tous ceux qui veulent aussi la liberté, ia mo-narch e? Avons-nous d’autres ennemis que ceux qui veulent attaquer l’une ou l’autre? Vous voulez conserver la monarchie I Ne laissez donc pas prendre poste à ses ennemis ; ne souffrez pas le renversement des principes conservateurs de la monarchie; car ils sont aussi, pour une grande nation, les principes conservateurs de la liberté! Pourquoi permettriez-vous que, dans la circonstance où nous sommes, on posât de nouveaux principes contradictoires à ceux que vous avez consacres vous-mêmes, et auxquels nous avons tous juré d’être tidéles? Par quel abus de raisonnement se permet-on d’appeler principes toute proposition nouvelle qui détruit les maximes fondamentales de votre Constitution ! Ne cherchez pas davantage clans ia théorie des conventions internationales, qui nous est peu connue, ni dans l’histoire des révolutions des Empires, des exemples ou des règles de conduite applicables au cas où nous sommes; celte circonstance est unique daus les annales du monde : Louis XVI est le premier roi qui, environné dès son berceau du prestige du trône et du pouvoir absolu, en ait volontairement abjuré l’investiture. Avant vous, pourriez-vous l’oublier! il a reconnu, tans provocation, le droit du peuple (1) Voy. ci-dessus, même séance, la discussion sur cet objet.