[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juin 1790.] 229 M. lie Chapelier fait hommage à l’Assemblée, au nom du sieur Hélie, citoyen de la ville de Rennes, d’un Traité sur la morve des chevaux. Ce traité est renvoyé aux comités de commerce et d’agriculture. M. lia Réveillère de Lépeaux donne connaissance à l’Assemblée d’un acte de désintéressement et de bienfaisance fait par les bas-officiers et cavaliers du régiment de Royal-Pi-cardie, cavalerie, qui ont fait distribuer aux pauvres de la ville d’Angers, que la cherté du pain rend malheureux, la somme de 662 livres, dont les avait gratifiés l’assemblée des électeurs tenue à Angers pour la formation du département, comme preuve de leur satisfaction pour les soins constants qu’ils se sont donné pour la sûreté, la police et l’ordre extérieur du lieu des séauces. L’Assemblée nationale témoigne sa satisfaction de ce trait, où elle reconnaît l’esprit du soldat français, et ordonne qu’il en sera fait mention dans son procès-verbal. M. Henri de Longuève communique une délibération de la ville de Briare, qui demande l’autorisation d’établir un rôle de supplément pour faire face à des dépenses extraordinaires. Cette affaire est renvoyée au comité des finances. M. le prince de Broglie présente une adresse des juifs d’Alsace. Elle est renvoyée au comité de Constitution. M. Morin présente une délibération de l’Assemblée primaire des citoyens actifs du canton de Canet au district de Narbonne, département de l’Aude, portant acceptation et approbation de la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, acceptée ou sanctionnée par le roi. Cette délibération contenant diverses pétitions relatives aux dîmes et aux droits féodaux, l’Assemblée nationale la renvoie au comité des dîmes et à celui de féodalité. M. Melon de Pradou présente une adresse du présidial de la ville de Tulle, qui supplie l’Assemblée nationale de commettre un tribunal pour prononcer sur l’inculpation que le procureur du roi, au même siège, s’est permise contre les membres du présidial. Le présidial de Tulle demande pareillement que l’Assemblée commette un tribunal pour juger les prévenus détenus dans les prisons de la ville de Tulle. L’Assemblée nationale décrète la mention de l’adresse dans son procès-verbal et le renvoi au comité des rapports. L'ordre du jour est un rapport du comité des rapports sur l'affaire de Nîmes. M. de Macaye, rapporteur. Messieurs, des troubles affligeants sont survenus dans la ville de Nîmes : l’explosion qu’ils ont déjà occasionnée, leur liaison et leur rapport avec ces semences de discorde religieuse qui fermentent dans la partie méridionale de la France, vous paraîtront sans doute mériter l'attention la plus sérieuse et exiger les soins les plus efficaces. Votre comité des recherches ne vous entretiendra pas, dans ce moment, des dénonciations faites contre la municipalité de Nîmes, l’instruction sur cette partie n’ayant pas encore reçu le degré de perfection qui lui est nécessaire pour être présentée à l’Assemblée nationale. Le rapport que je vais vous faire au nom de votre comité des rapports ne roulera que sur une délibération prise, le 20 avril dernier, par des soi-disant catholiques de Nîmes. Votre comité vous parlera aussi de la nécessité indispensable d’ordonner la preuve des faits qui lui ont été dénoncés. Ces prétendus catholiques se sont livrés publiquement à des injures réfléchies et impardonnables contre l’Assemblée nationale et le roi. Ils ont osé diffamer dans l’opinion publique les décrets des législateurs et les actes du pouvoir. Ils ont présenté le monarque comme esclave au milieu de son peuple. Non contente de se livrer à cet excès de démence, cette foule égarée a mis tout en usage pour propager le fanatisme qui l’agitait. L’acte monstrueux qui en a été le fruit a été publié, et l’on n’a pas craint de le porter jusque dans le sanctuaire des lois et jusqu’au pied du trône. C’est contre de pareils attentats que plusieurs municipalités invoquent l’autorité suprême. Arrêtons le mal lorsqu’il en est temps encore, et rendons des décisions qui dissipent les prestiges dont on tâche d’environner les peuples. C’est cette décision que sollicite votre comité. Concluez les principes de justice rigoureuse avec l’intérêt du bien public ; cherchez un moyen qui assure la punition des coupables, maintienne le respect dû à la religion, et range tous les cœurs à des sentiments de paix et de fraternité. La délibération contre laquelle vous avez à sévir vous en offre tous les moyens. Dix des signataires se sont, en quelque sorte, proclamés les chefs de cette ligue téméraire. Ce sont eux qui sont les principaux et peut-être les seuls auteurs du délit; c’est sur eux que doit frapper directement le châtiment. Que votre jugement intimide à jamais quiconque oserait égarer ce peuple facile, mais généreux, qu’on ne précipite dans l’erreur qu’en empruntant le masque des vertus qu’il idolâtre. J’ajoute ici, Messieurs, que, depuis le premier rapport, il a été remis au comité une nouvelle délibération, en date du 1er juin. Dans cet état de choses, le comité, persuadé qu’au moment où les assemblées primaires se forment il est de votre prudence d’en écarter ces esprits dangereux qui pourraient y porter le trouble et y introduire des principes depuis longtemps proscrits, yous propose de décréter: « Que lesdits particuliers qui ont signé, comme commissaires, la délibération des soi-disant catholiques de Nîmes, et les nouveaux signataires du 1er de ce mois, seront mandés à la barre, danstel délai qu’il vous plaira fixer, et qu’en attendant qu’ils aient obéi à votre décret ils seront privés provisoirement des droits attachés à la qualité de citoyens actifs. » Quant au surplus, le comité recevant chaque jour un très grand nombre de pièces relatives aux troubles de la ville de Nîmes, et des pièces ne pouvant seules fixer son opinion, votre comité vous propose d’ordonner que votre président se retirera vers le roi pour le supplier de faire informer sur les faits tels qu’ils sont exposés dans le mémoire dont je vais avoir l’honneur de vous faire lecture. Il vient d’être remis à votre comité une délibération des soi-disant catholiques d’Uzès. Gomme cette délibération est une adhésion à celle de Nîmes, et qu’elle contient les mêmes principes, votre comité vous proposera de décréter que les individus qui ont signé ladite délibération soient traités comme ceux qui ont signé celle de Nîmes. Je vais actuellement vous faire lecture des faits dont la preuve est offerte. {On demande si le mé~ 230 [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [15 juin 1790. moire est signé.) Le mémoire tie l’est pas, mais il était joint à une lettre d’eûvoi qui est signée. M. de Laehéze. Il n'est pas de la dignité de l’Assemblée de souffrir la lecture d'une pièce anonyme. Qui vous assurera de la vérité des faits qui y sont constatés ? M. l’abbé Maury. Si les faits énoncés étaient soutenus par des preuves, on ne demanderait pas la preuve des faits. (Quelques minutes se passent dans le tumulte.) L’Assemblée décide que M. le rapporteur sera entendu jusqu’à la fin, sans être interrompu. M.deMacaye. Faits dont la preuve est offerte: 1° Complot fait pour exclure les protestants de la municipalité, et, pour cet effet, discours incendiaires dans les églises. M. l’abbé Maury. Je né connais point d'accu-sations sans accusateurs. M. le comte de Fancigny-Lucioge. Je demande que M. le rapporteur soit mis à l’ordre. Il ne peut rapporter que des pièces probantes, et c'est un libelle qu’il nous lit. M. lie Chapelier. Si on continue d’empêcher la lecture, je prouverai que la pièce doit être lue. M. de Macaye. Assemblées nocturnes dans les pénitents et autres; distribution d’argent et de listes par dès prêtres et autres personnes à eux affidées. 2* Exhortations par des prêtres et autres à des particuliers, pour ne pas faire leur déclaration pour la contribution patriotique, en disant qu’il n’y avait que des sots qui en faisaient; que c’était autant de perdu; que la banqueroute était inévitable, et que les députés à l’Assemblée nationale dévoraient les revenus de l’Etat. M. le comte de Faucigny. Il est bien singulier qu’on nous dise tant de sottises, et que nous le souffrions. M. de Macaye. 3° Discours séditieux d’un prêtre, disant que la contre-révolution était inévitable, et que pour l’effectuer il fallait du sang, et qui excitait, pour cet effet, les catholiques à rechercher querelle aux protestants. 4° Sollicitations faites par un notable pour engager les femmes à s’attrouper devant l’église des Capucins, pour s’opposer à l’inventaire du mobilier de la maison religieuse. 5° Assemblées secrètes de plusieurs légionnaires, un capitaine ayant dit qu’il était temps de faire tous les efforts possibles pour détruire l’Assemblée nationale, et que, pour cet effet, il fallait employer toutes les forces. 6° Fabrication de fourches par M. Coeffet, serrurier, par ordre de M. Froment, capitaine de l’une des compagnies de la légion, qui ies a enfermées dans un moulin à huile. 7° Gris par des gens en cocarde blanche, devant la maison du maire, le dimanche 2 mai ; qu’ils ne quitteraient les cocardes blanches que quand elles seraient rougies du sang des protestants. 8° Ledit jour dimanche� sur le Cours, un nommé Fleury fut assomme à coups de crosse de fusil par des gens en cocardes blanches, les officiers municipaux présents ; le maire relève ledit Fleury, etordenne aux valets de ville de le conduire en prison, laissant les assaillants impunis. Le public indigne enlève le malheureux des mains des valets de ville. ( Il s’élève de grands murmures .) M. le baron de Marguerites, député à l’Assemblée nationale, et maire de Nîmes, se rend à la barre et demande la parole. M. le comte de Faucigny. Je dénonce lé rapporteur aü comité des recherches. M.le comte de Mirabeau demande la parole sur une question d’ordre. L’Assemblée décide qu’il sera entendu. M. le comte de Mirabeau. Messieurs, je me serais bien gardé4 d’interrompre le rapporteur, si, contre toute discipline, il ne l’avait déjà été avec un acharnement qui ne peut être vaincu qu’en posant la question d’une autre manière ; je demande s’il peut y avoir quelque espèce de raison à exiger que le comité des recherches ne puisse présenter qu’une pièce signée lorsqu’elle n’est que l’initiative de l’information; comme si le rapporteur était libre dans son choix, le vous demande s’il n’aurait pas prévariqué, s’il se réservait particulièrement telle ou telle pièce 2 Je vous demande si l’Assemblée n’est pas juge de leur validité, si le comité n’a pas été institué pour ces sortes d’informations, malheureusement si nécessaires? Les faits sont vrais ou ils sont faux; s’ils sont vrais, comme certaine crainte, certaine opiniâtreté, certain tumulte nous donnent droit de le présumer, ils ne peuvent être connus qu’en laissant achever paisiblement l’énonciation et développer leur information. S’ils sont faux, qu’en redoute-t-on? Quel étrange scrupule pourrait en arrêter la lecture au milieu des libelles qui nous environnent ? M. Duval d’Epremesnil. Je crois rêver en entendant de pareils principes dans la tribune. . M. le comte de Mirabeau. J’espère n'être l’objet d’aucun rêve lorsque je demande une chose aussi simple que la lecture d’ün rapport commencé. Qu’il me soit permis de saisir cette occasion pour dire qu’il est impossible de donner quelque dignité à cette Assemblée Sans qu’elle ait établi une échelle des degrés de peines pour sa police intérieure. Je réclame l’exécution d’un décret sans lequel des intérêts privés donnent à cette Assemblée un air de tumulte tout à fait indigne d’elle. (L’Assemblée décide qu’il lui sera présenté dimanche un règlement de police par des commissaires nommés à cet effet.) M. Duval d’Fprémesnil. Je demande la parole pour répondre à M. de Mirabeau. M. Rewbelï. Je demande qu'on rappelle à l’ordre M. Duval d’Ëprèmesnil, qui, au mépris de nos décrets, ne porte pas le deuil de Francklin. (Toute la partie gauche se lève et demande la continuation du rapport.) M. Duval d’Fprémesnil. Ou demande que je ne sois pas entendu ; c’est une motion ; je veux être entendu sur cette motion. L’Assemblée décide que M» Duval d’Eprémesnil sera entendu.